Utilisation du Matri™ Bone en tunnélisation - Implant n° 3 du 01/09/2014
 

Implant n° 3 du 01/09/2014

 

DOSSIER CLINIQUE

Gérard Scortecci  

Docteur d’État habilité à diriger les recherches
Expert judiciaire près la Cour d’Appel d’Aix en Provence
Responsable pédagogique du Diplôme Universitaire d’Implantologie Basale à l’Université de Nice Sophia-Antipolis
19 rue Rossini
06000 Nice

Nous présentons, au travers d’une étude clinique prospective, les résultats obtenus avec l’utilisation d’un nouveau biomatériau, le Matri™ Bone (Biom’Up, France), matrice de substitution osseuse, résorbable, et ostéoconductrice. Constitué de Β-TCP, d’hydroxyapatite et de collagène de type I et III ce matériau est indiqué dans les cas d’augmentation et de reconstruction osseuse, et donne d’excellents résultats dans les tunnélisations, en raison de ses qualités intrinsèques (souplesse, injectabilité, résorption lente).

INTRODUCTION

Les techniques de tunnélisation en chirurgie dentaire existent depuis de nombreuses années. Sans cesse revisitées, elles ont du mal à s’imposer. En effet, sous une apparente simplicité, elles demandent de l’expérience et du savoir-faire qui ne s’improvisent pas. Leur atout principal est leur caractère très peu invasif.

Ces techniques sont pratiquées chaque fois que l’on souhaite augmenter localement le volume osseux dans un but esthétique, mécanique ou anatomique [1, 2].

Aujourd’hui, cette approche par mini-tunnel est routinière dans de très nombreux actes de chirurgie (genou, épaule, abdomen, rein, cœur, etc.), y compris dans la cavité buccale, avec des modifications notables tant au niveau de l’instrumentation (tunnelier manuel et mécanique) et de la préparation initiale (Ostéotenseur(r) matriciel manuel et rotatif) [3] que des biomatériaux (autologue, hétérologue, Matri™ Bone).

De par leur composition proche de celle de l’os, les biomatériaux ont l’avantage d’être biologiquement et physiquement compatibles avec le corps humain. Matri™ Bone (Biom’Up, France) est une matrice de substitution osseuse, résorbable et ostéoconductrice. Elle est constituée de Β-TCP, d’hydroxyapatite et de collagène de type I et III et est indiquée dans les cas d’augmentation et de reconstruction osseuse [4-6].

Nous présentons, au travers d’une étude clinique prospective, les résultats obtenus avec l’utilisation de ce biomatériau qui possède les qualités requises pour être utilisé en tunnélisation (souplesse, injectabilité, résorption lente).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

INDICATIONS CONCERNÉES

Il existe quatre principales indications cliniques :

– les pertes de substance dans la zone esthétique avant implantation (Fig. 1 à 7) ;

– les crêtes en lame de couteau (augmentation latérale) ;

– les crêtes plates (augmentation verticale) ;

– la correction de certains défauts vestibulaires post-implantaires.

SÉLECTION DES PATIENTS

Il s’agit d’une d’étude clinique prospective. Vingt-cinq patients ont été opérés entre janvier et octobre 2013.

Les patients pour lesquels une technique de tunnélisation va être pratiquée sont sélectionnés après un examen médical et bucco-dentaire selon les critères d’inclusion et d’exclusion suivants :

– physiques : contre-indications classiques à la chirurgie bucco-dentaire ;

– psychiques : capacité à coopérer, respect des consignes, absence de phobies et de problèmes psychologiques ;

– économiques : greffe autologue moins onéreuse que mise en place de Matri™ Bone, mais plus douloureuse et plus invasive.

Le patient est préalablement informé de la méthode : analyse de son rapport bénéfice/risque et présentation des techniques de substitution.

Le consentement éclairé du patient est alors obtenu.

CRITÈRES D’EFFICACITÉ

Les contrôles suivants vont permettre d’évaluer l’efficacité :

– radiologique, avec le nouveau scanner cone beam (Vatech) au bout de 60 jours, éventuellement avec un nouveau modèle stéréolithographique. Si le Matri™ Bone est radio-opaque, il est facile de ­mesurer sur le scanner le gain volumétrique apparu au bout de 60 jours. Cela ne signifie pas pour autant que tout s’est ossifié, loin de là, mais le matériau est resté en place et n’a pas complètement disparu ;

– par sondage mécanique à l’Ostéotenseur(r) manuel muni d’un curseur au travers du guide d’impact. Il est réalisé une approche métrologique des plus simples en comparant l’épaisseur de la zone à T0 et T60.

CRITÈRES D’ÉVALUATION SECONDAIRES

Les autres critères sont l’aspect visuel (photographies avant et après), permettant au patient de constater que la zone effondrée a été reconstruite (Fig. 8 à 11).

Des moulages du secteur avant et après peuvent également servir de référence.

Les résultats sur les 25 patients opérés de janvier à octobre 2013 seront par ailleurs analysés.

PROCÉDURES OPÉRATOIRES

Après avoir obtenu le consentement éclairé du patient, le protocole opératoire suivant va être appliqué pour l’ensemble des patients :

Premier temps opératoire

Une prise d’empreinte du secteur va être effectuée avec, en complément, la réalisation d’un cone beam et d’un modèle stéréolithographique (Fig. 12 à 17).

La préparation ostéogénique va consister en l’activation des cellules souches par un Ostéotenseur(r) manuel 21 jours avant la tunnélisation (Fig. 18 et 19).

Deuxième temps opératoire

Les étapes suivantes vont être successivement effectuées :

– préparer la crête alvéolaire par une incision horizontale médiane à 1 cm environ en dessous de la crête afin que la suture ne coïncide pas avec la saillie du greffon [1] ;

– par la plaie, introduire un décolleur mince puis une rugine fine et créer d’un côté comme de l’autre, par décollement muco-périosté en contact osseux, un tunnel le long de la crête alvéolaire. Ne pas déborder latéralement sous peine de libérer les tissus mous qui bordent les deux versants de la mandibule et favoriseront plus tard le glissement du greffon ;

– diriger la progression du décolleur entre le pouce et l’index de la main qui ne travaille pas. Poursuivre le décollement d’avant en arrière jusqu’au trigone.

Préparation et mise en place du Matri™ Bone

Le biomatériau Matri™ Bone va être façonné au ciseau en s’aidant du modèle stéréolithographique. La courbe de la crête alvéolaire est reproduite et l’extrémité distale est amincie de manière à faciliter l’introduction du greffon.

Le greffon de Matri™ Bone est introduit dans chaque tunnel. Les extrémités proximales sont découpées de façon à ce qu’elles s’affrontent sans chevauchement. Des sutures à points séparés sont réalisées.

Une empreinte est reprise en évidant largement l’ancienne prothèse de manière à la rebaser sans endommager la tunnélisation.

La prothèse est remise en place après modification ; elle ne doit ni blesser ni comprimer le greffon. Elle doit être retirée au moment des repas (nourriture souple, mixée). Elle ne sert que pour des raisons relationnelles et esthétiques.

Le patient est revu au bout de 24 heures, 1 semaine puis 45 jours. Un nouveau cone beam est réalisé 60 jours plus tard, suivi ou non d’un modèle stéréolithographique pour mesurer le gain obtenu. Une empreinte est prise, suivie de la confection d’un maître modèle en plâtre.

La même intervention a également été réalisée au niveau maxillaire.

RÉSULTATS

Vingt-cinq patients, sélectionnés de janvier à octobre 2013, ont été opérés grâce à une technique de tunnélisation et ont reçu le biomatériau Matri™ Bone

Un contrôle radiologique grâce à un cone beam est réalisé 60 jours plus tard, suivi ou non d’un modèle stéréolithographique pour mesurer le gain obtenu. Les tunnélisations ont été pratiquées sur les 25 patients Le gain osseux moyen obtenu est présenté par type d’édentation (Tableau I) :

– les mesures sont effectuées à T0 puis à T60 à l’aide d’un guide d’impact et d’un Ostéotenseur(r) muni d’un curseur sous forme d’un disque perforé (du type sonde d’endodontie) ou directement sur les modèles stéréolithographiques ;

– les gains les plus favorables correspondent à des zones de déhiscence vestibulaire post-extractionnelles.

Par ailleurs, l’étude des aspects visuels et esthétiques permet de constater que la zone effondrée a été reconstruite

DISCUSSION

Le Matri™ Bone est un biomatériau facile à manipuler et simple d’utilisation. Nous aurions dû utiliser des dimensions plus petites car, à chaque fois, nous avons délaissé plus de 50 % du matériau initial, notamment dans les édentations partielles.

De fait, en augmentation verticale, le Matri™ Bone est souple et finit par s’aplatir lorsque le tunnel initial se contracte par suite de la cicatrisation.

Pour éviter les infections, nous avons au départ trempé le Matri™ Bone dans de la povidone iodée (Bétadine(r)). Cela n’a pas posé de problème particulier mais nous a été formellement déconseillé par Biom’Up et nous avons cessé cette procédure. Nous avons remplacé la Bétadine(r) par de la lotion de Goldman, qui est un antiseptique local destiné à l’irrigation des poches parodontales. Nous n’avons rencontré aucun problème particulier. L’avantage de cette lotion lipidique et antiseptique est qu’elle évite l’aplatissement trop rapide de la membrane tout en la protégeant contre l’infection.

Quel type d’os obtient-on au bout de 60 jours ? C’est de l’os cotonneux (woven bone) qui ne deviendra fonctionnel qu’au bout de 2 années de mise en fonction du secteur implanté.

En réalité, une petite partie seulement se transformera en véritable os fonctionnel. La durée de notre étude étant d’une année, aucune évaluation n’a été possible. Néanmoins, dans le cadre de cette étude, nous avons étudié le gain osseux par type d’édentation : les gains les plus favorables correspondent à des zones de déhiscence vestibulaires post-extractionnelles (3,8 mm).

Un autre aspect observé est l’augmentation en épaisseur du manteau muco-périosté qui permet d’optimiser la future esthétique tout en favorisant la maintenance indépendamment du gain osseux éventuel.

CONCLUSION

Le Matri™ Bone a des propriétés ostéoconductrices. Les meilleurs résultats lors des tunnélisations sont obtenus lorsque l’on dispose d’au moins 2 parois osseuses (augmentation latérale avec paroi verticale et horizontale), voire 3 parois quand on a tunnélisé en face d’une extraction ayant perdu le mur vestibulaire. Lorsqu’on ne dispose que d’une seule paroi (crête plate horizontale maxillaire ou mandibule), le gain existe mais il est faible, peu homogène et précaire.

Dans toutes les situations, on observe un gain en épaisseur de la fibromuqueuse, ce qui présente un avantage au niveau du maintien et de l’esthétique du futur site implantaire.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Ginestet G, Frezieres H, Palfer-Sollier M. Atlas de technique opératoire. Chirurgie stomatologique et maxillo-faciale. Paris : Éditions médicales Flammarion, 1962.
  • 2. Khoury F. Tunnel technique. In: Khoury F, Antoun H, Missika P (eds). Bone augmentation in oral implantology. Charenton-le-Pont : Quintessence publishing, 2007.
  • 3. Odin G, Misch CE, Binderman I, Scortecci G. Fixed rehabilitation of severely atrophic jaws using immediately loaded basal disk implants after in situ bone activation. J Oral Implantol 2012;38:611-616.
  • 4. Roche JL. Comblement sinusien : à propos d’un cas clinique utilisant une nouvelle préparation de phosphate tricalcique (Β-TCP), hydroxyapatite (HA)/collagène ; le Matri™ Bone. Clinic 2011;32:537-542.
  • 5. Teboul G. Augmentation du volume osseux par expansion de crête mandibulaire avec utilisation de la piézo-chirurgie et d’un nouveau substitut osseux. Inf Dent 2012;11:1-5.
  • 6. Day R. Innovation in biomaterials for guided bone regeneration. Dental Practice 2012:24-26.

LIENS D’INTÉRÊT : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.