La thérapie matricielle par les RGTA® : une innovation appliquée à la parodontiteMatrix therapy with RGTA®: innovant treatment for periodontitis - JPIO n° 03 du 01/09/2014
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 03 du 01/09/2014

 

Article

Corinne LALLAM  

Ex assistant de l'université Paris Vexercice exclusif parodontologie Boulogne (92)

Résumé

Une nouvelle stratégie thérapeutique, les RGTA®, mimétiques de l'héparane sulfate, protège et restaure un micro-environnement tissulaire comparable à celui du tissu sain. Ainsi une action anti-inflammatoire et régénératrice permet pour la première fois d'obtenir, pour tous les tissus parodontaux détruits par la maladie parodontale, une cicatrisation puissante et contrôlée sans approche chirurgicale ni biomatériau adjuvant. Avec le traitement au RGTA®, la matrice extracellulaire désorganisée par l'inflammation se restructure, l'os alvéolaire détruit par la parodontite se reforme et s'appose comme initialement et l'épaisseur cémentaire est couplée à une prolifération de cellules dans le ligament parodontal.

Summary

A new therapeutic approach, RGTA®, mimetics of heparan sulfates, protects and restores a tissular microenvironment similar to the healthy tissues. The anti-inflammatory and regenerative properties allow for the first time a powerful and controled healing for injured tissues after periodontitis without surgical approach and without additional biomaterial. The gingival extracellular matrix disorganized by inflammation is restored, the alveolar bone is rebuilt and the root cementum is thickened with proliferating cells in the periodontal ligament.

Key words

Periodontal regeneration, heparan sulfates, tissular microenvironment

Introduction

Les maladies inflammatoires auxquelles appartiennent les parodontites conduisent à une destruction tissulaire après dégradation de la matrice extracellulaire par des médiateurs pro-inflammatoires ou enzymatiques libérés et activés par les cellules inflammatoires et immunitaires ou par des bactéries.

Ce processus, modifiant l'environnement cellulaire et moléculaire, entraîne une cascade des voies de signalisation complexes aboutissant à la destruction des tissus de soutien de la dent.

Les traitements ont été fondés sur une approche mécanique de débridement, visant à stabiliser la progression de la pathologie, associée à des adjuvants médicamenteux antibactériens et/ou anti-inflammatoires pour tenter de rééquilibrer l'environnement microbiologique et inflammatoire local.

Cependant, la réparation des lésions intra-osseuses nécessite le plus souvent l'utilisation de biomatériaux complémentaires et la destruction la plus fréquente, engendrant une perte osseuse horizontale, ne peut à ce jour espérer être réparée.

Une nouvelle stratégie thérapeutique visant à restructurer la matrice extracellulaire et à récréer un micro-environnement voisin de celui qui existait avant la lésion ouvre une voie prometteuse et originale en médecine régénérative. L'objet de cette revue est d'illustrer cette approche en parodontie et montrer le potentiel thérapeutique de cette nouvelle classe d'agents thérapeutiques que constituent les RGTA® (pour regeneratings agents).

Mode d'action des RGTA®

La matrice extracellulaire est souvent présentée comme un échafaudage organisé autour des cellules comprenant des protéines de structure (comme les collagènes, la laminine, les élastines, etc.) reliées entre elles par des polysaccharides appelés glycoaminoglycanes (GAG), tels les héparanes sulfates (HS) et la chondroïtine sulfate, ou de l'acide hyaluronique remplissant cette espace. On sait aussi que toutes ces protéines possèdent des régions ou sites de fixation des HS.

Au cours des quarante dernières années, plus de 200 peptides de communication cellulaire (PCC), classés par familles comme facteurs de croissance, facteurs angiogènes, neurotrophiques, cytokines, chémokines, interleukines, interféron, CSF (colony stimulating factors), etc., ont été identifiés ; or, la quasi-totalité de ces peptides ont également la capacité de se fixer sur les HS.

Aujourd'hui, les HS sont vus à la fois comme des éléments structurant de l'échafaudage et comme des sites de fixation, de protection, de stockage des PCC. Ce sont ces peptides protégés et positionnés dans l'espace grâce aux HS qui assurent localement le renouvellement d'une cellule qui meurt par une cellule strictement identique. Il s'agit de l'homéostasie tissulaire, fonction centrale dans tout le vivant.

Les HS sont rapidement détruits par les glycanases lors d'une lésion ou d'une souffrance tissulaire. Les PCC et autres protéines de la matrice, n'étant plus protégés par les HS, deviennent alors les cibles des protéases apportées par les cellules de l'inflammation et les cellules circulantes. Lors d'une phase inflammatoire, les HS sont dégradés, entraînant la disparition de la protection des protéines et, donc, la désorganisation du micro-environnement ainsi qu'un ensemble de réactions complexes qualifiées d'inflammatoires.

Ces mêmes cellules apportent des facteurs « urgentistes » qui vont stimuler les cellules pour qu'elles migrent dans la lésion, se multiplient et réparent au plus vite. Il en résulte des traces, cicatrices ou fibrose et un tissu réparé mais non un tissu régénéré.

En outre, si la cause de la lésion est entretenue, ce qui est le cas dans la parodontite, la réparation est instable et, de nouveau, le tissu réparé est détruit puis réparé, etc. : il s'agit du cycle de la chronicité qui s'installe (fig. 1).

Comment sortir de ce cycle infernal ? Thérapie matricielle et RGTA®

Les RGTA® sont de larges polymères synthétisés pour mimer les propriétés des HS comme éléments de réticulation et de fixation des protéines matricielles et des PCC, mais aussi comme protecteurs contre la protéolyse. Administrés par injection ou application topique, après la formation de la lésion, ils vont se substituer aux HS dégradés en se fixant sur les sites des protéines de la matrice devenus accessibles. Ils s'insèrent dans l'échafaudage matriciel qu'ils stabilisent, ce qui permet d'accueillir et protéger les PCC nouvellement synthétisés par les cellules proximales de la lésion.

Les PCC se positionnent alors sur cet échafaudage aux bonnes doses et dans une organisation spatiale qui va mimer celle du tissu d'origine et recréer un micro-environnement proche de l'homéostasie tissulaire initiale. Cette organisation va résister aux glycanases et ainsi, grâce aux RGTA®, les protéases n'auront que peu d'accès aux protéines de structures bien protégées. On s'attend donc à observer un processus inflammatoire modifié et une réparation tissulaire de meilleure qualité (voire une régénération) par le fait simple de la protection et du positionnement spatial des PCC.

Le mode d'action des RGTA® est donc doublement mécanique, comme élément de l'échafaudage et comme protecteur des protéines par blocage d'accès des protéases.

Ainsi, les RGTA® sont-ils considérés comme une nouvelle classe thérapeutique dont l'activité directe est mécanique et non pharmacologique. Ils sont finalement internalisés dans les cellules comme tous les composants matriciels avec un cycle variable selon les tissus puis catabolisés par les lysosomes (fig. 2).

Mise en œuvre dans de nombreux modèles de lésions tissulaires, cette hypothèse a pu être validée et des polymères RGTA® ont été adaptés et formulés selon les tissus, les lésions et les modes d'administration.

Ils ont été utilisés avec succès dans plusieurs modèles de cicatrisation aiguë ou chronique (Van Neck et al., 2011 ; Groah et al., 2011), notamment au niveau de l'os (Blanquaert et al., 1995 ; Lafont et al., 1994, 1998 ; Colombier et al., 1999) ainsi que du myocarde (Yamauchi et al., 2000), du muscle (Desgranges et al., 1999 ; Aamiri et al., 1995), des muqueuses (Mangoni et al., 2009) et de la peau (Tong et al., 2011, 2012 ; Zakine et al., 2011). Ils l'ont également été dans les traitements des ulcères de jambes (Desgranges et al., 2011) ou de la cornée (Khammari-Chebbi et al., 2008 ; Aifa et al., 2012).

L'utilisation des RGTA® par administration systémique (intramusculaire ou intraveineuse), donc à distance, a par conséquent été validée dans ces modèles de lésions. Ainsi, les RGTA® se fixent uniquement sur le site lésé (blessé et/ou enflammé) et ils y restent plusieurs jours, comme en témoigne leur présence 8 jours après l'injection, sans diminution apparente du signal, dans un muscle écrasé (Meddahi et al., 2002). Ils ne vont pas se fixer sur les tissus sains car les sites matriciels de fixation sont occupés par les HS.

L'ensemble de ces propriétés a justifié leur étude en parodontologie puisqu'un traitement couplant le contrôle de l'inflammation et les cascades moléculaires et donc cellulaires de cicatrisation des tissus lésés serait enfin possible.

Pour cela, un modèle de parodontite induite chez le hamster par un régime hyperglucidique 2000 de Keyes (UAR), qui favorise l'accumulation de plaque bactérienne dentaire, avec une flore bactérienne buccale déprimée à l'aide de streptosulfate (100 mg/kg de poids de l'animal), associée à l'inoculation d'une souche d'Actinomyces viscosus, a permis de tester in vivo ce traitement. Des travaux initiaux ont permis d'établir qu'un traitement systémique de RGTA® en intramusculaire pendant 1 mois à la dose de 1,5 mg/kg par semaine diminuait l'inflammation gingivale et la destruction osseuse par une action sur les ostéoclastes dans un modèle de parodontite induite chez les animaux atteints de parodontite alors que le régime inducteur est maintenu. Un traitement plus long (2 mois) modulait le dysfonctionnement du cycle de remaniement osseux en levant l'inhibition de la synthèse osseuse (Escartin et al., 2003). Outre le gain d'os alvéolaire et la restauration de son architecture, une puissante action anti-inflammatoire sur la poche parodontale était observée malgré la présence continue du facteur étiologique, la plaque bactérienne.

Restructuration de la matrice extracellulaire gingivale

Pour apprécier le potentiel de régénération des RGTA® dans le traitement de la maladie parodontale, les modifications cellulaires et tissulaires des trois tissus impliqués, l'os, le cément et le ligament parodontal, obtenues après un traitement avec ces molécules sur des animaux atteints de parodontite ont été étudiées.

Lors de l'inflammation parodontale, une désorganisation complète du tissu gingival se produit. Macroscopiquement, l'apparition d'une poche parodontale autour des racines reflète cette perturbation. Elle comprend l'épithélium de poche et le tissu conjonctif infiltré de nombreux polynucléaires neutrophiles. La destruction des composants structurels de la matrice extracellulaire tels que les collagènes, les fibres élastiques et les protéoglycanes résulte de ce phénomène. Les traitements au RGTA® ont montré une réparation fine et intense du réseau collagénique, notamment pour le collagène de type III dont la production est augmentée dans le tissu conjonctif en régulant la synthèse et l'expression des collagènes mais aussi en rééquilibrant les différents types collagéniques des tissus atteints (Garcia-Filipe et al., 2007). Les collagènes ne constituent pas la seule famille sur laquelle les RGTA® interviennent : la décorine, qui appartient à la famille des petits protéoglycanes riches en leucine, est également régulée. Cette molécule contrôle l'organisation fibrillaire et suprafibrillaire du collagène gingival (Matheson et al., 2005) grâce à ses propriétés de liaison avec les collagènes I et III, et déprime l'expression de certaines métalloprotéases et cytokines (Al Haj Zen et al., 2003 ; Alimohamad et al., 2005). La maladie parodontale diminue l'expression de la décorine. Cette disparition favorise la dégradation des fibrilles des collagènes observée chez les animaux malades. Mais la décorine est réexprimée dans le groupe traité aux RGTA® et participe à la reconstruction du réseau de collagène. Elle est aussi impliquée dans l'édification des fibres élastiques en contrôlant la stabilisation de la fibrilline-1 et en interagissant avec la tropoélastine nécessaire à l'élastogenèse (Reinboth et al., 2002). Or, chez les animaux traités, la réexpression de la fibrilline-1 est intense. La stabilisation des interactions matrice-épithélium permet de retrouver une synthèse de tropoélastine par les fibroblastes (Mariani et al., 1998) et la formation d'élastine (Kozel et al., 2004) pour obtenir une restructuration de la matrice extracellulaire. À distance de la poche, un réseau élastique dense, bien qu'encore immature, est retrouvé (Lallam-Laroye et al., 2006).

Outre l'influence du remodelage de la matrice extracellulaire, les petits protéoglycanes riches en leucine et, notamment, la décorine régulent les fonctions cellulaires, en particulier l'adhésion, la prolifération, la différenciation et l'apoptose. Ces effets sont spécifiques du type cellulaire et sont obtenus par la liaison de ces protéoglycanes à certains facteurs de croissance, par l'induction de cascades de signalisations intracellulaires ou par la régulation d'interactions cellule-matrice.

Dans le modèle animal étudié, l'apoptose est importante dans l'épithélium de poche et dans le tissu conjonctif infiltré dans le groupe des animaux atteints de parodontite, ce qui rejoint la littérature scientifique montrant que l'activation de la caspase 3, l'un des marqueurs de l'apoptose, est augmentée dans le tissu gingival inflammatoire (Bantel et al., 2005). Le traitement par les RGTA® réduit l'apoptose, principalement dans le tissu conjonctif infiltré ; cet effet semble intéresser les fibroblastes. Ce même traitement entraîne aussi une augmentation des cellules épithéliales en prolifération dans l'épithélium de poche (Escartin et al., 2003). Or, les cellules épithéliales sont la première barrière contre l'attaque des bactéries et de leurs produits (Hatakeyama et al., 2006) et protègent ainsi les tissus sous-jacents. Ces résultats montrent bien que la balance est en faveur de la prolifération et du renouvellement cellulaire chez les animaux traités tandis qu'elle est orientée vers la mort cellulaire et la destruction tissulaire chez ceux qui sont malades.

Le traitement par les RGTA® permet donc une restructuration du compartiment gingival, et ce malgré la présence constante du facteur étiologique de la pathologie puisque le régime inducteur de la plaque bactérienne continue à être administré. Il est clair que le retour à l'intégrité des tissus gingivaux doit avoir une incidence sur les autres compartiments du parodonte. En effet, il est très probable que les produits bactériens libérés dans la poche n'y accèdent plus qu'en faible concentration et que les cellules résidentes ne libèrent plus de molécules favorisant la destruction des tissus et le chimiotactisme des cellules inflammatoires.

Régénération osseuse par les RGTA®

Les parodontites entraînent une perte d'os alvéolaire par augmentation de la résorption ostéoclastique et une inhibition de la formation osseuse (Makris et Saffar, 1985). Restaurer le couplage entre la formation et la résorption osseuses est donc essentiel pour réparer les lésions osseuses liées à la maladie parodontale. Jusqu'à aujourd'hui, l'apport de biomatériaux exogènes est le plus souvent nécessaire pour espérer une réparation des lésions intra-osseuses. De plus, la perte horizontale de l'os était jusqu'alors irréversible et les lésions interradiculaires très limitées dans leur potentiel de cicatrisation. Le traitement par les RGTA® introduit une nouvelle approche ciblant ces deux aspects de la balance osseuse. En effet, on constate une restauration de l'architecture alvéolaire originale, notamment de l'os interradiculaire, alors que les animaux atteints par la maladie présentent une perte horizontale osseuse importante associée à des lésions interradiculaires de classe II ou III (Lallam et al., 2006). Ce phénomène concorde avec l'épaississement de la couche ostéogène, traduisant la force du recrutement des cellules ostéogéniques. La rapidité de cette réparation osseuse est confirmée par l'étude des marqueurs fluorescents qui montre des plages d'apposition osseuse rapide, démarrant à la base des lésions et s'étendant vers le sommet du septum osseux (Lallam-Laroye et al., 2006, 2011). Tout ceci traduit la puissance du phénomène anabolique osseux en 1 mois, qui permet de retrouver un niveau osseux proche de celui des animaux témoins. Ce mode d'action des RGTA® dépend de leur capacité protectrice et de celle à potentialiser l'action des facteurs de croissance liés à l'héparine, entraînant ainsi une forte prolifération puis l'expression phénotypique des ostéoblastes. Cette action, efficace sur les ostéoblastes, est une nouvelle approche car la plupart des traitements pharmacologiques visent à contrôler la perte osseuse et sont centrés sur l'inhibition de la résorption. C'est d'ailleurs aussi un effet des RGTA® puisque Escartin et al. ont montré qu'ils diminuaient le nombre des ostéoclastes via une baisse du recrutement des préostéoclastes et influaient également sur leur différenciation (Escartin et al., 2003). Il existe donc un vrai dialogue entre les deux principales cellules impliquées dans le remaniement osseux. La densité et la localisation des ostéoblastes suggèrent fortement que l'os formé est plutôt de type immature. Cela est intéressant car on sait que ce type d'os, qui se forme au cours du développement, ne se confine pas aux foyers de remaniement proprement dits mais se dépose au-delà. Si de l'os s'était déposé uniquement à l'intérieur des foyers de remaniement présents sur les surfaces osseuses résiduelles, la quantité d'os reformé aurait été minime. De cela on peut déduire que les mécanismes mis en jeu sont de nature différente et rappellent les processus mis en œuvre au cours du développement. Ce phénomène est très puissant et ne se produit pas hors des limites anatomiques de l'os alvéolaire comme ces auteurs l'ont montré et contrairement à ce qui est obtenu en utilisant des facteurs de croissance exogènes. Les RGTA® vont permettre la synergie de plusieurs mécanismes autorisant ainsi la mise en place d'un vrai programme de réparation osseuse en contrôlant l'homéostasie et la réparation osseuse par équilibration de différents facteurs endogènes.

Influence du traitement aux RGTA® sur l'environnement de la surface radiculaire

La maladie parodontale altère la surface cémentaire et détruit le système d'attache. Les organisations tissulaire et cellulaire du ligament parodontal sont alors complètement modifiées. L'augmentation des cellules en prolifération dans le ligament parodontal des animaux atteints de parodontite est à rapprocher de la légère augmentation de l'épaisseur cémentaire constatée (Lallam et al., 2006). Mais cette épaisseur cémentaire est encore fortement accrue sur les racines des animaux traités. Il s'agit d'une couche régulière de cément acellulaire n'exprimant pas la décorine, ce qui est crucial pour l'insertion du ligament parodontal sur la surface radiculaire (Bosshardt, 2005). Le traitement aux RGTA® augmente le nombre d'une population cellulaire épithéliale, les restes épithéliaux de Malassez, ainsi que leur volume cytoplasmique, ce qui traduit probablement une augmentation de leur activité biologique. Ces phénomènes avaient été observés lors d'une stimulation mécanique, chez le rat (Talic et al., 2002) ou in vitro (Brunette, 1984 ; Yamasaki et Pinero, 1989) et confirment que les restes épithéliaux de Malassez représentent bien plus qu'une structure vestigiale. Au contraire, la diminution de leur nombre dans le groupe souffrant d'une parodontite rejoint les travaux montrant qu'il existe des phénomènes d'apoptose de ces cellules épithéliales en fonction de l'environnement (Cerri et Katchburian, 2005 ; Suzuki et al., 2006), du stade de développement ou même de l'âge (Lambrichts et al., 1993 ; Wesselink et Beertsen, 1993). Si on leur assigne un rôle dans l'homéostasie cémentaire et ligamentaire, leur perte représente donc une diminution du potentiel de réparation et expliquerait la difficulté, voire l'impossibilité, de régénérer le parodonte. Mais le traitement par les RGTA® augmente également considérablement le nombre des cellules en prolifération dans le ligament parodontal spécifiquement près de la racine et non du côté osseux. Les restes épithéliaux de Malassez sont directement liés aux glycoaminoglycanes (GAG) dont les héparanes sulfates protéoglycanes (HSPG). Comme ceux-ci sont dégradés lors de l'inflammation, des molécules comme les RGTA®, qui inhibent les héparanases et les glycanases, peuvent donc augmenter le nombre de ces cellules et rétablir un réseau de communication avec les autres cellules radiculaires ou du ligament parodontal.

La prolifération des restes épithéliaux de Malassez précède la réparation cémentaire. Il y a donc d'autres cellules impliquées qui pourraient être des cellules progénitrices du ligament parodontal recrutées pour donner des cellules à phénotype cémentoblastique.

Les RGTA® semblent avoir un effet sur le recrutement des cellules ligamentaires qui migreraient préférentiellement vers les zones radiculaires rendues non fonctionnelles par la destruction des fibres pendant la progression de la maladie, avant de se différencier en cémentoblastes. L'apposition cémentaire permet d'obtenir de nouvelles fibres du ligament parodontal qui s'insèrent perpendiculairement, assurant un ancrage fonctionnel dans un néocément acellulaire de réparation et dans un os néoformé. Deux populations cellulaires semblent donc impliquées dans la réparation cémentaire. Selon Bosshardt, les restes épithéliaux de Malassez pourraient soit se transformer directement en cellules mésenchymateuses, soit stimuler la différenciation de fibroblastes du ligament en cémentoblastes (Bosshardt, 2005). Dans la première hypothèse, ils subiraient une interconversion épithélio-mésenchymateuse, comme cela a été évoqué pour les cellules de la gaine de Hertwig pendant l'édification radiculaire (Bosshardt et Schroeder, 1996 ; Bosshardt et Selvig, 1997 ; Bosshardt et Nanci, 1998), c'est-à-dire que ces cellules sont capables de changer complètement l'orientation de leur lignée et, de cellules épithéliales, devenir des cellules conjonctives. Ces cémentoblastes pourraient migrer ensuite le long de la racine en direction coronaire. Dans la seconde hypothèse, les restes épithéliaux de Malassez pourraient interagir avec une sous-population spécifique de fibroblastes du ligament parodontal et les conduire vers un phénotype cémentoblastique. Cette cascade mimerait les événements décrits pendant l'odontogenèse, caractérisée par des interactions séquentielles et réciproques entre les cellules épithéliales de la gaine de Hertwig et les cellules mésenchymateuses du follicule dentaire (Åberg et al., 1997 ; Thesleff et Åberg, 1999). L'expression de protéines osseuses morphogénétiques (BMP-3) à la fois par des cellules épithéliales et des cellules mésenchymateuses pourrait être un argument de plus en faveur de l'interconversion cellulaire. D'autant que Thomas et Kollar puis Bosshardt et Selvig ont montré par incorporation de thymidine tritiée, un marquage des cellules épithéliales puis cémentoblastiques renforçant cette hypothèse (Bosshardt et Selvig, 1997). De plus, l'hypothèse selon laquelle le cément acellulaire à fibres extrinsèques serait sécrété par des cellules d'origine épithéliale (Kagayama et al., 1998 ; Zeichner-David et al., 2003) pourrait expliquer la présence de ce type de cément dans notre modèle. Mais il est possible aussi que les deux phénomènes cohabitent, des cellules du ligament prolifèrent et se différencient, coronairement, sous l'influence des restes épithéliaux de Malassez, lesquels peuvent aussi se transformer en partie pour soutenir, plus apicalement, la formation cémentaire.

En restaurant l'architecture de la matrice extracellulaire, un micro-environnement favorable induit l'expression de molécules nécessaires à la régénération en particulier à celle de BMP. On retrouve alors une chronologie d'expression des BMP-3, BMP-7 et BMP-2 notamment telle qu'elle existe dans les stades précoces du développement de la racine. La communication intercellulaire se rétablit alors et les signaux induits font là aussi pencher la balance vers l'apposition après une différenciation cellulaire évidente.

Ce traitement avec un mimétique des héparanes sulfates, en mimant les étapes du développement, restaure un système d'attache fonctionnel sur la surface radiculaire.

Conclusion

Les études animales montrent que le traitement par les RGTA® orchestre la régénération de l'appareil d'ancrage de la dent détruit par une parodontite alors même que le facteur étiologique de la plaque n'est pas supprimé. Il faut davantage d'études pour connaître l'effet antibactérien des RGTA® même si on peut penser qu'ils interfèrent sur l'interaction des bactéries, notamment sur leurs interactions avec les cellules épithéliales. Tous les compartiments du parodonte sont concernés par les phénomènes puissants, mais contrôlés, de cicatrisation mis en jeu par ces molécules. Alors que les RGTA® sont déjà utilisés dans des services hospitaliers comme thérapies de cicatrisation et de régénération tissulaire sur la cornée ou les ulcérations dermiques, il convient de passer à des études cliniques nécessaires en parodontologie.

Les RGTA® présentent en effet un intérêt majeur puisqu'ils évitent l'utilisation de facteurs de croissance ou PCC exogènes, mais protègent et organisent les PCC endogènes. Pour la première fois, une action anti-inflammatoire et de régénération des tissus lésés par la maladie parodontale serait couplée dans une même thérapeutique entièrement non chirurgicale.

Déclaration d'intérêts

L'auteur a indiqué n'avoir aucun conflit d'intérêts concernant cet article.

Remerciements

Au professeur Denis Barritault pour son aide.

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