Nouvelle approche des restaurations adhésives en composite du secteur antérieur : la shell technique modifiée - Clinic n° 08 du 01/09/2013
 

Clinic n° 08 du 01/09/2013

 

GÉNÉRATION ADHÉSION

Les restaurations directes du secteur antérieur à l’aide de résine composite se sont imposées en trois décennies comme une thérapeutique fiable, esthétique et économe en tissus. Toutefois, leur mise en œuvre s’avère d’autant plus complexe que la perte de substance est volumineuse ou qu’elle s’intègre dans une restauration globale du sourire. L’approche semi-directe de tels cas constitue alors une intéressante solution de remplacement aux restaurations indirectes (facettes…) : elle permet d’associer l’esthétique et le faible coût financier de la technique directe à une gestion en extrabuccal, plus aisée.

Grâce à l’évolution des matériaux et à l’optimisation des procédures cliniques adhésives [1], les indications des restaurations en composite se sont multipliées au point de devenir incontournables dans l’arsenal thérapeutique de tout praticien. Elles permettent de restaurer les dents de façon fonctionnelle, durable et biomimétique [2, 3] tout en respectant le principe d’économie tissulaire [4]. Cette nouvelle dentisterie, additive et esthétique, remplace celle qui fut longtemps enseignée en prothèse conventionnelle, par soustraction de tissus sains.

Si la céramique reste pour beaucoup le matériau de choix dans le secteur antérieur, le composite – grâce à ses propriétés mécaniques et optiques, son faible coût, sa facilité de mise en œuvre et de réfection – reste une solution intéressante [5]. Toutefois, dans les cas complexes où les restaurations sont multiples, la maîtrise des formes, des positions et de l’état de surface rendent la technique « directe » difficile et chronophage [6]. Or, de récentes publications ont montré des restaurations complètes d’arcades érodées ou abrasées par une approche purement additive et adhésive, à l’aide de techniques semi-directes ou indirectes [7-10].

Ces restaurations semi-directes, dites de la shell technique (technique de la coquille) [11], associent la facilité de mise en œuvre du composite, la rigueur de la réalisation sur modèle et un temps de travail en bouche supportable pour le patient [12-14]. Le principe est le suivant : réalisation en dehors de la bouche d’une coquille vestibulaire et incisale en composite « émail », qui sera ensuite rebasée à l’aide de composite « dentine », et mise en place sur les dents abrasées sans aucune préparation.

Voici donc posées les bases de l’acte que nous vous proposons de détailler à présent grâce à un cas clinique.

Cas clinique

Mme H., 56 ans, nous consulte pour une restauration globale avec une demande esthétique des secteurs antérieurs maxillaire (réfection bridge 21-23) et mandibulaire (dents « raccourcies »), et la volonté « d’éclaircir son sourire ».

L’examen clinique révèle une diminution de l’étage inférieur de la face traduisant une perte de dimension verticale d’occlusion, certainement liée aux différentes restaurations prothétiques postérieures inadaptées. On remarque une usure amélaire vestibulaire du secteur antérieur maxillaire droit avec des dents légèrement linguo-versées.

Le plan de traitement consiste :

• en postérieur, à augmenter la dimension verticale d’occlusion en reprenant les restaurations postérieures prothétiques des secteurs 2 (24, 25, 26), 3 (35, 36, 37) et 4 (44, 45, 46, 47) : des couronnes et des bridges provisoires à la nouvelle dimension verticale d’occlusion seront dans un premier temps mis en place afin de valider le projet. Des restaurations additives adhésives (composites directs) seront réalisées dans le secteur 1 ;

• en antérieur à la mandibule, à réaliser des composites semi-directs selon la shell technique (objectifs : augmenter la longueur, améliorer l’aspect vestibulaire et éclaircir) ;

• en antérieur au maxillaire, à restaurer le secteur 1 (15 à 11) par des restaurations adhésives en céramique (facettes) et par un bridge céramique conventionnel pour le secteur 2 (21 à 23).

Conclusion

La shell technique permet donc de gérer des cas complexes ­antérieurs à l’aide de restaurations composites. L’absence de préparation combinée à la maîtrise de l’adhésion aux tissus dentaires permet de respecter les principes d’économie tissulaire et de s’inscrire ainsi dans une dentisterie idéale, purement additive et surtout très esthétique. Le travail extrabuccal à partir du wax-up diagnostique facilite l’obtention d’un état de surface optimisé (absence de porosité liée à la mise en forme par pression du composite) et une gestion avancée des formes et de la fonction, la longévité de ces réhabilitations n’en étant que meilleure.

Il s’agit donc d’un traitement pouvant remplacer les facettes en céramique, qui trouvera toute son indication lorsque le coût sera un frein à l’acceptation du traitement par le patient.

L’Académie de dentisterie adhésive (ADDA) a été fondée en 1998 par notre maître, le Professeur Michel Degrange pour promouvoir une dentisterie adhésive, esthétique et peu invasive notamment par le biais de ses fameuses « Batailles de l’adhésion ». Nous nous apprêtons à vivre la 80e étape de celles-ci et en sommes très fiers.

Cette association se veut une structure de formation continue à dimension humaine. De par nos manifestations, nous cherchons à répondre concrètement aux attentes de nos confrères et membres, et à leur donner des « recettes » pratiques applicables dès le lendemain dans leurs cabinets dentaires. Notre programme se compose naturellement de formations théoriques, mais aussi, et c’est là notre richesse, de journées de travaux pratiques. Car pour l’ADDA, l’apprentissage passe toujours par la pratique. Nous développons ainsi de nouvelles thématiques (les matériaux d’assemblage en prothèse, les inlays-onlays esthétiques, les contentions, la stratification des composites, etc.) pour répondre à toutes ces situations cliniques où le collage est aujourd’hui devenu incontournable. Nos TP ont lieu non seulement dans toute la France, mais aussi au-delà de nos frontières puisque nous avons organisé des journées pratiques en Belgique et au Canada, et espérons continuer à les faire voyager.

Notre but : démystifier certains actes, démocratiser certaines techniques, donner de nouvelles armes thérapeutiques à nos confrères. Bref, continuer à faire décoller la pratique quotidienne de nos cabinets en promouvant une dentisterie la moins invasive possible. Le tout en restant toujours très pratique et dans une ambiance amicale !

Notre actualité est accessible sur notre page facebook ainsi que sur notre site adda-idf.fr, et nous répondons avec plaisir à toutes les questions de nos confrères via notre adresse mail : addaidf@gmail.com

Bibliographie

  • [1] Degrange M. Les systèmes adhésifs amélo-dentinaires. Real Clin 2005;16:327-347.
  • [2] Dietschi D. Layering concepts in anterior composite restorations. J Adhes Dent 2001;3:71-80.
  • [3] Weisrock G. Koubi S. Pignoly C. Tassery H. Les restaurations antérieures en résine composite : simplicité et fiabilité d’une technique. Clinic 2011;32:143-148.
  • [4] Lasfargues JJ. Évolution des concepts en odontologie restauratrice : du modèle chirurgical ­invasif au modèle médical préventif. Inf Dent 1998;40:3111-3124.
  • [5] Dietschi D, Spreafico R. Restaurations esthétiques collées : composite et céramique dans les traitements esthétiques des dents postérieures. Paris : Quintessence Publishing, 1997.
  • [6] Vanini L, De Simone F, Tammaro S. Indirect composite restorations in the anterior region: a predictable technique for complex cases. Pract Periodont Aesthet Dent 1997;9:795-802.
  • [7] Vailati F, Belser UC. Full-mouth adhesive rehabilitation of a severely eroded dentition : the three-step technique. Part 1. Eur J Esthet Dent 2008;3:30-44.
  • [8] Vailati F, Belser UC. Full-mouth adhesive rehabilitation of a severely eroded dentition : the three-step technique. Part 2. Eur J Esthet Dent 2008;3:128-146.
  • [9] Vailati F, Belser UC. Full-mouth adhesive rehabilitation of a severely eroded dentition : the three-step technique. Part 3. Eur J Esthet Dent 2008;3:236-257.
  • [10] Magne P, Magne M, Belser UC. Adhesive restorations, centric relation, and the Dahl principle : minimally invasive approaches to localized anterior tooth erosion. Eur J Esthet Dent 2007;2:260-273.
  • [11] Spreafico R. Composite resin rehabilitation of eroded dentition in a bulimic patient : a case report. Eur J Esthet Dent 2010;5:28-48.
  • [12] Fahl N. The direct/indirect composite resin venners : a case report. Pract Periodont Aesthet Dent 1996;7:627-638.
  • [13] Tassery H, Chafaie A, Portier R. Protocole de réalisation de facet­tes composites partielles en technique semi-directe. Inf Dent 2000;25:1887-1893.
  • [14] Dietschi D, Spreafico R. Restaurations adhésives pour les dents postérieures : techniques directes et semi-directes. Real Clin 1998;3:377-392.
  • [15] Koubi S, Faucher A. Restaurations antérieures directes en résine composite : des méthodes classiques à la stratification. Encycl Med Chir (Elsevier SAS, Paris), Odontologie 2005;23-136-M-10.
  • [16] Lehmann N. Composite antérieur et stratification. Clinic 2005;26:191-197.