Ordonnance électronique, que puis-je faire ? - Clinic n° 12 du 01/12/2018
 

Clinic n° 12 du 01/12/2018

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Avocat au barreau
de Paris

À l’heure du tout numérique, une question revient souvent : puis-je transmettre à un patient une ordonnance par voie dématérialisée ? Si rien ne l’interdit, cette ordonnance doit respecter les règles générales relatives à la prescription de médicaments… On fait le point !

La notion

La notion d’ordonnance électronique recouvre deux réalités ?distinctes. Il peut s’agir soit de l’ordonnance dématérialisée (« e-prescription »), soit de l’ordonnance envoyée par voie électronique (« ordonnance à distance »).

L’ordonnance dématérialisée

Il s’agit d’une prescription dématérialisée (sans ordonnance papier) de médicaments, de dispositifs médicaux, d’examens ou d’actes de soins par un professionnel de santé légalement autorisé à exercer. La CNAMTS ambitionne d’entamer sa généralisation dès 2019, avec un objectif de 5 000 professionnels utilisateurs la première année et 50 000 professionnels en 2022. La CNAMTS a lancé une expérimentation en novembre 2017 dans 3 départements (Val-de-Marne, Saône-et-Loire et Maine-et-Loire). Le téléservice, baptisé PEM2D (pour « prescription électronique des médicaments »), s’appuie sur 2 éditeurs de LAP et 2 éditeurs de logiciels pour pharmacies (dont Pharmagest et Smart Rx). Le dispositif passe par l’impression sur l’ordonnance du patient d’un QR code (code-barres en 2 dimensions) rassemblant les données de prescriptions réalisées par le médecin. Ce code est lu par le pharmacien au moment de la délivrance des médicaments, selon le site internet du GIE Sesam-Vitale. L’objectif serait toutefois, à terme, que les ordonnances soient disponibles sur une base commune sécurisée afin d’éviter l’étape d’impression papier. Le pharmacien accèdera ensuite lui aussi à cette même base de données à l’aide de la carte vitale du patient et de sa carte de professionnel de santé, avant de délivrer les médicaments. Ce système devrait présenter de nombreux avantages : sécurisation contre des tentatives de falsification, gain de temps pour les acteurs concernés, meilleure observance par les patients (cela éviterait pertes d’ordonnances et erreurs de lecture), économies de papier et de traitement des feuilles de soins ; cela permettrait aussi d’alerter sur d’éventuelles contre-indications liées à d’autres médicaments prescrits par d’autres médecins (figurant dans la base de données). En dehors de ce contexte expérimental, l’ordonnance électronique est un outil de déploiement de la télémédecine, activité régie par un cadre légal particulier.

L’ordonnance envoyée par courriel

c’est souvent cette technique que veulent utiliser les professionnels de santé. La loi du 13 août 2004 n° 2004-810 relative à l’Assurance maladie (article 34) a expressément introduit la possibilité de prescrire des soins ou des médicaments par courriel, sous réserve que certaines conditions soient remplies. En effet, l’ordonnance électronique doit comporter les mentions impératives prévues par l’article R. 5132-3 du code de la santé publique : le prescripteur doit être dûment identifié, l’ordonnance doit comporter la date, la dénomination du médicament, la posologie, la durée du traitement, les nom/prénom/âge/sexe du patient… L’ordonnance doit être établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité. Enfin, un examen clinique du patient doit avoir été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d’urgence. L’expression « dûment identifié » impose a priori une signature électronique. Pour en bénéficier, il faut faire une demande de certificat qualifié de cachet ou de signature électronique auprès d’une autorité de certification électronique qualifiée. L’exigence d’intégrité impose que l’ordonnance soit établie et transmise, au minimum, sous un format non modifiable (type PDF).

À RETENIR

Un praticien ne peut pas envoyer une ordonnance par courriel, même pour un simple renouvellement de prescription, sans respecter les 3 conditions suivantes : examen clinique préalable, signature électronique du praticien et établissement, conservation et transmission de l’ordonnance de manière sécurisée. C’est donc possible, mais sous couvert de garantir l’intégrité de l’ordonnance… Exit, la boîte mail perso !