La parodontologie et l’orthodontie : une synergie positive pour repousser les limites - Clinic n° 03 du 01/03/2018
 

Clinic n° 03 du 01/03/2018

 

PARODONTOLOGIE & ORTHODONTIE

Marika GADEAU*   François NORMAND**  


*Chirurgien-dentiste
1 Avenue du 11 novembre 1918
37250 Sorigny
**Orthodontiste
31 bis Avenue Julien
63000 Clermont-Ferrand

Les thérapeutiques parodontales ont pour but de contrôler l’inflammation et de maintenir les dents sur l’arcade. Cependant, ces dents doivent l’être dans un contexte occluso-fonctionnel favorable. L’orthodontie s’adjoint aux thérapeutiques parodontales, afin de remplir cet objectif mais aussi pour permettre au patient un meilleur accès à l’hygiène bucco-dentaire.

Bien que la complémentarité de ces disciplines ne soit plus à prouver aujourd’hui, certaines thérapeutiques parodontales telles les corticotomies alvéolaires et les régénérations parodontales permettent d’obtenir en complément des thérapeutiques orthodontiques des résultats intéressants et plus rapides bien que les données retrouvées dans la littérature semblent encore discutées.

L’orthodontie et la parodontologie ont connu ces dernières années des évolutions remarquables, que ce soit par l’apport des techniques de régénération ou par de nouvelles interventions telles que les corticotomies alvéolaires permettant de limiter les traitements tout en augmentant le confort pour le patient et le praticien.

Apport de l’orthodontie aux thérapeutiques parodontales

L’orthodontie peut être envisagée sur un parodonte réduit à la suite d’une thérapeutique parodontale lorsque l’objectif de supprimer l’inflammation gingivale est atteint [1]. Un traitement orthodontique adapté de l’adulte participera ainsi aux gains d’attache et osseux.

Les malpositions dentaires peuvent être présentes antérieurement aux maladies parodontales. On comprend aisément que ces malpositions facilitent l’accumulation de plaque bactérienne et entravent les manœuvres d’hygiène buccodentaire. En outre, il est communément admis que les problèmes parodontaux peuvent également entraîner des migrations et des malpositions. Or, ces désordres peuvent également aggraver et favoriser la progression des maladies parodontales par le déséquilibre occlusal généré et la situation alors pathologique du plan d’occlusion (fig. 1 à 3).

Ces malpositions dentaires peuvent être discrètes : dans ce cas, une thérapeutique parodontale seule peut permettre de rétablir la position initiale des dents (fig. 4 et 5).

Néanmoins, dans la majorité des cas, ces déplacements intervenus sous l’influence des facteurs parodontaux et occluso-fonctionnels nécessitent une prise en charge multidisciplinaire.

L’objectif de cette approche globale consiste non pas nécessairement à rétablir une normoclusion stricte mais à restaurer une stabilité occlusale.

Le rétablissement de l’occlusion fonctionnelle et de l’esthétique par l’orthodontie peut également permettre d’optimiser et de pérenniser sur le long terme certaines thérapeutiques parodontales telles que les techniques de régénération. Certaines études préconisent même une application des forces immédiatement après la chirurgie de régénération parodontale [2].

Dans le cas clinique suivant, la présence d’une vestibulo-version avec égression de la 21 associée à des troubles parodontaux importants rend délicat tout type de traitement d’orthodontie (fig. 6).

Il a été décidé de réaliser un traitement par gouttière aligneur en utilisant un nombre plus important de gouttières. Ces dernières sont fabriquées par thermoformage à partir de SetUp numériques imprimés 3D. Les SetUp sont réalisés de manière régulière entre l’état initial et l’objectif final. Dans les cas où le parodonte est faible il est alors réalisé un plus grand nombre de sous-séquences de mouvement, donc de SetUp, afin que le déplacement soit le plus léger possible.

L’égression incisive correspond bien souvent à celle opposée au côté mastiquant.

Ici, le côté habituel mastiquant est le côté droit, ce qui a été observé cliniquement, confirmé par le patient et indiqué également par l’observation radiologique des condyles (fig. 7).

Ce paramètre prend toute son importance lors de l’établissement du diagnostic mais aussi lors des équilibrations occlusales en fin de traitement.

Pour ce traitement, nous avons utilisé une vingtaine de gouttières aligneur type Freearch® de chez Orthodeal®. Dans ce cas précis, elles ont été portées chacune pendant 2 à 3 semaines en fonction des phases, et ce sur une durée totale de 12 mois à raison de 14 h/24 (nuit comprise) ; le décolletage des gouttières a été adapté au contexte parodontal.

À la fin du traitement, un fil de contention a été collé de la 12 à la 22 et des équilibrations occlusales ont été effectuées (fig. 6 à 17).

Les dents compromises peuvent ainsi voir leurs limites repoussées avec l’essor de ces traitements et grâce à une bonne coordination des praticiens. L’observation de Fontanelle en 1982, qui concluait que « la dent ne se déplace pas au travers de son os de soutien, tout se passe comme si elle entraînait avec elle son os de soutien » [3], prend ici tout son sens.

Le type d’appareillage orthodontique doit être choisi en respectant les contraintes liées au parodonte réduit. Le choix du système doit se faire en cherchant à faciliter les manœuvres d’hygiène pour le patient. Les appareils orthodontiques fixes semblent favoriser une croissance bactérienne. Les systèmes de gouttière de type aligneur permettent une meilleure hygiène orale bien qu’elles soient portées longuement par le patient [4]. Ces techniques « invisibles » sont de plus en plus demandées par les patients adultes compte tenu de leur intégration esthétique. Elles peuvent être utilisées sur un parodonte réduit mais sain et nécessitent, comme pour les autres approches orthodontiques, la mise en place d’un programme d’hygiène stricte durant toute la phase de traitement.

Le professeur P. Planas [5] nous rappelle que la nature se montre beaucoup plus indulgente lorsqu’une mastication véritablement physiologique est rétablie, c’est-à-dire unilatérale et alternée, avec une occlusion balancée (telle que décrite par Gysi), que ce soit en denture prothétique ou naturelle, c’est-à-dire avec un contact de toutes les dents dans les mouvements de latéralité, aussi bien du côté « travaillant » (mastiquant) que du côté « balançant » (non mastiquant ou orbitant), à l’exception de la canine du côté balançant.

De plus, pour les dents qui présentent un support osseux affaibli, il est préférable d’un point de vue parodontal de répartir les efforts d’occlusion sur plusieurs dents. L’équilibration sera faite le plus tôt possible après la fin du traitement d’ODF actif, c’est-à-dire dès que les dents auront acquis une stabilité relative.

Apport de la parodontie aux thérapeutiques orthodontiques

Les patients adultes expriment souvent le désir d’un traitement orthodontique de courte durée.

La corticotomie alvéolaire est une intervention visant l’os alvéolaire en lésant la corticale de celui-ci. Cette technique a été proposée chez les patients adultes afin de réduire la durée du traitement orthodontique [6]. Les techniques de corticotomie ont été modifiée afin de réduire les risques et les effets secondaires (dommages parodontaux, dévitalisation des dents…).

Ces techniques de corticotomie alvéolaire sélective sans élévation de lambeau sont peu invasives chez l’adulte et peuvent être utilisées pour corriger les encombrements dentaires, accélérer les tractions canines, faciliter l’éruption des dents, lors des mouvements d’expansion et, enfin, lors des mouvements d’intrusion [7].

Sur un parodonte réduit, cette approche permettrait également de réduire les forces appliquées.

Il s’agit ici d’un traitement mené en étroite collaboration entre le parodontiste et l’orthodontiste compte tenu de l’importance du trouble parodontal et du mouvement d’ingression antérieure à obtenir. Le traitement orthodontique a été réalisé à l’aide d’un dispositif multi-attaches fixe auto-ligaturant. (La pose d’implants dans les zones postérieures maxillaires devait servir rapidement d’ancrage secondaire pour la mise en place d’arcs auxiliaires d’ingression. Nous avons finalement préféré ne pas solliciter les implants nouvellement placés. Nous avons alors fait le choix d’utiliser des mini-vis combinées à des corticotomies afin d’aider à potentialiser ce mouvement délicat.) Le choix a été fait de placer les mini-vis uniquement en vestibulaire et d’utiliser des forces très légères par l’intermédiaire de chaînettes souples et faiblement activées.

Aucun effet secondaire de vestibulo-version n’est apparu. Plusieurs facteurs sont venus compenser cet effet parasite ; tout d’abord, l’action de présence de la sangle musculaire oro-faciale avec sa tonicité naturelle exerçant une force centripète sur l’arcade dentaire ; ensuite l’utilisation d’une chaînette continue (ici de 14 à 25) permettant la fermeture des diastèmes et ayant aussi une composante centripète ; enfin, toujours pour potentialiser l’ingression sans effet de vestibulo-version, nous avons demandé à la patiente de porter une gouttière myo-fonctionnelle type Multi-TB (RMO®) une heure par jour (fig. 18).

Au sein de ce « couloir d’équilibre artificiel », le mouvement réalisé nous semble facilité. La composante occlusale de ce type de gouttière dans ces cas d’ingression où le parodonte est fragile transmet de bonnes impulsions au sein du parodonte initialement stressé. Le mouvement d’ingression a été réalisé en 6 mois. Un fil de contention a été collé de la 13 à la 23. Il devra être conservé à vie.

À la fin du traitement, l’équilibre occlusale doit être systématiquement recherché et des équilibrations occlusales seront réalisées (fig. 19 à 32).

Il est indispensable de rappeler que l’ensemble de ces thérapeutiques ne peut s’envisager sans une parfaite coopération du patient et des praticiens.

Conclusion

Pour assurer la conservation d’un plus grand nombre de dents dans un environnement parodontal assaini et afin de préserver aussi bien la fonction que l’esthétique, il est important de mutualiser les approches thérapeutiques. L’illustration de ces cas cliniques permet une fois de plus d’objectiver le bénéfice de l’association d’un traitement orthodontique et d’un traitement parodontal. Cette interdisciplinarité augmente dans certains cas le gain osseux et d’attache dans le respect d’un résultat esthétique satisfaisant.

La potentialisation de ces approches permet donc de modifier le pronostic de survie des dents sur l’arcade dentaire afin de rechercher l’équilibre nécessaire à la pérennité de ces traitements.

Bibliographie

  • [1] Melson B. Traitement orthodontique de patients présentant des lésions parodontales. J Parodontol 1987;6:285-296.
  • [2] Attia MS, Shoreibah EA, Ibrahim SA, Nassar HA. Regenerative therapy of osseous defects combined with orthodontic tooth movement. J Int Acad Periodontol 2012;14:17-25.
  • [3] Fontenelle A. Une conception parodontale du déplacement dentaire provoque : évidences cliniques. Rev Orthop Dentofac 1982;16:37-53.
  • [4] Miethke RR, Brauner K. A comparison of the periodontal health of patients during treatment with the Invisalign system and with fixed lingual appliances. J Orofac Orthop 2007;68:223-231.
  • [5] Planas P. Réhabilitation neuro-occlusale. Rueil Malmaison: Éditions CdP, 2006.
  • [6] Shiloah J, Fry HR, Abrams ME, Barkley LH, Taylor RF. Soft tissue fenestration and osseous dehiscence associated with orthodontic therapy. Int J Periodontic Restorative Dent 1987;4:43-51.
  • [7] Goyam Amit, Kalra JPS, Bhatiya Pankaj, Singla Suchinder, Bansal Parul. Periodontally accelerated osteogenic orthodontics (PAOO): a review. J Clin Exp Dent 2012;4:e292-e296.