La solution - Implant n° 2 du 01/05/2015
 

Implant n° 2 du 01/05/2015

 

ÉDITORIAL

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Pendant longtemps le système de santé français a été considéré comme l’un des meilleurs du monde, mais ça, c’était avant… Depuis près de 40 ans, le défi de la réduction du déficit abyssal de la Sécurité sociale a fait envisager diverses solutions dont l’efficacité s’est révélée médiocre en termes de résultats. L’un des problèmes majeurs du système est son inadéquation à une médecine moderne dont l’efficacité dépend de techniques excessivement...


Pendant longtemps le système de santé français a été considéré comme l’un des meilleurs du monde, mais ça, c’était avant… Depuis près de 40 ans, le défi de la réduction du déficit abyssal de la Sécurité sociale a fait envisager diverses solutions dont l’efficacité s’est révélée médiocre en termes de résultats. L’un des problèmes majeurs du système est son inadéquation à une médecine moderne dont l’efficacité dépend de techniques excessivement coûteuses, alors que le niveau maximal de ponction tolérable par les citoyens pour leur santé est atteint. Le vrai problème est que ce constat est difficilement présentable pour un politique et qu’il est donc nécessaire de trouver des palliatifs et, si possible, des boucs émissaires.

D’où, dès la fin des années 1980, un ministre qui souhaite réduire de façon drastique le nombre de médecins avec, pour antienne, moins il y a de médecins moins il y a de dépenses. D’où la création d’un numerus clausus dont on mesure le bénéfice aujourd’hui…

Trente ans plus tard, le fameux « trou de la Sécu » n’est toujours pas comblé, les diverses tentatives, de plans variés en réformes diverses, de nos politiques pour le diminuer se sont révélées vaines. Mais le travail de sape de la communication ministérielle, usant d’une sémantique particulièrement efficace, a crédibilisé l’idée que le vrai responsable de cette situation était bien le corps médical. Les revenus des médecins sont mis en avant et, dans une société française où la haine des riches est devenue une réalité jusqu’au plus haut sommet de l’État, où est riche celui qui gagne plus de 4 000 € par mois, les revenus moyens des médecins frisent le scandale.

Ainsi, dans le baromètre d’opinion de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) 2014 [1], Préoccupés par la précarité, les Français pensent que le système de protection sociale doit évoluer, qui vient d’être publié mi-avril, à partir de l’enquête réalisée par l’institut BVA sur un échantillon représentatif de plus de 3 000 personnes, l’opinion de nos concitoyens est édifiante.

Quatre-vingt-dix pour cent des Français sont préoccupés par la pauvreté, 89 % par le niveau des salaires et du pouvoir d’achat et 88 % par le chômage, alors que les trois quarts d’entre eux jugent leur situation plutôt bonne, voire très bonne, ce qui démontre l’optimisme ambiant.

Quatre-vingt-un pour cent des Français considèrent que notre système de Sécurité sociale « peut servir de modèle à d’autres pays » car ils estiment à 75 % qu’il « fournit un niveau de protection suffisant » bien que, pour 68 % d’entre eux, il « coûte trop cher à la société », donc nous avons un système fantastique, un modèle pour le monde entier même si on ne peut pas le payer. Le déficit ? Quel déficit ?

Pour la qualité des soins, 90 % des Français se disent satisfaits de leur médecin généraliste exerçant en libéral, 87 % le sont des médecins spécialistes libéraux qu’ils consultent et 81 % de leur chirurgien-dentiste libéral. La pratique libérale est donc plébiscitée. Mais interrogés sur leur solution miracle pour réduire le déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale, 84 % des patients préconisent la limitation des tarifs des professionnels de santé. Vive le tiers payant généralisé et la fonctionnarisation de la médecine ! Ils ne sont par ailleurs que 22 % à préconiser une augmentation des cotisations et seulement 15 % à soutenir une réduction de la prise en charge des longues maladies. Comme d’habitude en France, il faut que ça change, à condition que ça ne change rien pour moi.

La boucle est bouclée, les fautifs sont identifiés, la solution est simple : qu’est-ce qu’on attend pour prendre les mesures qui s’imposent ?

[1] DREES. Préoccupés par la précarité, les Français pensent que le système de protection sociale doit évoluer. Paris : DREES, 2015. http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1688/fichier_barometre_dopinion_de_la_drees_2014_-_synthese_courte118c8.pdf