Les greffes osseuses imposent-elles des conditions particulières d’asepsie ? Do bone grafts need special conditions of asepsis ? - JPIO n° 04 du 01/11/2012
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 04 du 01/11/2012

 

Article

Roland ZEITOUN  

Président fondateur de la Société Française d’Hygiène en Odonto-Stomatologie (SFHOS) Membre titulaire de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire

Résumé

L’objectif de cet article est d’exposer les conditions particulières d’asepsie, essentielles pour réduire de façon significative les infections des greffes osseuses en chirurgie. Ces infections constituent une part importante des complications des greffes osseuses pré-implantaires. Elles interviennent le plus souvent durant l’acte chirurgical. Outre l’incidence de l’état de santé du patient, l’origine de l’infection du site opératoire est consécutive à des insuffisances d’asepsie environnementales ou comportementales. Elles se déclinent particulièrement dans la préparation buccale et péribuccale, l’espace d’intervention et son mode de traitement, la stérilité des dispositifs médicaux et leur gestion, la formations des différents intervenants, leur cohésion, l’organisation de l’équipe d’intervention, la connaissance et la rigueur du praticien et sa maîtrise chirurgicale. Toutes ces données sont analysées et référencées.

Summary

This article aims at exposing the particular conditions of asepsis which are essential to significantly reduce the infections associated to bone graft care in endo-oral surgery. Among the possible complications due to pre-implant endo-oral bone graft, the most serious are infections. They often occur during the surgical procedure. Besides the incidence of the patient’s health, the origin of infections in the operating site is the result of mistakes in environmental and behavioral asepsis. These are to be found particularly in the standards at work when preparing the oral and peri-oral cavity, in the operating theatre and its mode of treatment, in the sterility of the medical devices and their management, in the training of the various operating actors and their cohesion, in the operating team assumed responsibility, in the practitioner’s surgical competence including knowledge and rigour. All these data have been analyzed and referenced.

Key words

contamination, infection, risk of infection, asepsis, bone graft, implant, surgical unit, operating room

Introduction

S’il est vrai que « la priorité doit être donnée aux procédures les plus simples, les moins invasives et présentant le moins de complications » (Chiapesco et al., 2009), le risque d’infections limiterait-il l’indication des greffes osseuses ? Parfois potentialisées par des ischémies, parfois liées à une infection antérieure ou bien consécutives à des défaillances environnementale, des techniques inadaptées ou encore associées à des pratiques d’asepsie mal contrôlées, les causes d’infection varient et sont souvent multifactorielles.

Le type de contamination le plus connu en chirurgie buccale est la contamination précoce, contemporaine de l’intervention.

La qualité environnementale, le respect des précautions standard, l’isolement de l’opérateur, les procédures de stérilisation et leur traçabilité, l’ergonomie, etc. ont atteint, dans les cabinets dentaires organisés selon les normes actuelles, une telle rigueur que ces modes de contamination classiques ont vraisemblablement diminué.

Toutefois, les taux d’infection des greffes de reconstitution osseuse étant bien plus importants que ceux de la pose d’implants, il est utile de rappeler quelques points particuliers.

L’objectif de cet article est d’exposer les conditions particulières d’asepsie, essentielles pour réduire de façon significative les infections associées aux soins des greffes osseuses.

Lutte contre les contaminations de proximité

Cette lutte est fondamentale. Des recommandations ont été définies en détail dans différents guides comme celui de la Direction générale de la santé (Direction générale de la santé, 2006), le consensus d’experts de la Société française d’hygiène hospitalière (Société française d’hygiène hospitalière, 2010), l’analyse profession-autorité de tutelle (Haute Autorité de santé 2008), ou signalées dans de nombreuses publications.

Risque d’infection endogène du patient

Le risque infectieux est souvent d’origine endogène et le suivi des processus infectieux péribuccaux est essentiel. De nombreuses pathologies dentaires ou faciales constituent des réserves de micro-organismes. Les caries, les lésions endodontiques, souvent par contiguïté, les processus infectieux des parodontites, la contamination de la flore buccale et les infections sinusiennes avec le risque de contamination de proximité sont à traiter avant toute intervention (Timmenga, 1997).

Préparation cutanéo-muqueuse

Compte tenu de la fréquence de la flore cutanée retrouvée dans les infections opératoires, on incrimine la peau du malade, parfois la flore buccale et la peau de l’opérateur. Les germes qui vont provoquer l’infection se trouvent dans la plupart des cas sur la peau ou les muqueuses du patient opéré.

Les micro-organismes sont inégalement répartis sur la peau selon les zones concernées : de 102 micro-organismes par centimètre carré dans les zones sèches à 107/cm2 dans les zones humides comme les aisselles. La peau péribuccale, souvent mouillée, est un lieu où la flore transitoire est élevée. Par ailleurs, les fosses nasales, réservoir bactérien (AEEIBO, 2004), déposent sur la surface cutanée sous-nasale un certain nombre de bactéries, dont des staphylocoques dorés. Ces micro-organismes introduits dans l’organisme lors d’un geste chirurgical peuvent être responsables d’infections plus ou moins graves.

À noter que le rasage est déconseillé. Il s’accompagne d’un taux d’infections du site opératoire (ISO) supérieur au maintien de la pilosité (Société française d’hygiène hospitalière, 2004). L’effet d’une douche antiseptique pratiquée le matin de l’intervention par le patient à son domicile, selon une notice illustrée et l’ordonnance de savon antiseptique, n’a pas été étudié, mais serait intéressant (Sales, 2005).

La préparation cutanée des opérés repose, comme toute désinfection ou stérilisation, sur la notion d’étapes. Les antiseptiques présentent une efficacité déterminée par un pourcentage de réduction des germes. Si on applique un antiseptique d’efficacité 104 sur une peau présentant 109 germes, il restera encore 105 germes après son application. Les produits de désinfection, perdant de leur efficacité en présence des débris organiques, imposent un nettoyage soigneux de la peau avant toute application.

La période préopératoire comporte donc trois étapes :

– la désinfection endo buccale ;

– la détersion cutanée du visage ;

– la désinfection cutanée effectuée en deux fois à 5 minutes d’intervalle (fig. 1).

Ces différentes étapes doivent être effectuées avec la même gamme de produits. Deux gammes sont utilisées actuellement : les produits iodés et les produits à base de chlorhexidine. Aucune des deux gammes n’a de supériorité démontrée. Sur le plan qualitatif, l’efficacité antifongique de l’iode serait peut-être supérieure. Le problème de la rémanence est discuté car l’efficacité des antiseptiques cutanés ne dure pas. La durée de l’effet serait peut-être plus importante pour les gammes iodées (TIRÉSIAS IV, 2012) (fig. 2).

En pratique :

– la désinfection endobuccale est réalisée à l’aide d’un brossage des dents et de la langue avec de la Bétadine® 10 % (bain de bouche, flacon vert, dilué au tiers) suivi d’un bain de bouche durant 1 minute et demie avec le même produit ;

– la détersion cutanée du visage comprend l’application de savon dermique (par exemple Bétadine® Scrubb à 4 %, flacon rouge ou monodose) effectuée soit par le patient ou, mieux, par l’aide opératoire avec de compresses imbibées de produit sur le dessus et la base du nez, la périphérie de la bouche, le menton et le dessous du menton. Le rinçage se fait également à l’aide de compresses imbibées d’eau stérile. Le séchage se réalise aussi avec des compresses stériles ;

– la première désinfection cutanée est effectuée avec de la Bétadine® dermique 10 % (flacon jaune). Le produit s’applique sur la même surface, en allant toujours de la ligne médiane du visage vers la périphérie et en ne repassant jamais deux fois sur la même surface. La compresse stérile est changée à chaque fois. Le temps de séchage est de 5 minutes ;

– la seconde désinfection suit les mêmes procédures.

Cette antisepsie se réalise avec des gants et des compresses stériles.

À noter :

– les antiseptiques ont besoin d’une durée de contact pour agir, il est recommandé de laisser sécher sans essuyer ;

– le temps de péremption des produits iodés, flacon ouvert, est de 1 mois.

Souvent, l’opérateur prend des points d’appui sur la partie cutanée péribuccale. La rémanence de l’antiseptique, qui est d’environ 1 h 30, diminue en cas de projections de liquide et de contact des doigts gantés humides. Il est donc utile de coller un champ troué (6 cm de diamètre) sur la bouche du patient, désinfectée et sèche. Or, ces champs se décollent souvent, entraînant la recolonisation rapide de la peau. Il serait donc préférable, après la désinfection, de coller un « champ à inciser » imperméable sur la peau, de la base du nez au menton, et de le sectionner au niveau de l’orifice buccal.

Désinfection chirurgicale des mains par friction

Plutôt qu’un lavage chirurgical, il est recommandé de pratiquer une désinfection chirurgicale des mains par friction, plus précise d’application, à l’aide de produits hydroalcooliques (PHA) (Pérennec, 2011).

Cette désinfection est précédée, en début de journée, d’un lavage simple et d’un brossage des ongles de 30 secondes pour chaque main, à l’aide d’une brosse souple, d’eau de ville et de serviettes à usage unique.

La désinfection se réalise donc en deux étapes (fig. 3), selon des procédures précises (ISO Sud-Est, 2012). Correctement effectuée, la désinfection est d’une efficacité supérieure au lavage chirurgicale des mains.

Cette technique ne nécessite pas d’auge chirurgicale, de filtre à eau et d’essuie-mains stériles.

En pratique :

– le produit hydroalcoolique est présenté généralement dans un conteneur en plastique de 1 litre, à usage unique. Il se place sur un distributeur à commande au coude. La péremption du produit varie de 3 à 6 mois selon les laboratoires. La date de la première utilisation est à noter sur le conteneur ;

– cette technique de désinfection des mains réduit l’intérêt du sas pour le praticien.

Espaces d’intervention des greffes osseuses et annexes

Espace d’intervention chirurgicale

En chirurgie buccale, les salles d’intervention pour les greffes osseuses ne nécessitent pas de maîtrise et de mise en surpression progressive de l’air.

Différentes études contestent l’importance de la contamination aérienne (Bitkover et Marcusson, 2000), celle-ci pouvant être adaptée au type de chirurgie. La cavité buccale est un espace relativement clos dont le nombre de particules est différent de celui de l’air extérieur. Des prélèvements intrabuccaux effectués à l’aide d’un compteur à particules relèvent un nombre de particules (fig. 4) supérieur à celui de l’air environnant (Zeitoun, 1992).

La Haute autorité de santé (HAS, 2008), dans un rapport essentiel, évalue qu’« un traitement spécifique de l’air n’est donc pas nécessaire pour réaliser des chirurgies implantaires ». Si le bloc opératoire n’est pas indispensable, la salle d’intervention doit permettre un nettoyage facile, renouvelable et une gestuelle respectant les règles d’asepsie.

Aussi la HAS définit-elle les lieux d’intervention des chirurgies implantaires et « spécifiques » dans le cabinet dentaire :

– la salle de soins aménagée en salle d’intervention et qualifiée de salle de soins adaptée ;

– une salle spécifique et qualifiée de salle d’intervention spécifique.

Salle de soins aménagée en « salle de soins adaptée »

La salle de soins doit, a priori, répondre aux critères établis par la Direction générale de la santé : matériau des sols lessivable et sans joints, à angles arrondis avec les murs ; murs et plafonds non poreux et lessivables ; paillasse monobloc remontée en dosseret avec une gorge arrondie, l’absence d’éléments de décoration, etc. (Direction générale de la santé, 2006).

La zone opératoire, d’environ 1,50 m de rayon dont le site opératoire est le centre, constitue la zone à plus haut risque infectieux. Les surfaces de cette zone seront traitées avec un détergent-désinfectant, puis un désinfectant. Des champs stériles tendus sur des potences limiteront partiellement cet espace (fig. 5). À défaut, les surfaces hautes seront recouvertes de champs stériles à effet barrière, sans aucun dispositif médical.

Les cabinets dentaires sont rarement aménagés selon les recommandations établies par la Direction générale de la santé. La présence d’éléments de chauffage fixes, d’un bureau, d’un unit complexe, de meubles fixes, de tuyaux d’aspiration cannelés, de goulottes, etc. constitue autant de niches à poussière difficiles à gérer.

Les greffes osseuses endobuccales, comme toute chirurgie complexe, présentent un taux d’infections supérieur à celui de la pose d’implants. Elles nécessitent un espace aux critères plus définis en matière d’aménagement, d’organisation, de situation et d’asepsie.

Salle d’intervention spécifique

La salle d’intervention spécifique est adaptée à la chirurgie des greffes osseuses. Le concept relativement récent de « la salle d’intervention : une salle vide, nettoyable » (Acquier, 2004) est repris par la Haute Autorité de santé. Cette adaptation se décline de la façon suivante :

– des sols en revêtement thermoplastique en lés soudés à chaud par des joints parfaitement arasés et remontant en gorges arrondies le long des murs ;

– des murs et plafonds à angles à congés conçus pour un nettoyage facile et renouvelable. L’équipement n’est doté d’aucun meuble fixe ;

– un fauteuil dentaire mobile ou une table opératoire à commandes au pied, qu’il est possible de retirer pour un nettoyage plus efficace. À défaut un fauteuil dentaire fixe, dépouillé, lisse et sans joints. Les autres meubles sont mobiles ;

– deux tabourets, faciles à nettoyer ;

– une table chirurgicale à instruments, réglable en hauteur ;

– une table pour le moteur d’implantologie ;

– un système d’aspiration avec une pompe à vide et une ou deux poches de collecte à usage unique, équipé d’un filtre bactériologique au niveau de la sortie d’air. Éventuellement un dispositif équipé d’un ou deux bocaux de collecte, s’adaptant à l’aide de bouton-pression au support mural de l’aspiration centrale (fig. 6) ;

– un éclairage d’ambiance type salle blanche, constitué de tubes cathodiques est intégré à l’intérieur du faux plafond, tout comme le négatoscope à l’intérieur du mur (fig. 7), le sertissage extérieur assurant l’étanchéité ;

– l’éclairage de bloc, évitant les zones d’ombre, est préférable au scialytique dentaire.

Une caméra peut être intégrée dans l’éclairage bloc ou être fixée sur le bras central (fig. 8 et 9) ;

– le conteneur à objets piquants, tranchants, coupants ;

– une porte coulissante sans poignée, à commande électronique latérale, à faible distance afin d’éviter les ouvertures impromptues ;

– un serveur pour le transport de tous les dispositifs nécessaires à l’intervention (fig. 10) ;

– un chariot avec un bac inox de prédésinfection, portant également un sac intermédiaire de déchets à risque infectieux (DASRI) (fig. 11). Ces deux derniers moyens de transport, qui servent à la circulation des dispositifs médicaux (DM), sont en général disponibles dans l’espace de la zone protégée du cabinet.

Dans un cabinet dentaire, cette salle spécifique se situe :

– à proximité de la salle de stérilisation et de la ou des salles de soins ;

– à distance de la salle d’attente, des toilettes, des bureaux et du local à déchets d’activité de soins à risque infectieux et des déchets assimilables aux ordures ménagères (DAOM).

L’intérêt de cette salle réside dans un nettoyage facile et renouvelable, un confort accru, un temps de traitement réduit, la simplicité de l’ergonomie et la planification rationnelle des interventions.

Tenue « de bloc »

La tenue de bloc est revêtue par tous les membres de l’équipe chirurgicale présents dans cette salle de chirurgie. Elle répond à la norme 13975 et comporte :

– une tunique à manches courtes sans poches, un pantalon droit et des sabots de bloc, lavables en machine ;

– une coiffe recouvrant entièrement les cheveux (cagoule, charlotte) ;

– un masque chirurgical recouvrant le nez et la bouche ;

– des lunettes de protection.

Cette tenue est portée également dans la zone protégée du cabinet.

Une casaque chirurgicale stérile en non-tissé à manches longues serrées aux poignets et des gants de chirurgie stériles enfilés selon un protocole précis et dont les manchettes recouvrent bien les jerseys des manches de la casaque seront portés par tous les opérateurs. La casaque se met dans la salle d’intervention.

Les surchaussures à usage unique (en non-tissé) sont réservées aux patients.

Il est intéressant de s’équiper d’un interphone mobile en cas de demande de matériel supplémentaire, afin d’éviter tout déplacement hors de la salle. Toutefois, l’utilisation de cet interphone révèle une incompétence du personnel chirurgical.

Sas

Conçu pour assurer une première zone de surpression de l’air et le lavage chirurgical des mains, le sas n’est plus très utile pour l’équipe opératoire.

En revanche, un sas est intéressant pour le patient afin de l’équiper rationnellement d’une blouse à usage unique, de surchaussures et d’une charlotte.

Zone de stockage des dispositifs médicaux stériles

Le stockage en salle d’intervention est à proscrire. Si une salle indépendante est recommandée, il est également admis que ces dispositifs médicaux soient placés dans la salle de stérilisation (fig. 12). Le mode de rangement est codifié. Une rotation des stocks doit être assurée : disposition verticale des sachets, les derniers stérilisés se plaçant derrières les précédant.

Le tassement des paquets risque d’endommager les emballages.

Le personnel prévoit tout le matériel destiné à l’intervention (check-list spécifique) et l’installe en salle avant l’intervention.

Traitement des surfaces

Bionettoyage

Surfaces hautes

Du non-tissé à usage unique vaporisé de détergent-désinfectant ou des lingettes pré-imprégnées, normées, sont passées sur toutes les surfaces hautes. Au-delà de 1 m2 de surface, le détergent-désinfectant devient inefficace.

Sol

Il faut passer sur le sol le détergent-désinfectant normé et dilué selon les techniques habituelles.

Pour éviter l’encrassement par la création d’un biofilm, il est nécessaire d’alterner le nettoyage en un temps et le nettoyage en trois temps (détersion, rinçage, désinfection), un jour chacun.

Toutefois, la meilleure technique semblerait être, actuellement, le bionettoyage à vapeur d’eau qui associe détersion et désinfection et éviterait tout biofilm. Ce type de bionettoyage s’applique facilement sur les murs et le plafond (Narbey, 2011).

Désinfection des surfaces hautes

La désinfection des surfaces hautes s’effectue à l’aide d’un produit de désinfection prêt à l’emploi alcoolisé et normé, selon les techniques habituelles.

Des moyens mécaniques de vaporisation, hors présence humaine, sont proposés. Il est alors utile de conserver les preuves scientifiques de leur efficacité et de leur validation à fournir en cas de contrôle. Toutefois, ces produits n’éliminent pas l’étape du nettoyage.

Renouvellement de l’air

Un renouvellement de l’air est nécessaire entre deux chirurgies. Il faut ouvrir les fenêtres durant le nettoyage. Les rideaux sont évidemment proscrits. Ils peuvent être remplacés par des bandes horizontales collées, lessivables. Dans les locaux sans fenêtres, une arrivée d’air extérieur est nécessaire. Elle est généralement constituée par un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) dont il faut suivre l’entretien. Une information sur la qualité de l’air s’effectue à l’aide d’un compteur de particules au laser, à résultat immédiat (fig. 4).

Enfin, il est utile de noter que les climatiseurs ne filtrent pas l’air (les filtres sont généralement de 60 %) et remettent des particules en suspension, selon l’intensité du flux d’air. En cas de température élevée, il convient de baisser au maximum la température de la salle avant l’entrée du patient et de réduire ensuite le flux d’air du climatiseur. Si cela s’avère insuffisant, il est conseillé d’investir dans une ventilation pulsée réfrigérée avec un filtre à air à très haute efficacité (HEPA, high efficiency particulate air) de 99,5 %.

Stérilisation

Le traitement des dispositifs médicaux utilisés pour les greffes osseuses intrabuccales doit évidemment fait l’objet de la plus grande rigueur. La stérilisation est constituée de différentes procédures : la prédésinfection, le rinçage, le nettoyage, le séchage, le conditionnement et la stérilisation proprement dite. Quelques points peuvent être rappelés :

– la prédésinfection, étape fondamentale, est réalisée immédiatement après l’intervention (fig. 13). Les dispositifs sont immergés dans la salle de chirurgie. Ils sont démontés, comme les porte-instruments rotatifs de petite vitesse, ou ouverts toutes les fois que cela est possible, comme les pinces à sutures. Les instruments sont transportés dans la salle de stérilisation, le bac étant fermé ;

– les rinçage, nettoyage et séchage sont réalisés de préférence par un thermo-désinfecteur spécifique, conforme à la norme ISO et validé (qualifications d’installation, opérationnelle et de performance). Cet automate est équipé d’une rampe de lavage pour les porte-instruments rotatifs à grande vitesse qui ne se démontent pas. Les contre-angles et pièces à mains à petite vitesse, démontés, suivent, eux, le même traitement que tous les autres dispositifs médicaux ;

– la vérification des dispositifs, systématique après le nettoyage (taches, débris organiques, corrosion…), est faite à la loupe à éclairage. Ces dispositifs médicaux sont généralement placés dans des cassettes à angles arrondis, spécifiques à chaque type de greffes. D’autres conteneurs métalliques à usages multiples, munis de deux soupapes, sont intéressants bien que d’utilisation un peu plus complexe. Leur volume permet de réunir un nombre plus important de dispositifs spécifiques et de réduire les emballages unitaires. Ils peuvent nécessiter un stérilisateur d’un volume supérieur à 24 litres ;

– la stérilisation s’effectue à l’aide d’un stérilisateur de classe B validé (qualifications d’installation, opérationnelle et de performance).

La maintenance du stérilisateur fait l’objet d’un contrat avec le fournisseur. La libération de la charge est liée aux tests de routine :

• le matin, test Bowie-Dick, ou test Hélix toujours associé à un test de vide ;

• après chaque cycle de stérilisation, contrôle de la cécité de l’emballage, de l’enregistrement et de l’intégrateur physico-chimique de classe VI, descriptif de la charge, identification par une étiquette apposée sur chaque conditionnement notant :

– la date du jour de stérilisation,

– la date du jour de péremption,

– le numéro de la charge relevé sur le compteur des cycles,

– le numéro du stérilisateur (s’il y en a plus d’un).

Cette traçabilité est réalisée par des supports papier ou par ordinateur.

L’impression d’étiquettes à code-barres, comportant tous ces paramètres et déterminant également les composants de chaque emballage, permet d’intégrer l’ensemble de ces éléments dans le dossier électronique du patient.

L’importance de ces procédures répond à différents objectifs :

– l’implication du personnel médical vis-à-vis de la maîtrise de toutes les démarches qualité, particulièrement lorsqu’elles concernent les greffes osseuses et les chirurgies complexes ;

– la réduction du risque infectieux, associée à la vérification du bon déroulement des opérations et à la gestion des erreurs ;

– les éléments de preuve en cas d’un contrôle inopiné, ou d’une mise en cause engagée par un patient.

Traçabilité et démarche qualité

La traçabilité concerne l’enregistrement de toutes les mesures de lutte contre les infections permettant, à tout moment, d’apporter la preuve du bon déroulement des opérations. Ces enregistrements portent sur les moyens humains, techniques, matériels ainsi que sur les procédures suivies, colligées sur supports papiers (fig. 14) ou informatiques (fig. 15).

En pratique, il paraît opportun de mettre en œuvre une traçabilité sur les processus suivants :

• l’ordonnancement du programme opératoire ;

• les modalités de l’antibioprophylaxie (type, posologie) ;

• la préparation cutanée de l’opéré ;

• la fiche du suivi d’intervention :

– l’identification de l’opéré et de l’équipe,

– l’anesthésique,

– les matériels et dispositifs médicaux utilisés,

– l’acte opératoire précis et la classe de contamination d’Altemeier (Abarra, 2010) :

– classe 1, pas de notion de traumatisme ou d’inflammation probable, pas d’ouverture des viscères,

– classe 2, ouverture des viscères creux avec contamination minime, rupture d’asepsie minime,

– classe 3, contamination importante par le contenu intestinal, rupture franche d’asepsie,

– classe 4, plaie traumatique datant de plus de 4 heures avec tissu dévitalisé, contamination fécale, corps étranger, viscère perforés, présence de pus ;

– éventuellement le score ASA et le NNIS (Réseau INCISO, 2011) ;

– les procédures de nettoyage et de désinfection (Société française d’hygiène hospitalière, 2004).

Il est vrai que la mise en œuvre de ces procédures semble complexe. Mais cette traçabilité de la prévention des infections est essentielle ne serait-ce qu’en fonction de l’augmentation des recours engagés par les patients. La conservation des informations doit être prévue en fonction des délais légaux (10 années plus 2). Par ailleurs, elle offre l’avantage d’intégrer fortement le personnel à la dynamique de l’équipe, à la responsabilisation du résultat et à la qualité de la prise en charge du patient. Cette quantité importante d’informations est gérée plus facilement sur support informatique que papier (fig. 15).

Équipe opératoire

Cette équipe comprend le praticien, l’assistant (e) opératoire, l’instrumentiste et éventuellement une secrétaire. Elle suppose une organisation ainsi qu’une formalisation des responsabilités et de la circulation fondées sur des protocoles.

Protocole et démarche qualité

Les protocoles sont élaborés avec tous les acteurs. Ils concernent :

– la gestion du patient ;

– l’approvisionnement ;

– la qualité de traitement préopératoire et postopératoire de la salle d’intervention ;

– l’organisation de l’activité chirurgicale (programme opératoire, dispositifs médical et installation) ;

– la gestion matérielle des risques de complications et du suivi ;

– la gestion de la traçabilité et du rapport opératoire.

Rôle de l’instrumentiste

L’instrumentiste est une aide importante pour l’assistante, pour le maintien du rythme de l’intervention et pour la concentration des intervenants.

Elle participe à la préparation de la salle, à l’installation de la table d’instrumentation et à l’habillage stérile de l’assistante.

Elle assure le nettoyage de la salle de chirurgie après l’intervention, l’évacuation des instruments et l’élimination des déchets lorsque l’assistante accompagne le praticien pour un autre traitement ou elle prépare une seconde salle de chirurgie. Son rôle est essentiel pour la présentation des dispositifs à l’assistante ou au praticien, pour l’ouverture d’emballages supplémentaires, pour le changement éventuellement des poches à liquide physiologique.

Elle permet à l’assistante de ne pas quitter son poste.

En aucun cas, durant l’intervention, le personnel opératoire (assistante et praticien) ne doit quitter la salle de chirurgie. Il est impératif que tous les dispositifs médicaux nécessaires à l’intervention ainsi que ceux, imprévus, qui seraient utiles en cas de complication se trouvent dans la salle. Tout déplacement ou utilisation de l’interphone est un défaut d’organisation ou de connaissance de l’équipe chirurgicale.

Rôle fondamental de l’assistance opératoire

La formation de l’assistant(e) est essentielle en chirurgie. Il est impossible d’assurer la gestion du risque infectieux et de pratiquer une chirurgie correcte sans aide opératoire. Ses connaissances et son expérience participent fortement au résultat de l’intervention et au soutien psychologique du patient.

L’assistante connaît et maîtrise (Zeitoun, 2007) :

• le risque infectieux lié aux chirurgies implantaires ;

• les règles et la pratique de l’asepsie ;

• la gestion du matériel et le réassortiment ;

• l’utilisation, l’entretien et le contrôle des moyens techniques (moteurs, contre-angles, thermo-désinfecteurs, stérilisateurs, les différents types de boîtes chirurgicales et leur organisation) ;

• tous les instruments chirurgicaux pour les greffes et implants dentaires, ainsi que leur mode d’utilisation ;

• les méthodes de nettoyage et de désinfection du lieu d’intervention ;

• toutes les procédures de stérilisation ;

• la gestion du mode de stockage et d’entretien des dispositifs médicaux emballés ;

• les différentes techniques opératoires ;

• les différentes procédures de greffes osseuses ;

• la liste complète du matériel spécifique à chaque intervention ainsi que des instruments nécessaires en cas de complication ;

• l’organisation de la table de chirurgie (rangement de l’instrumentation selon le programme opératoire, maintien dans leur premier sachet stérile des dispositifs nécessaires postérieurement, comme les inserts de piézochirurgie, les pinces à suture, les sutures…) ;

• le maintien de la qualité de la table de chirurgie et l’essuyage des dispositifs médicaux souillés de sang durant la chirurgie ;

• la gestion de la dynamique de l’instrumentation en chirurgie (tenue manuelle de plusieurs instruments à la fois, technique de transmission d’instruments sans que l’opérateur « ne lève la tête », gestion des inserts et des pièces à main, des contre-angles, des scies osseuses…) ;

• l’anticipation de la demande d’instruments du praticien ;

• sa participation à la pratique chirurgicale :

– technique d’appui des écarteurs sur la paroi osseuse et non sur la muqueuse,

– double aspiration efficace en cas de greffe mandibulaire postérieure pour éviter la contamination salivaire du site donneur et du site receveur,

– gestion des lambeaux,

– aide à la préhension des fils de suture ;

• la gestion des déchets

Rôle du praticien

Le praticien est le maître d’œuvre de cette équipe. Sa qualité humaine, sa formation, ses connaissances et sa rigueur sont les éléments qui coordonnent et dynamisent cette unité et qui garantissent la sécurité du patient. L’équipe est un tout où chacun a une fonction déterminée, efficace et évolutive.

La chirurgie des greffes osseuses est difficile à maîtriser. Ces chirurgies de reconstruction nécessitent une formation théorique et pratique qui existe rarement aujourd’hui. La formation universitaire actuelle, débutante pour la technique de pose d’implants, aborde rarement la pratique des greffes osseuses. La formation continue est organisée par un cursus permettant l’acquisition d’un diplôme universitaire. La plupart de ces cursus donnent une formation théorique, parfois une formation pratique sur cadavres d’animaux ou/et humains. Rares sont ceux qui assurent la formation pratique sur patients.

Notons que le taux d’infections du site opératoire varie selon l’état de santé du patient, la durée de l’intervention, l’expérience du praticien, l’état de septicité du site (classe 1 : propre ; classe 2 : propre-contaminé, par exemple lors de l’envahissement du site opératoire par une salive contaminée) et la durée de l’intervention. Dans une étude (Chiapesco et al., 2009) où peu d’articles ont été sélectionnés sur plus de 5 000, le taux d’infections des greffes osseuses s’élève à 3,3 %, alors que le taux moyen des infections des sites opératoires, pour une chirurgie de même classe, effectuée en ambulatoire, est de 0,3 à 0,5 % dans les services hospitaliers (CCLIN Sud-Ouest, 2008).

L’intégration de ces connaissances permettra de réduire le risque infectieux, l’infection étant une des plus sérieuses complications des greffes osseuses : 18 cas sur 137 greffes de blocs osseux (Chaushu et al., 2010). Lorsque cette infection est identifiée précocement, une hygiène méticuleuse et une irrigation à la chlorhexidine, associées à des antibiotiques puissants et adaptés, permettent de stopper l’évolution. Lorsqu’une partie du greffon est déjà atteinte, le retrait du tissu nécrosé à la fraise limite la perte du greffon (dans 11 cas sur les 18 de l’étude de Chaushu et al.). Cependant, lorsque la découverte est tardive et quelle concerne une grande partie du greffon, la résolution du problème n’est pas prévisible.

C’est ainsi que des chirurgiens tels que Khoury considèrent comme première condition de réussite des chirurgies avancées de reconstruction osseuse l’application d’une asepsie stricte (Khoury, 2007).

Conclusion

Le succès des greffes osseuses intra-orales dépend effectivement d’une technique totalement dominée, de la parfaite connaissance du risque infectieux et des conditions d’hygiène spécifiques.

Certes, l’application des mesures présentées dans cet article peut sembler aller au-delà du « nécessaire » actuellement préconisé, bien que les praticiens appliquent de plus en plus « les recommandations de prévention des infections liées aux soins », comme celles de « La grille d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins » (ADF, 2011), élaborées par la Direction générale de la santé et les organisations de tutelles. Ces mesures présentées ici sont manifestement celles qui seront recommandées demain.

La formation est essentielle pour les acquérir. Elle est liée à un lieu de formation du plus haut niveau (fig. 16), à des enseignants formés, impliqués dans ce projet de rigueur, de qualité et de sécurité des patients, ainsi qu’à la présence d’un référent de l’hygiène assurant l’acquisition des règles d’asepsie.

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