« Conflits de loyautés » - Clinic n° 03 du 01/03/2018
 

Clinic n° 03 du 01/03/2018

 

C’EST MON AVIS

Marc Roché  

Président de la SOP

De l’avis de Michel Degrange : « Tout vient de la clinique ! ». Et celui-ci de commenter : « C’est d’ailleurs pour cette raison que les sociétés scientifiques posent les bonnes questions : parce que leurs questions sont issues de la clinique ! ».

Pour cet enseignant-chercheur, le patient devait rester au centre des préoccupations du clinicien : celui qui se penche sur le patient.

La question que nous nous posons aujourd’hui vient également...


De l’avis de Michel Degrange : « Tout vient de la clinique ! ». Et celui-ci de commenter : « C’est d’ailleurs pour cette raison que les sociétés scientifiques posent les bonnes questions : parce que leurs questions sont issues de la clinique ! ».

Pour cet enseignant-chercheur, le patient devait rester au centre des préoccupations du clinicien : celui qui se penche sur le patient.

La question que nous nous posons aujourd’hui vient également de la clinique non pas pour aller en direction d’une quelconque recherche au laboratoire concernant le patient lui-même mais pour interroger les pathologies dont souffre un système de soins toujours plus coûteux sans que ce coût soit corrélé à une amélioration notable de l’état bucco-dentaire de la population constatée en clinique.

À l’heure où la convention est menacée de règlement arbitral, il y a lieu de mettre en exergue plusieurs formes de tensions qui traversent notre système de soins. Tensions au cœur d’un budget contraint soumis aux impératifs de gestion de l’État ou des mutuelles. Tensions qui existent entre la gestion du capital santé du patient, son capital dentaire, et la gestion d’une structure de soin sous-rémunérée dans la réalisation d’actes opposables.

La tarification à l’activité (T2A) introduite à l’hôpital par la loi de 2003, couplée à une gouvernance gestionnaire, a marqué une modification dans les comportements des équipes médicales qui, sous la pression des directions financières, a abouti à une augmentation conséquente des actes pratiqués parmi lesquels certaines études évaluent à 30 % les actes inutiles ou redondants. Quant au médecin détaché du lit du patient au Département de l’Information Médicale (DIM), son rôle est limpide puisque, selon le site Allô docteur de France Télévision, il « joue aujourd’hui un rôle déterminant dans la bonne gestion et la santé de l’hôpital » : autrement dit il a quitté la clinique pour soigner l’hôpital ! Ainsi, il pourra définir la stratégie et l’optimisation de la durée d’hospitalisation liant celle-ci à sa valorisation plus qu’à l’état du patient.

Chez les soignants qui sont pris dans des conflits de loyauté, celle due à leur hiérarchie et celle en rapport avec leur déontologie, le burn out augmente sous la pression du programme de diminution du personnel.

L’enjeu de santé n’est pas le même dans notre profession mais les mêmes causes produisent des ?effets similaires et ont aussi des conséquences ?fâcheuses pour les patients. À titre d’exemple, comme l’indiquait une enquête de l’URCAM de février 2004, l’inscription à la NGAP des SPR 57 et 67 a été suivie d’une augmentation de la quantité de RCRC (reconstructions corono-radiculaires coullées) effectuées, sans que la qualité de leur réalisation soit améliorée alors que déjà toutes les études contre-indiquaient les tenons.

Passons sur l’évolution des devis où l’on a vu les RCRC enchérir alors que les couronnes baissaient, pervertissant ainsi, cette fois au détriment des mutuelles, la notion de tact et mesure : « dans l’intérêt du patient ».

On le voit, cela finit par faire beaucoup de gens qui s’attachent à scier la branche de l’assurance maladie sur laquelle ils sont assis !

Dans ce contexte, il n’est pas si paradoxal que, malgré les magnifiques progrès des connaissances et des techniques dont l’odontologie a pu bénéficier en une cinquantaine d’années, notre système de soins incite à des dérives productivistes et nécessite des techniques de plus en plus complexes de réhabilitation. Et qu’il favorise encore des solutions invasives peu respectueuses du capital dentaire alors que la formation continue est à même de proposer des solutions alternatives privilégiant l’intérêt du patient.