« Nous allons descendre dans l’arène » - Clinic n° 12 du 01/12/2018
 

Clinic n° 12 du 01/12/2018

 

CNO

ACTU

Anne-Chantal de Divonne  

Communiquer, adapter l’institution ordinale, repositionner la profession dans un monde en mutation biologique et numérique, prendre part aux réformes des études et des assistants dentaires de niveau 2… Serge Fournier a détaillé plusieurs grands chantiers auxquels s’est attelé l’Ordre national.

« Il faut oublier l’Ordre gendarme ; l’Ordre est un régulateur de la profession et un protecteur de la santé publique. Voilà l’image que l’on souhaite donner », a lancé Serge Fournier, le nouveau président de l’Ordre, lors d’un point presse.

La communication va prendre une place importante dans l’action du Conseil national avec la création d’une cellule dédiée. Des rencontres plus fréquentes seront organisées avec les conseillers ordinaux mais aussi avec les confrères et les étudiants. Elles pourront prendre la forme d’assemblées générales dans les facs. « Nous allons descendre dans l’arène » prévoit en langage imagé Serge Fournier.

Au sein de l’Ordre, le président du conseil départemental est choisi pour être « la pierre angulaire de la diffusion » des messages ordinaux, a précisé Steve Toupenay, secrétaire général du CNO. La communication vers l’extérieur de la profession sera aussi « plus réactive ». Des notes de synthèse et éléments de langage seront diffusés à l’ensemble de la profession. L’objectif est qu’il n’y ait plus de « langage passéiste qui caricature la profession ».

À l’égard des centres de santé, Serge Fournier a tenu à souligner qu’ils « ne sont pas nos ennemis ». L’Ordre est « en guerre » contre ceux dont le fonctionnement « ne correspond pas du tout à l’éthique médicale et à la déontologie ». Avec la Mutualité, l’Ordre a conclu un accord qui permet d’incorporer « la notion d’exercice dans un cadre déontologique » dans les contrats. Ainsi, le chirurgien-dentiste ne peut plus être soumis à un rendement ou à un chiffre minimum.

Communiquer sur les réseaux sociaux

L’Ordre national prépare une charte qui permettra aux chirurgiens-dentistes de communiquer beaucoup plus largement. Les réseaux sociaux sont « difficiles à contrôler par une instance. Plutôt que de courir après la faute, nous souhaitons anticiper et permettre au chirurgien-dentiste de mieux informer sur ses compétences », a expliqué Serge Fournier. Le conseil d’État a publié en juin dernier ses recommandations. Ce texte tombait à point pour le nouveau président de l’Ordre qui voulait mettre à égalité les confrères et les centres dentaires en ce qui concerne les informations diffusées sur les sites. La possibilité d’expression sera « beaucoup plus large ». Mais le conseil de l’Ordre est chargé d’établir un cadre pour garantir aux patients que les informations fournies par le professionnel de santé sont « loyales, honnêtes et non mensongères ». Serge Fournier s’attend à « voir des aberrations » au début sur les réseaux sociaux. Mais « nous croyons à l’autorégulation », assure le responsable ordinal en s’appuyant sur l’expérience des vétérinaires.

Spécialités : pas de saucissonnage

L’absence de consensus dans la profession sur la réforme des études en odontologie « semble agacer le ministère », remarque Serge Fournier. Les divergences portent sur la création de nouvelles spécialités. La conférence des doyens se prononce en faveur de 4 nouvelles spécialités : parodontie, endodontie, prothèse orofaciale complète et odontologie pédiatrique. En ligne avec les autres instances de la profession, l’ADF et les syndicats, l’Ordre craint « un saucissonnage de la profession en une multitude de spécialités qui ne correspondent pas aux besoins de santé publique et qui apporteraient même le trouble au niveau de l’information des patients ». Il ne retient que la spécialité en odontologie pédiatrique parce que « les soins complexes de qualité aux jeunes patients sont compliqués » à effectuer par un omnipraticien.

Assistant dentaire de niveau 2 : une cellule de concertation

« Il est urgent de monter une cellule de concertation sur le métier d’assistante dentaire de niveau 2, comme cela été fait pour les assistantes dentaires de niveau 1 », a lancé Serge Fournier qui craint que le ministère n’« avance seul sur ce sujet ». L’objectif serait de se mettre d’accord avec l’ensemble de la profession sur le champ d’activité, le cadre juridique de l’exercice et la formation pour ce métier.

Le CNO est favorable à la création de ce niveau 2 à condition d’exercer sous la subordination d’un chirurgien-dentiste. L’activité de cet assistant dentaire pourrait être étendue aux détartrages, aux sealent, à l’enseignement de l’hygiène et à la radiologie. En revanche, le surfaçage resterait de la compétence seule des chirurgiens-dentistes. Et pour la prise d’empreinte, chaque chirurgien-dentiste pourrait « délimiter le champ d’activité de son assistant en fonction de ses capacités ».

Reste à prévoir le nombre d’assistants dentaires à former. Car, si les centres hospitaliers et des cabinets de parodontologie attendent ce nouveau métier, l’intérêt des omnipraticiens est plus difficile à cerner aujourd’hui. Il faut surtout « penser la chirurgie dentaire de demain », lance Serge Fournier, et faire en sorte que le cabinet puisse financer ce nouveau poste !

À titre personnel, le président de l’Ordre se prononce en faveur de l’installation, dans les cabinets, d’hygiénistes dentaires ayant un statut de collaborateur libéral et travaillant avec une patientèle fournie par le cabinet. L’hygiéniste reverserait au titulaire une partie du montant des actes.

Télémédecine : accompagner la profession

L’Ordre entend faire entrer la médecine bucco-dentaire avec ses particularités dans le cadre légal de la télémédecine. Mais il manque aujourd’hui à la télémédecine bucco-dentaire d’être financée. Cela n’empêche pas l’Ordre d’élaborer deux types de contrats : l’un pour la télé-consultation qui permet de différer une analyse et de planifier un traitement, par exemple dans une Ehpad ; l’autre pour la télé-expertise, qui permet à un chirurgien-dentiste d’interroger un autre praticien, pour bénéficier par exemple de son expertise à l’hôpital ou dans un centre de maladie rare.

Mais l’institution entend aussi anticiper de nouvelles questions posées par la télémédecine. La mise en place récente par un groupe d’assurance d’une plate-forme de téléconsultation de 20 médecins, qui peuvent confirmer ou non la nécessité d’une opération et rédiger une ordonnance, interroge la chirurgie dentaire. « On peut imaginer que la plate-forme n’est pas en France. Comment un professionnel de santé non identifié par son ordre et non référencé peut-il se permettre de donner à des patients français un diagnostic et une prescription médicale ? » interroge Serge Fournier, avec toutes les questions éthiques, d’assurance et de responsabilité qui se posent. L’Ordre prévoit d’établir dès l’an prochain un statut, voire même un contrat d’exercice pour cadrer les pratiques. ?

PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

L’appel commun de patients et de professionnels

Onze associations de patients, syndicats et sociétés savantes appellent le gouvernement à redonner « un nouvel élan à la prise en charge de la douleur et reconnaître la douleur comme un enjeu déterminant pour notre système de santé, nécessitant un parcours de soins consolidé ». Les signataires de ce plaidoyer de 4 pages font plusieurs propositions pour garantir un parcours de soins et de suivi, pour sensibiliser les professionnels de santé aux facteurs de risque de chronicisation et pour améliorer la lutte contre la douleur.