Diagnostic et étiologies de la péri-implantite - Implant n° 4 du 01/11/2017
 

Implant n° 4 du 01/11/2017

 

É. Villaumé / I. Kleinfinger / O. Fromentin  

Résumé

Cet article précise les éléments bibliographiques essentiels concernant les étiologies et le diagnostic de la péri-implantite en 2017.

Summary

Diagnosis and etiologies of periimplantitis

This article specifies the essential bibliographic elements concerning the etiologies and diagnosis the of the peri-implantitis in 2017.

Key words

peri-implantitis, diagnosis, etiology, narrative literature review

D'après la méta-analyse de Kern et al. [], le taux de survie implantaire 5 ans après la mise en charge serait de 98,9 % à la mandibule et de 97,9 % au maxillaire.
Plus précisément, il n'y aurait pas de différence significative quant aux taux de survie à la mandibule entre prothèses fixées et amovibles sur implants. Au maxillaire, quand on compare ces deux types de traitements prothétiques, les prothèses amovibles présenteraient un taux de perte implantaire limité à 2,3 % au bout de 5 ans mais néanmoins significativement supérieur à celui des prothèses fixées supra-implantaires. La fiabilité démontrée de ces thérapeutiques implanto-prothétiques est toutefois à relativiser à la lumière des nombreuses publications de cette dernière décennie qui montrent que la fréquence des pathologies péri-implantaires serait en augmentation.

Les premiers à décrire la pathologie décrite sous le nom de péri-implantite ont été Mombelli et al. en 1987 [], qui l'ont comparée aux maladies parodontales. Pour eux, l'étiologie principale serait d'origine bactérienne.

Dans la revue de littérature de Canullo et al. [], l'accumulation de plaque bactérienne est rapportée comme un facteur étiologique essentiel de la maladie péri-implantaire, mais ces auteurs citent également le type de surface implantaire qui créerait un micro-environnement pour les micro-organismes et modifierait la réponse immunitaire face à l'accumulation de plaque bactérienne. La péri-implantite serait une maladie multifactorielle impliquant la réponse de l'hôte, l'architecture implantaire et la qualité des tissus péri-implantaires.

D'après Berglundh et al. [], il est possible de classer les maladies péri-implantaires en deux catégories :

– la mucosite, caractérisée par une inflammation des tissus mous péri-implantaires sans perte osseuse ;

– la péri-implantite, dans laquelle l'inflammation des tissus mous péri-implantaires est associée à une perte osseuse.

Néanmoins, comme le soulignent Canullo et al. [], la littérature récente montre une grande variabilité dans la définition précise de ces deux affections distinctes. La variation du seuil des paramètres cliniques utilisés pour définir ces deux pathologies mène donc à une grande hétérogénéité de leurs prévalences.

Après une recherche bibliographique structurée concernant les pathologies tissulaires péri-implantaires, sept articles récents ont été retenus [-] afin de synthétiser les caractéristiques cliniques essentielles en rapport avec les différentes définitions utilisées pour caractériser une péri-implantite. De ces définitions découlent des classifications qui peuvent être utilisées pour faciliter le diagnostic de ces pathologies.

L'objectif de cet article est donc d'utiliser la littérature récente pour retenir une définition univoque ainsi que des critères cliniques précis afin de poser un diagnostic et un pronostic sur la péri-implantite.

Définitions de la péri-implantite

Une recherche de la littérature scientifique, en langue anglaise, a été effectuée dans la base de données PubMed à l'aide des mots clés peri-implantitis, diagnosis et etiology, pour une période allant de 2000 à 2017.

Sur les 56 publications répondant aux critères de sélection, seules ont finalement été retenues celles qui précisaient les caractéristiques cliniques explicitement décrites concernant les manifestations d'une pathologie tissulaire muqueuse et/ou osseuse en rapport avec les traitements implanto-prothétiques.

Une recherche manuelle a permis de compléter ces articles sélectionnés. Ainsi, sept publications [-] ont été retenues et font l'objet de l'analyse présentée ci-après.

Heitz-Mayfield

Pour Heitz-Mayfield [], la péri-implantite se définit comme un déséquilibre entre la charge bactérienne et les défenses de l'hôte. Elle peut concerner la muqueuse uniquement dans le cadre de la mucosite ou s'étendre à l'os péri-implantaire, caractérisant ainsi une péri-implantite. Pour cet auteur, le saignement au sondage est toujours présent lors d'une péri-implantite. D'autres signes cliniques peuvent y être associés comme des poches profondes, des récessions gingivales, la présence de fistule, des hyperplasies ou une suppuration. Le non-traitement de cette pathologie entraîne progressivement une perte complète de l'ostéo-intégration.

Dans sa revue de la littérature, Heitz-Mayfield précise les modalités de l'examen clinique ainsi que les critères nécessaires à l'établissement du diagnostic de la péri-implantite.

Ainsi, le sondage des poches, qui est essentiel pour le diagnostic des maladies péri-implantaires, ne doit pas induire de lésions des tissus péri-implantaires. Selon une étude in vitro [], il a été observé qu'à la suite d'un sondage péri-implantaire standardisé avec une sonde utilisant une force de 0,25 N, la reformation de l'attache péri-implantaire serait complète en 5 jours et donc ne causerait pas de dommage irréversible. Par ailleurs, un saignement au sondage signerait une inflammation des tissus péri-implantaires et serait un élément prédictif de la perte des tissus de soutien. Enfin, une augmentation de la profondeur de poche dans le temps serait liée à une perte d'attache et à une perte osseuse.

Pour Heitz-Mayfield, la profondeur des poches ainsi que la présence de saignement au sondage et de suppuration doivent être des éléments à évaluer systématiquement lors du diagnostic de la péri-implantite. Les radiographies sont indispensables pour noter l'environnement osseux autour des implants. L'analyse du fluide créviculaire ne serait pas utile au diagnostic clinique de la péri-implantite.

Froum et Rosen

Dans la publication de Froum et Rosen de 2012 [], la péri-implantite est définie comme une maladie inflammatoire affectant les tissus mous et durs autour de l'implant ostéo-intégré.

La présence de l'inflammation et la perte progressive de l'os sont les éléments essentiels décrits dans la classification proposée par ces auteurs. La perte osseuse est à évaluer après un remodelage osseux initial qui s'effectue durant la première année de mise en fonction de l'implant. Une perte osseuse de 0,2 mm/an est considérée comme acceptable après cette mise en fonction.

Les critères diagnostiques primordiaux pour déterminer la présence d'une inflammation sont le saignement au sondage et la présence de suppuration.

Le sondage des poches doit être standardisé, sous la forme d'une pression de 0,25 N délivrée à l'aide d'une sonde calibrée, au niveau de 6 sites différents. Par ailleurs, l'apparition éventuelle d'un saignement dans un délai de 15 secondes après le sondage doit être enregistrée.

Froum et Rosen proposent une classification dans laquelle la notion de sévérité de la maladie s'évalue selon trois catégories : légère, modérée et avancée en fonction de l'importance de la profondeur des poches et du pourcentage de perte osseuse par rapport à la longueur de l'implant.

Ainsi, le diagnostic de péri-implantite légère est posé s'il est constaté une profondeur de poche supérieure ou égale à 4 mm avec saignement ou suppuration au sondage, en complément d'une perte osseuse évaluée à moins de 25 % de la longueur de l'implant. Une péri-implantite modérée est associée avec une perte osseuse quantifiée entre 25 et 50 % de la longueur de l'implant tandis que si cette perte dépasse 50 %, cela caractérise une affection sévère.

L'évaluation de la perte osseuse nécessite la réalisation de radiographies standardisées pour lesquelles des points de référence explicitement décrits sont utilisés pour réaliser les mesures comparatives.

Rosen et al.

En 2013, Rosen et les experts du comité de l'American Academy of Periodontology (AAP) [] se sont fondés sur la définition de Sanz et al. proposée lors de la huitième réunion du Groupe de travail européen de parodontologie [].

La péri-implantite serait un processus inflammatoire qui se développe autour de l'implant, incluant les tissus mous, et au cours duquel l'évolution de la perte osseuse se déroule progressivement au-delà du remodelage osseux biologique initial.

Les données cliniques et radiologiques doivent être enregistrées et établies une fois ce remodelage osseux initial terminé, lors de la pose de la prothèse d'usage.

La conclusion de cet article est qu'il n'existe aucun outil diagnostique qui puisse permettre d'établir avec certitude le diagnostic de péri-implantite.

Ata-Ali et al.

Ata-Ali et al. [] proposent une classification de la mucosite et de la péri-implantite fondée sur la combinaison de critères cliniques et radiologiques. Ils reprennent les notions décrites dans des publications citées précédemment [, ] comme celles rapportées par Froum et Rosen [] sur la nécessité d'un sondage calibré et de l'utilisation de radiographies standardisées. Par ailleurs, ils retiennent la définition du huitième Groupe de travail européen de parodontologie [].

Pour Ata-Ali et al., la péri-implantite est définie comme la présence d'un saignement au sondage associée à une perte osseuse, tandis que la mucosite est définie comme la présence d'un saignement au sondage sans perte osseuse associée et la suppuration n'est pas une condition nécessaire pour diagnostiquer une péri-implantite. Ils justifient cela par analogie avec la parodontite qui peut être de sévérité variable et où la suppuration n'est pas toujours présente. Ils définissent ainsi six phases de sévérité croissante, les deux premières caractérisant une mucosite et les quatre dernières une péri-implantite :

– phase 0A, profondeur de poche inférieure à 4 mm, avec saignement au sondage et/ou suppuration, sans signe de perte osseuse après le remodelage osseux initial ;

– phase 0B, profondeur de poche supérieure à 4 mm avec saignement au sondage et/ou suppuration, sans signe de perte osseuse après un remodelage osseux initial ;

– phase I, saignement au sondage et/ou suppuration avec une perte osseuse inférieure à 3 mm au-delà du remodelage osseux initial ;

– phase II, saignement au sondage et/ou suppuration avec une perte osseuse supérieure à 3 mm et inférieure à 5 mm et au-delà du remodelage osseux initial ;

– phase III, saignement au sondage et/ou suppuration avec une perte osseuse supérieure ou égale à 5 mm et au-delà du remodelage osseux initial ;

– phase IV, saignement au sondage et/ou suppuration et perte osseuse supérieure à 50 % de la longueur de l'implant au-delà du remodelage osseux initial.

Padial-Molina et al.

En 2015, Padial-Molina et al. [] définissent les maladies péri-implantaires comme des pathologies inflammatoires. Pour ces auteurs, l'absence de saignement au sondage serait un bon indicateur de stabilité. Comme seul signe clinique retrouvé, le saignement au sondage serait caractéristique de la mucosite. S'il est associé à une poche, à un exsudat ou à une perte osseuse radiographiquement avérée, il est possible de diagnostiquer une péri-implantite.

Dans la classification proposée, la mucosite peut être associée à une perte osseuse inférieure à 2 mm. Pour le reste, la catégorisation des niveaux de sévérité des péri-implantites est identique à celle d'Ata-Ali et al. [] :

– niveau I, saignement au sondage et/ou suppuration avec perte osseuse inférieure ou égale à 3 mm au-delà du remodelage osseux initial ;

– niveau II, saignement au sondage et/ou suppuration avec perte osseuse inférieure à 5 mm au-delà du remodelage osseux initial ;

– niveau III, saignement au sondage et/ou suppuration avec perte osseuse supérieure ou égale à 5 mm au-delà du remodelage osseux initial ;

– niveau IV, saignement au sondage et/ou suppuration avec perte osseuse supérieure à 50 % de la longueur de l'implant au-delà du remodelage osseux initial.

Sarmiento et al.

Dans l'étude de Sarmiento et al. [] concernant les étiologies des maladies péri-implantaires, les auteurs ne rapportent pas clairement les critères de définition de la péri-implantite.

La classification proposée s'articule autour de la profondeur des poches (profondeur de poche inférieure à 4 mm, comprise entre 4 et 5 mm, supérieure ou égale à 5 mm), la présence d'une perte osseuse sans évaluation quantitative précise et la présence ou non de gencive kératinisée.

Après synthèse de ces quelques publications, il apparaît qu'il est nécessaire de collecter un ensemble suffisant de données cliniques et radiologiques avant de poser un diagnostic de péri-implantite.

L'évaluation de l'inflammation des tissus grâce au contrôle du saignement au sondage, la présence éventuelle de suppuration et l'augmentation de la profondeur de poche associées à une perte osseuse sont les clés du diagnostic. Malheureusement, les seuils et les valeurs absolues ou relatives de ces données varient d'un auteur à l'autre, compliquant d'autant la comparaison des données recueillies dans les différentes études publiées. Clairement, il n'existe pas de consensus établi concernant les seuils quantitatifs en rapport avec les différents critères cliniques évoqués permettant d'établir un diagnostic fiable de péri-implantite.

Ramanauskaite et Juodzbalys

Ce qui précède explique que, pour certains cliniciens tels que Ramanauskaite et Juodzbalys [], ces critères doivent toujours être évalués dans un contexte global en tenant compte notamment de la profondeur d'enfouissement initial de l'implant et du remodelage osseux intervenant avec la mise en fonction. Ces auteurs ont ainsi proposé un arbre décisionnel (tableau 1) concernant le protocole à suivre pour établir un diagnostic de péri-implantite.

De plus, il semble qu'en complément de ces caractéristiques cliniques ponctuelles en rapport avec l'inflammation tissulaire, la notion de progression de la résorption osseuse, au-delà du remodelage initial, soit également essentielle dans le diagnostic de la péri-implantite.

étiologies de la péri-implantite

Concernant la seconde partie de cette synthèse de la littérature consacrée aux étiologies de la péri-implantite, une recherche dans PubMed a été réalisée en sélectionnant les termes combinés dans l'équation de recherche suivante [(peri-implantitis) OR (dental implant disease) AND (etiology)].

Trois cent dix-sept articles ont été retrouvés, avant qu'une limite aux cinq dernières années (2012-2017) n'aboutisse à sélectionner 77 articles, dont 25 revues de la littérature. Après lecture des publications, seules 9 publications ont été jugées pertinentes pour répondre à la question concernant les étiologies de la péri-implantite.

En accord avec la classification de Sarmiento et al. [], l'analyse de la littérature scientifique montre que la majorité des étiologies probables de la péri-implantite sont en rapport avec :

– le biofilm ;

– des facteurs exogènes irritants (tabac, résidus de scellement, débris alimentaires) ;

– des facteurs iatrogéniques (mauvais positionnement de l'implant, non-respect des espaces interimplantaires, échauffement de l'os lors de la chirurgie...) ;

– l'absence de tissu kératinisé autour des implants ;

– une pathologie extrinsèque (pathologie péri-apicale proximale, lésions endodontiques, carcinome, lésions postextractionnelles).

Sur une population de 152 patients présentant 249 lésions péri-implantaires, Sarmiento et al. [] rapportent une étiologie liée à l'accumulation de plaque dans 79 % des situations cliniques, près de 9 % en rapport avec un mauvais positionnement tridimensionnel de l'implant, 5 % dus à la présence d'excès de ciment et 2 % en rapport avec des lésions apicales sur des dents adjacentes. Ils signalent également l'importance de facteurs associés aggravant le processus de la maladie tels que le diabète ou le tabac.

Il apparaît essentiel de détecter au plus tôt toute modification et progression de la maladie péri-implantaire en identifiant l'étiologie probable. Toutes les étiologies rapportées dans la littérature scientifique sont décrites comme entraînant l'apparition et le développement d'une pathologie désignée par le terme péri-implantite, mais le potentiel de guérison ainsi que le pronostic sont très différents selon l'étiologie responsable.

étiologie bactérienne

Récemment quelques auteurs, comme Charalampakis et Belibasakis [], ont étudié les germes pathogènes péri-implantaires. Les méthodes de culture conventionnelles montrent la présence de cocci à Gram positif au niveau d'implants sains. La transition vers les pathologies péri-implantaires montre l'apparition de bactéries à Gram négatif. Avec les études métagénomiques, on découvre une flore bactérienne beaucoup plus diverse.

Deux décennies plus tôt, Mombelli et al. [] avaient analysé la flore bactérienne autour des implants considérés en situation de succès ou d'échec. À l'aide de cultures et d'analyses en microscopie, ils avaient montré que, 1 semaine après la chirurgie implantaire, la flore prédominante était à Gram positif facultatif. Dans les situations d'échec implantaire, l'analyse des sites montrait un complexe bactérien avec la présence de bactérie à Gram négatif anaérobiques (Bacteroides et Fusobacterium). Au niveau des implants en situation de succès, des bactéries des types cocci avaient été retrouvées dans plus de 50 % des sites sains étudiés.

Cela semble en accord avec les travaux de Furst et al. [] qui ont montré que la colonisation bactérienne apparaissait 30 minutes après la fin de la chirurgie implantaire. De plus, ces auteurs rapportent la présence précoce d'Actinomyces et de Veillonellla parvula dans le fluide gingival des dents et des implants.

Hultin et al. [] ont montré que les patients atteints de péri-implantite avaient un taux élevé d'agents pathogènes : Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Bacteroides forsythus et Treponema denticola.

Toutes ces études concernant la présence d'éléments pathogènes dans les maladies tissulaires péri-implantaires signalent l'importance d'un bon contrôle de l'infection parodontale préalable à la mise en place des implants. Alani et al. [] soutiennent la thèse de l'étiologie essentiellement bactérienne de la péri-implantite. Ils reprennent l'étude de Salvi et al. [] qui montrait une réponse inflammatoire au niveau des tissus mous péri-implantaires lors de mucosite expérimentale provoquée par l'accumulation de la plaque.

Dans leur article, Elemek et Almas [] soulignent que la cause de la perte d'attache péri-implantaire est multifactorielle mais que l'étiologie bactérienne et les surcharges occlusales sont considérées comme des facteurs essentiels. Du fait d'une anatomie gingivale moins résistante autour des implants en rapport avec l'absence de fibres de Sharpey et d'une vascularisation moindre, il y aurait une susceptibilité plus grande à l'inflammation liée à la plaque.

D'après la publication de Heitz-Mayfield et Lang [], le biofilm péri-implantaire sain serait proche de celui des tissus péridentaires sains. La flore bactérienne présente dans la cavité orale aurait une influence sur la formation du biofilm autour des implants récemment posés. Les travaux les plus récents tendent à confirmer cette étiologie bactérienne des péri-implantites en utilisant des techniques avancées d'analyse moléculaire [].

inflammation et réponse de l'hôte

Persson et al. [] ont réalisé une étude animale en provoquant une péri-implantite expérimentale. Ces auteurs montrent qu'une extension apicale rapide et une inflammation plus aiguë se produisent au niveau de la muqueuse péri-implantaire en comparaison avec la muqueuse dentaire. Ils concluent que la présence de cellules inflammatoires affecterait la barrière épithéliale et le réseau vasculaire en induisant également la production de fibrine et l'accumulation de lymphocytes au niveau de la zone inflammatoire.

Par ailleurs, les travaux de Berglundh et al. [] chez le chien ont montré que l'infiltrat inflammatoire retrouvé après une réaction bactérienne était similaire sur un site dentaire ou implantaire, indiquant que la réponse de l'hôte à la colonisation bactérienne déclenchée sur la muqueuse ou la zone péri-implantaire serait équivalente.

Petković et al. [] ont étudié la concentration de marqueurs de l'inflammation dans le fluide créviculaire comme les cytokines. Les patients en bonne santé gingivale avaient cliniquement un taux plus bas de ces substances que les patients atteints de mucosite. Dans les mucosites avancées, le taux d'interleukines 1 bêta (IL1-β) était significativement plus élevé que chez les patients sains. Javed et al. [] ont également examiné la présence de cytokines pro-inflammatoires dans le fluide créviculaire afin de détecter précocement une péri-implantite ou même d'établir un pronostic concernant le traitement des situations pathologiques.

Les méthodes d'exploration moléculaire, notamment la PCR (ploymerase chain reaction) et l'hybridation à ADN, ont permis de cibler de nouvelles espèces bactériennes dans les péri-implantites. D'après Charalampakis et Belibasakis [], la majorité de ces dernières études montrent que le profil bactérien des poches implantaires serait sensiblement similaire à celui des poches parodontales. Les bactéries du complexe rouge sont également retrouvées de manière plus importante autour des implants atteints de péri-implantites que dans les sites sains.

Enfin, la métagénomique par séquençage direct permet d'analyser de plus larges échantillons que ceux étudiés en laboratoire. Très peu d'études sur la péri-implantite existent mais les quelques résultats publiés [-] montrent que la flore bactérienne péri-implantaire serait beaucoup plus diverse que ce que les autres méthodes d'exploration montraient.

étiologies iatrogéniques

Pour Ramanauskaite et al. [], la péri-implantite serait déclenchée puis entretenue par des facteurs iatrogéniques comme les excès de ciment, un pilier à l'architecture inadéquate ou un positionnement tridimensionnel incorrect de l'implant.

Ces auteurs reprennent notamment l'étude de Wilson et al. [] concernant la présence d'excès de ciment induisant une péri-implantite. Lors du maintien in situ d'excès de ciment après scellement d'une prothèse supra-implantaire, ils signalent la présence de signes cliniques et radiologiques de maladie péri-implantaire dans 81 % des sites atteints de péri-implantite. Le retrait des excès se traduirait, dans environ 80 % des cas traités, par une disparition des signes cliniques de l'inflammation.

Des travaux in vitro de Linkevicius et al. [], il faut signaler la difficulté de contrôler ou d'éliminer les excès de ciment par les moyens visuels et tactiles, et cela même si l'infrastructure est supra-gingivale. De plus, d'après Wadhani et al. [], la détection radiologique de ces excès s'avère difficile d'autant que certains matériaux ne sont pas radio-opaques, même en épaisseur importante.

Ramer et al. [] ajoutent qu'un mauvais positionnement de la couronne lors du scellement en rapport avec un mauvais réglage du point de contact ou l'absence d'espacement dévolu à l'agent d'assemblage dans l'intrados prothétique se traduit fréquemment par le reflux d'excès de ciment dans les tissus péri-implantaires. Pour ces auteurs, même si l'efficacité de la technique est discutable, un contrôle radiographique doit être systématique après assemblage par scellement.

Par ailleurs, dans une étude rétrospective, Linkevicius et al. [] ont souligné le rôle prédisposant des antécédents de parodontite dans le risque de développer une péri-implantite en cas d'excès de ciment d'assemblage. Néanmoins, les conclusions de ces quelques études sont controversées et la méta-analyse de De Brandao et al. [], qui compare la perte osseuse entre prothèses scellées et transvissées, ne montre pas de différence statistiquement significative concernant la perte osseuse marginale entre les deux modalités d'assemblage implanto-prothétique.

Linkevicius et al. [] concluent que les excès de ciment devraient être considérés comme un facteur prédisposant à une maladie péri-implantaire. En conséquence, une restauration d'usage transvissée pourrait être privilégiée chez les patients sensibles aux maladies parodontales.

Étiologie liée à l'architecture implantaire

Alani et al. [], en accord avec les travaux de Teughels et al. ou Lin et al. [, ] suggèrent que l'accumulation de la plaque serait plus importante sur les implants dont l'architecture, en termes d'état de surface et de situation du filetage, favoriserait l'ostéo-intégration que sur les autres. Des états de surface rugueux ou modifiés par des revêtements divers induiraient l'accélération de la colonisation et de la maturation du biofilm bactérien.

Ces surfaces implantaires modifiées pourraient créer un micro-environnement pour des micro-organismes qui induirait une réponse immunitaire locale particulière. En parallèle, les dommages entraînés par la contamination bactérienne pourraient être accentués par la présence de virus qui modifieraient la réponse de l'hôte.

En conclusion de cette seconde partie concernant les différentes étiologies qui seraient à l'origine de la péri-implantite, il faut souligner le rôle majeur de la plaque bactérienne même s'il est difficile d'impliquer directement un ou plusieurs agents pathogènes. Il est probable que les défenses immunitaires de l'hôte modulent la réponse à l'inflammation et que d'autres facteurs d'aggravation ou de prédisposition interviennent pour favoriser le déclenchement ou accentuer l'évolution de la destruction osseuse péri-implantaire.

À ce titre, pour Albrektsson et al. [], l'étiologie de la péri-implantite serait une réaction de défense exagérée envers l'implant. De manière plus consensuelle, et en accord avec les travaux de Canullo et al. [] ou de Jepsen et Berglungh [], il faut retenir les notions cliniques essentielles suivantes :

– l'accumulation de plaque est l'étiologie essentielle de cette pathologie ;

– le manque de traitement chez les patients présentant une mucosite est fortement associé à l'apparition d'une péri-implantite ;

– le tabac est un facteur de risque patient dépendant et les excès de ciment seraient un indicateur de risque du développement d'une péri-implantite.

CONCLUSION

En conclusion de cette revue narrative de la littérature concernant le diagnostic et les étiologies de la péri-implantite, il faut retenir que la perte osseuse, signe clinique de cette pathologie, doit être évaluée avec précision avant de poser un diagnostic.

Des éléments issus de l'examen clinique initial et des bilans radiographiques doivent étayer non seulement la quantification de la perte osseuse associée aux signes cliniques de l'inflammation mais également la progression de la maladie en termes chronologiques dans le cadre global de la situation clinique étudiée.

La péri-implantite apparaît comme une maladie multifactorielle incluant la réponse immunitaire de l'hôte, la flore bactérienne, la caractéristique des implants et les conditions locales des tissus péri-implantaires dans le cadre d'une situation clinique où les caractéristiques de positionnement implantaire et d'architecture prothétique jouent également un rôle non négligeable.

Néanmoins, l'absence de consensus partagé par la communauté scientifique sur l'étiologie et les éléments d'un diagnostic clinique fiable de la péri-implantite contribuent à limiter le niveau de preuve scientifiquement fondée des conclusions issues des études publiées, pourtant essentielles pour orienter le choix d'une thérapeutique efficace concernant cette pathologie des tissus péri-implantaires.

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Élodie Villaumé
DUCICP, DES Chirurgie Buccale
Université Paris 7
Hôpital Rothschild (AP-HP)

Isabelle Kleinfinger
Ex-AHU Université Paris 7
DUCICP (Université Paris 7)
DUCPPI (Université Paris 11)
Directeur adjoint du DUCICP
Université Paris 7
Hôpital Rothschild (AP-HP)
Responsable formation PACT Implant

Olivier Fromentin
PU-PH
DUCICP
Directeur du DUCICP
Co-Directeur DUCPIP
Université Paris 7-Denis Diderot
Hôpital Rothschild (AP-HP)

les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.