Les fêlures et l’alliance endo-restau - Clinic n° 10 du 01/10/2018
 

Clinic n° 10 du 01/10/2018

 

WHAT’S UP EN ENDO ?

Sarah ATTAL STYM-POPPER  

Ancienne AHU en odontologie
conservatrice et endodontieDirectrice d’EndoSophie, concept de
transmission du savoir en endodontie
Paris

Le jeu du What’s up d’EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d’un cas clinique.

Le but est d’apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

Ce que rapporte le patient. La patiente a depuis des années une légère gêne à la mastication. Elle consulte régulièrement et, chaque fois, elle évoque cette gêne. Cette fois, la patiente ressent une douleur très vive au froid. La douleur est systématique, immédiate, dure longtemps (quelques secondes), elle est pulsatile.

→ Ce que déduit le praticien. C’est en général un tableau de pulpite irréversible sur un historique qui évoque la fêlure. Il faut questionner la patiente, remonter dans le temps et voir si la fréquence des symptômes de gêne à la mastication s’est faite régulièrement plus présente.

Diagnostic clinique et pré-orientation thérapeutique

Ce que rapporte le patient. L’évaluation des répercussions de la pression, cuspide par cuspide, montre que plusieurs dents sont sensibles, notamment les cuspides guides des molaires maxillaires.

La 16 est nettement plus sensible. Le passage de la soufflette est aussi immédiatement douloureux sur la 16. La restauration est ancienne, elle a perdu son étanchéité (fig. 1).

→ Ce que déduit le praticien. L’évaluation de la fonction de groupe montre que plusieurs dents sont impliquées. Si certaines portaient de gros amalgames, en plus de traiter la dent atteinte, il faudrait anticiper et remplacer ces amalgames par une restauration collée tout en ayant en tête que cela pourrait réactiver une inflammation antérieure, liée à la première intervention.

La communication entre patient et praticien est d’importance au moment même de la discussion pré-diagnostique. Il faut évaluer la capacité du patient à comprendre que cette stratégie n’est pas prévisible en terme de pronostic [2].

Quant à la dent atteinte de pulpite irréversible, le fait même de ne pas présenter de lésion carieuse et de présenter ce tableau indiquerait que la fêlure a atteint la pulpe. À partir de ce moment, le pronostic mécanique de la dent est défavorable.

Il y a une dizaine d’années, aux États-Unis, faire ce diagnostic impliquait immédiatement l’extraction de la dent. L’idée était d’éviter toute perte osseuse en regard d’une fêlure qui deviendrait fracture et qui rendrait la reconstruction en vue de la pose d’un implant plus difficile.

Cliniquement, la restauration collée posée il y a plusieurs années présente des joints ouverts. L’observation des surfaces occlusales montrent qu’il y a abrasion, attrition et érosion.

Conclusion

Le diagnostic de fêlures est de plus en plus fréquent. Comme toujours, c’est ce que rapporte le patient qui aide à poser le diagnostic : l’interrogatoire du patient et l’écoute attentive permettent vraiment de comprendre. Tout le reste du diagnostic n’est que confirmation, d’abord clinique, puis radiologique.

Dans ces cas là, c’est au cours même du traitement que la décision thérapeutique finale est prise. Il est essentiel de bien contrôler les gestes techniques à accomplir mais aussi de bien faire comprendre les enjeux au patient. Il doit comprendre et accepter que, à terme, les conditions seront à nouveau réunies pour prendre une autre décision thérapeutique qui sera l’extraction. Même s’il est en fait impossible de prédire l’avenir, de dire, quand, où, comment, il faut que le patient l’envisage. Au moment venu, cela s’inscrira dans la continuité des événements et cela évitera tout conflit.

Le praticien doit évaluer précisément le degré d’atteinte de la dent et le mieux possible le pronostic mécanique de la dent en fonction de ses compétences. Chacun adoptera sans doute une position différente et cela ira de l’extraction à la conservation de la dent, même dans des cas extrêmes. Tout est envisageable dès lors que l’on fait un vrai choix éclairé par une bonne réflexion personnelle.

Bibliographie

  • [1]Wright EF, Bartoloni JA. Diagnosing, preventing and managing cracked tooth syndrom. Quintessence Int 2003;34:409-417.
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  • [3] Berman LH, Kuttler S. Fracture necrosis: diagnosis, prognosis, treatment recommandation. J Endod 2010;36:442-445.
  • [4] Krell VK, Rivera EM. A six year evaluation of cracked teeth diagnosed with reversible pulpitis: treatment and prognosis. J Endod 2007;33:1405-1407.
  • [5] Sim IS, Lim TS, Krishnasswamy G, Chen NN. Decision making for retention of endodontically treated posterior cracked teeth: a 5-year follow-up study. J Endod 2016;42:225-229.
  • [6] Kang SH, Kim BS, Kim Y. Cracked teeth: distribution, characteristics, and survival after root canal treatment. J Endod 2016;42: 557-556.
  • [7] Wei Xi, Hu B, Peng H, Tang M, Song J. The incidence of dentinal cracks during root canal preparations with reciprocating single-fle and rotary-fle systems: a metaanalysis. Dent Material J 2017; 363:243-252.