Gestion de la réponse de défense de l'hôte Les peptides antimicrobiens, nouveaux rôles et perspectives d'utilisation lors des traitements parodontaux Management of the host defense response - JPIO n° 1 du 01/02/2019
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2019

 

Article

Marie-Laure JOURDAIN 1 / Loïc PIERRARD 2 / Johan SERGHERAERT 3 / Julien BRAUX 4  

1- MCU associé-PH2- Attaché hospitalier, chargé d'enseignement universitaire3- Interne médecine bucco-dentaire4- MCU-PHUFR d'odontologie, Université de Reims Champagne-Ardenne

Résumé

Résumé

La pathogénie des maladies parodontales est essentiellement basée sur une réponse inflammatoire inadaptée du parodonte en réponse aux agressions imposées par le biofilm buccal. Quarante-cinq peptides antimicrobiens (AMP), acteurs récemment impliqués dans la réponse immunitaire innée précoce contre les agressions bactériennes, ont pu être identifiés dans le fluide gingival, les tissus parodontaux ou la salive. Cette revue de littérature a pour but de résumer le rôle des AMP dans la physiopathologie parodontale ainsi que leur potentiel en termes de développement thérapeutique.

Summary

Abstract

The pathogenesis of periodontal diseases is based on an inadequate inflammatory response of periodontal tissues against aggressions imposed by the oral biofilm. Forty-five antimicrobial peptides (AMP) have recently been implicated in the early innate immune response against bacterial injuries. These AMP have been already detected in gingival fluid, periodontal tissues and saliva. This review aims to summarize the role of AMP in the periodontal physiopathology and their potential for therapeutic development.

Key words

Antimicrobial cationic peptides, periodontal diseases, therapeutics.

Introduction

L'étiopathogénie des maladies parodontales présente de nos jours encore de nombreuses zones d'ombre. Les principaux facteurs liés à la progression des maladies parodontales sont maintenant bien connus, mais les causes de l'apparition des pertes d'attaches et donc de la transition de la gingivite vers la parodontite sont encore mal déterminées. En effet, s'il est connu que la progression de la perte d'attache réside dans une réponse inadaptée de l'hôte face à l'agression que le biofilm bactérien lui impose sous l'influence des caractéristiques génétiques propres de l'individu et des facteurs de risque systémiques ou environnementaux (Page et Kornman, 1997 ; Kornman, 2008), les facteurs déclenchant la maladie demeurent néanmoins inconnus. Bien que de nombreuses études visent à rechercher ces facteurs au sein de la réponse inflammatoire, du système immunitaire voire des caractéristiques génétiques propres à chaque individu, aucun n'a pu être spécifiquement incriminé.

La cavité buccale demeure un environnement extrêmement complexe exposé en permanence à une grande variété de micro-organismes. Le maintien de la santé des tissus recouvrant la cavité orale est permis par un équilibre complexe entre les diverses agressions physiques, chimiques, microbiennes et les systèmes de défense de l'hôte. Toute rupture du fragile équilibre de l'écosystème bactérien (dysbiose) peut être à l'origine du développement de pathologie dont la maladie parodontale est la plus parfaite illustration (Hajishengallis et al., 2011). À ce jour, de nombreuses études ont tenté de découvrir et de comprendre les modes de réponse de l'organisme face à ces agressions, mais l'extrême complexité de ces derniers, et plus particulièrement ceux mis en place lors de pathologies chroniques, n'a pas permis d'aboutir à un modèle précis expliquant les variabilités interindividuelles couramment rencontrées en clinique. L'existence de facteurs encore inconnus pourrait expliquer ce fait.

Très récemment, en raison du développement de résistances bactériennes aux antibiotiques, la recherche a beaucoup misé sur la découverte de nouveaux antimicrobiens et a permis de mettre en évidence l'existence de petites molécules multifonctionnelles naturellement produites par l'organisme présentant une activité antimicrobienne. Elles furent en conséquence nommées « peptides antimicrobiens » (antimicrobial peptides (AMP)). Leur caractérisation a permis de démontrer qu'en plus de cette fonction, elles possédaient également d'autre activités biologiques, notamment anticancéreuses mais surtout immuno-modulatrices, angiogéniques et pro-cicatrisantes (Lehrer, 2004 ; Nguyen et al., 2011) (fig. 1), qui les placent potentiellement au cœur de l'étiopathogénie des maladies parodontales (fig. 2).

Leur implication dans le système de défense inné de l'organisme a déjà été décrite au sein de différents tissus, notamment au niveau de la muqueuse intestinale et du revêtement cutané (Chen et Tsao, 2013 ; Dupont et al., 2014). Dans le contexte parodontal, ces peptides ont rencontré un fort enthousiasme depuis les dix dernières années en raison de leur potentielle participation dans les mécanismes étiopathogéniques mis en jeu lors de l'apparition et de l'évolution des maladies parodontales et des possibilités de développement thérapeutique qu'ils représentent, puisque les AMP sont situés au cœur de la relation hôte-pathogène (Brogden, 2005 ; Gorr, 2009). Lors du 7e Workshop Européen de Parodontologie, il a été souligné qu'une « déficience de synthèse des AMP pourrait être associée au développement des maladies parodontales et que des recherches devraient être menées pour une meilleure compréhension de l'implication des AMP dans l'étiopathogénie des maladies parodontales » (Tonetti et al., 2011).

Après avoir décrit brièvement la structure et fonctions des AMP, nous nous intéresserons à leur rôle au sein de la physiologie et de la maladie parodontale, ainsi qu'à leur intérêt en termes de développement diagnostique et thérapeutique.

Production d'AMP dans l'organisme

Chez l'Homme, la production d'AMP est physiologique au sein de différents tissus et fluides biologiques. Au niveau cutané, ces AMP permettent le maintien d'une homéostasie locale et protègent le revêtement cutané contre l'invasion de pathogènes. Les AMP sont impliqués dans de nombreux processus physiopathologiques et particulièrement lors de l'inflammation. Ainsi, au cours de certaines maladies cutanées comme le psoriasis ou les dermatoses atopiques, un déséquilibre de la production d'AMP a pu être retrouvé (Chen et Tsao, 2013). Les muqueuses, elles aussi exposées à une grande variété de micro-organismes, sont également des productrices importantes d'AMP dans l'organisme. Au niveau intestinal par exemple, les AMP comme les défensines, la cathélicidine ou encore le lysozyme C sont essentiellement produits par les cellules de Paneth et forment un gradient au niveau du mucus intestinal depuis la surface épithéliale jusqu'à la lumière intestinale qui participe à l'homéostasie (Dupont et al., 2014). Les maladies intestinales inflammatoires comme la maladie de Crohn ou la colique ulcérative ont été associées à un déséquilibre de la production locale d'AMP (Wehkamp et al., 2003). Par exemple, l'un d'entre eux (LL-37) a été montré sur-exprimé dans la muqueuse intestinale inflammatoire des patients atteints de colite ulcérative (Muniz et al., 2012).

La cavité buccale forme aussi une interface privilégiée entre un microbiote extrêmement riche et l'hôte. La production d'AMP au niveau de cette cavité est retrouvée dans l'ensemble des tissus épithéliaux la recouvrant, mais aussi dans les voies efférentes des glandes salivaires ainsi que dans la salive et dans le fluide gingival (Gorr, 2009 ; Dommisch et Jepsen, 2015 ; Güncü et al., 2015). Au total, près de 45 AMP différents ont pu être dénombrés au sein des tissus et fluides oraux (Gorr et Abdolhosseini, 2011). Au sein des tissus parodontaux, les principales cellules responsables de la production d'AMP sont les polynucléaires neutrophiles et les cellules épithéliales.

Structure et fonctions des AMP

Les AMP sont des molécules de petite taille (inférieure à 100 acides aminés) (Ganz, 2003). Ils présentent des structures variées (hélices-α, feuillets-β, etc.) en relation avec leur diversité d'action. Certains de ces AMP sont en réalité des fragments de protéines plus volumineuses, comme LL-37 qui est un fragment de la cathélicidine (Powers et Hancock, 2003 ; Nguyen et al., 2011). Il est possible de distinguer deux grandes familles d'AMP selon qu'ils soient chargés positivement donc dits « cationiques » ou chargés négativement donc dits « anioniques ». Leur charge leur conférera des activités biologiques spécifiques. En effet, la charge positive des AMP cationiques leurs donne la capacité de s'insérer au sein des membranes des pathogènes (chargées négativement) et de s'organiser en structures tridimensionnelles pour former des pores déstructurant les gradients et systèmes de protection de ce dernier. Les AMP anioniques présentent également des propriétés antimicrobiennes, néanmoins cette fonction est souvent secondaire pour ces peptides qui présentent bien souvent d'autres activités biologiques (Ganz, 2003 ; Powers et Hancock, 2003 ; Lohner et Blondelle, 2005 ; Nguyen et al., 2011).

Concernant leurs fonctions, les AMP peuvent viser directement le pathogène en ciblant par exemple des protéines membranaires ou des structures de la membrane cytoplasmique du pathogène, via notamment la formation de pores ou encore en affectant des éléments et processus clés pour la survie du pathogène comme les acides nucléiques, la synthèse et le repliement protéique ainsi que les activités enzymatiques (Nguyen et al., 2011 ; Martin et al., 2015).

Les AMP sont multifonctionnels. En effet, si leur activité contre les bactéries Gram positives et négatives, contre les champignons, les virus et les parasites (Nguyen et al., 2011) a permis leur découverte, les AMP peuvent également moduler la réponse immuno-inflammatoire de l'hôte en agissant directement sur le chimiotactisme et l'opsonisation, mais aussi par la neutralisation des endotoxines (Brogden, 2005 ; Soehnlein, 2009 ; Nguyen et al., 2011) (fig. 1). Leur multifonctionnalité leur permet une action en synergie. Par exemple, la formation de pores dans les membranes peut permettre l'entrée dans le cytoplasme d'autres AMP ciblant des fonctions indispensables à la survie microbienne. Ainsi, malgré leur petite taille, ces AMP sont létaux pour différents pathogènes tout en étant très peu toxiques pour les cellules des mammifères (Hwang et Vogel, 1998).

En 2011, une revue de la littérature a permis de classer en six grandes classes fonctionnelles près de 45 peptides recensés au sein des tissus parodontaux, du fluide gingival et de la salive sur la base de leur activité principale (Gorr et Abdolhosseini, 2011) (fig. 3). Ainsi, il est possible de dissocier :

– les AMP cationiques qui forment la famille fonctionnelle la plus importante et présentent des propriétés bactéricides et/ou bactériostatiques ;

– les peptides anioniques parmi lesquels :

- les AMP qui agissent sur l'adhésion et l'agglutination bactérienne et donc in fine sur la formation de biofilms bactériens ;

- les AMP qui présentent des fonctions chélatrices d'ions métalliques permettant de diminuer voire d'inhiber la croissance bactérienne ;

- les AMP inhibiteurs de protéases retrouvés dans la salive et le fluide gingival qui vont donc pouvoir inhiber l'action des facteurs de virulence ;

- les AMP à fonction peroxydase capables de produire des éléments bactéricides comme l'hypocyanite (OSCN) par oxydation des ions thiocyanate (SCN) ;

- les AMP agissant sur la paroi bactérienne comme par exemple le lysozyme qui est connu pour ses capacités à altérer la paroi des bactéries Gram-positives (Gorr et Abdolhosseini, 2011).

Peptides antimicrobiens et physiopathologie parondotale

De par leur rôle au sein de l'immunité innée, les AMP ont suscité un intérêt considérable en parodontologie puisque le parodonte (et plus particulièrement le système d'attache parodontal) forme une interface entre un microbiote riche et l'hôte. Le système d'attache est donc situé en première ligne face à près de 700 espèces bactériennes différentes présentes dans la cavité buccale. Toute destruction de ce dernier entraînera un passage à la pathologie. Le diagnostic étant basé sur le constat de ces pertes, il revêt donc un caractère extrêmement tardif : la destruction de cette attache étant un signe pathognomonique des parodontites (Teles et al., 2006). Pour résister, l'organisme émet plusieurs lignes de défense : la salive et le fluide créviculaire vont réaliser sur les surfaces épithéliales une action partielle de rinçage mécanique. Ainsi, ces épithéliums oraux baignés par le flux salivaire n'ont pas uniquement un rôle de barrière physique passive ; ils sont consolidés par une barrière « chimique » dont les AMP font partie. Cette barrière évolue en fonction des agresseurs en présence. En effet, il a été démontré que l'expression des AMP pouvait être modulée par la présence de bactéries parodontopathogènes au niveau des cellules épithéliales gingivales (Handfield et al., 2005 ; Gorr, 2009). Cette modulation vise à protéger l'organisme. Ainsi, si certaines bactéries parodontopathogènes, notamment A. actinomycetemcomitans et P. gingivalis, sont capables d'envahir les cellules épithéliales gingivales et de persister vivantes dans ces cellules (Kato et al., 2000 ; Nakhjiri et al., 2001), certains AMP comme les calgranulines A et B peuvent s'associer en un dimère (la calprotectine) qui protège les cellules de cette invasion, notamment contre P. gingivalis (Nisapakultorn et al., 2001). En retour, les pathogènes peuvent également lutter contre ces peptides. Ainsi, la cystatine C connue pour être inhibitrice des protéases bactériennes voit sa production diminuée in vitro par la présence de P. gingivalis (Elkaim et al., 2008) mais aucune résistance bactérienne efficace n'a pu clairement être démontrée à ce jour. De même, il a été montré que l'élafine, protéine retrouvée dans la salive présentant la même fonction, était dégradée par les « gingipains » de P. gingivalis (Kantyka et al., 2009). Il est donc supposé que la spécificité de la réponse de l'organisme à un parodontopathogène serait donnée par la spécificité du « cocktail » d'AMP produit en réponse aux bactéries présentes et que cette capacité pourrait expliquer les différences de réponse observées cliniquement et la difficulté de génération de résistance à ces antimicrobiens (fig. 4).

Intérêt des peptides antimicrobiens en parodontologie

Intérêts dans la génération de biomarqueurs innovants

Les AMP sont situés au centre de la relation entre le pathogène et l'hôte et se placent donc au centre de l'étiopathogénie parodontale. Ils constituent en cela de bons candidats à la découverte de biomarqueurs pronostiques ou diagnostiques. En effet, comme cela a pu être décrit dans d'autres pathologies, l'expression d'AMP au sein des tissus et fluides oraux va être impactée par les évènements pathologiques qui peuvent se développer lorsque l'équilibre hôte/pathogène se rompt (Zhang et al., 2009). Ainsi, une multitude de molécules peuvent potentiellement être éligibles en tant que marqueurs de la maladie parodontale. Celles-ci peuvent être des produits des pathogènes mais aussi des éléments de dégradation tissulaire de l'hôte ou des produits de la réaction immunitaire. On sait que la salive est particulièrement importante pour le maintien de la santé orale et plus précisément parodontale de par son action mécanique et par sa composition moléculaire. Par ailleurs, l'investigation de marqueurs diagnostiques salivaires est simple et non invasive. Ainsi, le dosage salivaire d'AMP reflétant un état pathologique parodontal pourrait s'avérer intéressant en termes de diagnostic parodontal et quelques études récentes ont pu le mettre en évidence. Ainsi, la concentration salivaire de LL-37 a d'ores et déjà pu être corrélée à la sévérité de la destruction tissulaire parodontale chez les sujets atteints de parodontite chronique (Takeuchi et al., 2012).

Néanmoins, les informations disponibles à ce jour sur l'association entre la concentration salivaire d'AMP et le statut pathologique parodontal sont limitées. En effet, de nombreuses limites existent quant à l'utilisation des AMP comme biomarqueurs salivaires de la maladie parodontale : la concentration d'AMP produits localement au niveau du parodonte va se trouver considérablement diluée dans la salive et donc diminuée par rapport à la concentration retrouvée au sein de la poche parodontale et du fluide gingival (Takeuchi et al., 2012 ; Güncü et al., 2015). De plus, certains de ces AMP ont la capacité de s'agréger entre eux dans la salive mais aussi avec des composants bactériens. Les AMP peuvent également être dégradés par des enzymes bactériens ou de l'hôte et être stockés dans les tissus parodontaux sans être libérés. Tous ces facteurs diminuent donc les possibilités de détection dans la salive (Brogden, 2005 ; Güncü et al., 2015) (fig. 5).

Le fluide gingival baignant l'espace sulculaire peut également représenter, dans le cas de maladie parodontale, un véritable réservoir de diverses molécules potentiellement marqueurs de la maladie parodontale. Certains AMP sont surexprimés dans le fluide gingival des sujets atteints de maladie parodontale comme l'adrénomédulline, la calgranuline A, la cathélicidine, les α-défensines, le lysozyme C ou encore la transferrine. À l'inverse, d'autres AMP sont sous-exprimés dans le fluide gingival des patients atteints de maladie parodontale : c'est le cas de la fibronectine ou encore du neuropeptide Y (Gorr, 2012).

Si l'utilisation de ces molécules comme marqueurs diagnostiques se heurte à de nombreuses difficultés, la recherche de biomarqueurs prédictifs est un sujet d'actualité. Des travaux ont étudié l'effet des traitements parodontaux notamment non chirurgicaux sur l'expression des AMP dans la salive ou le fluide gingival et ont tenté de les corréler aux résultats obtenus. Ainsi, l'expression des gènes des β-défensines 1, 2 et 3 a été étudiée dans le fluide gingival de patients atteints de parodontite agressive localisée avant et après traitement parodontal. Les ARNm des β-défensines 1 et 3 sont significativement plus fréquemment détectés après le traitement parodontal contrairement aux ARNm de la β-défensine 2 (Ebrahem, 2013). Concernant les α-défensines, une étude récente montre que les taux d'HNP1-3 dans le fluide gingival augmentaient significativement à 3 et 6 mois après traitement parodontal non chirurgical associé à une antibiothérapie (amoxicilline et métronidazole) chez des patients atteints de parodontite chronique généralisée (Dolińska et al., 2017). Les résultats des études cliniques menées montrent que l'expression de ces AMP est modifiée par le traitement parodontal probablement en relation avec une diminution de l'inflammation et de la charge bactérienne locale qui on le sait peut influencer l'expression des AMP. Ces molécules pourraient donc être employées comme biomarqueurs diagnostiques mais aussi pronostiques de réussite ou d'échec des thérapeutiques à une échelle locale. Néanmoins, les études dans le domaine restent relativement hétérogènes en termes de population (parodontite agressive, chronique ou patients sains), de protocole de traitement (antibiothérapie), d'échantillons recueillis (fluide gingival, salive) et de techniques de dosage de ces AMP. De nombreux travaux continuent d'être menés pour pouvoir conclure et obtenir des informations fiables sur le profil d'expression des AMP dans le cadre des traitements parodontaux.

Intérêts dans la génération de solutions thérapeutiques innovantes

L'activité antimicrobienne ainsi que la multifonctionnalité des AMP pourraient également aboutir au développement d'agents thérapeutiques innovants. Actuellement, les traitements antibiotiques et/ou antimicrobiens font partie intégrante de nos plans de traitements parodontaux malgré un certain nombre de limites bien connues de ces traitements, avec notamment la génération de résistances bactériennes rendant ces molécules en partie inefficaces (Herrera et al., 2008). La recherche d'une alternative est donc indispensable et mimer les défenses immunitaires innées de l'hôte semble être une option de recherche particulièrement intéressante. L'intérêt serait donc d'avoir un cocktail moléculaire semblable à celui produit au cours de la réponse immunitaire innée active contre les parodontopathogènes présentant le moins d'effets secondaires possibles et une non-toxicité pour l'hôte (Gorr et Abdolhosseini, 2011). Les AMP présentent un certain nombre d'avantages de par leur large spectre d'activité antimicrobienne sur les pathogènes qu'ils soient bactériens, viraux ou fongiques. D'autre part, ils présentent également des propriétés immunomodulatrices intéressantes et l'on peut supposer qu'ils n'induisent pas ou peu de résistance puisqu'ils sont propres à l'hôte et ont pu co-évoluer avec le microbiote humain (Gorr et Abdolhosseini, 2011). Ainsi, la recherche commence à évaluer leur intérêt clinique. Par exemple, l'utilisation de gels d'histatine 5 à différentes concentrations a pu réduire l'inflammation gingivale lors de gingivites expérimentales. Un essai clinique a été mené pour étudier l'effet d'un traitement sous forme de bain de bouche d'histatine 5 (PAC-113 ; Demegen©) pour le traitement des candidoses orales chez les patients atteints par le VIH par comparaison aux traitements conventionnels avec la Nystatine (Mickels et al., 2002 ; Paquette et al., 2002). D'autres équipes tentent de développer des AMP synthétiques afin de rechercher un effet antimicrobien maximal sur des bactéries parodontopathogènes à l'état planctonique et sous forme de biofilms tout en induisant une cytotoxicité la plus faible possible pour les cellules de l'hôte (Wang et al., 2015). Le développement d'AMP « thérapeutiques » n'en est encore qu'au début mais semble prometteur. Comme cela a été décrit précédemment, les AMP n'agissent pas seuls mais présentent souvent une action synergique formant un « cocktail » spécifique. Les clés du succès d'une thérapie par AMP pourraient donc être de mimer cette composition de multiples AMP présents in vivo (Gorr et Abdolhosseini, 2011). Les recherches à mener dans ce domaine restent vastes puisque, à ce jour, les informations restent extrêmement parcellaires et souvent ciblées sur une famille d'AMP.

Conclusion

Actuellement, l'attrait pour la découverte de biomarqueurs en médecine ne cesse de croître avec toujours le même objectif : connaître au mieux les mécanismes physiopathologiques d'une maladie pour en détecter les variations et ainsi distinguer l'individu sain du malade le plus précocement et de la manière la moins invasive possible.

En parodontologie, la recherche de biomarqueurs représente un terrain d'investigation extrêmement vaste car les molécules impliquées sont nombreuses et variées, qu'elles soient liées aux pathogènes ou à la réponse de l'hôte. Les techniques classiques de diagnostic parodontal étant basées sur le constat de destruction irréversible par la maladie, tout nouvel outil permettant un diagnostic précoce voire la détermination d'une susceptibilité à la maladie serait d'un grand intérêt.

L'étude d'AMP « biomarqueurs » pourrait faciliter et rendre plus précoces les différents temps cliniques du diagnostic jusqu'au suivi. Par ailleurs, les limites des traitements antibiotiques conventionnels pourraient être repoussées et notamment les problèmes liés à l'induction de résistances bactériennes. L'ambition de mimer les défenses immunitaires innées de l'hôte s'est affirmée ces dernières années dans le but de développer de nouvelles thérapeutiques moins toxiques pour l'hôte, plus efficaces sur les pathogènes parodontaux et plus adaptées à l'individualité du patient atteint.

Enfin, la grande diversité d'actions biologiques des AMP les place comme candidats de choix pour tenter d'apporter des réponses aux interrogations persistantes sur l'étiopathogénie des maladies parodontales et comme source potentielle de développement thérapeutique.

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