Gestion de l’esthétique à travers un protocole de mise en charge immédiate - Implant n° 4 du 01/11/2014
 

Implant n° 4 du 01/11/2014

 

DOSSIER CLINIQUE

Sacha Yalicheff  

Docteur en chirurgie dentaire
Diplômé de la faculté d’odontologie de Lyon
DU d’esthétique et d’implantologie orale
DU d’urgence odontologique et médicale
dr.yalicheff@gmail.com

À travers cet article seront définis les protocoles de mise en charge immédiate applicables au xxie siècle. Dans un premier temps, nous évoquerons les critères chirurgicaux puis les critères prothétiques pour la réussite des mises en charge immédiates en citant les différentes indications cliniques.

Gagner du temps, voilà la préoccupation du XXIe siècle. Nous vivons effectivement dans un monde où tout doit toujours aller plus vite au détriment parfois de la rigueur des protocoles. En effet, la mise en charge immédiate a fait l’objet de controverses à une époque où l’on cherchait à augmenter considérablement le taux de survie des implants [1, 2]. Puis, avec un taux de succès toujours plus élevé, la recherche s’est tournée vers la simplification des protocoles implantaires.

Alors, on peut se demander si la mise en charge immédiate est une thérapeutique imposée par les temps modernes ou si c’est une thérapeutique de choix pour le praticien et/ou le patient dans la gestion d’un cas esthétique. Il s’agit, à travers cet article, de définir l’impact des différents critères chirurgicaux et prothétiques dans la réussite, à long terme, des mises en charge immédiates.

DÉFINITION DE LA MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

Il existe de nombreuses définitions de la mise en charge immédiate au sein de la littérature scientifique, certains considérant que l’on parle de mise en charge immédiate uniquement si la prothèse est mise en occlusion immédiatement [3] et, préférant, si ce n’est pas le cas, parler de mise en esthétique immédiate ou de temporisation immédiate [1].

Nous avons fait le choix dans cet article de ne pas débattre sur ce sujet et d’utiliser la dénomination mise en charge immédiate lorsqu’une prothèse implanto-portée est utilisée immédiatement après une chirurgie dans le sens où les forces masticatoires exerceront des contraintes mécaniques sur l’implant.

CRITÈRES CHIRURGICAUX POUR UNE MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

Longtemps, on a considéré que la stabilité primaire était un critère essentiel de la réussite implantaire. On s’est ensuite aperçu qu’il s’agissait en fait plus d’une apparente « tranquillité » du praticien que d’un réel intérêt physiologique. Aujourd’hui, on sait que cette stabilité primaire n’a de réel intérêt que lors d’une mise en charge immédiate où elle est, en revanche, le critère principal.

En effet, lors de la phase de cicatrisation, il faudra que les micromouvements appliqués sur l’implant restent en dessous du seuil de tolérance de ce dernier [4]. De ce fait, les contraintes exercées à l’interface os/implant doivent être optimisées [5]. Voici donc les différents facteurs sur lesquels le praticien peut influer pour optimiser la stabilité primaire ainsi que ceux qui permettent de réduire les contraintes sur l’implant [6, 7].

FACTEURS INFLUENÇANT LA STABILITÉ PRIMAIRE

Il est inutile de s’attarder sur certains facteurs dans le sens où le praticien ne peut agir directement sur eux, comme la qualité osseuse nécessaire bien évidemment à une bonne stabilité primaire.

Les facteurs techniques ne seront pas non plus détaillés, car on considère que la mise en charge immédiate appartient aux praticiens expérimentés maîtrisant parfaitement les protocoles de forage, et ils ne seront que cités : il faudra bien évidemment réaliser une sous-préparation du lit implantaire ou bien chercher un ancrage apical d’au moins 3 mm dans le cas d’une extraction suivie d’une mise en charge immédiate [8].

Enfin, il y a un critère sur lequel le praticien a une influence directe, c’est le choix de l’implant. En effet, la morphologie de l’implant influe sur la stabilité primaire.

Forme de l’implant

Aujourd’hui, les différents systèmes implantaires ont élargi leur catalogue de manière à proposer des implants répondant au mieux à la situation clinique. Dans le cas d’une mise en charge immédiate, les implants coniques seront les plus indiqués puisqu’ils offrent une meilleure stabilité primaire que les implants cylindriques.

Spires

Les spires non seulement assurent une stabilité primaire mais elles constituent également un lieu de dispersion des forces. Il existe aujourd’hui de nombreuses géométries différentes, plus ou moins larges (entre 0,3 et 0,5 mm en général) et donc plus ou moins agressives, plus ou moins hautes ou bien encore identiques ou non sur toute la hauteur de l’implant.

Longueur de l’implant

Il est admis que pour réaliser une mise en charge immédiate, il est préférable de ne pas descendre sous une longueur d’implant de 10 mm [9].

FACTEURS INFLUENÇANT LES CONTRAINTES EXERCÉES SUR L’IMPLANT

Certaines caractéristiques de l’implant favorisent la stabilité primaire et d’autres diminuent les contraintes au niveau de la jonction os-implant.

Microspires ou microrainures au niveau cervical

Les microspires augmentent la surface de contact entre l’os et l’implant et vont donc diminuer les contraintes au niveau de l’os crestal, ce qui permettra de conserver au maximum cet os nécessaire à une intégration esthétique des restaurations [1].

Connectique implantaire

La connectique implantaire est un facteur prédominant dans la réussite à long terme des restaurations. En effet, pour que les contraintes soient les plus faibles possible au niveau de l’os crestal, il faut que la jonction entre le pilier et l’implant soit la plus étanche possible. L’utilisation du cône morse vient étayer cette pensée dans le sens où il s’agit de la connectique la plus fiable.

L’implant TSVM de chez Zimmer (Fig. 1), dont l’utilisation sera illustrée par les cas cliniques ci-après et qui a été spécifiquement conçu pour la mise en charge immédiate, en est un bon exemple. En effet, non seulement sa conicité et ses triples spires lui confèrent une fixité primaire excellente, élément fondamental pour la bonne réussite des mises en charge immédiate, mais aussi ses microrainures cervicales (sur une hauteur de 1,8 mm) diminuent les contraintes au niveau de la jonction os-implant et sa connectique hexagonale « à friction » permet une étanchéité parfaite avec le pilier (Fig. 2).

Autres facteurs

Il existe d’autres facteurs influençant les contraintes mais qui ne sont pas liés à l’implant.

L’axe implantaire est très important pour répartir au mieux les contraintes, il ne devrait pas excéder 25° [4].

Pour essayer de diminuer au maximum ces contraintes, il est également possible :

– de solidariser les implants, ce qui permet d’augmenter leur force et, donc, de ramener à un niveau acceptable les contraintes exercées autorisant même de mettre la prothèse en occlusion [10] ;

– d’utiliser la sous-occlusion qui, comme cela a été précisé dans l’introduction, permet de diminuer considérablement les forces transmises au niveau de l’implant [10].

Ces différents facteurs montrent bien que le praticien dispose d’un arsenal thérapeutique important et que la mise en charge immédiate nécessite un protocole rigoureux dans la planification des chirurgies.

CRITÈRES PROTHÉTIQUES POUR UNE MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

Tout comme pour la chirurgie, il faudra lors d’une mise en charge immédiate respecter un protocole rigoureux. Aujourd’hui, l’arsenal prothétique qu’offrent les différents systèmes implantaires est très complet.

Dans le cas d’une mise en charge immédiate, le praticien a deux possibilités :

– la réalisation d’une prothèse transitoire scellée ;

– la réalisation d’une prothèse transitoire vissée suivie d’une prothèse permanente vissée ou non.

Le mode de fixation de certaines prothèses s’impose de lui-même. En effet, dans le cas d’une prothèse dite sur pilotis à la mandibule, le transvissage s’impose. En revanche, d’autres types de restaurations comme les couronnes unitaires peuvent être réalisées à l’aide des deux modes de rétentions. Ce sont finalement, les conditions cliniques qui influeront sur le choix de la bonne solution : occlusion, espace prothétique disponible, angulation de l’implant, préférence du praticien.

PROTHÈSE TRANSITOIRE TRANSVISSÉE

Dans le cas d’une mise en charge immédiate, la prothèse transitoire transvissée présente de nombreux avantages :

– absence de ciment de scellement pouvant s’interposer entre l’implant et la gencive ou, pire encore, entre l’implant et l’os, pouvant compromettre ainsi l’ostéo-intégration. Or, lors d’une mise en charge immédiate et surtout immédiatement après une extraction, l’enfouissement de l’implant est plus important que lors d’une mise en charge différée et il est donc très difficile de s’assurer de l’élimination complète de ce ciment ;

– démontage aisé permettant de vérifier la bonne ostéo-intégration de l’implant ;

– coût moindre. En effet, il est possible dans certains systèmes, et c’est le cas avec l’exemple de l’implant Zimmer, d’utiliser le porte-implant.

Mais le transvissage présente également des inconvénients :

– émergence de la vis, ce qui pose deux problèmes. Le premier concerne les cas antérieurs : la vis peut avoir une émergence vestibulaire ce qui, évidemment, pose des problèmes esthétiques. Le second concerne les faces occlusales : le puits de vissage peut créer une fragilité de ces faces et provoquer des fractures des prothèses transitoires ;

– temps plus long pour la dépose dans le cas de restaurations complètes ;

– manipulations augmentées. Dans le cas où l’on utilise un porte-implant, il faudra, lors de la réalisation de la prothèse permanente, démonter et remonter plusieurs fois cette provisoire, ce qui multiplie les manipulations au niveau de la jonction implant-pilier et peut provoquer des inflammations gingivales ;

– nécessité de cas favorables. Dans le cas de dents trop étroites, l’orifice de vissage fragilise la dent. En cas d’implants pas tout à fait parallèles, le vissage peut entraîner un défaut de passivité de l’armature prothétique.

PROTHÈSE TRANSITOIRE SCELLÉE

En cas de prothèse transitoire, celle-ci est solidarisée au pilier intermédiaire par scellement. Cette solution présente certains avantages :

– correction de l’axe implantaire facilité par l’utilisation d’un pilier angulé ;

– utilisation de piliers pré-festonnés facilitant la maîtrise de l’émergence prothétique ;

– rapidité pour démonter la prothèse surtout en cas de prothèse plurale ;

– utilisation du protocole One Abutment-One Time™ (Zimmer) qui présente un grand avantage puisque, dans ce cas, le pilier implantaire n’est pas retouché, ce qui veut dire que l’on dispose d’une chape pour réaliser la provisoire déjà située aux limites du pilier. De plus, il existe un analogue de pilier permettant de travailler l’émergence de la prothèse hors de la bouche du patient, très utile en cas de mise en charge immédiate. Il suffira alors, après la phase de cicatrisation, d’utiliser une coiffe d’empreinte adaptée également au pilier et, enfin, une coiffe calcinable pour que le prothésiste puisse réaliser la chape de la couronne (Fig. 3).

Comme pour la technique précédente, il existe un inconvénient majeur dans le cas de la prothèse transitoire scellée : le scellement.

En effet, lors du scellement, il y a un risque que le ciment fuse au niveau osseux pouvant compromettre l’ostéo-intégration. Cela est d’autant plus vrai que l’implant est enfoui, ce qui arrive dans le cas de sites postextractionnels avec des mises en charge immédiates.

CAS CLINIQUES DE MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

1ER cas clinique

Dans le premier cas, il s’agit du remplacement d’une canine supérieure droite avec extraction au préalable et mise en charge immédiate. Il a été décidé de réaliser une couronne transitoire scellée à l’aide du protocole One Abutment-One Time™ de chez Zimmer (Fig. 4 à 19).

2E cas clinique

Le second cas traite d’une mise en charge immédiate sur une prémolaire supérieure droite dont l’extraction avait eu lieu 3 mois auparavant. C’est une couronne transitoire transvissée qui, là, a été choisie. En effet, dans les secteurs prémolaires et molaires au maxillaire supérieur, l’implantation est bien souvent dans l’axe prothétique, ce qui est moins souvent le cas dans les secteurs antérieurs au maxillaire supérieur où l’os est incliné en palatin. Pour ce cas, les étapes chirurgicales, identiques à celles du cas précédent, ne seront pas détaillées (Fig. 20 à 29).

CONCLUSION

Cet article montre que la mise en charge immédiate fait bel et bien partie de l’arsenal thérapeutique de l’implantologie du xxie siècle. C’est une thérapeutique validée scientifiquement et qui, dans les cas antérieurs, est directement liée à la gestion de l’esthétique. Les différents systèmes implantaires et, en l’occurrence, ceux de Zimmer ont étoffé leur gamme aussi bien au niveau implantaire avec le TSVM présenté ici, qui est directement conçu pour la mise en charge immédiate, qu’au niveau prothétique, avec des piliers usinés de grande qualité permettant de gérer l’esthétique, et ce dès la phase de temporisation. !

BIBLIOGRAPHIE

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LIENS D’INTÉRÊT : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.