Techniques analgésiques cranio-cervico-faciales - JPIO n° 03 du 01/09/2010
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 03 du 01/09/2010

 

Vient de paraître

Pierre CARPENTIER  

Cette troisième édition de l’ouvrage initialement intitulé : Manuel d’analgésie en odonto-stomatologie, traduit la volonté des auteurs de s’adresser à un public plus large incluant, chirurgiens maxillo-faciaux, ORL, anesthésistes, plasticiens et médecins impliqués dans la prise en charge de la douleur cervico-céphalique. Il reste toutefois l’ouvrage de référence en langue française des odonto-stomatologistes intéressés par le contrôle de la douleur dans toutes...


Cette troisième édition de l’ouvrage initialement intitulé : Manuel d’analgésie en odonto-stomatologie, traduit la volonté des auteurs de s’adresser à un public plus large incluant, chirurgiens maxillo-faciaux, ORL, anesthésistes, plasticiens et médecins impliqués dans la prise en charge de la douleur cervico-céphalique. Il reste toutefois l’ouvrage de référence en langue française des odonto-stomatologistes intéressés par le contrôle de la douleur dans toutes ses formes. Il traite principalement de l’analgésie locale, mais également de l’anesthésie générale, de la sédation consciente et de l’acupuncture. Il ne s’agit plus à l’évidence d’un simple manuel, mais d’un ouvrage élargi dont la vocation est de rassembler l’ensemble des connaissances requises pour gérer la douleur.

Dans cette démarche, les voies nociceptives trigéminales sont décrites et illustrées par des schémas et des images de dissection. La distribution sensitive de la tête et du cou est ensuite abordée à l’aide d’une iconographie combinant le dessin des troncs nerveux sur os secs et la photographie de pièces anatomiques. Des encarts consacrés à des applications cliniques aèrent la description des trajets nerveux et renforcent la finalité clinique de l’anatomie. Des tableaux récapitulent la participation des branches maxillaire et mandibulaire du trijumeau à l’innervation de la cavité orale et de la face.

Le chapitre pharmacologie aborde les antalgiques, les analgésiques locaux et les co-antalgiques qui sont utilisés dans les douleurs chroniques. Des tableaux récapitulatifs classent les antalgiques par paliers et les analgésiques locaux selon leur puissance, leur durée d’action et leur forme galénique. Le chapitre matériel est parfaitement documenté. Tous les dispositifs d’infiltration disponibles sur le marché sont présentés, y compris les plus récents destinés aux techniques intra-osseuses, à l’exception du Wand, il est vrai peu distribué en France.

La préparation du malade à « l’anesthésie » comprenant le questionnaire médical et la prémédication est suivie d’un grand chapitre concernant les techniques qui débutent par l’infiltration des branches du plexus cervical et du nerf ophtalmique. Qu’on se rassure, l’analgésie des nerfs maxillaire et mandibulaire et de leurs branches occupe une large place intégrant des techniques extra-orales de bloc dont certaines présentent néanmoins un intérêt purement historique. La voie trans-orbitaire dans laquelle l’aiguille chemine sous le bulbe oculaire en longeant le plancher de l’orbite est un exemple parmi d’autres. Par contre, des techniques originales, telles l’analgésie canine haute et celle au seuil narinaire, sont intéressantes en pratique routinière. Les techniques régionales du nerf mandibulaire sont également rapportées en commençant par les techniques extra-orales aujourd’hui totalement abandonnées au profit des blocs intra-oraux. L’auteur préconise à juste titre la technique dite anatomique, qui est parfaitement illustrée, mais décrit également celles d’Akinosi et de Gow-Gates évoquant pour chacune d’elles les avantages et les inconvénients. Le choix d’une technique en fonction de l’acte est également abordé et récapitulé à l’aide d’un tableau. Il n’y a pas de technique spécifique à l’implantologie et il est illusoire d’accorder une quelconque valeur à une sorte de signal d’alarme douloureux, car il est alors souvent trop tard, disent à juste titre les auteurs.

Le chapitre « conduite à tenir en fonction du terrain » aborde de façon quasi exhaustive tous les états physiologiques et pathologiques susceptibles d’influencer les techniques, le choix de la molécule, l’adjonction d’un vaso-constricteur, le dosage des solutions et le volume injecté. La spécificité de l’enfant, de la femme enceinte, du sujet âgé est abordée, puis les pathologies cardio-vasculaires, pulmonaires, rénales, hépatiques, endocriniennes ainsi que les maladies neurologiques et psychiatriques sont particulièrement bien détaillées. Les incidents et accidents des anesthésiques sont l’objet d’un court chapitre et la place de l’anesthésie générale dans les traitements dentaires est définie montrant que son indication est très limitée. Vient ensuite un chapitre consacré à la sédation consciente sous MEOPA décrivant le matériel, le protocole d’administration, les indications et contre-indications. Elle induit une anxiolyse et un léger effet analgésique, mais doit être complétée par une anesthésie locale.

Le dernier chapitre peut surprendre, car il traite de l’acupuncture ou plus exactement de l’auriculothérapie. Là encore, il est bien précisé qu’elle ne peut en aucun cas se substituer à l’analgésie locale par infiltration, mais la potentialiser et constituer un apport dans la gestion du stress et de l’anxiété. Même si l’auriculothérapie fait aujourd’hui l’objet d’études cliniques contrôlées randomisées démontrant son efficacité dans certains contextes, on peut rester perplexe sur les mécanismes d’action proposés au plan dentaire. En lisant : « La piqûre profonde du point de Valsalva induit une analgésie rapide, surtout pour les extractions, par ligamento-relaxation, le point de départ de toute douleur dentaire étant l’installation d’une modification de la tonicité de ces ligaments, du fait de l’œdème réactionnel, avec instabilisation des racines dentaires et douleur par étirement des nerfs des canaux pulpaires », on peut douter que cette phrase soit fondée sur la preuve, mais ce n’est qu’une phrase dans un volume de 250 pages.

Si l’ouvrage est bien présenté, clair et agréable à consulter, on regrettera tout de même, dans certains chapitres, l’utilisation de photos en noir et blanc qui sont d’un autre âge et ternissent un peu l’harmonie de l’ouvrage. Dommage également que la bibliographie ne soit pas présentée à la fin de chaque chapitre, car cette forme de présentation facilite sa consultation.

Enfin, je ne peux m’empêcher de provoquer les auteurs sur le choix du terme d’analgésie locale en lieu et place d’anesthésie, unanimement utilisé dans la terminologie française et internationale. Si l’objectif recherché à travers différents procédés est bien l’analgésie, c’est-à-dire la suppression de la douleur, le résultat obtenu reste une anesthésie supprimant toutes les sensations, y compris la douleur. Quand des molécules capables de bloquer sélectivement les fibres nociceptives seront disponibles, nous pourrons alors à mon sens parler d’analgésie locale.

Malgré ces petites critiques d’usage, l’ouvrage proposé reste la référence française dans le domaine. Étudiants, médecins, dentistes y trouveront rassemblé tout ce qu’il est utile de connaître pour contrôler la douleur, en particulier dans le cadre habituel des soins dentaires.