Cliniquement acceptable ? - Implant n° 4 du 01/11/2016
 

Implant n° 4 du 01/11/2016

 

ÉDITORIAL

Olivier Fromentin  

Rédacteur en chef

Un traitement est-il « cliniquement acceptable » s'il est seulement réalisable et réalisé ?

Il y a peu, le jargonnage de la « novlangue » chère aux pédagogues officiels a été fustigé avec humour dans la presse en pointant les expressions par trop caricaturales telles que « le milieu aquatique profond standardisé » ou « l'instrument scripteur » concernant respectivement la piscine ou le stylo de l'écolier. Au-delà de la caricature évidemment facile, il faut reconnaître que chaque métier a son vocabulaire spécifique, plus ou moins abscons, généralement incompréhensible pour le profane.

Inversement, il est des expressions où le sens de chaque mot est commun mais où l'ensemble de la locution prend une signification souvent bien moins précise que la somme des mots qui la compose.

Ainsi, à ma grande surprise, un architecte interrogé sur le nombre de radiateurs envisagés dans un local m'a répondu en termes de situation des « points de confort thermique ». Je suis resté dubitatif sur cette évolution sémantique depuis l'appareil commun destiné à la production de chaleur vers ce même dispositif, probablement plus complexe ou onéreux, apte à prendre en compte la perception par nature subjective du ressenti de l'utilisateur.

On pourrait ainsi s'amuser à multiplier les exemples d'expressions pompeuses, vides de sens ou, au contraire, dans lesquelles ce dernier dérape insidieusement au gré des modes ou des intentions plus ou moins avouables de faux érudits voire même de vrais disciples de la préciosité.

Dans notre domaine de compétences, il m'est également arrivé de m'interroger sur l'expression parfois retrouvée dans certaines publications scientifiques en langue anglaise, concernant l'évaluation d'un traitement ou d'une modalité thérapeutique, qualifiée de « cliniquement acceptable ».

Je comprends qu'un traitement soit valide, fiable, reproductible, plus ou moins risqué par rapport à une thérapeutique de référence.

J'admets une différence cliniquement pertinente ou acceptable, fondée sur un consensus de cliniciens experts ou de patients. Je reste souvent songeur devant la notion d'« acceptabilité clinique ».

Un traitement est-il « cliniquement acceptable » s'il est seulement réalisable et réalisé ? Peut-on qualifier un traitement d'« acceptable » cliniquement si les résultats présentés sont significativement plus faibles que ceux d'une thérapeutique de référence ?

Qui fixe le seuil de cette acceptabilité ? Le clinicien, l'auteur de l'article, le patient satisfait ou celui en situation d'échec thérapeutique ?

Très rapidement, il apparaît que le sens s'affirme dans une méthodologie explicite où l'aspect quantitatif est essentiel, et c'est en ce sens que les efforts de normalisation des termes ou expressions utilisés dans un domaine aussi précis que le nôtre doivent être encouragés afin de réduire la variabilité polysémique, facteur de confusion.

Il me reste à remercier les auteurs contributifs de ce numéro de novembre qui ont montré, en complément de leur connaissance approfondie des sujets abordés, une grande maîtrise de l'« instrument scripteur numérique » afin d'éviter au lecteur un « déplacement autonome virtuel en position horizontale au sein d'un milieu aquatique profond standardisé ».

Bonne lecture !