La péri-implantite chez le patient traité par PACSI mandibulaire... et après ? - Implant n° 2 du 01/05/2017
 

Implant n° 2 du 01/05/2017

 

DOSSIER CLINIQUE

A. Fauque / S. Le Roch / A. Itic / O. Fromentin  

Résumé

Les prothèses amovibles complètes supra-implantaires (PACSI), ou implanto-retenues, constituent un moyen fiable pour restaurer l'arcade mandibulaire édentée. Des complications biologiques (mucosites ou péri-implantites) peuvent toutefois apparaître et entraîner l'échec implanto-prothétique. Il est essentiel, pour le praticien, de connaître la thérapeutique de telles lésions et les particularités du traitement chez le patient édenté complet.

Summary

Peri-implantitis in patients treated with mandibular implant-supported denture... and after ?

Implant-supported overdenture is a safe way to rehabilitate the edentulous mandibular arch. However, biological complications such as mucositis or peri-implantitis can occur and lead to implant-prosthetic failure. It thus appears essential for the clinician to know how to treat such lesions, but also the particularities of the edentulous patient treated.

Key words

complete lower denture, implant-supported dental prosthesis, peri-implantitis, therapeutics

Quel que soit le type de prothèse envisagé [, ], et même si le taux de survie implantaire s'avère très élevé [], la thérapeutique implanto-prothétique est susceptible d'entraîner des complications biologiques ainsi que des techniques nécessitant un suivi et une maintenance régulière. Ces séances périodiques de contrôle clinique et radiologique doivent permettre de détecter les altérations réversibles de la gencive péri-implantaire (mucosite) ainsi que les atteintes secondaires des tissus profonds (péri-implantite).

La mucosite se manifeste cliniquement par une inflammation localisée aux tissus mous péri-implantaires mais le sondage ne révèle pas la présence de poches, tandis que la péri-implantite est caractérisée par une extension de la lésion inflammatoire au support osseux péri-implantaire avec présence de poche(s) supérieure(s) ou égale(s) à 4 mm et saignement au sondage, la perte osseuse étant objectivée par l'examen radiographique.

Pour de nombreux auteurs, la péri-implantite est considérée comme la complication implantaire majeure [-].

Ainsi, pour Zitzmann et Berglundh [], qui ont analysé la prévalence des pathologies péri-implantaires, la mucosite se développerait chez approximativement 80 % des patients implantés et autour de 50 % des implants. D'après ces auteurs, la péri-implantite, quant à elle, serait retrouvée chez 28 à 56 % des patients, cela correspondant à environ 12 à 43 % des sites implantaires. Reposant sur un nombre de patients très important (près de 1 500 patients et plus de 6 000 implants), une revue systématique de la littérature scientifique récente [] minore ces chiffres mais rapporte néanmoins qu'une mucosite se développe chez environ 63 % des patients et sur 31 % des implants ; par ailleurs l'apparition d'une péri-implantite serait constatée chez 19 % des patients traités et sur approximativement 10 % des implants.

Depuis le consensus de McGill de 2002 [], les propositions de traitements concernant l'édentement complet bimaxillaire doivent inclure la mise en place de 2 implants symphysaires associés à un système d'attachement afin de compléter efficacement l'équilibre d'une prothèse complète mandibulaire.

Cette thérapeutique par prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI) mandibulaire est caractérisée, en termes de maintenance, non seulement par un risque mécanique élevé en rapport avec l'activation et le changement des différentes pièces du système d'attachement mais également par un risque biologique tout aussi important.

D'après Roos-Jansåker et al. [] concernant la prévalence de la péri-implantite et de la mucosite, il existerait une différence entre patients dentés et édentés. Ainsi, concernant la mucosite dans la population étudiée par ces auteurs, l'incidence serait d'environ 40 % dans le groupe des patients édentés contre 52 % chez les patients dentés. En revanche, concernant la péri-implantite, la prévalence serait similaire avec environ 6 % chez les patients édentés contre un peu plus de 7 % chez les patients dentés.

Spécifiquement concernant les patients édentés traités par PACSI, l'étude de Meijer et al. [] rapporte qu'une mucosite serait retrouvée chez 52 % des patients et sur environ 41 % des implants mis en place 5 années auparavant. Au bout de 10 ans, ces pourcentages augmenteraient pour passer respectivement à 57 et 47 %.

La péri-implantite atteindrait 17 % des patients et 11,5 % des implants au bout de 5 ans et, au bout de 10 ans, 29,7 % des patients et 20,3 % des implants seraient touchés.

Même si les prévalences rapportées des pathologies péri-implantaires semblent assez variables dans la littérature scientifique, il apparaît que le risque biologique dans les thérapeutiques implanto-prothétiques ne doit pas être négligé, y compris dans le cadre des traitements de l'édentement complet par PACSI.

Après un rappel sur les thérapeutiques des pathologies péri-implantaires, cet article précisera les caractéristiques de ces traitements appliqués aux patients porteurs de PACSI, avant d'illustrer les différentes phases thérapeutiques d'un cas de péri-implantite sévère chez une patiente traitée 8 années auparavant par une prothèse amovible complète stabilisée par trois attachements axiaux.

Thérapeutiques des pathologies tissulaires péri-implantaires (mucosite et péri-implantite) : données de la littérature scientifique

Classification des péri-implantites

Passé le stade réversible de la mucosite, caractérisée par une inflammation gingivale associée à une absence de sondage, l'apparition de poches supérieures à 4 mm traduit l'évolution vers la péri-implantite avec destruction du tissu osseux visible radiographiquement.

Pour Froum et Rosen [], la classification des maladies péri-implantaires se limite à la description de la progression de la pathologie ou des types de tissus (mous/durs) impliqués (tableau 1). Ainsi les péri-implantites, correspondant aux atteintes des tissus mous et durs, se subdiviseraient en légères, modérées et sévères.

En 2016, Sarmiento et al. [] proposent une autre classification se fondant sur l'étiologie des péri-implantites (tableau 2). Elle distingue comme agents étiologiques le biofilm, principal responsable de la perte osseuse, mais aussi les facteurs iatrogènes, les irritants exogènes, l'absence de tissu kératinisé et les pathologies extrinsèques.

De manière synthétique, il semble qu'un consensus se dégage autour d'un diagnostic de péri-implantite fondé sur des manifestations cliniques et radiographiques spécifiques, ces dernières influençant non seulement le pronostic mais également la thérapeutique.

Approches thérapeutiques des péri-implantites

Parmi les différents protocoles thérapeutiques proposés pour traiter les lésions péri-implantaires, la littérature scientifique permet d'orienter le choix vers celui qui semble le plus efficace en fonction des caractéristiques cliniques de l'atteinte péri-implantaire. Ce choix repose sur le constat clinique et radiographique ainsi que sur le mécanisme physiopathologique des affections péri-implantaires.

Traitement de la mucosite

Lors du traitement de la mucosite, l'objectif est de retrouver cliniquement une absence d'inflammation des tissus mous. D'après Heitz-Mayfield [] et Jepsen et al. [], la thérapeutique consiste à assainir le site péri-implantaire selon un protocole non chirurgical et à supprimer les facteurs étiologiques, ces derniers étant surtout représentés par le biofilm bactérien ainsi que par les excès de ciment de scellement. La thérapeutique repose donc sur :

- l'enseignement à l'hygiène orale (prescription de matériel d'hygiène spécifique, explications liées à la technique et à la fréquence de brossage) ;

- le débridement mécanique (manuel ou ultrasonique, à l'aide de curettes de Gracey ou d'inserts ultrasoniques avec revêtement en titane, en fibres de carbone ou en matière plastique) avec ou sans recours à des outils de polissage de la surface implantaire contaminée (cupules de caoutchouc et pâte à polir).

Il est à noter qu'aucun adjuvant (antiseptiques, antibiotiques locaux ou systémiques) ne semble conférer d'avantages thérapeutiques significatifs au débridement mécanique [, ].

Le traitement de la mucosite, en permettant d'intercepter les lésions péri-implantaires à un stade réversible, évite l'évolution des lésions vers la péri-implantite, d'où l'importance d'un diagnostic et d'un traitement précoces.

Thérapeutiques des péri-implantites

D'après les études de Mombelli et al. [], la flore du biofilm présent autour d'implants sains serait différente de celle retrouvée autour des implants atteints de péri-implantite. Les bactéries les plus présentes au niveau des sites malades seraient Fusobacterium nucleatum (Fn), Staphylococcus (Sp), Aggregatibacter actinomycetemcomitans (Aa), Helicobacter pilori (Hp) et Tanarella forsythia (Tf).

L'objectif du traitement de la péri-implantite est de supprimer le saignement au sondage et la suppuration, ainsi que réduire la profondeur de sondage des poches [].

D'après Machtei et al. [] et en accord avec les résultats de la revue systématique de Schwartz et al. de 2015 [], il existe un déficit de recommandations précises concernant le traitement des péri-implantites. Néanmoins, d'après la littérature scientifique, la démarche thérapeutique efficace la plus simple semble suivre la chronologie et le protocole suivants.

Phase non chirurgicale

Cette phase comprend un enseignement à l'hygiène orale avec un débridement mécanique comme décrit précédemment, mais cette fois-ci associé à une antibiothérapie systémique adjuvante (amoxicilline + métronidazole).

Il est à noter que l'antibiothérapie apporte un avantage significatif mais faible dans l'amélioration des paramètres cliniques, en termes de saignement au sondage et de profondeur de poche. Machtei [] rapporte par ailleurs le problème de l'antibiorésistance de la flore bactérienne des péri-implantites, conséquence de l'utilisation massive des antibiotiques au cours des dernières décennies. C'est pourquoi il recommande de considérer le recours aux antibiotiques comme non systématique et de limiter leur utilisation aux cas de péri-implantites en phase aiguë.

L'utilisation complémentaire dans le protocole thérapeutique d'un laser Er:YAG, de l'air-abrasion ou l'adjonction locale d'agents antibactériens (antibiotiques du type minocycline, antiseptiques sous forme de gel de chlorhexidine) ne semble pas améliorer la réduction de la profondeur de poche, le gain d'attache clinique et la baisse du saignement au sondage. En effet, les résultats concernant l'amélioration des paramètres cliniques ne diffèrent pas significativement avec ou sans leur emploi lors d'un débridement non chirurgical, à moyen et long termes (6 ou 12 mois) [, ].

Enfin, la littérature scientifique rapporte de manière claire l'inefficacité de la thérapeutique non chirurgicale dans le traitement des poches parodontales péri-implantaires. Cet échec est associé à une absence d'effet sur la flore bactérienne de ces poches, ce qui explique la persistance de saignement au sondage et justifie la mise en œuvre quasi systématique d'une chirurgie d'assainissement péri-implantaire une fois l'inflammation réduite et le contrôle de plaque obtenu.

Phase chirurgicale

L'objectif du traitement chirurgical des péri-implantites est de réduire ou supprimer les poches péri-implantaires qui forment un réservoir de bactéries parodonto-pathogènes. Il permet par la même occasion de supprimer l'inflammation, se traduisant par le saignement au sondage, et la suppuration éventuelle. Le faible recul des études cliniques publiées requiert cependant une confirmation par des durées d'observation plus longues. Quoi qu'il en soit, ce traitement présente l'avantage de donner un accès visuel et physique direct aux sites lésionnels, permettant d'éliminer le tissu de granulation puis de débrider et de désinfecter les surfaces implantaires à l'aide d'une instrumentation et d'une irrigation adéquates.

L'acte chirurgical suit les étapes décrites ci-dessous [] :

- incisions et décollement d'un lambeau de pleine épaisseur pour accéder visuellement et physiquement aux sites lésionnels ;

- débridement et désinfection des défauts osseux, via une instrumentation manuelle et mécanique (curettes de Gracey, mini-CK6, curette de Younger-Good, ultrasons avec embouts en titane) ;

- décontamination des surfaces implantaires à l'aide de compresses imbibées de povidone iodée ou de sérum physiologique. Toutes les surfaces exposées sont frottées patiemment ;

- irrigation abondante du site à la povidone iodée ;

- à ce stade, possibilité de mettre en œuvre une approche soustractive par ostéoplastie ou implantoplastie, associée ou non à une approche additive avec apport par greffe d'os autologue ou de biomatériaux de régénération osseuse guidée avec membranes résorbables.

Toutefois, il est à noter qu'une autre option thérapeutique est possible, consistant en la dépose implantaire, ou explantation. La gestion des péri-implantites n'est en effet pas toujours prédictible, notamment en ce qui concerne les lésions les plus avancées, associées à une perte osseuse sévère. Ces dernières peuvent entraîner une perte osseuse ultérieure accentuée, associée à des poches profondes ainsi qu'à une suppuration endommageant sévèrement l'os alvéolaire. Dans ce cas, l'explantation est parfois indiquée afin de permettre l'arrêt du processus local de destruction osseuse. De plus, les implants dont l'environnement osseux est sévèrement atteint ont un risque accru de fracture mécanique, ce qui contribue à réduire le pronostic favorable du traitement.

L'explantation nécessite toutefois une gestion de « l'alvéole implantaire » après dépose de l'implant. Une nouvelle chirurgie implantaire étant la plupart du temps envisagée, il est à noter qu'aucune conséquence délétère n'a été montrée, en termes de taux de survie implantaire, de complications mécaniques ou de perte osseuse péri-implantaire, au niveau de sites ayant été auparavant sujets à une dépose implantaire [].

Phase post-chirurgicale

Immédiatement après l'intervention, une antibiothérapie systémique (amoxicilline + métronidazole) est usuellement prescrite, mais les études existantes ne permettent pas de dire si cette pratique présente un réel intérêt []. Une prescription de bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine) pendant la période de cicatrisation semble bénéfique en matière d'amélioration des paramètres cliniques à moyen terme [].

Enfin, une phase de maintenance est mise en place, tous les 3 ou 6 mois, incluant l'enseignement à l'hygiène orale et l'élimination du biofilm bactérien.

Conclusion

En conclusion de cette première partie concernant les données issues de la littérature en rapport avec ces pathologies péri-implantaires, il apparaît que les techniques non chirurgicales sont limitées au traitement des mucosites, les protocoles chirurgicaux permettant quant à eux le traitement des différentes formes de péri-implantite. Les protocoles chirurgicaux décrits présentent néanmoins des modalités diverses (greffe, résection, comblement, régénération osseuse guidée...) compliquant d'autant la comparaison des résultats obtenus.

Ainsi, Daugela et al. [], dans leur revue systématique de la littérature scientifique menée de 2006 à 2016, concluent qu'il existe un manque de preuves scientifiques dans les textes publiés permettant d'établir la supériorité des techniques régénératrices par rapport aux techniques non régénératrices. Par ailleurs, en raison de la grande hétérogénéité dans les études actuelles, aucune conclusion n'est possible concernant le choix des biomatériaux à privilégier pour la régénération du tissu osseux péri-implantaire. Cela est en accord avec les conclusions de la revue systématique et de la méta-analyse d'Esposito et al. [] qui précisent qu'il n'est pas possible d'apporter une preuve scientifique valide mettant en évidence l'efficacité supérieure de certaines interventions thérapeutiques sur d'autres.

De même, il est actuellement impossible de constituer un arbre décisionnel permettant de choisir entre conservation et dépose de l'implant, en se fondant uniquement sur les données scientifiques issues de la littérature médicale.

Cette notion de bénéfice/risque prend toute son importance chez les patients âgés ayant bénéficié d'un traitement implanto-prothétique par PACSI. L'explantation doit alors être mise en balance avec le cortège d'inconvénients entraînés par l'instabilité prothétique secondaire à la dépose implantaire.

Édentement complet, pacsi et péri-implantite

L'édenté complet traité à l'aide de prothèses amovibles complètes implanto-retenues présente de multiples caractéristiques cliniques spécifiques en rapport avec la flore microbienne et les conditions biomécaniques. Ainsi, sur le plan biologique, il présente une flore microbienne spécifique du biofilm prothétique, constituée de cocci et de bâtonnets à Gram positif ainsi que de lactobacilles se formant très rapidement dans un flux salivaire diminué et de pH acide [-]. Dans un prélèvement de flore microbienne chez un édenté complet porteur d'une prothèse amovible complète, il est fréquent de retrouver huit fois plus de micro-organismes aérobies, vingt fois plus de micro-organismes anaérobies ainsi que quarante fois plus de Candida albicans et d'entérobactéries que dans une flore microbienne commensale chez un sujet denté [, ].

Concernant l'aspect biomécanique des particularités cliniques liées à l'édentement complet associé aux implants, il faut retenir que le niveau des contraintes s'exerçant au travers de la prothèse et partagées entre la surface d'appui ostéo-muqueuse et les implants est non seulement fonction des capacités fonctionnelles du patient [] mais également du degré de résorption osseuse []. En effet, plus l'équilibre intrinsèque de la prothèse en rapport avec la surface d'appui primaire est limité du fait d'une résorption importante, plus le système d'attachement et les implants sont sollicités afin d'assurer la stabilité prothétique [, ].

Même si le niveau maximal de contrainte enregistré au niveau du col implantaire semble limité par rapport à celui entraînant une perte osseuse immédiate [, ], les phénomènes de déformation et de fatigue mécanique ne doivent pas être ignorés dans l'apparition progressive de la résorption péri-implantaire.

Ainsi, ces deux dimensions, biologiques et biomécaniques, doivent être prises en compte dans le cadre d'un traitement de péri-implantite chez un patient porteur d'une PACSI.

L'élimination des poches et le contrôle de la flore microbienne par une hygiène buccale ainsi que prothétique sont évidemment les objectifs principaux de la thérapeutique.

Le retrait de la prothèse amovible permet un accès visuel aux lésions dans les différents plans de l'espace, rendant plus aisées les phases non chirurgicales et chirurgicales du traitement. Le débridement, le ré-enfouissement éventuel des implants ou les interventions de type régénération osseuse guidé ou greffes sont ainsi facilités, limitant d'autant les complications opératoires [].

De plus, le caractère amovible de la prothèse autorise des manœuvres d'hygiène quotidienne efficaces, et ce particulièrement pour des patients âgés dont l'acuité visuelle et la dextérité sont parfois limitées []. Les protocoles d'utilisation du matériel d'hygiène spécifique (brossettes, brosse monotouffe...) ainsi que les conseils de retrait prothétique nocturne sont renouvelés et leur compréhension est vérifiée.

Le contrôle de la flore microbienne passe également par le soin apporté à l'hygiène prothétique qui nécessite un brossage de l'intrados et de l'extrados prothétique ainsi que par une décontamination par immersion dans un bain de bouche antiseptique.

Sur le plan biomécanique, les conséquences de la péri-implantite et de son traitement doivent également être évaluées. Ainsi, pour Gehrke et al. [], la perte osseuse péri-implantaire, en augmentant le bras de levier, diminue la résistance mécanique de l'implant soumis aux contraintes fonctionnelles. Pour ces auteurs, 5 mm de perte osseuse représenteraient une limite dans la résistance mécanique implantaire qui atteint la valeur des forces masticatoires mises en jeu chez le patient denté. Ces valeurs de résistance restent néanmoins supérieures aux forces masticatoires mises en jeux chez le patient édenté restauré par PACSI [, ].

Par ailleurs, d'après Gehrke et al. [], lorsque la perte osseuse péri-implantaire est associée à la réduction du diamètre des implants durant l'implantoplastie thérapeutique, la résistance mécanique de l'implant serait d'autant plus diminuée.

Enfin, il faut noter que, contrairement à la prothèse fixée supra-implantaire pour laquelle il existe souvent un enjeu esthétique important, cela ne représente pas un risque majeur en rapport avec le traitement des péri-implantites sous une PACSI.

Cas clinique

Il s'agit du traitement d'une péri-implantite sévère chez une patiente porteuse d'une PACSI mandibulaire.

Entretien clinique et anamnèse médico-dentaire

Le cas clinique présenté ici est celui d'une patiente retraitée, âgée de 58 ans lors de son traitement, en bonne santé générale et n'ayant jamais fumé. La patiente ne rapporte aucun antécédent médical.

Le motif de sa consultation réside dans une sensation douloureuse au niveau des implants mandibulaires, l'existence d'abcès gingivaux à répétition ainsi qu'un inconfort ressenti avec ses prothèses réalisées 8 années auparavant. Elle a perdu ses dents pour cause de maladie parodontale (terrain familial) (fig. 1 à 6).

La prothèse complète mandibulaire est implanto-retenue par 3 implants mandibulaires (en site de 43, 41 et 33) mis en place il y a 8 ans (Nobel Brånemark MkIII Groovy, diamètre : 3,75 mm, longueur : 11,5 mm) (fig. 7 à 9).

La patiente précise qu'elle n'applique pas de méthode de brossage particulière pour ses implants. Elle déclare ne pas avoir une hygiène très rigoureuse mais nettoie toutefois sa prothèse une fois par jour, le soir, et ne la porte pas la nuit.

Examen clinique parodontal

L'observation et le sondage révèlent un biotype parodontal fin, avec une insuffisance de tissu kératinisé au niveau péri-implantaire. L'inflammation gingivale est notable, caractérisée par une couleur rouge foncé, un œdème et une consistance molle de la gencive, avec douleur associée. Une suppuration spontanée est présente et le sondage révèle quant à lui des poches profondes allant jusqu'à 10 mm, associé à un saignement profus (fig. 10 et 11).

Il n'existe aucune mobilité décelable cliniquement au niveau des trois implants.

Examen des prothèses

Les prothèses complètes sont adaptées aux surfaces d'appui mais, à la mandibule, la rétention n'est plus assurée par les attachements axiaux non solidarisés (Locator®) en raison de l'usure des pièces du dispositif. Les pièces rétentrices en Nylon sont particulièrement dégradées (fig. 12 à 14).

Examens complémentaires de diagnostic

L'examen radiographique révèle une perte osseuse en cratère autour de chaque implant, exposant plus de la moitié des spires sur toute la hauteur implantaire (fig. 15 à 18).

Un prélèvement bactérien est réalisé au niveau de chacun des trois implants et révèle une présence bactérienne au-delà de leur seuil de pathogénicité pour T. forsythia, Treponema denticola (complexe rouge), Peptostreptococcus micros (complexe orange), Campylobacter rectus et Eubacterium nodatum (complexe jaune).

Par ailleurs certaines bactéries sont retrouvées également mais en dessous de leur seuil de pathogénicité : F. nucleatum (complexe orange), Eikenella corrodens et Capnocytophaga spec. (complexe vert) (fig. 19).

L'examen clinique et radiologique ainsi que l'analyse bactériologique permettent de poser le diagnostic de péri-implantite sévère selon la classification de Froum et Rosen [] au niveau des 3 implants.

Les résultats du test microbien sont en accord avec la littérature qui décrit T. forsythia comme toujours associé aux péri-implantites et probablement clé de voûte pathogène de ces dernières [].

Il a été décidé de conserver chacun des 3 implants afin de permettre le maintien de la rétention implanto-prothétique. Le plan de traitement s'est déroulé selon la chronologie suivante :

- phase non chirurgicale : assainissement non chirurgical (fig. 20 à 22), accompagné d'un enseignement à l'hygiène orale associé à une antibiothérapie systémique (amoxicilline 1 g matin et soir + métronidazole 500 mg matin, midi et soir pendant 7 jours) ;

- phase chirurgicale (fig. 23 à 28) :

• retrait des infrastructures prothétiques et mise en place de vis de couverture,

• incision crestale, accès aux sites implantaires,

• dégranulation des tissus inflammatoires,

• décontamination des surfaces implantaires comme précédemment décrit, à l'aide de compresses imbibées de povidone iodée en complément d'un débridement ultrasonore avec embout en titane. Une chirurgie régénératrice est effectuée dans la même séquence opératoire, par l'intermédiaire d'une régénération osseuse guidée (matériau Bio-Oss® et membrane Bio-Gide®, Geistlich) (fig. 26 et 27),

• ré-enfouissement complet des implants associé à la régénération osseuse guidée, suivi par l'abstention du port prothétique mandibulaire durant une période de 8 semaines pour ne pas déstabiliser les biomatériaux en place (fig. 28 et 29) ;

- phase postopératoire :

• prescription commencée la veille de l'intervention (Solupred®, amoxicilline, paracétamol codéiné, bain de bouche Paroex 0,12 % pendant 14 jours à débuter 48 heures après l'intervention),

• conseils postopératoires classiques dont l'application de froid pendant 24 heures, alimentation molle et tiède, ne pas cracher,

• retrait des fils à 21 jours postopératoires. Un désenfouissement des implants est objectivable ; il ne compromet pas la réussite du traitement (fig. 30),

• utilisation à nouveau de la prothèse amovible au bout de 8 semaines, après vérification de l'absence de compression de la base prothétique au niveau du site opéré,

• suivi de la cicatrisation jusqu'à la remise en fonction des implants 6 mois plus tard.

Conclusion

Dans la gestion à long terme du succès thérapeutique, la maintenance et les contrôles réguliers sont des phases essentielles du traitement implanto-prothétique.

Comme lors des traitements par prothèse fixée supra-implantaire, les patients édentés complets ayant bénéficié d'un traitement par PACSI peuvent présenter des pathologies des tissus péri-implantaires. Malgré leur grand âge fréquent, il est important d'intervenir en cas de survenue de lésions péri-implantaires, en évaluant judicieusement les conséquences des différentes modalités thérapeutiques possibles. Au-delà de la notion académique de succès thérapeutique, il est important de souligner que la survie implantaire et prothétique prend ici tout son sens, au bénéfice de patients qui aspirent à conserver la qualité de vie obtenue avec une PACSI.

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Alexandra Fauque
Interne en médecine bucco-dentaire
Hôpital Rothschild (AP-HP)
UFR d'odontologie Paris 5-René Descartes

Sarah Le Roch
Interne en médecine bucco-dentaire
Hôpital Rothschild (AP-HP)
UFR d'odontologie Paris 5-René Descartes

Alexandre Itic
Ancien AHU
Hôpital Rothschild (AP-HP)
UFR d'odontologie Paris 7-Denis Diderot.

Olivier Fromentin
PU-PH
Responsable des DUCICP et DUCPIP
Hôpital Rothschild (AP-HP)
UFR d'odontologie Paris 7-Denis Diderot.

LIENS D'INTÉRÊTS : les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.