Relations entre parodontite et diabèteRelations between periodontitis and diabetes - JPIO n° 04 du 01/11/2013
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 04 du 01/11/2013

 

Article

François BOSCHIN*   Élisabeth DELCOURT**  

Résumé

La parodontite et le diabète sont deux maladies s’exprimant par une dérégulation de la réaction immuno-inflammatoire. L’association bidirectionnelle entre le diabète et la parodontite est une donnée bien établie. L’analyse de la littérature médicale, comprenant des revues systématiques et des études cliniques et épidémiologiques, des 25 dernières années permet d’établir et de comprendre les mécanismes d’action du diabète, l’influence du type de diabète, du temps d’action et de l’importance de la dérégulation glycémique sur le développement de la parodontite. L’augmentation du risque parodontal est observée pour le diabète tant de type 1 que de type 2. En outre, plus la glycémie est importante, plus la parodontite présente est sévère. Les mécanismes d’action mettent en jeu les cytokines pro-inflammatoires dans une cascade d’hyperactivations déclenchée par les produits terminaux de glycation générés par le diabète. Les études présentées montrent également que la parodontite est un facteur de risque non négligeable d’apparition d’un diabète de type 2. Le traitement parodontal permet quant à lui d’améliorer le pronostic du diabète.

Summary

Periodontitis and diabetes are two diseases expressed by a disregulation of the immuno-inflammatory reaction. Bidirectional relationships between diabetes and periodontitis are well-established data. Analysis of literature comprising systematic reviews, clinical and epidemiological studies from the last 25 years let understand and establish the mechanisms of action of diabetes, the influence of diabetes types, the duration and the importance of the glycemic disregulation on periodontitis development. Increase of periodontal risk is also observed for diabetes type 1 and 2. The more the fasting glucose is high, the more the periodontitis is present. The mechanisms of action at stake involve the pro-inflammatory cytokines in an hyperactivation cascade initiated by glycated end products released during diabetes. The presented studies also show that periodontitis is a risk factor for type 2 diabetes emergence. Periodontal treatment allows diabete improvement.

Key words

Diabetes, periodontitis, cross-linked interaction, prevention, treatement

Introduction

Les parodontites sont des maladies inflammatoires chroniques d’origine infectieuse touchant les tissus de soutien de la dent et conduisant, si elles ne sont pas traitées, à la perte des dents (Deshpande et al., 2010). La composante inflammatoire joue un rôle primordial dans le développement de ces maladies. Des facteurs de risque d’origine génétique ou acquise induisent une réponse inflammatoire inadaptée face à l’agression bactérienne. Le diabète induit également une dérégulation de la réponse inflammatoire de l’hôte. La coexistence de ces pathologies peut avoir des conséquences majeures non seulement sur le plan individuel mais également en termes de santé publique. Préciser l’importance de ces pathologies d’un point de vue épidémiologique et exposer les mécanismes d’action permettent de mieux comprendre leurs interactions et d’établir des stratégies thérapeutiques adaptées au patient.

Le diabète, une pathologie aux conséquences majeures

Le diabète est présenté comme l’un des facteurs de risque majeur de développement des parodontites (Löe, 1993). C’est une pathologie qui regroupe un ensemble de désordres métaboliques caractérisés par une augmentation du taux de glucose dans le sang (Mealey et Ocampo, 2007). Il touchait, en 2000, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plus de 171 millions de personnes dans le monde dont plus de 2 millions en France. Le nombre de personnes atteintes de diabète devrait atteindre 366 millions en 2030. Cinq pour cent des décès dans le monde lui sont attribués (Roglic et al., 2005). Aux États-Unis, un enfant né en 2000 a un risque de développer un diabète de 33 % si c’est un garçon et de 38,5 % si c’est une fille (Narayan et al., 2003). Le diabète réduit l’espérance de vie de l’ordre de 12 ans pour un homme et de 14 ans pour une femme lorsque celui-ci est diagnostiqué à 40 ans.

Les différentes formes du diabète

Plusieurs formes de diabète aux étiopathogénies différentes sont observées. Les trois principales formes rencontrées sont le diabète de type 1, le diabète de type 2 et le diabète gestationnel.

Le diabète de type 1 concerne de 5 à 10 % des diabétiques (Mealey et Ocampo, 2007). Il est marqué par une destruction auto-immune des cellules bêta du pancréas conduisant à une insuffisance de la sécrétion d’insuline (Skamagas et al., 2008).

Le diabète de type 2, qui touche de 85 à 90 % des diabétiques, se carac­térise principalement par une résistance des tissus à l’insuline circulante (Mealey et Ocampo, 2007). De 85 à 90 % de ces diabétiques asso­cient une insuffisance de sécrétion et une résistance à l’insuline. Le diabète de type 2 est précédé du syndrome métabolique marqué par une surcharge pondérale, une dyslipidémie (hypercholestérolémie, hypertransaminasémie), une résistance à l’insuline, une hypertension artérielle, un état inflammatoire et une insuffisance cardio-vasculaire (Skamagas et al., 2008).

Enfin, le diabète gestationnel est marqué par une intolérance au glucose au cours de la grossesse. Il concerne 4 % des femmes enceintes aux États-Unis et s’exprime au cours du troisième trimestre de la grossesse (Mealey et Ocampo, 2007). La maladie touche préférentiellement les femmes âgées de plus de 25 ans, celles ayant déjà eu un diabète gestationnel, les obèses et les groupes ethniques à risque (Afro-Américains, Hispaniques, Indiens américains, Maghrébins). Après l’accouchement, le diabète disparaît dans la majorité des cas. Cependant, c’est un facteur de risque de développement secondaire de diabète de type 2 (Kjos et Buchanan, 1999).

Cette maladie peut également se déclencher chez une patiente présentant des conditions préexistantes de diabète. Au cours de la grossesse, la sécrétion d’insuline est multipliée par 1,5 à 2,5 (Freinkel, 1980). La patiente ayant une quantité limitée de cellules bêta au niveau du pancréas exprimera plus facilement un diabète qu’une autre.

Diagnostic du diabète

Le dépistage du diabète est recommandé par l’Association américaine de diabétologie pour toute personne associant des facteurs métaboliques et chez tous les patients de plus de 45 ans. Une glycémie à jeun supérieure à 126 mg/dl ou une hyperglycémie provoquée supérieure à 200 mg/dl définit un diabète (Mealey et Ocampo, 2007). La glycémie à jeun ne permet pas de détecter tous les diabètes. Lorsqu’elle est comprise entre 100 et 126 mg/dl ou lorsqu’elle est normale mais qu’il existe plusieurs facteurs de risque, un test de tolérance au glucose est préconisé. Prescrit par l’endocrinologue, le taux de glucose est mesuré au départ et 2 heures après l’ingestion de 75 g de glucose. Lorsque la glycémie à 2 heures est inférieure à 140 mg/dl, elle est dite normale ; entre 140 et 199 mg/dl, on définit un état de prédiabète et, au-delà, un état de diabète. Il est nécessaire de réaliser 2 tests de tolérance au glucose à plusieurs jours d’intervalle afin de poser le diagnostic de diabète.

Le diabète n’est pas diagnostiqué par la mesure de l’hémoglobine A1c. Cependant, celle-ci est un marqueur fiable pour le suivi d’un patient diabétique. Elle représente la quantité d’hémoglobine glycosylée au cours des 3 derniers mois. Une hémoglobine A1c de 6 représente une glycémie de 135 mg/dl et une valeur de 7 une glycémie de 170 mg/dl. Pour un patient équilibré, elle doit être inférieure à 6.

Les complications du diabète comprennent des pathologies non seulement microvasculaires, touchant la rétine, les reins et les nerfs périphériques, mais aussi macrovasculaires, comme l’hypertension artérielle, l’insuffisance coronarienne ou l’artérite des membres inférieurs. On compte également des troubles de la cicatrisation.

Diabète et risque parodontal

Plusieurs études épidémiologiques ont évalué la prévalence des parodontites chez les patients atteints de diabète de type 1 et de type 2 (Sandberg et al., 2000 ; Tsai et al., 2002 ; Jansson et al., 2006 ; Kaur et al., 2009 ; Mattout et al., 2006).

Une étude comprenant 145 patients atteints de diabète de type 1 et 2 647 non-diabétiques âgés de 20 à 59 ans ainsi que 182 patients atteints de diabète de type 2 et 1 314 non-diabétiques âgés de 50 à 81 ans a évalué le risque parodontal en fonction du type de diabète (Kaur et al., 2009). Il en est ressorti que le diabète de type 1 est associé de façon statistiquement significative avec la perte d’attache dans toutes les classes d’âge entre 20 et 59 ans, de même qu’une association très marquée est observée entre le diabète de type 1 et la perte dentaire.

Lalla et al. ont étudié l’indice de plaque, l’indice gingival, la profondeur de poche et l’importance des récessions parodontales de 350 patients diabétiques âgés de 6 à 18 ans et de 350 patients non diabétiques (Lalla et al., 2007). Dans l’étude, ils séparent les patients diabétiques en deux sous-groupes, le premier comprenant les patients âgés de 6 à 11 ans et le second les patients âgés de 12 à 18 ans, cela afin d’évaluer l’influence de la durée du diabète de type 1 sur l’état parodontal. Il en ressort que chez les patients diabétiques, les pertes d’attache sont plus marquées que chez les non-diabétiques dès 6-11 ans avec des odds ratios compris entre 1,84 et 3,72.

Ces différents résultats confirment l’étude prospective de Novaes et al. qui ont évalué pendant 10 ans l’influence du diabète de type 1 sur le développement des parodontites dans une population dans laquelle aucun traitement parodontal n’avait été mis en place (Novaes et al., 1997). Ces auteurs montrent une augmentation significative des pertes d’attache pendant la période de l’étude.

L’étude de Kaur et al. rapporte également que les patients atteints de diabète de type 2 présentent de façon statistiquement significative des pertes d’attache dentaire supérieures à celles des patients non diabétiques dans la classe d’âge 50-81 ans (Kaur et al., 2009). Selon l’étude, l’effet du diabète est plus prononcé entre 60 et 69 ans. Cela corrobore les données de l’étude d’Emrich et al. menée sur 1 342 Indiens pimas décrivant des pertes d’attache bien plus importantes (odds ratio : 2,81) et des alvéolyses plus marquées (odds ratio : 3,43) chez les diabétiques de type 2 par rapport aux non-diabétiques (Emrich et al., 1991). Des valeurs similaires sont retrouvées dans les études du National health and nutrition examination study III américain (NHNAES III) montrant, sur plus de 4 000 patients, des valeurs supérieures de perte d’attache chez les patients atteints de diabète de type 2 que chez les non-diabétiques (Tsai et al., 2002).

De ces études, il ressort que le diabète est un risque majeur de développement des parodontites tant pour le diabète de type 1 que pour le diabète de type 2 et que son influence est observée dès l’enfance.

Pour comprendre l’importance de l’implication du diabète dans le développement des parodontites, il est intéressant d’évaluer l’influence de la dérégulation glycémique, mesurée par l’hémoglobine glyquée, sur le développement de la parodontite, de même que la durée du diabète sur l’aggravation de la parodontite.

Influence de la glycémie sur la parodontite

Pour le diabète de type 1, Lalla et al. ont repris les données de leur étude et ont séparé les 350 patients diabétiques en trois groupes : les patients pour lesquels l’hémoglobine glyquée pendant les 2 années précédant l’étude était inférieure à 7,5, ceux pour lesquels elle variait entre 7,5 et 9 et, enfin, ceux pour lesquels elle était supérieure à 9 (Lalla et al., 2007). Il ressort que la valeur moyenne d’hémoglobine glyquée a une influence marquée sur l’importance de la parodontite avec un odds ratio calculé à 1,31. Les résultats sont encore plus significatifs pour les patients les plus jeunes, âgés de 6 à 11 ans, avec un odds ratio de 1,56. Cependant, cette étude n’a pas permis de montrer une influence de la durée du diabète sur le développement de la parodontite.

Une autre étude évalue l’état parodontal chez 203 patients diabétiques de type 1 de 20 et 55 ans (Hodge et al., 2012). L’hémoglobine glyquée est inférieure à 7,5 chez 34 patients et supérieure à 7,5 chez 169 patients. Cent douze patients non diabétiques sont pris comme contrôle. Les auteurs retrouvent une corrélation entre la perte d’attache et le diabète avec un odds ratio de 1,34 ; celui-ci atteint 1,58 lorsque l’on prend uniquement en compte les patients ayant une hémoglobine glyquée supérieure à 7,5.

La dérégulation du diabète de type 1 a une influence importante sur la sévérité de la parodontite mais les études présentées ne permettent pas de corréler la durée du diabète à la sévérité de la parodontite. On peut toutefois citer l’étude de Firatli et al. évaluant l’influence du diabète de type 1 sur la parodontite en prenant une population de 77 patients diabétiques et 77 patients non diabétiques (Firatli et al., 1996). Ses auteurs observent une corrélation positive entre la durée du diabète et l’importance de la perte d’attache mais ils n’ont pas pu associer cette notion de temps à la profondeur de poche. Il apparaît donc qu’il est nécessaire de réaliser d’autres études avec des cohortes importantes afin de limiter les biais et évaluer l’influence de la durée du diabète de type 1 sur la paro­dontite.

Dans une étude épidémiologique menée sur le diabète de type 2 pour le NHANES III, Tsai et al. étudient les valeurs de la glycémie de 4 343 patients diabétiques âgés de 45 à 90 ans (Tsai et al., 2002). Ils ont séparé les patients diabétiques en fonction de leur valeur d’hémoglobine glyquée en deux groupes, le premier comprenant ceux dont l’hémo­globine glyquée est supérieure à 9, le second ceux pour lesquels elle est inférieure à 9. Le premier groupe présente un risque supérieur de développer une parodontite avec un odds ratio de 2,9 par rapport aux patients non diabétiques alors que pour le second groupe il n’est que de 1,56.

Choi et al. ont repris les données du NHANES III et ont isolé 12 254 patients âgés de plus de 20 ans chez qui la glycémie avait été mesurée et l’état parodontal évalué (Choi et al., 2011). La parodontite présentait une prévalence accrue en fonction de la glycémie du patient avec un odds ratio de 1,39 si la glycémie était comprise entre 100 et 126 mg/dl et de 1,63 si elle était supérieure à 126 mg/dl.

Thorstensson et Hugoson ont évalué l’influence du diabète de type 2 sur la parodontite en fonction de l’âge et de la durée du diabète (Thorstensson et Hugoson, 1993). Il ressort de cette étude, dans les trois groupes atteints de diabète depuis respectivement en moyenne 18, 20 et 25 ans, que plus cette durée est importante, plus les lésions parodontales sont marquées.

Des différentes études présentées, il apparaît que plus la glycémie se dégrade, plus les effets du diabète sur la parodontite s’aggravent.

Mécanismes d’action du diabète sur le parodonte

Les maladies parodontales font inter­venir une réponse de l’hôte, véhiculée par des cytokines pro-inflammatoires, qui va être perturbée par le diabète.

L’hyperglycémie continue induit une glycation non enzymatique, l’oxydation des lipides et des protéines et la libération de produits avancés de glycation (AGE : advanced glycation end-products) non dégradés qui s’accumulent dans le plasma et les tissus (Graves et al., 2007). La production de ces AGE est présentée comme la cause principale des complications du diabète. Les récepteurs de ces AGE (RAGE, receptor for advanced glycation end-products) sont retrouvés sur la surface des phagocytes, des cellules endothéliales, des fibroblastes, des cellules musculaires lisses, des lymphocytes provoquant une réponse inflammatoire exagérée.

L’hyperglycémie aggrave la réponse immuno-inflammatoire face aux bactéries parodontopathogènes, conduisant à des pertes tissulaires sévères et rapides (Gurav et Jadhav, 2011).

L’interaction AGE-RAGE provoque un stress oxydatif contribuant à une augmentation chronique de l’activité des monocytes (Ramasamy et al., 2005). Cela va activer la voie du facteur nucléaire kappa B. Ce dernier (Southerland et al., 2006) est un facteur de transcription des protéines activant des gènes codant pour des facteurs de croissance, des molécules d’adhésion et des cytokines comme le tumor necrosis factor alpha (TNF-α), les interleukines (IL) 1, 6 ou 8 (Schmidt et al., 2000). Le facteur nucléaire kappa B est régulé par des espèces réactives à l’oxygène. Ainsi, la fixation du ligand sur le RAGE induit une cascade de signaux conduisant à une série de phosphorylations des molécules d’inhibition du facteur nucléaire kappa B. Celui-ci, qui est normalement retenu dans le cytoplasme par ses molécules d’inhibition, va ainsi gagner le noyau et permettre la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, comme TNF-α, l’IL1-Β ou l’IL6, par les phagocytes et monocytes impliqués dans l’inflammation et la destruction parodontale (Lalla et al., 2000). De nombreux stimuli activent le facteur nucléaire kappa B tels que le lipopolysaccharide (LPS) bactérien, le TNF-α, l’IL1-Β, les protéines virales, des agents chimiques et les AGE. De tous ces stimuli, le LPS ­libéré par les bactéries parodontopathogènes et les AGE semblent être les facteurs les plus impor­tants pour la destruction parodontale (Lalla et al., 1998).

Le facteur nucléaire kappa B agit également sur la régulation du gène Cox-2 (enzyme régulant le taux de prostaglandines E2, ou PGE2). Le facteur nucléaire kappa B activé est capable de se fixer sur les séquences initiatrices de Cox-2 et d’amplifier la transcription de ce dernier, conduisant à une libération accrue de PGE2. Le taux de PGE2 retrouvé dans le fluide gingival est associé à la progression des maladies parodontales, notamment chez les patients diabétiques (Salvi et al., 1998).

Au niveau des cellules endothéliales, l’interaction des AGE avec les RAGE amplifie également l’inflammation tissulaire. Elle augmente l’hyperperméabilité vasculaire des cellules endothéliales et l’expression des molécules 1 d’adhésion cellulaire aux vaisseaux et de molécules capables d’attirer les monocytes sur les parois vasculaires. Ainsi, S100A12 (Kosaki et al., 2004), appelé aussi EN-RAGE, induit l’adhésion moléculaire de la molécule 1 d’adhésion cellulaire aux vaisseaux et augmente la migration et l’activation des mono­cytes/macrophages par leur récepteur aux AGE. Kosaki et al. montrent que le LPS favorise la libération de S100A12 dans le plasma (Kosaki et al., 2004).

Le diabète altère également la cicatrisation osseuse en limitant l’expression de gènes codant pour la différenciation des ostéoblastes et en diminuant les facteurs de croissance et la production de la matrice extracellulaire. Cela serait également le fait des AGE (Gurav et Jadhav, 2011).

Les AGE retarderaient aussi la cicatrisation en provoquant l’apoptose des cellules productrices de la matrice extracellulaire (Graves et al., 2007). Cette augmentation de l’apoptose réduirait le nombre des ostéoblastes et fibroblastes efficaces pour la réparation de l’os alvéolaire résorbé (Cortizo et al., 2003).

Il a été montré que le blocage des RAGE provoquait une diminution la concentration de Porphyromonas gingivalis ainsi qu’une baisse de la perte osseuse et limitait la réponse inflammatoire lors de la cicatrisation. On a également observé une accélération de la cicatrisation et une angiogenèse accrue (Lalla et al., 2000).

Les mécanismes d’action qui relient le diabète à la parodontite induisent principalement une hyperactivation de la réaction immuno-inflammatoire orientée initialement vers les bactéries parodontopathogènes. Ils provoquent également une limitation de la cicatrisation et du remodelage tissulaire. Les conséquences parodontales du diabète ont amené Löe à définir la parodontite comme la sixième complication du diabète (Löe, 1993). La relation entre le diabète et la parodontite ne se limite pas à une réaction de cause à effet. Même si tous les mécanismes ne sont pas élucidés, les deux pathologies ont des implications réciproques. L’inflammation parodontale va entretenir la résistance à l’insuline et la dérégulation de la glycémie (fig. 1). Cette relation bidirectionnelle de la parodontite et du diabète a été exposée par plusieurs auteurs (Taylor, 2001).

Influence de la parodontite sur le diabète

Une étude menée sur 80 patients diabétiques de la communauté indienne de Gila River, population marquée par un taux important de diabète de type 2, montre que le fait d’être atteint d’une parodontite apparaît sur une période de 2 ans comme un facteur de risque d’augmentation de l’hémoglobine glyquée (Taylor et al., 1996).

L’influence de la parodontite sur l’évolution de l’hémoglobine glyquée a été confirmée à partir d’une étude prospective sur 5 ans comprenant 2 973 patients non diabétiques (Demmer et al., 2010). Les patients présentant une parodontite avancée au début de l’étude ont montré un risque multiplié par 5 d’augmentation de l’hémoglobine glyquée par rapport aux patients non atteints de parodontite.

De plus, Shultis et al., à partir de 527 patients diabétiques de type 2 de la communauté indienne de Gila River, ont évalué l’influence de la parodontite sur le développement des complications néphropathiques du diabète comme la macro-albuminurie et les maladies rénales terminales (Shultis et al., 2007). L’incidence des maladies rénales terminales est 2,3, 3,5 et 4,9 fois plus élevée respectivement chez les patients atteints d’une parodontite modérée, sévère et chez les édentés.

Il est montré, en outre, que le traitement parodontal élimine l’inflammation locale et participe globalement au traitement de la résistance à l’insuline (Genco et al., 2005).

Une étude a évalué l’influence de la thérapeutique parodontale non chirurgicale sur l’évolution de l’hémoglobine glyquée (Kiran et al. 2005). Vingt-deux patients diabétiques ont subi une thérapeutique non chirurgicale. La valeur de l’hémoglobine glyquée est passée de 7,31 ± 0,74 % à 6,51 ± 0,8 % 3 mois après le traitement.

Ces résultats sont confirmés par une méta-analyse effectuée sur 485 patients provenant de 9 études qui rapportent une diminution de l’hémoglobine glyquée de 0,46 % après le traitement parodontal (Darré et al., 2008). Ils sont remarquables car chaque réduction de 1 % de l’hémoglobine glyquée est associée à une diminution de 21 % du risque de mortalité liée au diabète, de 14 % pour l’infarctus du myocarde et de 37 % pour les complications microvasculaires (Stratton et al., 2000).

Conclusion

L’inflammation est la caractéristique commune du diabète et de la parodontite. Les études épidémiologiques confirment le rôle majeur du diabète dans le développement de la parodontite. Les patients ayant un mauvais contrôle de la glycémie auront un risque élevé de développer des pertes d’attache et une alvéolyse. Cette susceptibilité est l’expression clinique des interactions AGE-RAGE qui provoquent une hyperexpression inflammatoire principalement par la voie du facteur nucléaire kappa B responsable de l’activation des cytokines pro-inflammatoires.

Vu l’évolution croissante du nombre de patients diabétiques, la prise en charge et le contrôle de l’équilibre du diabète sont des éléments majeurs de la thérapeutique parodontale.

L’implication de la parodontite dans l’évolution du diabète et du traitement parodontal dans la régulation de la glycémie est une notion qui est actuellement clairement établie et étayée. La prise en charge de la paro­dontite et son dépistage précoce apparaissent comme des mesures indispensables de santé publique.

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