En direct du CIDAE - Clinic n° 02 du 01/02/2018
 

Clinic n° 02 du 01/02/2018

 

REPORTAGE

Elsa DREYFUS-SCHMIDT*   Charlotte RITTER**  


*AHU Paris-Descartes
Exercice Libéral
Paris
**Exercice Libéral
Paris

Une même passion, la dentisterie adhésive et esthétique : 1200 participants de 14 pays différents se sont réunis au Mont des Arts à Bruxelles les 15 et 16 décembre 2017 pour la 5e édition de la Conférence internationale de dentisterie adhésive et esthétique (CIDAE).

Alternance de didactisme et de pédagogie, les présentations de la CIDAE, avec leur dimension spectaculaire, incarnent ce juste équilibre entre la formation et la passion du métier avec, toujours, le souci de l’excellence. Au programme de cette édition, les participants ont pu découvrir de nombreuses innovations, et écouter des ténors de la dentisterie des quatre coins du monde, dans une ambiance confraternelle et chaleureuse.

Jeu cas clinique. La problématique de l’érosion

Attal Jean-Pierre Attal est maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, responsable du département de Biomatériaux de l’université de Paris Descartes. Il a écrit plus de 300 publications, dont des dizaines internationales. Il nous expose un cas clinique à résoudre pendant le congrès.

Un patient de 35 ans, en bonne santé générale, présente des édentements unitaires anciens non compensés de 36 et 46, et une bonne santé parodontale et articulaire. Les contacts occlusaux sont nombreux, symétriques et bien équilibrés en intensité. Les bords libres et les faces palatines des incisives maxillaires sont usés sévèrement. Les faces occlusales des dents cuspides sont intactes. Le patient souffre de reflux gastro-œsophagien (RGO).

Il consulte car il est inquiet de la « diminution de ses dents de devant ». Il souhaite retrouver des incisives de taille normale et plus blanches (fig. 1).

Comment dépiste-t-on un RGO ? Quels sont les signes cliniques qui orientent vers une acidité d’origine gastrique ? Quelle ?attitude adopter si le gastro-entérologue ne diagnostique pas de RGO ?

Le reflux gastro-œsophagien est la remontée intermittente du contenu gastrique dans l’œsophage en raison d’une défaillance de la barrière anti-reflux (sphincter œsophagien) [1]. Il est présent chez 20 à 40 % des adultes dans les pays développés. Les symptômes sont des brûlures et des douleurs épigastriques (œsophagite), une toux chronique inexpliquée, de l’asthme, des laryngites et des érosions dentaires.

Le diagnostic est confirmé par une pH-métrie œsophagienne qui mesure pendant plusieurs heures le pH de l’œsophage. Le diagnostic est confirmé pour un pH supérieur à 5. Cet examen est fiable dans 96 % des cas.

Quelles sont les objectifs de traitement ?

• La protection des faces palatines de l’usure chimique.

• La restauration des pertes de substance antérieures en redonnant une forme naturelle.

• Le comblement des édentements de 46 et 36 par prothèses implanto-portées.

• L’éclaircissement des dents.

Quelle proposition de traitement peut-on faire ?

• Temps orthodontique pour obtenir l’espace prothétique antérieur nécessaire.

• Facettes palatines en composite (fig. 2 et 3).

• Éclaircissement ambulatoire externe.

• Raccord vestibulaire en composite (fig. 4 et 5).

• Implants et prothèses implanto-portées sur 46 et 36.

Peut-on éclaircir les dents érodées ? Avec quel protocole ? Et quel est le pronostic ?

Les dents érodées ne présentent pas de contre-indication à l’éclaircissement ambulatoire externe en utilisant du peroxyde de carbamide à 10 %.

L’émail joue un rôle important dans le résultat de l’éclaircissement et, dans ce cas clinique, l’émail vestibulaire n’est pas atteint sur les portions d’incisives résiduelles. Il n’y a donc aucune raison que le résultat obtenu ne soit pas satisfaisant.

Si vous indiquez des facettes, quel matériau sélectionnez-vous et pourquoi ?

Le composite est le matériau idéal des facettes palatines pour :

• permettre facilement les raccords vestibulaires après un simple fraisage de sablage ;

• permettre la préparation en vue de facettes vestibulaires en technique bilaminaire ;

• éviter l’usure des dents naturelles antagonistes.

Rencontre entre technique et clinique

Installés dans le golfe de Saint-Tropez depuis 2005, Hélène et Didier Crescenzo dirigent un laboratoire de prothèse hors norme proposant un travail artisanal de haut niveau, le laboratoire Esthetic Oral. Ils partagent leur grande connaissance du travail de prothésiste, de la dentisterie et des matériaux, par des conférences dans le monde entier et la publication de nombreux articles. Ils possèdent une connaissance des problématiques cliniques qui leur donne une importante valeur ajoutée pour leurs réalisations et qui est appréciée par leurs praticiens correspondants.

La dentisterie moderne leur a ouvert une nouvelle réflexion au travers de la notion de « gradient thérapeutique » qui favorise la conservation tissulaire. Ils ont eu l’idée de proposer un « gradient des réalisations prothétiques », du chips au bridge complet, selon le même esprit. Leurs approche, analyse et étude reposent sur ce principe. Ils sont depuis 5 ans les concepteurs et formateurs d’un système de pré-visualisation esthétique digitalisée, le VEP (Virtual Esthetic Project). Tous leurs travaux passent par une étude de wax-up suivi du mock-up en clinique.

Ils ont développé des techniques pour travailler à distance, améliorer la précision en méthode traditionnelle avec la technique CPC. Ils ont développé leurs connaissances cliniques, ce qui les a amené à comprendre les limites des matériaux dans leur contexte clinique.

Leur présentation aborde les temps par temps de leur laboratoire, avec différentes astuces pour faciliter les étapes cliniques qui suivent leurs parties techniques. Ils exposent ensuite les différentes techniques possibles pour la réalisation de pièces en céramique et détaillent le choix du lingotin de céramique en fonction de l’épaisseur et de la couleur du support, un sujet sur lequel ils ont également beaucoup travaillé, ainsi que le travail de texture de surface. Toutes ces étapes sont incontournables, peu importe l’outil utilisé.

Trois céramiques sont présentées en fonction du support et de la technique de pressé :

• Inline (monochrome) : il s’agit d’une céramique feldspathique renforcée à la leucite pressée sur métal (POM). Elle existe en 7 couleurs, sous forme de lingotin en 2 tailles (XS ou S) ;

• Zirpress (monochrome) : il s’agit d’une vitrocéramique à base de fluoroapatite pour la pressée sur armatures en zircone ;

• E.max Press (monochrome et polychrome) : il s’agit d’une céramique de disilicate de lithium avec pressée sous 2 formes, verticale monochrome et horizontale polychrome.

Notre attention se porte tout particulièrement sur l’e.max, matériau polyvalent disponible également en utilisation cosmétique.

Ce matériau peut être utilisé ou plusieurs techniques pour satisfaire les impératifs mécaniques, fonctionnels et esthétiques des restaurations :

• monolithique : présente la meilleure résistance ;

• cut back : le choix de cette technique se justifie quand l’occlusion est serrée et qu’il est préférable mécaniquement d’avoir un volume plus important de matériau pressé. Dans un premier temps, la morphologie entière de la dent est réalisée par pressée de la céramique. Secondairement, le prothésiste effectue une réduction partielle, puis stratifie avec des effets une couche cosmétique pour améliorer et personnaliser le rendu esthétique ;

• tout stratifié : plusieurs apports de matières avec des masses cervicales, au noyau, de l’opalescence par endroits… Le tout est sculpté avec des micro-craquelures en mélangeant les masse opaques, semi-opaques et translucides.

Ces trois techniques couvrent toutes les indications de traitements unitaires antérieures et postérieures. La diversité des lingotins d’e.max permet d’utiliser cette céramique dans toutes les situations cliniques.

Il faut envoyer au prothésiste des photos de la dent préparée ou du support, sans provisoire. Ces paramètres orientent le choix du lingotin (fig. 1) :

• groupe de luminosité : sombre, moyen ou clair ;

• nature et couleur du support : moignon naturel, implantaire, inlay-core, masquer ou adoucir ;

• couleur désirée ;

• degré d’opacité du lingotin.

Le disilicate de lithium, dans sa version pressée IPS e.max Press en lingotin, nous est proposé selon 5 degrés de translucidité :

• HO : haute opacité, disponible en 3 nuances (HO0, HO1, HO21). Leur forte opacité permet de masquer les préparations fortement dyschromiées aussi bien que les faux moignons métalliques. Les restaurations sont ensuite stratifiées avec les matériaux IPS e.max Ceram. Utilisable sur tout support ;

• MO : moyenne opacité, 5 nuances (de MO0 à MO4). Leur opacité permet de les utiliser pour la réalisation d’armatures sur dents vitales peu dyschromiées. Utilisable sur support dyschromies sans métal ;

• LT : basse translucidité, 16 teintes (A-D & 4 Bleach BL). Leur faible translucidité rend ces lingotins particulièrement adaptés à la fabrication de dents monolithiques (ex. : couronnes postérieures). Le matériau présente une luminosité et une saturation naturelles qui évitent un rendu trop gris des restaurations. La technique du cut-back permet de parfaire l’esthétique des restaurations. Utilisable sur support avec faible dyschromie ;

• MT : moyenne translucidité, 4 teintes (A1, A2, A3, B1) et 3 bleach (BL2, BL3, BL4). Leur translucidité moyenne permet de les utiliser dans les cas nécessitant un matériau plus lumineux qu’un lingotin HT et plus translucide qu’un lingotin LT. Ces restaurations peuvent être caractérisées par maquillage ou cut-back ;

• HT : haute translucidité, 16 nuances A-D & 4 Bleach. Grâce à leur translucidité proche de celle de l’émail naturel, ces lingotins conviennent parfaitement à la réalisation de petites restaurations (ex. : inlays). Grâce à leur « effet caméléon » naturel, elles s’adaptent harmonieusement à la structure dentaire naturelle. Elles peuvent être caractérisées par maquillage. Utilisable sur support sans dyschromie ;

• Impulse O : les lingotins Impulse sont disponibles en 2 degrés de luminosité (Opal 1, Opal 2). Les restaurations réalisées présentent des propriétés opalescentes exceptionnelles. Ce matériau est idéal pour la réalisation de facettes (pelliculaires) sur dents très claires qui requièrent un effet opalescent. Hélène et Didier Crescenzo présentent leur technique de mise en œuvre pour la céramique pressée sur base composite (CPC) mise au point pour améliorer la précision de la méthode traditionnelle [2].

Dans la technique de la cire perdue, même bien maîtrisée, une grande difficulté existe pour réaliser des pièces très fines souvent instables ou déformables sur le modèle. Il est possible de sculpter une pièce grossière dans l’idée d’affiner ensuite la pièce pressée mais les risques d’ébrécher un bord ou de percer la pièce sont importants.

Leur réflexion s’est orientée vers la recherche d’un autre matériau plus compatible pour la pressée, plus stable et moins fragile à utiliser. L’expérimentation s’est faite avec différentes résines composites calcinables sans résidu. La plus performante a été le Ceramill Gel (Amann Girrbach) qui offre une viscosité permettant de travailler à la seringue directement sur le modèle pour réaliser les pièces à presser, sans changer la technique de la cire perdue.

Rien n’est modifié dans le protocole de mise en revêtement, ni dans celui de la pressée, c’est le même que celui de la cire perdue. Toutes les restaurations fines pour la pressée sont réalisées avec ce matériau (fig. 2).

La dentisterie actuelle nous mène vers de grandes évolutions, tant pour le patient, le chirurgien dentiste que le prothésiste dentaire. La microdentisterie englobe une approche moins mutilante pour le patient, des étapes très délicates pour le prothésiste et des techniques cliniques très strictes pour le praticien. Tout cela n’est rendu possible que grâce à une connaissance approfondie des techniques et des matériaux utilisés par le prothésiste et une communication étroite entre le cabinet et le laboratoire.

La dentisterie interdisciplinaire avec l’orthodontie comme partenaire clé de l’équipe

Le Dr Sousa Dias commence à travailler en 2013 après sa formation à l’université de Tel Aviv, il pratique une dentisterie esthétique en collaboration avec des dentistes du monde entier depuis sa clinique au Portugal. Sa présentation, adaptée aux omnipraticiens, a comme objectif de montrer la réalité d’une pratique orthodontique quotidienne intégrée dans un travail d’équipe.

Les deux premiers cas présentés sont des situations de doléances esthétiques « simples » : la volonté de fermer des diastèmes et celle de résoudre un encombrement mandibulaire. Ces objectifs esthétiques sont résolus après quelques mois de traitement orthodontique.

Les cas suivants ont permis, grâce à l’approche orthodontique, de modifier le plan de traitement initialement envisagé par l’omnipraticien afin d’éviter des prises en charges plus invasives et complexes.

Dans le cas n° 1 (fig. 1), la patiente est adressée par son dentiste pour l’intrusion de la 46 afin de recréer un espace prothétique suffisant pour remplacer la 16 absente et rétablir des courbes occlusales satisfaisantes. Elle présente également un encombrement dentaire et un couloir dentaire trop sombre au niveau des molaires ayant une incidence esthétique au sourire. Le sinus maxillaire est très bas, nécessitant un sinus lift avant la pose d’implant en position de la 16.

Les objectifs sont les suivants :

• fermer l’espace au niveau de la 16 ;

• améliorer les rapports entre arcades en diminuant l’overjet ;

• lever la supraclusion ;

• réaliser l’intrusion de la 46 ;

• obtenir une classe 1 canine ;

• améliorer le couloir dentaire en modifiant la position des prémolaires.

L’orthodontiste analyse la situation différemment, il propose alors à l’omnipraticien une nouvelle orientation du plan de traitement avec une solution moins invasive. Après l’extraction de la 48 et de la 25, la pose d’un appareil orthodontique fixe permet de remplir tous les objectifs de traitement orthodontique et d’avancer la 17 afin de fermer l’espace au niveau de la 16 absente. Ce traitement permet d’éviter la chirurgie (sinus et pose d’implant) et de résoudre tous les impératifs esthétiques (fig. 2 et 3).

Tous les patients présentant un édentement unitaire ne sont pas candidats à l’implantologie.

Dans le cas n° 2 (fig. 4), le jeune patient se plaint de la malposition de ses dents maxillaires et de l’encombrement mandibulaire sans avoir réellement conscience des récessions gingivales. Il souhaite améliorer l’esthétique de son sourire.

Le déplacement des dents par le traitement orthodontique dans l’enveloppe osseuse suffit à améliorer les récessions gingivales (fig. 5). Tous les patients avec des récessions gingivales ne nécessitent pas de chirurgie parodontale.

La deuxième partie de la conférence présente des cas complexes nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire (chirurgie, parodontie, orthodontie, restauratrice). L’apport de l’orthodontie simplifie considérablement la prise en charge et le plan de traitement.

Critères de sélection des céramiques de restauration

Chef du département de prothèse et de biomatériaux de l’université de Genève, le Dr Irena Sailer a signé plus de 80 publications internationales. Elle s’intéresse aux sujets actuels de prothèses (implanto-portées et dento-portées) les plus importants, sous forme de recherches in vitro, de revues systématiques de la littérature scientifique et de bêta-analyses.

Sa présentation aborde l’évolution des techniques de CAD-CAM et l’état actuel des recherches très prometteuses de mock-up virtuel dynamique. Elle présente ensuite un arbre décisionnel résumant le choix de familles de céramiques en fonction de l’indication dento-portée ou implanto-portée.

Depuis 1973, date de la thèse sur l’empreinte optique du chercheur François Duret, cette pratique ne cesse de se développer et de s’améliorer, en parallèle avec toute la chaîne de planification virtuelle et de CFAO. Aujourd’hui, les dentistes sont dans l’obligation de prendre en compte les évolutions technologiques qui impactent le diagnostic, la planification, et la communication avec le patient.

Le cas présenté est celui d’un patient dont les racines de la 11 et de la 21 sont cariées et à extraire. L’empreinte optique et le cone beam réalisés permettent la réalisation d’une planification et d’un set-up virtuel. Cette planification est l’outil idéal de communication avec le patient, il permet d’intégrer en quelques clics les modifications souhaitées, avant de lancer l’impression par CAD-CAM d’un mock-up qui est essayé et validé cliniquement avec le patient. Virtuellement, la position des implants est aussi planifiée avec impression du guide chirurgical.

Le set-up utilisé initialement est repris pour réaliser le bridge provisoire sur implant. Ce même fichier (.stl) est enfin utilisé et adapté pour la réalisation d’éléments d’usage sur Ti-base.

L’évolution de la technologie permet de combiner le visage du patient, les modèles et le CBCT sur un même support. Des ingénieurs de l’école polytechnique de Zurich ont été contacté pour adapter, au patient et à notre exercice, l’algorithme développé dans les films pour virtualiser les acteurs. Le défi était d’obtenir un « scanner 3D facial » simple d’utilisation à partir d’acquisitions faites à l’iPhone. Le développement est en cours d’amélioration. Après le statique, un scanner a été mis en place pour virtualiser les mouvements de la face.

Dans un monde idéal, on obtiendrait un fichier .stl qu’on modifierait avec les propositions faites au patient, propositions qui pourraient être vues et essayées virtuellement par le patient sur iPhone ou iPad (position dent, éclaircissement, bague…). Il s’agirait d’un mock-up virtuel dynamique. Essayer son sourire comme on essaierait des lunettes. Choisir son sourire et valider le fichier .stl.

La deuxième partie de la conférence porte sur les critères de sélection des matériaux de restauration pour prothèses dento-portées. Toutes les informations présentées sont résumées dans des arbres décisionnels (fig. 1 et 2).

Après quelques années de recul clinique, les résultats des études menées ne montrent pas de différence significative dans les taux de survie des restaurations unitaires céramo-métalliques et toutes céramiques (feldspathiques, vitro-céramiques, zirconia) [3].

Pour les couronnes unitaires antérieures et postérieures, le praticien peut choisir dans la palette de céramiques monolithiques disponibles selon les besoins esthétiques et les capacités de collage. Les résultats obtenus sont comparables à ceux des restaurations céramo-métalliques.

En conclusion, la seule indication restante de couronne céramo-métallique est la présence d’un support très dyschromié qu’il faut camoufler.

Le challenge de l’incisive centrale maxillaire : composite ou céramique ?

Le Dr Tapia est un conférencier international appartenant à l’équipe de bio-émulation réunissant mentors, chercheurs, prothésistes et dentistes [4]. Il présente la problématique de la restauration unitaire de l’incisive centrale maxillaire. Le défi est grand car la restauration doit s’intégrer parfaitement dans le sourire du patient. Il peut sembler parfois plus simple de restaurer les deux incisives centrales pour obtenir une meilleure intégration esthétique, alors que l’une est parfaitement saine, mais cette option est beaucoup trop invasive. La dentisterie actuelle a une grande priorité : la préservation tissulaire. Il faut être conservateur, ne jamais sacrifier les tissus en raison de vos limites techniques. Il faut se former et apprendre… ou adresser le patient vers un confrère qui a l’expérience suffisante.

La présentation compare l’utilisation du composite et de la céramique, puis se penche sur l’évolution des techniques de prise de teinte.

Le tableau 1 compare les propriétés des composites et des céramiques. Le tableau 2 liste les facteurs à considérer pour orienter sa décision thérapeutique vers l’un des deux matériaux.

Quel que soit le matériau choisi, la réussite de la restauration dépend de la juste analyse de la teinte du tissu dentaire restant. Il faut observer la nature avec différentes lumières pour mieux la reproduire.

Le meilleur outil pour communiquer avec le laboratoire de prothèse est l’appareil photo.

Plusieurs filtres sont utiles pour les photos dentaires, il faut multiplier les méthodes d’analyse.

• Polar-eyes (fig. 1) pour polariser la lumière avec un flash photo en retirant toutes les réflexions de lumière et observer les détails des structures dentaires de manière objective. Cette technique a été développée dès 1987 par Gordon, puis modernisée en digital. Il suffit d’appliquer un filtre au niveau de l’appareil.

• Fluor-eyes pour prendre des photos des fluorescences.

• White balance (fig. 2) : il s’agit d’une carte de balances du blanc qui sert de référence pour la prise de clichés avec la technique d’e-LAB (voir ci dessous).

Ces différentes images peuvent être analysées par le praticien et/ou communiquées au laboratoire préférentiellement sous la forme d’un ficher RAW plutôt qu’un fichier JPEG. Un fichier RAW (de l’anglais raw signifiant « brut ») est un fichier généré par l’appareil photo numérique, il contient l’ensemble des données générées par le capteur, brutes de traitement, plus quelques informations complémentaires selon la marque et le modèle de l’appareil. Lorsque vous utilisez le format JPG, c’est le processeur du boîtier qui décide d’appliquer les réglages de prise de vue comme la balance des blancs, l’exposition et la correction de tons.

Quelles stratégies pour choisir les composites ?

• Nuancier. Il existe maintenant des teintiers qui intègrent des teintes émail et dentine, qui peuvent se superposer pour être le plus biomimétique possible.

• Button technique (fig. 3). Les teintes sont choisies en déposant des petites noisettes de composites sur les faces vestibulaires au niveau cervical, pour connaître la teinte dentinaire, et au niveau incisal, pour la teinte amélaire. Il faut être prudent avec cette technique à cause de la déshydratation rapide des dents. C’est une bonne technique pour les facettes (en tenant compte de l’association entre la dent et l’épaisseur posée par dessus). Cette technique permet d’essayer de façon prévisible.

Quelles stratégies pour la céramique ?

• Classic shade tab (teintier vita). Le résultat est peu prévisible. Il dépend du substrat, du vieillissement tissulaire, de l’expérience et de l’œil du prothésiste. Il risque d’y avoir de nombreux allers-retours avec le laboratoire.

• e-LAB (fig. 4). Il s’agit d’un nouveau protocole prévisible de spectrophotométrie s’appuyant sur des preuves scientifiques (en fonction du spectre de couleur visible par l’œil) [5]. Chaque couleur est définie par 3 caractéristiques : la luminosité (L), la quantité de rouge (A) et la quantité de jaune (B). Il est utile au laboratoire de prothèse et nécessite une formation du prothésiste. Les photos sont prises par l’appareil photo en filtre polarisé avec la carte d’équilibre des blancs. La photo en format RAW est transmise au laboratoire. Les mesures obtenues sont précises et d’une prédictibilité remarquable, elles sont comparées à une base de données. Le prothésiste va créer une teinte personnalisée par rapport au patient à l’aide du système visual eyes, qu’il essaie ensuite virtuellement avant de l’envoyer au praticien (fig. 5). C’est une réelle révolution pour une prise de teinte pour céramique reproductible, le résultat étant presque toujours parfait.

Les fêlures dentaires coronaires

Après une introduction pleine d’humour des deux compères, le sujet des fêlures est lancé dans la bonne humeur. David Gerdolle présente le cas d’un patient ayant consulté il y a quelques années pour des douleurs à la mastication sur une dent présentant un amalgame important, qui a été déposé pour être remplacé par une pièce collée. Après une période relativement courte, la dent a nécrosé. Un traitement endodontique a été réalisé après observation d’une fêlure radiculaire et une restauration occlusale au composite renforcé a été pratiquée. La destruction osseuse autour des racines a beaucoup augmenté et la dent a été extraite. La présentation de cet échec est l’occasion d’analyser les facteurs à observer pour l’éviter autant que possible, en favorisant un diagnostic précoce grâce à des outils adaptés et la mise en place de stratégies et protocoles thérapeutiques.

Diagnostiquer les fêlures

Diagnostic précoce

Cette première phase de diagnostic est peu invasive, pratiquée en prenant son temps et sans délabrer la dent. Il s’agit d’une phase d’observation avec :

• les bons outils visuels :

– les outils d’agrandissement : loupes et microscopes (agrandissement idéal d’au 13) ou photos intra-buccales et zoom ;

– la trans-illumination, comme le Micro-Lux® utilisé par les conférenciers qui présente des embouts lumineux changeables de plusieurs formes pour s’adapter à toutes les situations cliniques ;

– la fluorescence (D-light Pro® de GC) pour faire apparaître l’intégrité des fêlures, les reliefs de la dentine, les matériaux de restauration composite, leurs excès ainsi que les activités bactériennes ;

– le sondage à la recherche de perte osseuse ou de poches étroites, conséquences d’une éventuelle fêlure ;

• et les bons outils fonctionnels :

– Frac FinderTM pour tester la sensation à la pression et au relâchement ;

– test de vitalité ;

– Periometer® (test percussion).

Diagnostic approfondi

Une fois le diagnostic de fêlure établi ou soupçonné à partir de ces examens complémentaires, les réponses à 4 questions permettent d’évaluer la dent fêlée et d’orienter la décision thérapeutique.

La dent est-elle douloureuse ?

• Oui, au relâchement : fêlure coronaire.

• Oui, en serrant : parodontite apicale/fêlure radiculaire.

• Non : faire des radios, test de vitalité et sondage localisé profond.

Dans le cas de dent non douloureuse, il faut informer le patient dans son intérêt, lui montrer une photo avant de passer aux tests approfondis et avoir sa permission. La communication est un facteur clé.

Où est située la fêlure ?

• En surface « craze line » : amélaire.

• Interne : dentinaire :

– oblique : à quoi ressemble le reste de la dent ? Si elle est intacte, on traite partiellement en recouvrant la cuspide affectée. Si non, il faut faire un overlay occlusal (recouvrement périphérique) ;

– vertical : mauvais pronostic, recouvrement périphérique et overlay.

Dans quel schéma occlusal s’inscrit le patient ?

• Destructeur :

– sur une dent : contact prématuré en rc ;

– sur plusieurs dents : bruxisme, « cyclic fatigue ».

• Normal : mauvais design de la cavité/mismatch.

Quelle est la tolérance aux risques ?

La taille de la cavité n’est pas le seul indicateur. Le risque n’augmente pas avec la taille de la cavité.

Exemple clinique « cavité occlusale ou recouvrement périphérique ? ».

• Amalgames occlusaux à déposer, pleins de petits sillons. Après avoir vérifié l’occlusion et nettoyé les dents, il est observé que les lignes de sillon s’arrêtent au niveau de la jonction amélo-dentinaire, il n’y a pas de fêlure dentinaire. Une restauration composite occlusale simple est alors indiquée.

• Amalgame occluso-disto-vestibulaire avec plusieurs fêlures profondes. Une restauration périphérique est alors indiquée.

L’atteinte de la jonction amélo-dentinaire et les surcharges occlusales sont des facteurs de risque.

Traiter les fêlures

Quand soigner ?

Les facteurs visuels suivants sont des facteurs aggravants qui orientent vers un pronostic défavorable :

• ligne blanche de fêlure ;

• ramification latérale autour d’une fêlure verticale ;

• élargissement vertical de la fêlure (écartement) ;

• combinaisons et réunion de fêlures verticales et horizontales.

En présence d’un ou de plusieurs de ces facteurs, et quel que soit le statut symptomatique de la dent, un traitement est indiqué (fig. 1 à 3).

Pourquoi soigner ?

• Aspect biologique. Une fêlure est une porte d’entrée pour les bactéries. L’objectif est d’empêcher la pénétration bactérienne dans l’organe dentaire.

• Aspect mécanique. L’objectif est d’empêcher la progression des fêlures pour maintenir une unité biomécanique résistante.

Où soigner ?

• Limites périphériques (marginales ?) : elles doivent être parfaitement nettoyées et étanches.

• Partie interne juxta-pulpaire : une fois le nettoyage périphérique de qualité obtenu, il n’est pas nécessaire de poursuivre le nettoyage des fêlures centrales.

Jusqu’où soigner ?

La limite ultime est l’accessibilité technique pour le praticien qui doit pouvoir isoler à l’aide d’une digue.

Si la fêlure est au-delà des limites de l’isolation, il est possible de prévoir un lambeau d’accès et d’appliquer secondairement la digue dessus.

Comment soigner ?

• Fraisage.

• Sablage.

• Collage.

Pour conclure, la prise en charge des fêlures repose sur un diagnostic précoce et une compréhension de la biomécanique dentaire. Les limites de la prise en charge sont la possibilité de coller dans de bonnes conditions et de restaurer en fonction de la compétence du praticien.

Bibliographie

[1] Pauwels A. Dental erosions and other extra-oesophageal symptoms of gastro-oesophageal reflux disease: evidence, treatment response and areas of uncertainty. United European Gastroenterol J 2015;3:166-170.[2] Crescenzo H, Crescenzo D. Nouvelle technique pour la mise en oeuvre pour la céramique pressée. Quintessence Dentisterie Restauratrice et Prothèse 2014;2:114-124.[3] Fehmer V, Mühlemann S, Hämmerle CHF, Sailer I. Criteria for the selection of restoration materials. Quintessence 2014;45:723-730.[4] Bazoz P, Magne P. Bio emulation: biomimetically emulating nature utilizing a histo anatomic approach. Int J Esthet Dent 2014;9:330-352.[5] Hein S, Tapia J, Bazos P. eLABor_aid: a new approach to digital shade management. Int J Esthet Dent 2017;12:186-202.