Maladies parodontales, obésité et syndrome métaboliqueObesity, metabolic syndrome and periodontitis - JPIO n° 04 du 01/11/2013
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 04 du 01/11/2013

 

Article

Hélène RANGÉ*   Cécile DAGORNE**   Francis MORA***   Adrien BOILLOT****   Sebastien CZERNICHOW*****   Philippe BOUCHARD******  


*Département de parodontologie, UFR d’odontologie Garancière, université Paris Diderot, Service d’odontologie, hôpital Rothschild et Inserm U698, hôpital Bichat
**Département de parodontologie, UFR d’odontologie Garancière, université Paris Diderot, Service d’odontologie, hôpital Rothschild
***Département de parodontologie, UFR d’odontologie Garancière, université Paris Diderot, Service d’odontologie, hôpital Rothschild
****Département de parodontologie, UFR d’odontologie Garancière, université Paris Diderot, Service d’odontologie, hôpital Rothschild
*****Unité de nutrition, hôpital Ambroise-Paré, Université Versailles Saint-Quentin, Boulogne-Billancourt
******Département de parodontologie, UFR d’odontologie Garancière, université Paris Diderot, Service d’odontologie, hôpital Rothschild

Résumé

De nombreuses données épidémiologiques ont montré une association entre les maladies parodontales et certaines autres maladies inflammatoires, métaboliques et cardio-vasculaires. Le surpoids et l’obésité se définissent comme une accumulation anormale ou excessive de masse grasse représentant un risque pour la santé. Un risque parodontal accru et une prévalence de maladies parodontales plus élevée chez les patients obèses sont aujourd’hui reconnus. L’augmentation de l’inflammation systémique de bas grade et l’altération de la réponse immunitaire innée semblent fortement impliquées dans cette association. Chez les patients obèses, le traitement parodontal non chirurgical est efficace sur les paramètres cliniques parodontaux et sur les paramètres inflammatoires systémiques. Par ailleurs, la perte de poids par chirurgie de l’obésité semblerait améliorer la réponse au traitement parodontal chez les patients obèses.

Le syndrome métabolique est une pathologie rassemblant un ensemble de désordres métaboliques dont la conséquence majeure est l’augmentation du risque cardio-vasculaire. De nombreuses études épidémiologiques ont montré récemment des associations positives entre différents composants de ce syndrome et les maladies parodontales : diabète de type 2, hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité. Néanmoins, la conception des études et leur grande hétérogénéité ne permettent pas d’établir de causalité ni de quantifier la puissance de l’association entre syndrome métabolique et parodontites. Les mécanismes biologiques sous-jacents sont aussi trop peu connus. À la lumière des données actuelles, l’importance des traitements parodontaux chez les patients présentant une obésité ou des désordres métaboliques est réelle.

Summary

Many epidemiological data have shown an association between periodontal diseases and some other inflammatory diseases, metabolic and cardiovascular diseases. Overweight and obesity are defined as abnormal or excessive accumulation of body fat that may have an adverse effect on health. An increased periodontal risk and higher prevalence of periodontal diseases among obese patients are now recognized. The increase in low-grade systemic inflammation and altered innate immune response appear to be strongly involved in this association. In obese patients, non-surgical periodontal treatment is effective on the clinical periodontal parameters and the inflammatory systemic parameters. On the other hand, the weight loss appears to improve the response to periodontal therapy in obese patients. The metabolic syndrome (MetS) is a combination of medical disorders whose main consequence is the increased cardiovascular risk. Numerous epidemiological studies have recently shown positive associations between different components of the MetS and periodontal diseases : type 2 diabetes, hypertension, dyslipidemia, obesity. However, the design and the heterogeneity of the studies prevents to establish causality or to quantify the strength of the association between MetS and periodontitis. The biological mechanisms underlying the association are also unclear. In light of the current data, the importance of periodontal treatment in patients with obesity or metabolic disorders is real.

Key words

Obesity, metabolic syndrome, inflammation, periodontitis

Introduction

De nombreuses données épidémiologiques ont montré une association entre les maladies parodontales et certaines autres maladies inflammatoires, métaboliques et cardio-vasculaires (Kinane et Bouchard, 2008). Des indicateurs anthropométriques ou métaboliques tels que l’indice de masse corporelle (IMC), qui reflète l’obésité globale, le rapport taille/hanches, qui reflète l’obésité abdominale, la résistance à l’insuline, le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) ainsi que différents facteurs du syndrome métabolique montrent une association positive, individuellement ou collectivement, avec l’apparition et/ou la progression des parodontites. La complexité des relations croisées entre obésité, syndrome métabolique et parodontites demande des études cliniques prospectives pour établir un éventuel lien de causalité et une approche fondamentale pour en connaître les mécanismes biologiques (Chaussain et Bouchard, 2011). Cette revue descriptive a pour objet :

– de faire une synthèse des données épidémiologiques et biologiques publiées associant les maladies parodontales, d’une part, et l’obésité et le syndrome métabolique, d’autre part ;

– de discuter, à la lumière des données actuelles, des bénéfices du traitement parodontal chez ces malades.

Obésité et maladies parodontales

L’obésité a été reconnue comme une maladie chronique en 1997 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le surpoids et l’obésité se définissent comme une accumulation anormale ou excessive de masse grasse représentant un risque pour la santé. L’indice de masse corporelle est utilisé cliniquement pour distinguer le surpoids (IMC > 25 kg/m2) de l’obésité (IMC > 30 kg/m2). L’obésité est considérée aujourd’hui par métaphore comme une pandémie, bien qu’il ne s’agisse pas d’une maladie infectieuse. En 2008, le surpoids concernait 1,5 milliard de personnes de plus de 20 ans. De nombreux facteurs concourent à la pathogenèse de l’obésité ; citons les déséquilibres alimentaires, la sédentarité, les facteurs génétiques ou encore les perturbateurs endocriniens. Sa prévention devient un problème majeur de santé publique non seulement dans les pays développés mais aussi dans les pays en développement, surtout en milieu urbain. Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque majeurs pour un certain nombre d’autres maladies chroniques, parmi lesquelles le diabète de type 2, les maladies cardio-vasculaires et le cancer. Depuis quelques années, de nombreuses études épidémiologiques ont également montré un risque parodontal augmenté chez les patients obèses. Deux méta-analyses récentes (Suvan et al., 2011 ; Chaffee et Weston, 2010) confirment la positivité de l’association sans pouvoir éclairer sur la causalité et la puissance du lien. L’inflammation de bas grade (infiltration leucocytaire du tissu adipeux et production de cytokines), caractéristique de l’obésité, est le mécanisme biologique le plus plausible expliquant l’association entre maladies parodontales et obésité. Récemment, une théorie immunitaire a été également avancée (Zelkha et al., 2010).

Études épidémiologiques

En 2010, Chaffee et Weston ont réalisé une revue systématique de la littérature sur l’association entre maladies parodontales et obésité (Chaffee et Weston, 2010). Une méta-analyse a été réalisée pour obtenir une mesure synthétique de l’association. Sur 554 citations, 70 études répondaient aux critères d’inclusion. Les études incluses étaient en majorité transversales et suggéraient une association positive. L’odds ratio (OR) était de 1,35 (intervalle de confiance à 95 % : 1,23-1,47). La tendance était plus forte chez les jeunes adultes, les femmes et les non-fumeurs. Les résultats secondaires indiquaient que l’IMC était plus élevé chez les patients atteints de maladie parodontale. Cependant, la conception des études incluses ne permettait pas d’établir la causalité des événements. Une deuxième méta-analyse, en 2011, confirme ces résultats (Suvan et al., 2011). La stratégie de recherche a porté sur l’ensemble des essais randomisés et des études d’observation (cohortes, cas-témoins et études transversales) pour lesquels les mesures de la parodontite et de la composition corporelle étaient accessibles. Sur un total de 526 études, seules 19 ont été incluses dans la méta-analyse. Celle-ci montrait des associations statistiquement significatives entre la parodontite et l’IMC avec un OR de 1,81 (IC 95 % : 1,42-2,30) pour l’obésité, de 1,27 (IC 95 % : 1,06-1,51) pour le surpoids et de 2,13 (IC 95 % : 1,40-3,26) pour obésité et surpoids cumulés. Cliniquement, un risque parodontal accru et une prévalence plus élevée des maladies parodontales que dans la population générale sont donc à prendre en considération chez les patients obèses.

Mécanismes biologiques

Les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans l’association entre obésité et maladies parodontales ne sont pas encore clairement démontrés. L’obésité est associée à un état inflammatoire chronique de bas grade. Il est maintenant reconnu que le tissu adipeux joue un rôle majeur dans l’augmentation systémique de marqueurs inflammatoires et dans le développement des complications de l’obésité. En effet, le tissu adipeux produit de nombreux facteurs, notamment des cytokines (appelées dans ce contexte adipokines) connues pour être impliquées dans les maladies parodontales. Parmi ces adipokines, la leptine, la résistine, l’adiponectine, le TNF-α (tumor necrosis factor alpha), l’interleukine 6 (IL6) ou l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène 1 (PAI-1, plasminogen activator inhibitor-1) pourraient jouer un rôle central dans les processus inflammatoires et, donc, constituer un lien entre l’obésité et les maladies parodontales (Rangé et al., 2008, 2010). Le rôle joué par le diabète de type 2, la nutrition et les maladies cardio-vasculaires dans cette association reste également à définir. Enfin, des modifications des profils peptidique et protéique de la salive des patients obèses ont été mises en évidence récemment. Des altérations de taux salivaires de certains peptides antimicrobiens tels que les α-défensines pourraient être impliquées dans la susceptibilité des sujets obèses aux parodontites (Rangé et al., 2012).

Par ailleurs, des études in vitro et des études animales, menées par l’équipe de Salomon Amar à l’université de Boston, ont montré un mécanisme de tolérance immunitaire, lié aux parodontites induites par Porphyromonas gingivalis, qui pourrait intervenir dans le développement de l’athérosclérose et dans les complications de l’obésité. Dans une première étude (Amar et al., 2007), des souris obèses et des souris témoins maigres ont été infectées par voie orale (parodontite expérimentale) ou par voie systémique avec P. gingivalis. La destruction parodontale et la réponse immunitaire systémique ont été évaluées après infection parodontale. La résorption osseuse alvéolaire, mesurée par histomorphométrie, était significativement plus élevée chez les souris obèses que chez les animaux contrôles. La prévalence de P. gingivalis dans le biofilm bactérien des souris obèses était aussi significativement augmentée par rapport aux contrôles. De plus, les souris obèses exposées à P. gingivalis montraient une réaction inflammatoire altérée avec des niveaux de TNF-α, d’IL6 et d’amyloïde A sérique diminués par rapport aux souris maigres. Ces résultats indiquaient que l’obésité pourrait modifier la capacité du système immunitaire des souris face à l’infection par P. gingivalis. Dans une seconde étude (Zhou et al., 2009), la perturbation profonde des mécanismes de l’immunité innée induite par l’obésité a été étudiée toujours grâce au modèle de l’infection parodontale. Après exposition à P. gingivalis, le taux de TLR2 (toll-like receptor 2) était significativement diminué dans les macrophages des souris obèses. Les TLR2 sont des récepteurs membranaires impliqués dans la reconnaissance des bactéries pathogènes et l’induction de la cascade de signalisation intracellulaire nécessaire à la production des cytokines via le facteur de transcription NF-κB (nuclear factor-kappa B). Dans une étude récente (Zhou et al., 2011), les effets bénéfiques de l’exercice physique associé à une alimentation standard sur la réponse immunitaire à l’infection par P. gingivalis et la perte osseuse ont été étudiés. Un exercice physique quotidien avec une alimentation standard restaurait la réponse cytokinique et améliorait l’état parodontal chez les souris obèses. Cette restauration de l’immunité innée était liée à la réduction des acides gras libres et de TNF-α. En résumé, l’hypothèse avancée est celle de la tolérance immunitaire innée (homotolérance) qui pourrait être un mécanisme moléculaire commun reliant la maladie parodontale, l’obésité et l’athérosclérose (Zelkha et al., 2010). Les bactériémies transitoires répétées à P. gingivalis, tout comme l’exposition prolongée aux acides gras libres induite par l’obésité, paralyseraient la réponse immunitaire innée et pourraient aggraver la maladie parodontale chez les sujets obèses. Toutefois, il faut souligner que ces résultats se fondent uniquement sur des études animales (modèle murin) et que, chez l’homme, les taux d’acides gras libres ne sont pas forcément augmentés dans l’obésité.

Bénéfices du traitement parodontal chez le patient obèse

L’obésité ne semble pas altérer la réponse au traitement parodontal non chirurgical. Une étude cas-témoins montrait une amélioration significative de tous les paramètres cliniques mesurés (indice de plaque, profondeur de poches, niveau d’attache) chez les patients contrôles et chez les patients obèses (Zuza et al., 2011). Toutefois, la réponse sérique des patients obèses au traitement parodontal était variable : les taux d’HbA1c, d’INF-γ et d’IL1-β diminuaient mais pas les taux de TNF-α ni d’IL6.

Une autre étude confirme ces résultats chez 22 patients obèses comparés à 24 patients dyslipidémiques non obèses, tous atteints de parodontite chronique (Gürgan et al., 2012). Les deux groupes ont bien répondu au traitement parodontal en termes de paramètres parodontaux. Le traitement a également été associé à une diminution du TNF-α et de l’IL6. En revanche, les profils lipidiques – LDL (low density lipoproteins), HDL (high density lipoproteins), triglycérides – et la glycémie n’étaient pas modifiés par le traitement parodontal. Enfin, ce dernier semblait également diminuer le niveau sérique de protéine C réactive (CRP, C-reactive protein) chez les femmes obèses bénéficiant d’un traitement parodontal (Al-Zahrani et Alghamdi, 2012), bien qu’une amélioration plus nette ait été observée chez les contrôles. L’obésité ne semble donc pas avoir d’impact négatif majeur sur la réponse au traitement parodontal. De plus, ces études d’intervention très récentes tendent à montrer une amélioration des paramètres inflammatoires systémiques chez les patients obèses après traitement parodontal.

Bénéfices du traitement de l’obésité sur l’état parodontal

L’indication de traitement de l’obésité par chirurgie bariatrique est un IMC > 35 kg/m2 avec comorbidités ou > 40 kg/m2 avec ou sans comorbidités. Très peu d’études se sont encore intéressées aux effets de la perte de poids par chirurgie bariatrique sur l’état parodontal des malades. Une étude transversale (Pataro et al., 2012) portant sur 345 sujets obèses en préopératoire, postopératoire précoce (< 6 mois) et postopératoire tardif (> 6 mois) a montré des différences significatives pour la prévalence de la parodontite chronique entre les groupes (p = 0,04). Cependant, cette prévalence dans le groupe postopératoire tardif reste élevée. Une seconde étude a évalué la réponse au traitement parodontal chez les patients obèses ayant ou non perdu du poids par chirurgie bariatrique (Lakkis et al., 2012). Les résultats ont montré une amélioration significativement supérieure de l’ensemble des paramètres cliniques parodontaux (indice de plaque, indice gingival, profondeur de poches, niveau d’attache clinique) dans le groupe de patients obèses ayant perdu du poids par chirurgie. La perte de poids par chirurgie semble donc favoriser la réponse au traitement parodontal chez les patients obèses. Toutefois, des études d’intervention prospectives sur de plus larges échantillons sont nécessaires avant de pouvoir conclure sur les effets éventuels de la perte de poids dans le traitement étiologique des parodontites.

Syndrome métabolique et maladies parodontales

Le syndrome métabolique est une pathologie rassemblant un ensemble de désordres cardio-métaboliques dont la conséquence majeure est l’augmentation du risque cardio-vasculaire. Il a été décrit pour la première fois en 1988 par Reaven. À l’époque, il est défini comme une association de plusieurs pathologies : obésité, hypertension, intolérance au glucose ou diabète, hyperinsulinémie et dyslipidémie. Ces désordres métaboliques constituent à eux seuls des facteurs de risque d’athérosclérose, ce qui explique que le syndrome métabolique constitue un risque majeur des troubles cardio-vasculaires (Bullon et al., 2009). Il existe différentes définitions (tableau 1), citons celles de l’OMS, de l’US National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III (NCEP-ATP-III) et de la Fédération internationale du diabète (IDF).

La définition de l’OMS considère qu’un sujet diabétique ou prédiabétique qui développe un risque cardio-vasculaire doit être considéré comme atteint du syndrome métabolique. Cela permet une définition claire car le diabète est une entité clinique bien définie. Selon le nombre de composants du syndrome métabolique, le patient est plus ou moins à risque de troubles cardio-vasculaires.

L’étiopathogénie du syndrome métabolique repose sur trois composantes : l’obésité, l’insulinorésistance et les facteurs génétiques et environnementaux (Grundy et al., 2004).

L’obésité contribue à l’apparition de l’hypertension, à l’augmentation du cholestérol, à la diminution de la concentration sérique en cholestérol de type HDL et à l’hyperglycémie. Le tissu adipeux en excès libère de nombreuses molécules (acides gras libres, adipokines, inhibiteur de l’activateur du plasminogène 1) qui augmentent le risque cardio-vasculaire. Un niveau plasmatique élevé d’acides gras libres surcharge les muscles et le foie en lipides, ce qui augmente la résistance à l’insuline. Un taux de PAI-1 augmenté contribue à un état prothrombotique. Les faibles concentrations en adiponectine chez les patients obèses diminuent la sensibilité à l’insuline. L’obésité à elle seule joue un rôle essentiel dans l’augmentation du risque cardio-vasculaire et dans l’étiopathogénie du syndrome métabolique. Le deuxième agent étiologique mis en avant dans le syndrome métabolique est l’insulinorésistance. Toutefois, il est difficile de la dissocier de l’obésité. Enfin, des facteurs génétiques et environnementaux régulent l’ensemble des éléments du syndrome métabolique (fig. 1).

Cliniquement, outre le risque cardio-vasculaire augmenté et le diabète de type 2, les individus atteints du syndrome métabolique sont plus susceptibles que les autres de développer d’autres pathologies telles que syndrome des ovaires polykystiques, stéatose, calculs biliaires, asthme, troubles du sommeil et certaines formes de cancers (Grundy et al., 2004).

Études épidémiologiques

De nombreuses études épidémiologiques ont montré des associations positives entre différents composants du syndrome métabolique et les maladies parodontales : diabète de type 2, hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité. Il est donc intéressant de savoir si le syndrome métabolique per se est associé aux maladies parodontales et, parmi ses composants, quels sont ceux qui sont les plus fortement associés.

En 2007, une première étude transversale (n = 584) a étudié la relation entre les maladies parodontales et les composants du syndrome métabolique, qu’ils soient seuls ou associées (Shimazaki et al., 2007). Parmi les cinq composants du syndrome métabolique, un tour de taille élevé, un faible niveau de cholestérol HDL et une glycémie à jeun augmentée étaient associées, avec des OR significativement plus élevés, à la présence de poches parodontales plus profondes. Les OR pour ces composants étaient respectivement de 1,8 (IC 95 % : 1,2-2,8), 2,2 (IC 95 % : 1,4-3,6) et 2,2 (IC 95 % : 1,3-3,9). Par ailleurs, plus les patients présentaient un grand nombre de composants du syndrome métabolique et plus leur risque de présenter une parodontite était élevé. Ces résultats ont été confirmées par différentes études de cohorte. Celle de Kushiyama et collaborateurs sur 1 070 sujets a montré que plus les composants du syndrome métabolique étaient nombreux, plus le risque de présenter une parodontite augmentait (Kushiyama et al., 2009). Parmi ces composants, l’hypertension artérielle et les faibles taux de cholestérol HDL étaient significativement associées à un plus grand risque de présenter des poches parodontales profondes (≥ 6 mm). Les résultats d’une autre étude montrent toujours une association positive entre syndrome métabolique et parodontites, plus forte pour l’hypertension et l’hyperglycémie (Han et al., 2010). Inversement, une étude de cohorte (n = 1 023) dont le but était d’évaluer l’influence des maladies parodontales sur le développement du syndrome métabolique (Morita et al., 2010) a montré que le risque de présenter un syndrome métabolique au bout de 4 ans était significativement plus élevé chez les patients présentant une parodontite (OR = 1,6 ; IC 95 % : 1,1-2,2) que chez les autres. Parmi les composants du syndrome métabolique étudiés, seuls l’hypertension et les désordres lipidiques étaient positivement associées à la présence de poches parodontales. L’association n’était pas significative pour l’obésité et l’hyperglycémie. Un travail indique une association entre syndrome métabolique et parodontites uniquement chez les femmes (Andriankaja et al., 2010). Parmi les composants du syndrome métabolique, seule l’obésité abdominale était positivement associée aux maladies parodontales. Enfin, en France, une étude transversale (n = 255) n’a pas mis en évidence d’association entre le syndrome métabolique et les parodontites (Benguigui et al., 2010).

L’influence du syndrome métabolique sur la sévérité de la maladie parodontale reste controversée. Une étude a montré que les patients atteints de syndrome métabolique présentaient des parodontites plus sévères que des témoins (Khader et al., 2008). Une autre étude cas-témoins n’a pas montré d’aggravation de l’état parodontal en fonction de la gravité du syndrome métabolique (Li et al., 2009). Enfin, des études récentes ont montré que l’association entre syndrome métabolique et parodontites après ajustement était plus forte chez les patients âgés de plus de 40 ans que chez les plus jeunes (Kwon et al., 2011 ; Han et al., 2012).

En résumé, de nombreuses études mettent en évidence une association entre maladies parodontales et syndrome métabolique. Cependant, une grande disparité entre les études concernant la définition des parodontites ou encore du syndrome métabolique fait qu’il est difficile de comparer les résultats de toutes ces études. Enfin, les composants les plus impliquées dans cette association diffèrent largement d’une étude à l’autre. Il manque aujourd’hui des études permettant de clarifier la relation entre maladies parodontales et syndrome métabolique et de définir le lien de causalité ainsi que les composants du syndrome métabolique les plus impliquées dans cette association.

Mécanismes biologiques

Les hypothèses biologiques avancées dans la relation entre syndrome métabolique et parodontites sont celles des différents composants de ce syndrome déjà associés aux maladies parodontales : diabète, dyslipidémie, hypertension et obésité (fig. 2). Ces différentes pathologies modulent toutes la réponse immuno-inflammatoire qui favorise le développement des maladies parodontales.

Bénéfices du traitement parodontal

Une étude d’intervention a étudié les effets cliniques et systémiques du traitement parodontal non chirurgical chez des patients atteints de parodontite chronique modérée à sévère souffrant (n = 16) ou non (n = 15) d’un syndrome métabolique (Acharya et al., 2010). À 2 mois postopératoires (réévaluation), les paramètres parodontaux étaient significativement améliorés dans les deux groupes. Les taux sériques de CRP, de triglycérides et le nombre de leucocytes n’étaient significativement diminués que dans le groupe parodontite et syndrome métabolique. Cependant, aucune corrélation positive n’a pu être mise en évidence entre l’amélioration des paramètres parodontaux et celle des constantes systémiques. Très récemment, un essai clinique randomisé en double aveugle a été mené pendant 1 an pour tester l’effet du traitement parodontal sur la réduction de l’inflammation systémique et du risque cardio-vasculaire chez les patients atteints de syndrome métabolique (Lopez et al., 2012). Le groupe test (n = 82) a reçu des instructions d’hygiène, un détartrage-surfaçage radiculaire et une antibiothérapie systémique ; le groupe contrôle (n = 83) a reçu des instructions d’hygiène, un détartrage supra-gingival et un placebo. Les résultats observés étaient que le traitement parodontal actif (détartrage-surfaçage radiculaire et antibiothérapie) comme le traitement parodontal a minima (détartrage) permettaient une réduction significative de la CRP au bout de 9 mois chez les patients atteints d’un syndrome métabolique. L’antibiothérapie et le débridement des surfaces radiculaires ne semblaient pas apporter de bénéfices supplémentaires sur la réduction de l’inflammation systémique et du risque cardio-vasculaire chez ce type de patients.

Conclusion

Aujourd’hui, les données épidémiologiques permettent de considérer l’obésité comme un indicateur de risque des maladies parodontales. Biologiquement, les hypothèses privilégiées qui étayent le lien sont inflammatoires (adipokines, peptides antimicrobiens) et immunitaires. Toutefois, les mécanismes précis et la puissance de l’association entre obésité et parodontites ne sont pas établis. Récemment, des études transversales ont montré également une association entre maladies parodontales et syndrome métabolique, défini par une obésité (augmentation du tour de taille) associée à au moins deux autres désordres métaboliques parmi les suivants : troubles des concentrations en cholestérol HDL, troubles de la glycémie ou troubles de la tension artérielle. Cependant, les définitions données aux maladies parodontales et au syndrome métabolique diffèrent entre les études et il est donc difficile de comparer les résultats. De plus, les études mises en œuvre sont de faible niveau de preuve scientifique. Par ailleurs, les composants du syndrome métabolique les plus impliqués dans cette association varient considérablement entre les études. Des études longitudinales sont donc nécessaires afin de clarifier l’association entre le syndrome métabolique et les maladies parodontales afin de préciser les éléments suivants : lien de causalité, composants du syndrome métabolique ayant un rôle majeur dans cette association, impact des thérapeutiques sur l’amélioration des paramètres parodontaux et systémiques.

En résumé, les données présentes doivent alerter le clinicien sur l’importance des traitements parodontaux chez les patients présentant des désordres métaboliques et/ou une obésité.

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