La régénération des lésions intra-osseuses à l’aide d’Emdogain®. Résultats à long terme Long term results following treatment of intrabony defects with Emdogain® - JPIO n° 02 du 01/05/2010
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 02 du 01/05/2010

 

Article

Jean-Marc GLISE*   Alain BORGHETTI**  


*Ancien AHU-PH
**MCU-PH
Faculté d’odontologie, Université de la Méditerranée, Marseille

Résumé

L’efficacité des traitements régénérateurs à l’aide de protéines dérivées de la matrice amélaire est aujourd’hui acquise. La stabilité des résultats cliniques dans le temps est le critère indispensable à la reconnaissance de cette efficacité. Le but de ce travail est de rapporter les résultats rétrospectifs à long terme de séries de cas de défauts intra-osseux traités à l’aide d’Emdogain®. Vingt-sept patients totalisant 53 lésions intra-osseuses sont évalués pendant des périodes allant de 3 à 6 ans (groupe moyen terme, MT) et 11 d’entre eux totalisant 21 lésions sont évalués pendant une période plus longue de 7 à 10 ans (groupe long terme, LT). Les résultats cliniques montrent, pour le groupe MT, une réduction de la profondeur de poche de 3,35 mm (écart type : 1,7), un gain d’attache clinique de 2,64 mm (écart type : 1,8) et, pour le groupe LT, une réduction de profondeur de poche de 4,14 mm (écart type : 2,05) à moyen terme puis de 3,66 mm (écart type : 2,26) à long terme, un gain d’attache clinique de 2,95 mm (écart type : 2,26) à moyen terme puis de 2,23 mm (écart type : 2,64) à long terme. L’examen radiographique montre des améliorations dans le comblement en profondeur et en largeur des défauts. Pour le groupe MT, le gain en profondeur représente 63,4 % et, pour le groupe LT, il est de 66,5 % à moyen terme puis de 62,4 % à long terme. Dans le même temps, la largeur des défauts était réduite de 57,5 % pour le groupe MT et de 62,8 % à moyen terme puis de 57,5 % à long terme pour le groupe LT.

L’indice de plaque enregistré diminue sensiblement mais non de façon significative durant les périodes de test. Toutes les différences entre les valeurs de J0 et postopératoires sont statistiquement significatives dans les 2 groupes (p < 0,05). Il n’existe pas de différences significatives entre les résultats enregistrés à moyen et long termes dans le groupe LT.

Dans la limite de cette étude, il semble que l’utilisation de dérivés de la matrice amélaire (Emdogain®) dans le traitement de régénération des lésions intra-osseuses montre des résultats d’amélioration clinique et radiographique sur une longue période. À ce titre, elle devient une thérapeutique efficace et stable.

Summary

The effectiveness of regenerative periodontal therapy using enamel matrix derivative is accepted today. The essential criterion to indicate success is the stability of the result over time. The aim of this work is to report the long-term retrospective results of a series of cases of intra-osseous defects treated with Emdogain®. Fifty-three intra-osseous lesions in 27 patients were followed-up for 3 to 6 years (the medium-term group, MT). Eleven of these patients, with 21 lesions, were followed-up for 7 to 10 years (the long-term group, LT). The clinical results showed a reduction of pocket depth of 3.35 mm (ET: 1.7) and a clinical attachment gain of 2.64 mm (ET: 1.8) for the MT group. For the LT group, the reduction of pocket depth was 4.14 mm (ET: 2.05) at mid-term (3 to 6 years) and 3.66 mm (ET: 2.26) at long-term. The clinical attachment gain was 2.95 mm (ET: 2.26) at mid-term and 2.23 mm (ET: 2.64) at long-term. Radiographic examinations showed improvements for the depth and the width of the defects. For the MT group, there was an improvement of defect depth of 63.4 %. For the LT group, the improvement was 66.5 % at mid-term and 62.4 % at long-term. The width of the defects was reduced by 57.5 % for the MT group and for the LT group the width was reduced by 62.8 % at mid-term and 57.5 % at long-term.

The plaque index reduced slightly over the study period but not significantly. All the differences between the baseline means and the postoperative means, in both groups, are significant (p < 0.05). There is no significant difference between the mid-term and the long-term results in the LT group.

Within the limits of this study, it seems that the use of enamel matrix derivative (Emdogain®) in the regenerative treatment of intra-osseous lesions shows improved clinical and radiographical results over a long period of time. For this reason, it is becoming an effective and stable procedure.

Key words

Periodontal disease/therapy, periodontal regeneration, intrabony defects, enamel matrix proteins, clinical study

Introduction

La majorité des défauts osseux parodontaux sont des sites à risque de progression de la maladie chez les patients n’ayant pas reçu de thérapeutique.

Dans le traitement des lésions osseuses des parodontites, l’objectif est l’amélioration du contour de ces lésions afin de permettre aux patients un niveau d’hygiène suffisant au maintien de la santé parodontale.

L’efficacité des traitements non chirurgicaux et chirurgicaux pour accéder à ce résultat a été démontrée (Cobb, 1996) ainsi que l’importance des thérapeutiques de soutien dans le temps (Axelsson et Lindhe, 1981 ; Serino et al., 2001).

Cependant, les thérapeutiques de régénération semblent être les plus appropriées à répondre au traitement étiologique de ces lésions. De nombreux travaux font état de résultats cliniques quant à la régénération des structures parodontales perdues au cours de la maladie (Bowers et al., 1989 ; Brunsvold et Mellonig, 1993 ; Cortellini et al., 1993 ; Laurell et al., 1994 ; Tonetti et al., 2002).

Des méta-analyses récentes montrent qu’au cours de ces dernières années, deux procédures de régénération, l’utilisation de membranes de régénération et celle de protéines amélaires, donnent des résultats supérieurs aux simples techniques de débridement dans le traitement des lésions intra-osseuses (Needelman et al., 2002 ; Trombelli et al., 2002).

Les observations histologiques de rapports de cas traités avec l’une des deux procédures montrent qu’elles peuvent chacune aboutir à une régénération mais que, cliniquement, il n’existe pas de différences significatives entre elles (Pontoriero et al., 1999 ; Silvestri et al., 2000 ; Sculean et al., 2001).

Toutefois, durant la dernière décennie, l’utilisation de dérivés de la matrice amélaire a semblé s’imposer comme l’alternative biologique à la régénération tissulaire guidée. En effet, l’application de ces dérivés sur la surface radiculaire entraîne le développement d’une nouvelle couche cémentaire nécessaire à l’élaboration d’une nouvelle attache parodontale (Hammarström, 1997). Cette conception diffère de l’approche plus « mécaniste » de la sélection cellulaire amenée par l’utilisation des membranes de régénération.

De nombreuses autres propriétés ont été montrées dans l’utilisation de ces protéines amélaires, en particulier leur capacité à moduler le comportement cellulaire en induisant la synthèse de facteurs de croissance, la prolifération de pré-ostéoblastes et leur différenciation en cellules matures (Schwartz et al., 2000), leur action pour inhiber l’activité bactérienne de la plaque dentaire (Sculean et al., 2001 ; Arweiler et al., 2002) et, enfin, leur capacité à améliorer la cicatrisation des lésions par stimulation indirecte du relargage de facteurs de croissance et inhibition de la prolifération épithéliale (van der Pauw et al., 2000 ; Okubo et al., 2003).

La prévisibilité des résultats cliniques a été montrée par un grand nombre de travaux dont les résultats sont recueillis de 6 mois à 1 an postopératoire (Heijl et al., 1997 ; Heden, 2000 ; Glise et al., 2001 ; Sanz et al., 2004). Une étude multicentrique sur un grand nombre de cas montre, au bout de 1 an, un gain d’attache moyen de 3,1 mm. Les paramètres pouvant influencer la prévisibilité des résultats sont la différence entre les opérateurs, le tabagisme, la configuration des défauts (nombre de parois osseuses résiduelles) et la corticalisation osseuse (Tonetti et al., 2002).

Cependant, pour estimer une réelle significativité des résultats cliniques obtenus, il est nécessaire d’observer leur longévité. Un certain nombre d’études ont pu tester le maintien des résultats à 1 an pendant une plus longue période (Sculean et al., 2001, 2003 ; Glise et al., 2004). Seuls quelques travaux ont pu vraiment montrer la fiabilité des résultats pendant une période supérieure à 5 ans (Sculean et al., 2007, 2007 ; Rasperini et al., 2005 ; Sculean et al., 2008).

Le but de notre travail est de présenter des résultats cliniques de l’utilisation des dérivés de la matrice amélaire dans le traitement de défauts intra-osseux pendant une période allant de 3 à 10 ans.

Matériel et méthode

Population de l’étude

Le travail effectué a été rétrospectif sur une population de patients d’âge et de sexe indifférents atteints de parodontite et présentant des défauts intra-osseux traités par régénération à l’aide de gel de protéines dérivées de la matrice amélaire (Emdogain®).

Tous les patients ont initialement reçu une information précise sur la nature du gel Emdogain® et sur les risques éventuels de l’utilisation d’un tel produit. Tous ont donné leur consentement pour recevoir ce traitement.

Les critères de sélection de ces patients étaient :

– le diagnostic d’une parodontite chronique ou agressive ;

– la mise en place d’une thérapeutique initiale qui a consisté en l’introduction de mesures d’hygiène adaptées et de séances de détartrage/surfaçage radiculaire mécanique et ultrasonique ;

– la présence d’un défaut parodontal de sondage supérieur ou égal à 5 mm après thérapeutique initiale et constatée radiologiquement par une image de défaut intra-osseux d’au moins 2 mm de profondeur et de largeur ;

– l’absence de maladies systémiques pouvant contre-indiquer une chirurgie parodontale.

Les résultats ont été enregistrés au moins à 3 ans postopératoires.

Les patients ont été exclus du comptage lorsque la dent présentant le défaut initial a été extraite.

Les mesures cliniques, effectuées à l’aide d’une sonde parodontale Hu-Friedy® PCP UNC 15 à J0 puis durant une période de moyen terme (MT) allant de 3 à 6 ans et, enfin, sur une période de long terme (LT) allant de 7 à 10 ans, ont été :

– la mesure de l’indice de plaque (PLI) ;

– la profondeur de poche au sondage (PPS) ;

– le niveau d’attache clinique (NAC) ;

– la hauteur de récession gingivale (REC).

En peropératoire, la profondeur et la morphologie du défaut ont été constatées et reportées.

Des radiographies préopératoires et postopératoires ont été réalisées avec un angulateur de Rinn selon la méthode du long cône parallèle. Ont été mesurées la profondeur de la lésion (HRx), calculée comme la mesure verticale du défaut à partir du rebord crestal jusqu’au fond du défaut où l’espace du ligament parodontal redevient normal, et la largeur du défaut (LRx), calculée à partir du rebord crestal du défaut résiduel jusqu’à la paroi radiculaire.

Procédure chirurgicale

La technique opératoire décrite précédemment (Glise et al., 2001) a consisté en un lambeau muco-périosté donnant un accès suffisant au traitement de la lésion. Après débridement soigneux de la lésion à l’aide d’instruments manuels et ultra-soniques, le gel d’EDTA à 24 % (Prefgel®) a été appliqué sur les surfaces radiculaires bordant la lésion pendant 2 minutes. Puis un rinçage soigneux a été effectué, les surfaces radiculaires ont été séchées à l’aide de compresses stériles puis le gel d’Emdogain® a été appliqué sur la surface radiculaire à partir du fond de la lésion jusqu’à son sommet. Le lambeau a ensuite été suturé légèrement en position coronaire et en prenant soin d’affronter les 2 berges vestibulaire et palatine ou linguale pour permettre une cicatrisation de première intention (fig. 1 à 4).

Les soins postopératoires ont consisté en la prise d’antibiotique (200 mg/j de doxycycline pendant 7 j) et d’antalgique (1 200 mg/j d’ibuprofène pendant 3 j), et la réalisation de bains de bouche à base de chlorhexidine à 0,12 % pendant 15 j. Il a été demandé au patient de ne pas brosser la zone opérée jusqu’à la dépose des points, effectuée à 15 jours postopératoires pendant une séance d’hygiène professionnelle destinée à éliminer la plaque supragingivale.

Les patients ont ensuite suivi un programme de maintenance hygiénique par détartrage/polissage tous les 4 mois la première année suivant la chirurgie puis tous les 6 mois par la suite jusqu’à la fin de l’étude.

Analyse statistique

Les moyennes et écarts types ont été calculés pour chaque paramètre à l’examen initial puis à moyen et long termes postopératoires. Le gain moyen (ou la réduction) a été calculé comme étant la différence entre les valeurs postopératoires et les valeurs initiales pour les lésions suivies à moyen terme (groupe MT), entre les valeurs initiales et celles mesurées à moyen et long termes et, enfin, entre les mesures effectuées entre le moyen et le long terme (groupe LT). La valeur absolue est exprimée en millimètre et la valeur relative, rapportée à la valeur initiale, en pourcentage. La signification des résultats entre les valeurs moyennes préopératoires et postopératoires a été mesurée par un test de Student pour séries appariées après contrôle de l’égalité des variances. Si l’égalité des variances a été contredite, un test non paramétrique de Wilcoxon a été utilisé pour rejeter l’hypothèse nulle avec une probabilité de p < 0,05.

Résultats

Trente patients ont été sélectionnés : 20 femmes et 10 hommes âgés de 25 à 67 ans. Ces patients comptabilisent 57 sites opératoires.

Trois patients sont exclus pour cause d’extractions et, donc, seuls 53 sites ont été évalués dans le temps.

Les patients ont été divisés en 2 groupes :

– le groupe moyen terme (MT), dont les résultats ont été estimés pendant une période allant de 3 à 6 ans postopératoires, contenait 27 patients totalisant 53 sites opératoires ;

– le groupe long terme (LT), dont les résultats ont été évalués pendant une période de 7 à 10 ans postopératoires, contenait 11 patients totalisant 21 sites opératoires.

Les moyennes d’indice de plaque préopératoire, à moyen et long terme par groupe, sont présentées dans le tableau 1.

La profondeur intra-osseuse des défauts mesurée en peropératoire a été en moyenne de 4,81 mm (écart type : 1,9).

La répartition des défauts en fonction de leur morphologie figure dans le tableau 2.

Les caractéristiques cliniques des défauts se définissent par les mesures cliniques prises en préopératoire (profondeur de poche au sondage, niveau d’attache clinique et hauteur de récession gingivale) et en postopératoire, soit à moyen terme (tableau 3), soit à long terme (tableau 4).

Pour le groupe évalué à moyen terme, soit entre 3 et 6 ans postopératoires, le niveau d’attache clinique moyen initial était de 7,84 mm (écart type : 2,2) et est passé à 5,2 mm (écart type : 1,8), soit un gain de 2,64 mm (écart type : 1,8). Dans le groupe évalué à long terme (de 7 à 10 ans), le gain d’attache était de 2,95 mm (écart type : 2,26), soit 33,86 % en valeur relative à moyen terme, et est passé à 2,23 mm (écart type : 2,64) à long terme, soit 25,6 % en valeur relative. Ces différences sont significatives par rapport aux mesures initiales.

Les mesures à J0 des hauteurs de récession sont respectivement de 1,35 mm (écart type : 0,7) pour le groupe moyen terme et 1,42 mm (écart type : 1,32) pour le groupe long terme et montrent une augmentation moyenne de cette récession de 0,67 mm (écart type : 1,1), soit 49,62 %, pour le groupe moyen terme et de 1,09 mm (écart type : 0,88), soit 76 %, puis de 1,33 mm (écart type : 1,27), soit 93 %, pour le groupe long terme évalué successivement pendant une période moyenne et longue. Les différences sont significatives. Les profondeurs de poche au sondage sont réduites de 51,38 % pour le groupe moyen terme et de 56 % puis 49 % pour le groupe long terme évalué pendant deux périodes (respectivement moyen et long termes). Les différences ne sont pas significatives entre le moyen et le long terme (fig. 5 à 9).

Les mesures radiographiques enregistrées entre le bord crestal et le fond de la lésion montrent un gain moyen de 3,12 mm (écart type : 0,87) dans le groupe moyen terme et de 3,42 mm (écart type : 1,2) puis de 3,21 mm (écart type : 1,4) pour le groupe long terme évalué pendant les deux périodes, soit un gain relatif respectivement de 63,4 % pour le groupe moyen terme et de 66,5 % puis 62,4 % pour le groupe long terme.

La largeur des défauts montre également un gain moyen de 1,45 mm (écart type : 0,87) pour le groupe moyen terme et de 1,42 mm (écart type : 0,8) puis 1,30 mm (écart type : 0,7) pour le groupe long terme, soit un gain relatif respectivement de 57,5, 62,8 et 57,5 % (tableaux 5 et 6).

Discussion

Les résultats de ce travail rétrospectif montrent que le traitement de lésions intra-osseuses avec des dérivés de protéines amélaires apporte une réponse favorable dans la réduction de la profondeur de poche au sondage, le gain d’attache clinique, le comblement des lésions radiographiquement, et ce d’une façon stable dans le temps. Ce résultat semble être en concordance avec d’autres travaux récents évalués pendant des périodes allant de 2 à 10 ans (Francetti et al., 2004 ; Glise et al.,2004 ; Heden et Wennström, 2006 ; Sculean et al., 2007, 2007, 2008).

Il est actuellement acquis que l’utilisation des protéines dérivées de la matrice amélaire dans le traitement régénérateur des lésions parodontales amène une réduction des profondeurs de poche au sondage, un gain d’attache clinique, un comblement osseux visible radiographiquement de façon stable et prévisible (pour revue, voir Glise et Borghetti, 2006 ; Sculean et Brecx, 2007). Pour des périodes d’évaluation plus longues, les résultats sont stables avec néanmoins des variations non significatives dans la mesure du niveau d’attache clinique et de la hauteur de la récession gingivale. Heden et Wennström (Heden et Wennström, 2006) montrent un gain d’attache de 1,1 mm entre les résultats enregistrés à 1 an et à 5 ans postopératoires. Ce résultat semble être attribué à la modification des tissus mous plus qu’à celle des structures osseuses. La diminution de la hauteur de récession gingivale obtenue à 1 an avec une différence de 0,6 mm semble se stabiliser à 5 ans à une hauteur proche de la mesure initiale avec une différence de – 0,1 mm. Dans le même temps, la profondeur de poche au sondage et l’augmentation osseuse évaluée radiographiquement ne semblent pas être modifiées de façon significative entre les deux périodes d’évaluation.

Dans notre travail, on constate que dans le groupe moyen terme, 53 sites sont examinés pendant une période de 3 à 6 ans et montrent un gain d’attache clinique de 2,64 mm.

Le gain d’attache clinique obtenu dans le groupe long terme, pour 21 sites, est en moyenne de 2,23 mm ; si on le compare à celui obtenu à moyen terme sur le même échantillon on constate une perte de 0,72 mm. En comparant les gains obtenus à moyen terme dans les deux groupes, les résultats semblent très proches. De ce fait, on peut penser que l’évaluation future du groupe moyen terme pendant une plus longue période devrait amener une perte sensible du gain d’attache obtenu initialement. Ce résultat semble être en rapport avec ceux publiés dans la littérature médicale. En effet, Sculean et al. (Sculean et al., 2008) rapportent, dans une étude à 10 ans postopératoires, une diminution de 0,5 mm du gain d’attache obtenu entre les résultats enregistrés à 1 an et à 10 ans postopératoires. Ce changement avait déjà été montré sur des travaux à 4 ans et à 9 ans (Sculean et al., 2007, 2007). En ce qui concerne les changements enregistrés au niveau des tissus mous, on constate que pour de longues périodes d’évaluation, les hauteurs de récession semblent progressivement augmenter de façon non significative.

Le gain osseux radiographique obtenu à moyen et long termes ne semble pas varier de façon significative. Si on compare ces résultats avec d’autres séries de cas traités à 1 et 3 ans postopératoires (Glise et al., 2001, 2004), il semble que les résultats osseux soient acquis au bout de 1 an et se maintiennent voire s’améliorent au bout de 3 ans. Ces résultats semblent se maintenir pendant de plus longues périodes, même si on constate une légère inflexion (fig. 10 à 12). Ce constat est fait par la majorité des auteurs ayant évalué les résultats sur de longues périodes (Rasperini et al., 2005 ; Heden et Wennström, 2006 ; Sculean et al., 2007, 2007, 2008).

La permanence des résultats en parodontie est sous l’influence du maintien d’un niveau d’hygiène élevé (Lindhe et Echeverria, 1993 ; Cortellini et al., 1996 ; Cortellini et Tonetti, 2004).

Le fait que l’on constate une sensible diminution des résultats cliniques, en particulier pour le niveau d’attache clinique, lors d’une longue période d’évaluation pourrait être corrélé à une augmentation de l’indice de plaque enregistrée pendant la même période. Cependant, les résultats ne montrent pas de différences significatives entre la moyenne des indices de plaque enregistré à J0 après thérapeutique initiale (0,5 ; écart type : 0,57) et à moyen terme (0,84 ; écart type : 0,79) pour le groupe évalué à moyen terme (de 3 à 6 ans). Des résultats comparables sont observés pour le groupe évalué à long terme (de 7 à 10 ans) avec une sensible augmentation des moyennes d’indices de plaque de J0 (0,42 ; écart type : 0,67) à moyen terme (0,52 ; écart type : 0,74) et à long terme (0,8 ; écart type : 0,81), non significative. Des résultats similaires ont été rapportés par Sculean et al. (Sculean et al., 2008) dans une étude prospective de 10 ans. Les 38 patients retenus sur les 56 initiaux ont été engagés, après traitement, dans un programme de maintenance stricte (4 visites annuelles). Les moyennes d’indice de plaque observées à J0 (0,8 ; écart type : 0,4) à 1 an (0,9 ; écart type : 0,4) et à 10 ans (1,2 ; écart type : 0,8) sont sensiblement comparables à celles rapportées dans notre travail et sont de bons indices du contrôle de plaque. Même si la puissance de notre étude rétrospective reste inférieure à ce travail prospectif, on peut considérer que le contrôle de plaque a une influence primordiale sur la stabilité des résultats à long terme mais ne permet pas de corréler directement les différences de résultats obtenus. De même, les sites exclus de l’étude pour cause d’extraction pourraient signifier que la maladie a évolué malgré le traitement et la maintenance apportée. Mais ils pourraient également faire supposer que ces dents ont été extraites car la notion de maintien du support fonctionnel d’une dent n’était plus assurée. Les résultats ne font pas état des mesures cliniques de ces sites à J0 et, donc, aucune conclusion ne peut être apportée concernant la modification des résultats qu’ils auraient pu provoquer à long terme. Cependant, Heden et Wennström (Heden et Wennström, 2006) dans leur travail à 5 ans postopératoires sur 146 défauts, incorporent les 16 sites exclus au bout de 1 an pour cause d’extraction dans la comparaison des résultats obtenus à 1 et 5 ans postopératoires, et ne révèlent pas de différences significatives entre les résultats de ce sous-groupe et ceux du reste de l’échantillon à 1 an postopératoire. Il n’est donc pas sûr que la perte de ces sites traités modifie l’interprétation des résultats obtenus à 5 ans. Il semble que la perte de ces dents soit plus à attribuer à la configuration négative des défauts intra-osseux préopératoires présentant des pertes d’attache avoisinant les 10 mm qu’à l’effet de la thérapeutique employée.

Le tabac a également un effet négatif sur les résultats des thérapeutiques parodontales et, en particulier, sur les techniques régénératrices (Tonetti et al., 1995 ; Cortellini et Tonetti, 2004). Dans notre travail, sur les 27 patients suivis, 22 étaient non fumeurs, soit 80 % de la population testée. Enfin, dans le groupe évalué à plus long terme, seul 1 patient était fumeur. Le faible échantillonnage ne permet pas de tirer des conclusions quant à l’incidence du tabac sur les résultats obtenus. On peut considérer que, sur la population étudiée, le tabac représente un faible paramètre de modification des résultats.

Si on sait, aujourd’hui, que les traitements régénérateurs sont les plus à même d’apporter une réponse favorable et stable à la réduction des lésions intra-osseuses, qu’en est-il des différences existant entre les techniques de traitement à long terme ?

Cortellini et Tonetti (Cortellini et Tonetti, 2004) ont montré, dans une étude rétrospective sur 175 patients traités par régénération tissulaire guidée, que les résultats obtenus pouvaient être maintenus pendant une période supérieure à 16 ans. Récemment, Sculean et al. (Sculean et al., 2008) ont comparé, pendant 10 ans, plusieurs techniques de traitement des défauts intra-osseux : la régénération tissulaire guidée, l’utilisation des protéines dérivées de l’émail, l’association des deux et le lambeau de débridement comme contrôle. Ces techniques montrent des résultats positifs et comparables qui peuvent être maintenus dans le temps. Cependant, les techniques de régénération donnent des résultats supérieurs à ceux de la chirurgie de débridement simple à 1 et 10 ans postopératoires. En revanche, il n’existe pas de différences significatives entre les résultats obtenus à 1 et 10 ans pour chacune des techniques.

Dans notre travail, nous avons évalué l’utilisation des protéines dérivées de l’émail pendant une longue période. Nous n’avons pas de comparatif entre les résultats obtenus à 1 an et ceux à moyen (3-6 ans) et long (7-10 ans) termes. Toutefois, la plupart des patients inclus dans cette étude, notamment ceux évalués pendant la plus longue période, ont fait l’objet d’une étude antérieure à 1 an (Glise et al., 2001). Le gain d’attache alors obtenu était de 2,6 mm (écart type : 1,9) pour une augmentation de récession gingivale de 1,1 mm (écart type : 0,9). Par ailleurs, dans la présente étude, nous comparons les résultats obtenus à moyen et long terme dans une série de cas. Nous obtenons un gain d’attache respectivement de 2,95 mm (écart type : 2,26) et 2,23 mm (écart type : 2,64). On peut penser que les résultats conservent une certaine stabilité dans le temps.

Conclusion

En conclusion et dans les limites de cette étude, l’utilisation de protéines dérivées de la matrice amélaire dans le traitement des défauts intra-osseux, avec une thérapeutique de maintenance efficace, permet une amélioration des paramètres cliniques et radiographiques pendant une longue période allant jusqu’à 10 ans.

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