Les designs implantaires Implant designs : answers to the problem of initial cratering ? - Implant n° 4 du 01/11/2010
 

Implant n° 4 du 01/11/2010

 

REVUE DE LITTÉRATURE

Émilie Beauron*   Philippe Bousquet**   Jacques-Henri Torres***   Philippe Gibert****   UFR d’odontologie   Université de Montpellier I
545
   avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier Cedex 5*****
  


*DrCD
**MCU-PH, responsable de l’UAM d’implantologie
***PU-PH
****PU-PH, Chef du service odontologie

Résumé

L’implantologie fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique à notre disposition pour gérer la perte des dents chez nos patients. Le but de la réhabilitation implanto-portée est de parvenir à une restauration qui assure la fonction occlusale, permettant un bon contrôle de plaque, valorisant les tissus environnants, et qui s’intègre harmonieusement au sourire afin de garantir un résultat esthétique optimal.

Ce dernier critère est la principale difficulté rencontrée en implantologie. Et le phénomène de cratérisation initiale va encore accroître la difficulté à conserver une morphologie tissulaire harmonieuse, et donc un résultat esthétique à la hauteur de nos attentes.

L’objectif de cet article sera de déterminer en quoi des modifications du design des implants dentaires pourraient apporter une réponse au problème de cratérisation initiale.

Summary

Implantology is now part of the therapeutic arsenal at our disposal to manage our patients’ teeth loss.

Implant restoration aims at obtaining an occlusal function which allows an efficient plaque control, hence emphasizing the surrounding tissues. It ought also to result into an harmonious smile for an optimal aesthetic recovery.

This latter criterion is the main difficulty encountered in implantology. And the phenomenon of initial cratering increases further the difficulty in maintaining harmonious tissue morphology, henceforth an aesthetic result up to our expectations.

The objective of this article is to determine which changes to the design of dental implants could provide an answer to the problem of original cratering.

Key words

dental implant, biological width, prosthetic abutment

L’implantologie fait désormais partie intégrante de l’arsenal thérapeutique dont nous disposons pour gérer les pertes de dents chez les patients.

À ce jour, le succès d’un traitement implantaire va être évalué en fonction de [1] :

– l’acquisition de l’ostéo-intégration ;

– la capacité de la restauration implanto-portée à assurer sa fonction dans le temps ;

– l’esthétique du résultat final.

Le but est de parvenir à une restauration qui assure la fonction occlusale, permettant un bon contrôle de plaque, valorisant les tissus environnants, et qui s’intègre harmonieusement au sourire afin de garantir un résultat esthétique optimal. Le maintien dans le temps du résultat esthétique est lié à la capacité d’obtenir et de maintenir une morphologie adéquate des tissus durs et des tissus mous péri-implantaires.

Un phénomène de remodelage de l’os crestal péri-implantaire, appelé la cratérisation initiale, a été décrit [2]. Si la cratérisation n’est pas le seul obstacle à l’obtention d’une esthétique optimale en implantologie (notamment pour un implant antérieur unitaire), elle représente cependant une difficulté supplémentaire, et ce constat a incité les industriels à développer des techniques visant à répondre à cette problématique.

L’objectif de cet article est de déterminer en quoi des modifications du design des implants dentaires pourraient apporter une réponse au problème de la cratérisation initiale.

L’ESPACE BIOLOGIQUE PÉRI-IMPLANTAIRE

DÉFINITION

L’espace biologique autour de la dent est défini comme l’espace entre le rebord osseux et le fond du sillon gingivo-dentaire. Il comprend l’attache épithélio-conjonctive. Son rôle est de protéger les tissus parodontaux profonds. Toute effraction par des facteurs biologiques ou mécaniques entraîne la destruction du système d’ancrage et représente les prémices d’une atteinte parodontale.

La classification de Maynard et Wilson de 1980 [3] permet de définir 4 morphotypes parodontaux, évalués par sondage :

– type 1 : procès alvéolaire épais et gencive kératinisée épaisse et large (3-5 mm) ;

– type 2 : procès alvéolaire épais et gencive kératinisée fine et réduite (< 2 mm) ;

– type 3 : procès alvéolaire mince et gencive kératinisée épaisse et large ;

– type 4 : procès alvéolaire fin et gencive kératinisée fine et réduite.

Les morphotypes parodontaux 2 et 4 sont défavorables à la bonne santé parodontale en cas d’effraction de l’espace biologique (par exemple par un joint dento-prothétique).

Le succès des restaurations implanto-portées ne se limite pas à l’ostéo-intégration de l’implant. Les traitements les plus délicats concernent les restaurations esthétiques, ce qui représente le défi actuel des traitements implantaires.

Obtenir et maintenir un environnement tissulaire sain, tissus durs et tissus mous, reste un préalable à la thérapeutique implantaire, notamment dans les secteurs esthétiques, car selon Touati [4], « il n’y a pas d’esthétique du blanc sans esthétique du rose ».

Il existe un système d’attache autour des implants, l’espace biologique péri-implantaire, et ce sont les tissus mous qui assurent le rôle de barrière, protégeant l’os alvéolaire et assurant la stabilité du support osseux péri-implantaire.

En effet, pour Schroeder et al. [5], l’obtention d’une étanchéité autour du col de l’implant, avec un tissu conjonctif dense, au sein de la cavité buccale qui est un environnement hautement contaminé, est indissociable du succès à long terme.

CONSÉQUENCES DU NON-RESPECT DE L’ESPACE BIOLOGIQUE

L’espace biologique a un rôle de barrière de protection [6] des structures parodontales profondes qui maintiennent l’implant sur l’arcade.

L’espace biologique ayant une mémoire dimensionnelle [7, 8], il va chercher à conserver ses dimensions en cas d’effraction afin de protéger les tissus péri-implantaires et assurer l’ostéo-intégration de l’implant.

C’est cette mémoire dimensionnelle qui est à l’origine des remaniements tissulaires observés lors du phénomène de cratérisation initiale : le tissu osseux se remanie afin de ménager un espace suffisant aux tissus mous, à distance des agressions qu’ils subissent à différents stades de la vie de l’implant.

CRATÉRISATION INITIALE

D’après les travaux de Brånemark, une perte osseuse initiale « physiologique » apparaissant durant les mois qui suivent la mise en charge de l’implant serait inévitable. La cratérisation est un processus biologique de remodelage osseux permettant de créer un espace suffisant pour l’attache des tissus mous à l’implant.

C’est une perte osseuse tridimensionnelle [2] observée pour les implants 2-pièces (pilier et implant, distincts l’un de l’autre et pour lesquels est constaté à la jonction pilier-implant un « microgap » ou micro-hiatus entre le pilier et l’implant) ou pour les implants 1-pièce (selon la localisation de la limite surface lisse/surface rugueuse) qui survient durant les mois qui suivent l’exposition de l’implant au milieu buccal, et qui se stabilise après la 1re année de mise en fonction. Selon Broggini et al. [9], le remodelage osseux est dans ce cas une réponse biologique d’une durée limitée. Il faut mettre en relation le phénomène de cratérisation avec la réponse inflammatoire : l’existence du microgap, sa position verticale et d’éventuels mouvements du pilier prothétique vont initier un processus inflammatoire et entraîner une perte osseuse [9]. Elle est quantifiable, avec une perte verticale de la hauteur de l’os crestal de 1,2 à 1,7 mm, et une perte osseuse horizontale de 1,4 mm environ [10].

Cette cratérisation initiale représente surtout un nouveau défi dans la pratique de l’implantologie, car ce remodelage osseux peut compromettre le résultat fonctionnel des restaurations implanto-portées. Outre les conséquences fonctionnelles, elle a aussi des effets esthétiques, car la morphologie des tissus mous est le reflet de celle des tissus durs sous-jacents.

POURQUOI ASSISTE-T-ON À CE REMODELAGE OSSEUX ?

Le mécanisme responsable du remodelage osseux observé pour les implants 2-pièces n’est pas encore clairement identifié. Plusieurs facteurs ont été étudiés.

• L’existence d’un microgap à la jonction pilier-implant et les micromouvements du pilier [11].

• La position de la jonction pilier/implant (et donc du microgap) aurait une influence sur le degré de la perte osseuse [9, 12]. Et pour les implants en 1 pièce, la localisation de la limite entre surface lisse et surface rugueuse influerait sur le remodelage osseux [13, 14].

La demande esthétique pour les restaurations implanto-portées tend à favoriser un profil d’émergence naturel, qui implique le placement de la jonction pilier/implant en position sous-crestale. Mais il a été démontré [9, 12] que l’augmentation de la profondeur apicale pilier/implant est associée à une inflammation péri-implantaire et une perte osseuse supérieures. Concernant les implants 1-pièce, le positionnement de la séparation surface lisse/rugueuse en situation sous-crestale n’est pas recommandé d’un point de vue biologique [13, 14].

Le positionnement corono-apical de l’implant aurait donc une influence sur le degré de remodelage de l’os crestal, les implants dont la limite est sous-crestale enregistrant une perte osseuse accrue.

• La colonisation bactérienne du microgap, qui serait à l’origine du phénomène inflammatoire incitant les tissus mous et les tissus durs péri-implantaires à se tenir à distance de la jonction pilier-implant : pourquoi le microgap engendre-t-il une réaction de mise à distance des tissus environnants ?

Les études menées par Persson et al. [15] et Quirynen et al. [16] font état de la présence de micro-organismes (flore bactérienne hétérogène et anaérobie) sur le filetage interne des implants. Cette contamination bactérienne résulterait :

– d’une contamination du pilier et de l’implant lors des 1er ou 2e temps d’installation du pilier ;

– d’une transmission de micro-organismes venant de la cavité buccale après la mise en fonction de la prothèse sur implant ;

– d’une contamination interne de l’implant lors des essayages du pilier ;

– d’une contamination de la vis du pilier lors de l’enlèvement du pilier ;

– d’une fuite à la jonction pilier/implant, cette dernière proposition étant la plus sérieusement envisagée par Quirynen et son équipe.

Cette migration bactérienne serait facilitée par le microgap entre le pilier et l’implant, notamment par les micromouvements du pilier.

Broggini et al. [17] concluent dans leur étude menée sur le chien que la présence d’un microgap au niveau de la crête osseuse est associée à une inflammation persistante et à une augmentation de la lyse osseuse. La présence des neutrophiles associée à celle du microgap suggèrent que cette caractéristique du design implantaire contribue au recrutement des cellules inflammatoires, quand le microgap est situé au niveau de la crête osseuse.

Un stimulus chimiotactique, originaire ou très proche du microgap, serait initié et maintiendrait le recrutement des cellules inflammatoires. Le microgap est le siège d’un processus inflammatoire aigu, exacerbé par l’accès limité à l’hygiène (formation d’un réservoir bactérien), et d’un problème de réponses des défenses de l’hôte (vascularisation très faible de la zone). Ces microfuites sont toujours observées pour les implants en 2 pièces, sans rapport avec le type de connexion pilier/implant et la taille du microgap [11].

On peut établir une corrélation entre l’accumulation des cellules inflammatoires au niveau du microgap et le degré de perte osseuse. Le stimulus chimiotactique originaire du microgap engendre et entretient l’accumulation de polynucléaires neutrophiles, tandis que des mononucléaires sont recrutés à la surface de l’implant. Ces phénomènes entraînent la formation d’ostéoclastes responsables de la lyse osseuse.

• Le stress des forces occlusales concentrées à la périphérie du col de l’implant.

Ces différents facteurs, susceptibles d’agir simultanément, pourraient à divers degrés expliquer le phénomène de cratérisation initiale.

CONSÉQUENCES DE LA CRATÉRISATION INITIALE

Péri-implantite et perte de l’implant

La cratérisation est un phénomène physiologique inhérent à la nécessité d’établir un espace biologique autour de l’implant. Mais l’attache épithéliale sur l’implant est faible [18], et la destruction de cet espace biologique entraîne la contamination bactérienne de l’os sous-jacent et donc sa destruction rapide.

L’existence d’une poche péri-implantaire et sa colonisation bactérienne est un facteur favorisant, mais non déterminant pour le passage d’une inflammation locale contenue à une péri-implantite. D’autres facteurs (locaux ou généraux) vont déclencher la phase active de l’infection.

La cratérisation serait aussi accrue par le stress mécanique exercé sur le pilier, et quand les forces exercées sont excessives, notamment dans un os de moindre qualité, cela peut aboutir à une péri-implantite.

Esthétique

La cratérisation initiale met en péril l’os interproximal en engendrant une lyse osseuse atteignant en général la 1re spire de l’implant. Les tissus mous sont le reflet de la morphologie des tissus durs, et la perte de l’os crestal interproximal entraîne la perte des papilles, et l’apparition des « trous noirs » entre les implants [19, 20].

Conséquences fonctionnelles : implants courts

L’insuffisance osseuse dans les zones sous-sinusiennes, ou à proximité du canal dentaire incite le praticien à employer des implants courts (6 à 8 mm de longueur), quand les alternatives chirurgicales sont difficilement envisageables (soulevé de sinus, greffe osseuse).

Mais ces cas plus délicats nécessitent l’exploitation du moindre millimètre d’os disponible, et la perte osseuse liée à la cratérisation, qui peut atteindre jusqu’à 1,5 mm à 1 an, sans être considérée comme pathologique, est un handicap, pouvant aller jusqu’à compromettre l’exploitation de l’implant.

Espacement entre les implants

La cratérisation a une composante verticale qui est très bien documentée. Mais il existe aussi une composante horizontale de la cratérisation initiale, qui va être un facteur déterminant pour le positionnement des implants dans le sens mésio-distal.

Les auteurs dont Tarnow [21] s’accordent pour estimer qu’une distance d’au moins 3 mm doit être respecter pour éviter la superposition de la composante latérale de la lyse osseuse de chaque implant et l’augmentation du phénomène de lyse osseuse interproximale.

LES DESIGNS IMPLANTAIRES : QUELLES RÉPONSES PEUVENT-ILS APPORTER ?

La cratérisation initiale, si elle n’est pas considérée comme pathologique ni comme un échec, est cependant contraignante, car elle est associée à une perte osseuse de quelques millimètres. Ces quelques millimètres peuvent présenter un intérêt majeur dans les secteurs esthétiques pour obtenir une morphologie optimale des tissus mous, et quand la situation oblige au placement d’implants courts.

La morphologie des tissus mous péri-implantaires étant le reflet de celle des tissus durs, les fabricants cherchent à développer de nouveaux designs implantaires qui réduiraient le phénomène de cratérisation initiale, afin de préserver au maximum l’os crestal et ainsi de mieux prévoir les futurs résultats esthétiques des prothèses sur implants.

LE PLATFORM-SWITCHING (Fig. 1)

Le principe du « platform-switching » consiste à utiliser des composants prothétiques sous-dimensionnés par rapport au diamètre du col de l’implant. En utilisant un composant plus étroit que le col implantaire, on déporte la connexion prothétique vers le centre de l’implant, augmentant ainsi la distance qui sépare l’os périphérique de la base du pilier implantaire (décalage horizontal de la jonction implant-pilier). De ce fait, le tissu conjonctif inflammatoire (induit par la présence d’un infiltrat cellulaire bactérien à la jonction pilier-implant) sera placé à plus grande distance du tissu osseux du col de l’implant.

Ce procédé inhiberait donc la migration du tissu conjonctif inflammatoire vers la première spire, évitant la résorption osseuse traditionnellement observée, et permettrait ainsi à l’os crestal de se stabiliser au niveau du col.

Le repositionnement de l’infiltrat inflammatoire du pilier à distance de l’os crestal, ainsi que son confinement dans une zone d’exposition passant de 180° pour un système pilier-implant standard à 90° pour un système pilier-implant type « platform-switching », pourrait être à l’origine d’une moindre inflammation des tissus mous environnants, réduisant ainsi l’impact sur l’os crestal.

Vela-Nebot et al. [2] et Hürzeler et al. [22] observent comment la modification de la plateforme implantaire par le système « platform-switching » pourrait minimiser l’invasion de l’espace biologique, et ainsi influer sur la hauteur de l’os crestal, en déplaçant horizontalement la jonction pilier-implant.

Ils constatent une réduction significative de la perte osseuse en regard des implants à plateforme modifiée. Ils en déduisent que si le microgap est éloigné de la crête osseuse, il se produit moins de perte osseuse.

Pour les restaurations avec des implants 2-pièces, une modification de la plateforme a été proposée pour réduire les agressions mécaniques et biologiques de l’espace biologique. Et la préservation de l’os péri-implantaire pourrait mener à de meilleurs résultats esthétiques.

Cependant, le bénéfice de cette technique n’est envisageable que si l’utilisation des composants sous-dimensionnés est réalisée dès l’exposition de l’implant à l’environnement buccal, car « le processus de formation d’un espace biologique commence immédiatement après » et « après que l’os crestal se soit remodelé dans une position postopératoire stable autour du sommet de l’implant, il ne retourne pas à son niveau préopératoire si les principes du “platform-switching” sont appliqués plus tard » [23] ; ce constat est confirmé par Jung et al. [24].

Maeda et al. [25] ont réalisé une étude portant sur le comportement biomécanique de la configuration « platform-switching » en termes de distribution du stress à l’intérieur et autour de l’implant. Les résultats obtenus montrent que le design « platform-switching » pourrait contribuer à réduire le cisaillement à l’interface pilier/implant, lequel accroît la lyse osseuse. En effet, le « platform-switching » établirait une distance entre le stress appliqué à l’implant et le tissu osseux. Les micro-organismes retrouvés à l’interface pilier/implant se déplacent autour de la zone de plus forte tension et sont soumis aux micromouvements qui se produisent à l’interface pilier/implant. On comprend ainsi l’avantage de mettre à distance de l’os la zone qui concentre le plus les forces appliquées.

Cependant, les auteurs s’interrogent sur l’augmentation des forces qui s’exercent sur le pilier et la vis du pilier. En effet, cela pourrait entraîner des déformations au-delà de leurs limites élastiques, avec un risque de fracture.

L’IMPLANT FESTONNÉ (Fig. 2)

Définition [26]

Il s’agit d’un design implantaire qui tient compte de l’anatomie du maxillaire antérieur. En effet, la limite de l’implant 2-pièces actuel ne reproduit pas la forme de la préparation cervicale telle qu’elle peut être réalisée lors de la restauration d’une dent naturelle avec une couronne de recouvrement.

Pour les dents naturelles, les limites montent, puis redescendent : elles sont plus apicales sur les faces vestibulaires et linguales, et plus coronaires en mésial et en distal. La préparation d’une dent naturelle suit étroitement, mais à distance le profil festonné de la morphologie de l’os alvéolaire tout en respectant l’espace biologique (afin de préserver les tissus mous et durs entourant la dent).

Pour les implants actuels à plateforme plane, la limite du col implantaire est alignée avec la limite de l’os alvéolaire vestibulaire afin de masquer la limite métallique du col de l’implant. Ainsi, tandis que l’espace biologique suit le feston de l’os alvéolaire, l’implant 2-pièces à plateforme plane enfreint cet espace biologique au niveau des faces proximales, entraînant une lyse de l’os interproximal (par la localisation sous-crestale du microgap en proximal) et la perte de la papille sus-jacente.

D’un point de vue biologique, il semblerait donc intéressant de concevoir un implant avec une limite festonnée qui se conformerait à la morphologie des contours gingivaux et osseux.

La limite festonnée est localisée de sorte que le microgap soit toujours situé à la périphérie et coronairement à la crête osseuse.

Et, pour les implants 1-pièce, la limite surface rugueuse/surface lisse devrait donc présenter un profil festonné tout comme le col des implants 2-pièces festonnés, en suivant le contour de la crête osseuse. Ainsi, la surface rugueuse serait placée au contact du tissu osseux, même au niveau des faces proximales.

L’indication principale de ce nouveau design implantaire qualifié de « biologique » concerne les zones édentées ayant une architecture de crête festonnée : les secteurs des incisives, canines, et prémolaires.

L’implant festonné, d’après Hanisch et Dinkelacker [26], serait donc parfaitement indiqué pour le remplacement de dents unitaires dans le secteur antérieur, notamment quand l’os interproximal est fin. Et lorsque plusieurs dents adjacentes sont absentes, la plate-forme festonnée montrerait tous ces avantages pour la préservation de l’os interproximal, car son architecture permettrait un maintien optimal de cet os en l’absence de dents adjacentes.

Observations cliniques

Les études menées par Kan et al. [27], Bradley et al. [28] et Noelken et al. [29] sur la capacité de préservation de l’os crestal péri-implantaire par le système implant festonné sont encourageantes. Certains auteurs avancent en effet l’idée que l’effet de l’implant festonné serait plus remarquable entre 2 implants et que la pose d’implants festonnés pourrait se faire en dehors du cadre décrit par Tarnow et al. [21] (respecter une distance d’au moins 3 mm entre des implants adjacents) sans que cela n’affecte l’os interproximal et la papille entre les implants.

Mais de tels résultats nécessiteraient un positionnement optimal de l’implant festonné afin d’en tirer tous les bénéfices (il faut parvenir à placer le design festonné correctement au niveau des proximaux). L’implant festonné est un design implantaire qui vise à répondre au besoin de préservation de l’os interproximal. Cet « implant biologique » doit encore faire ses preuves même si l’idée d’un implant adapté aux contours des tissus péri-implantaires n’est pas dénuée d’intérêt. Mais la mise en œuvre de ce type d’implant, aussi satisfaisante qu’elle semble être sur le plan intellectuel, n’est pas exempte de difficultés d’un point de vue pratique (parvenir à faire coïncider le design implantaire avec les reliefs osseux).

L’IMPLANT 1-PIÈCE (Fig. 3)

L’implant 1-pièce est un design implantaire qui se caractérise par l’élimination de la jonction pilier/implant. En effet, ici, le pilier et l’implant sont solidaires, il n’y a pas de connexion entre ces deux éléments. Le développement de ce système permettrait de résoudre les problématiques liées à la cratérisation initiale :

– plus besoin de placer des piliers « esthétiques » ;

– éviter les manipulations des tissus mous après la cicatrisation initiale ;

– possibilité de restaurer immédiatement après le placement de l’implant, permettant l’adhésion tissulaire des tissus mous péri-implantaires ;

– la préparation préprothétique du pilier serait proche de la préparation d’une dent naturelle ; on pourrait en aménager les limites en suivant le contour des tissus mous sans léser l’espace biologique.

Cependant, si l’implant 1-pièce présente comme principal attrait la disparition du microgap et des mouvements du pilier, les résultats des différentes études sur le sujet ne permettent pas de lui attribuer des avantages significatifs. Pour Ostman et al. [30], les résultats iraient même à l’inverse de l’effet recherché. De plus, le positionnement de ce type d’implant ne peut se faire dans toutes les situations anatomiques (pas de pilier angulé).

LA CONNEXION HEXAGONE INTERNE À FRICTION : RÉPONSE AU PROBLÈME DU MICROGAP ?

Les évolutions du design implantaire visent à éloigner l’os crestal de cette activité bactérienne, mais il serait aussi intéressant de pouvoir exclure complètement ce problème, en éliminant ce microgap. Ce constat et cette évolution ont été envisagés avec la création des implants en 1 pièce. Mais la mise en œuvre de ces derniers ne pouvant répondre à toutes les situations cliniques rencontrées, parvenir à une totale étanchéité pour les implants en 2 pièces serait une formidable avancée.

Particularités de la connexion hexagone interne à friction [31]

La connexion type cône morse est une connexion interne active. Dans ce type de connexion, la vis n’est pas le moyen d’union entre le pilier et l’implant, il s’agit d’un mécanisme d’interférence avec la mise en place d’un cône mâle dans un cône femelle. L’union des 2 pièces est assurée par la pression et la friction développées entre elles à leur interface.

La partie mâle présentant un diamètre très légèrement supérieur à celui de la partie femelle, si l’on place passivement le pilier dans l’implant, l’engagement n’est pas complet. Les forces de pression et de friction ne se développent qu’après l’insertion active, et elles perdurent même après le dévissage.

Les performances de ces connexions sont liées à leurs caractéristiques géométriques, comme la conicité et la longueur des cônes, mais aussi aux propriétés des matériaux comme le module d’élasticité et le coefficient de friction s’exerçant entre les composants.

→ Avantages

Cette jonction donnerait une adaptation et une étanchéité qui réuniraient les mêmes conditions qu’une soudure à froid. L’étanchéité ainsi obtenue garantirait la non-percolation bactérienne à l’interface pilier/implant. Et l’adaptation optimale du pilier sur l’implant préviendrait des micromouvements du pilier. Le fabricant avance même que ce type de connexion nous placerait dans une situation d’implant « 1-pièce virtuel ». On obtiendrait ainsi un joint pilier/implant prévisible et constant [32].

→ Inconvénients

Ce système présente cependant des inconvénients en termes de maniabilité et de simplicité d’utilisation. Dans le sens vertical, ces connexions présentent une imprécision de positionnement, car l’enfoncement de la partie mâle est mal contrôlé [32].

LES RÉPONSES DE L’INDUSTRIE… TENDENT-ELLES VERS UN IMPLANT « IDÉAL » ?

La cratérisation initiale n’entre pas dans le cadre des échecs en implantologie [33]. Jusqu’à présent, elle était perçue comme une des conséquences nécessaires de la cicatrisation des tissus péri-implantaires. Mais il ne s’agit plus de la considérer comme une fatalité.

Il s’avère qu’en étudiant les causes probables de ce phénomène de lyse osseuse, certains éléments apparaissent comme particulièrement influents, ce qui a conduit les industriels à développer plusieurs types de designs implantaires (Tabl. I).

Pris individuellement, ces différents procédés ne peuvent apporter une réponse globale au problème de la cratérisation initiale. C’est pourquoi l’on a vu dernièrement arriver sur le marché de nouveaux implants qui regroupent plusieurs de ces caractéristiques, afin de répondre au mieux à la problématique de la cratérisation initiale.

Ces différents implants ont en commun :

– une connexion type hexagone interne ;

– un système de platform-switching ;

– une surface rugueuse (préparée par divers procédés) qui remonte jusqu’au sommet de l’implant, avec un état de surface particulier au niveau du col (et non plus un col usiné).

Ce concept d’« implant idéal » n’est pas encore à considérer comme la solution apportée au problème de la cratérisation, d’autant plus qu’un design implantaire ne saurait à lui seul constituer une réponse à la perte osseuse et à l’esthétique.

Une étude préimplantaire sérieuse, une gestion correcte de l’occlusion sur la restauration implanto-portée, un bon contrôle de plaque et la dextérité et l’expérience du praticien restent en effet des éléments primordiaux pour que le traitement implantaire soit un succès dans le temps.

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