« La pire des radios, c'est celle qui ne sert à rien » - Implant n° 1 du 01/02/2016
 

Implant n° 1 du 01/02/2016

 

IMPLANT

Quels sont les inconvénients et les avantages du cone beam ? Le guide radiologique est-il toujours pertinent ? Et qu'en est-il des doses d'irradiation pour le patient ? Pour Implant, Gérard Pasquet, pionnier de l'imagerie et radiologue de renom, répond aux questions et fait le point sur l'évolution des méthodes et des instruments. Rencontre.

Les chirurgiens-dentistes devraient avoir l'obsession de réduire au maximum le nombre d'examens

Olivier Fromentin : Comment évaluez-vous l'évolution des doses d'irradiation : sont-elles significativement plus réduites que par le passé ?

Gérard Pasquet : L'irradiation est devenue une préoccupation environnementale majeure. J'ai eu la chance de radiographier au cabinet des prix Nobel de physique français, dont Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak. Ce dernier a écrit sur le livre d'or du cabinet : « Merci aux radiologues de leur accueil, mais, une chose est certaine, il faut diminuer l'irradiation ». C'est l'obsession ! Il faut certes veiller à diminuer au maximum l'irradiation mais être conscient que la pire des radios, la plus irradiante, la plus épouvantable, c'est celle qui ne sert à rien.

Il faut faire des choix en imagerie et savoir irradier suffisamment pour obtenir le résultat escompté. Mon credo : appliquer le principe Euratom 97/43 : justification et optimisation. Justification : « pourquoi avez-vous fait cet examen ? Parce qu'il y avait telle et telle chose à chercher. » Optimisation : « pourquoi n'avez-vous pas fait une échographie plutôt que cet examen très irradiant ? ». Toujours choisir la méthode la moins irradiante possible pour parvenir au diagnostic. D'où le succès avéré du cone beam sur le scanner. Aujourd'hui, même avec les scanners les plus performants, un examen est moins irradiant avec le cone beam qu'il ne l'est avec un scanner.

Converti en jours d'irradiation naturelle, un orthopantomogramme ö le panoramique dentaire conventionnel ö correspond à 2 à 3 jours d'irradiation naturelle. En cone beam « tête », c'est 10 jours. Le scanner « tête » est à environ 1 mois. Le problème du champ d'exposition se pose également : en cone beam, plus on augmente la taille du champ, plus on augmente la résolution spatiale, plus on augmente la dose. Il vaut donc mieux avoir des champs réduits avec la résolution spatiale la plus faible possible compatible avec le diagnostic recherché. En implantologie, il n'est pas besoin d'avoir une résolution spatiale de l'ordre de celle nécessaire à la recherche d'une fêlure radiculaire.

 

OF : Nous parlons des avantages et des inconvénients du cone beam. La problématique des artéfacts liés aux structures métalliques intra-orales est-elle définitivement dépassée ?

Ce n'est pas un problème du passé. C'est un problème parfaitement actuel. Au scanner, cette problématique est passée au second plan parce qu'il existe des logiciels anti-artéfacts performants mais qui peuvent induire des images un peu contestables sur le plan de la réalité anatomique de l'image. Spontanément, le cone beam est beaucoup moins générateur d'artéfacts que ne l'est le scanner. En règle générale, le scanner est plus sensible à l'hyperdensité métallique que le cone beam.

 

OF : On revient à la clinique. Quel est votre avis sur les guides d'imagerie ?

Très peu de patients sont munis de guides radiologiques, approximativement 5 %. Le guide radiologique avait un avantage majeur quand on ne savait pas se repérer. Aujourd'hui, quand on a une coupe axiale de référence sur laquelle sont indiquées et numérotées les coupes transverses réalisées, le repérage est facile. Le guide a peu d'intérêt pour la mesure anatomique. Il peut être utile pour la reconstruction en fonction de l'axe du futur implant. Avec un scanner, les voxels se présentent sous la forme de parallélépipèdes rectangles : toutes les faces des voxels et donc leurs dimensions ne sont pas identiques. Un des avantages du cone beam par rapport au scanner : les voxels sont isotropiques, toutes les faces de ce volume cubique ont les mêmes dimensions. Il n'y a donc aucune déformation de la mesure effectuée en fonction de l'orientation que vous choisissez pour la mesure.

 

OF : Mais cette mesure est effectuée perpendiculairement à un plan de coupe arbitrairement choisi : la mesure perpendiculaire qui en découle ne correspond pas toujours à l'axe dans lequel on va placer l'implant...

Dans ce cas, il faut utiliser un guide indexé.

 

OF : Comment assurer la sécurité des données numériques dans leur transfert et leur stockage à long terme ?

C'est très compliqué. Dans notre structure, nous offrons la possibilité aux praticiens de venir chercher sur notre site internet les résultats de leurs patients ö exclusivement leurs patients ö les images et les comptes rendus. Nous avons deux centres de stockage externe et je viens d'apprendre que les données des patients examinés il y a plus de deux ans sont inaccessibles... Tout a disparu ! Pourtant, nous travaillons avec une société qui a pratiquement le monopole du stockage de l'imagerie en France ! Il m'arrive tous les jours de chercher des fichiers anciens afin de comparer l'évolution dans le temps d'une situation clinique... et aujourd'hui ces fichiers n'existent plus ! Il faut être très méfiant sur l'archivage et le stockage des données.

 

OF : En conclusion, quel est votre avis concernant la généralisation de l'usage du cone beam au cabinet ?

En tous les domaines, et particulièrement en imagerie, il est dangereux d'être à la fois juge et partie. Les chirurgiens-dentistes devraient avoir l'obsession de réduire au maximum le nombre d'examens. Je passe du temps à refaire des examens radiographiques... La radio la plus irradiante est celle qui ne sert à rien : il s'agit malheureusement de 10 à 15 % de notre activité (toutes disciplines confondues). Mon métier, du moins celui où je me sens le plus utile, c'est la recherche de l'origine de douleur dentaire ou faciale, et je vois des patients qui arrivent avec 10 kg d'imagerie... Quand on cherche avec des renseignements corrects, avec un interrogatoire bien conduit, avec un matériel adapté, multiplier les examens complémentaires n'est pas nécessaire pour aboutir au diagnostic.

Lectures conseillées

  • Pasquet G, Cavezian R. Moyens diagnostiques en imagerie odontostomatologique. Cone beam : résultats. J Radiol 2009;90:618-23.
  • Cavezian R, Fortin T, Pasquet G, Batard J. Imagerie cone beam et implants : les points de vue conjoints du radiologue et du chirurgien. Implant 2009;5:165-88-9.
  • Pasquet G, Cavezian R, Batard J. Imagerie et chirurgie dento-maxillaire chez l'enfant et l'adolescent. Act odonto-stomatol 2007;(237):29-40.