Parodontologie clinique - JPIO n° 2 du 01/05/2018
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2018

 

Revue scientifique internationale

Responsable : Yves REINGEWIRTZ

Recherche clinique

Parodontologie clinique

I. EAGLE, E. BENAVIDES, R. EBER, G. KOLENIC, Y. JUNG, C. VAN POZNAC, L.S.TAICHMAN

J Clin Periodontol 2016;43:659-667

Santé parodontale chez des patientes atteintes de cancer du sein sous traitement d'inhibiteurs de l'aromatase comparées à un groupe contrôle de patientes ménopausées : une analyse longitudinale.

But de l'étude

La plupart des cancers du sein sont...


Recherche clinique

Parodontologie clinique

I. EAGLE, E. BENAVIDES, R. EBER, G. KOLENIC, Y. JUNG, C. VAN POZNAC, L.S.TAICHMAN

J Clin Periodontol 2016;43:659-667

Santé parodontale chez des patientes atteintes de cancer du sein sous traitement d'inhibiteurs de l'aromatase comparées à un groupe contrôle de patientes ménopausées : une analyse longitudinale.

But de l'étude

La plupart des cancers du sein sont diagnostiqués chez les patientes ménopausées ; environ 75 % de ces atteintes touchent les récepteurs hormonaux œstrogène/progestérone et sont considérées récepteurs hormonaux positifs (HR+). Le traitement endocrinien le plus fréquent chez les patientes HR+ ménopausées ayant présenté un cancer du sein consiste en la prise d'inhibiteurs de l'aromatase (AIs), traitement permettant de réduire les risques de récidive. Les effets secondaires de la prise d'AIs entraînant une rapide diminution des œstrogènes circulants, la perte osseuse, au niveau squelettique (ostéoporose) et au niveau de l'os alvéolaire, est un facteur de risque de pathologies parodontales. Les auteurs de cette étude cherchent à mettre en évidence, dans une étude longitudinale sur 18 mois, les changements observés au niveau parodontal chez des patientes ménopausées ayant présenté un cancer du sein et traitées par AIs.

Matériel et méthode 

Étude prospective sur 18 mois de l'état parodontal chez 29 patientes ménopausées, 29 recevant un traitement par AIs, 29 ne présentant pas de cancer du sein. Les paramètres étudiés sont la hauteur d'os alvéolaire (ABH) à 6, 12 et 18 mois, les prises associées de bisphosphonate, vitamine D et calcium.

Résultats

Les patientes traitées par AIs présentent des différences significatives pour la profondeur de sondage, plus marquée, la plaque dentaire et la perte d'attache clinique, plus importantes comparées aux contrôles à 6, 12 et 18 mois (p < 0,05). ABH est observée progressivement dans le groupe AIs. Les patientes sous AIs prenant du calcium montrent une perte moins importante d'os alvéolaire que les patientes sous AIs et sans calcium (p = 0,005).

Conclusion

Le traitement par inhibiteurs de l'aromatase a un impact négatif sur la santé parodontale des femmes ménopausées ayant présenté un cancer du sein. Une prise associée de calcium semble réduire la perte osseuse alvéolaire chez ces patientes traitées par AIs.

Commentaires

Cette étude, proposée par le Département de parodontologie de l'Université de Michigan, présente un intérêt majeur dans la mesure où elle concerne un nombre important de patientes. On prévoit en effet que seront diagnostiqués, pour les seuls États-Unis en 2016, près de 232 670 nouveaux cas de cancers du sein. Bien que 90 % de ces cas pourront être traités avec succès sur 5 ans, les effets secondaires négatifs du traitement par inhibiteurs de l'aromatase au niveau parodontal nous obligent à les anticiper en mettant à profit l'un des éléments positifs relevés dans cette étude. En limitant la perte osseuse alvéolaire, l'administration associée de calcium semble être un moyen simple de réduire la destruction parodontale. Et pour ce qui est des autres facteurs défavorables consécutifs à la prise d'AIs, plaque dentaire et perte d'attache plus importantes, on ne peut qu'inciter les professionnels impliqués – oncologues, médecins généralistes, gynécologues à une attitude préventive en adressant ces patientes – ayant été traitées pour cancer du sein et traitées par AIs chez leurs chirurgiens-dentistes ou auprès de parodontistes pour une prise en charge parodontale optimale.

Yves Reingewirtz (Strasbourg)

Parodontologie clinique

P. CORTELLINI, J. BUTI, G. PINI PRATO, M.S. TONETTI

J Clin Periodontol 201;44:58-66

Essai clinique randomisé sur une période de suivi de 20 ans de régénération parodontale comparée à un lambeau d'accès dans le traitement chirurgical de défauts intra-osseux chez l'homme : conservation des dents, récidive de la parodontite et coûts

But de l'étude

Cette étude clinique s'attache à comparer les résultats à long terme et les coûts de trois méthodes différentes de traitement des lésions intra-osseuses.

Méthode

Quarante-cinq patients, 21 hommes et 24 femmes, âgés de 25 à 61 ans, ont été recrutés dans l'étude clinique contrôlée randomisée réalisée au sein d'un cabinet privé italien. Chaque patient présente, après thérapeutique initiale, un défaut intra-osseux proximal profond ne touchant pas la furcation (17 incisives, 13 canines, 7 prémolaires et 8 molaires). Chaque patient est randomisé dans l'un des 3 groupes de traitement : le premier groupe est traité avec une membrane en e-PTFE renforcée titane (mb-Tit) associée à un lambeau de préservation papillaire modifiée, le deuxième groupe est traité par un lambeau d'accès et une membrane en e-PTFE (mb) et le troisième groupe par un lambeau d'accès selon le lambeau de Widman modifié (Wmod). Chaque groupe comporte 2 patients fumeurs (moins de 20 cigarettes par jour).

La profondeur au sondage et le niveau d'attache clinique sont mesurés par le même opérateur, ignorant des modalités de traitement, 1 semaine avant la chirurgie, 1 an après puis tous les 2 ans pendant le suivi.

Tous les patients ont pour consigne d'effectuer 2 fois par jour un bain de bouche à la chlorhexidine à 0,2 % et de prendre 250 mg de tétracycline 4 fois par jour pendant 1 semaine. Une maintenance est effectuée 1 fois par semaine pendant les 6 premières semaines dans tous les groupes. Les membranes sont retirées à 6 semaines. Tous les patients sont suivis 1 fois par mois pendant 1 an puis tous les 3 mois passé ce délai. Aucun sondage ni débridement profond n'a lieu avant 1 an.

La récurrence de la maladie est définie par une augmentation supérieure à 2 mm de la profondeur au sondage associée à un saignement au sondage et par une perte d'attache clinique supérieure à 2 mm. Ces sites ont été traités par une approche non chirurgicale ou par une chirurgie, régénératrice ou non. Les dents présentant une récurrence de la parodontite et ne répondant pas aux traitements sont extraites quand le support parodontal résiduel est incompatible avec la fonction et le confort du patient.

Résultats

À 1 an, les sites traités par mb-Tit, mb et Wmod ont gagné respectivement 5,3 mm, 4,1 mm et 2,5 mm d'attache clinique. Les profondeurs au sondage résiduelles étaient respectivement de 2,1 mm, 2,7 mm et 3,7 mm.

À 20 ans, les sites traités par Wmod montrent une perte d'attache supérieure statistiquement significative par rapport à ceux traités par mb-Tit (1,4 mm) et par mb (1,1 mm). Deux dents ont été extraites à 11 et 15 ans, uniquement dans le groupe traité par Wmod, alors que toutes les dents régénérées étaient encore fonctionnelles 20 ans après le début du traitement ; 50 % des sites traités par Wmod étaient stables à 20 ans. Cinq récurrences de parodontite ont été constatées chez 4 patients du groupe traité par mb-Tit, 6 chez 5 patients dans le groupe mb et 15 chez 8 patients dans le groupe Wmod ; 26 récurrences au total ont nécessité une ré-intervention. Une profondeur de poche résiduelle à 1 an supérieure à 5 mm est significativement corrélée aux récurrences.

Les coûts moyens des chirurgies initiales sont plus élevés pour les chirurgies régénératrices (1 183 € versus 549 € pour Wmod). Cependant, le coût des ré-interventions dues aux récurrences est plus élevé pour le groupe Wmod que pour les techniques régénératrices. À 20 ans, le total des coûts moyens était de 3 090,98 € pour Wmod, 3 382 € pour le groupe mb et de 3 322 € pour les mb-Tit.

Conclusion

Les techniques régénératrices utilisant des membranes non résorbables donnent de meilleurs résultats à 20 ans, en termes de conservation des dents, de faible récurrence de parodontite et donc de nécessité de ré-interventions, qu'un lambeau simple. Les différences apparaissent surtout après 10 ans.

Commentaires

Les résultats de cette étude ont été obtenus au sein d'un cabinet privé dans le cadre d'une maintenance très serrée et les chirurgies ont été effectuées par des spécialistes possédant une grande expérience clinique sur des patients très motivés majoritairement non fumeurs. Par ailleurs, les membranes non résorbables ne sont pratiquement plus utilisées pour traiter les défauts intra-osseux en raison de la fréquence élevée d'exposition de ces membranes. Pour ces deux raisons, l'extrapolation de ces résultats n'est pas évidente. Cependant, il est intéressant de noter que, malgré une maintenance serrée et un traitement chirurgical réalisé dans les meilleures conditions, certains sites perdent de l'attache, surtout après 10 ans. Les résultats différents constatés après une chirurgie régénératrice et un lambeau simple pourraient être dus au fait qu'un épithélium de jonction long serait moins stable et/ou à la profondeur de poche résiduelle supérieure après un simple lambeau. Enfin, même si le coût initial d'une chirurgie régénératrice est plus élevé, les coûts cumulés, incluant les chirurgies initiales, la maintenance et les ré-interventions, sont presque similaires.

Céline Gatti (Paris)

Parodontologie clinique

C.A. RAMSEIER, A. ANERUD, M. DULAC, M. LULIC, M. CULLINAN, G.J. SEYMOUR, M.J. FADDY, W. BÜRGIN, M. SCHÄTZLE, N.P. LANG

J Clin Periodontol 2017;44:1182-1191

Histoire naturelle de la parodontite : progression de la maladie et pertes dentaires sur plus de 40 ans

But de l'étude

Évaluer la perte d'attache à long terme et les pertes dentaires liées à la maladie parodontale sur une période de 40 ans chez des patients présentant une maladie parodontale non traitée.

Matériel et méthode

Les données prennent leur origine dans l'étude de l'histoire naturelle de la maladie parodontale chez les travailleurs du thé cingalais examinés au départ en 1970 (Loë et al., 1978). En 2010, 75 individus (15,6 %) de la cohorte originale de 480 personnes ont été réexaminés.

Résultats

Les pertes dentaires ont varié sur 40 ans de 0 à 28 dents (moyenne 13,1). Quatre individus n'ont perdu aucune dent alors que 12 ont été totalement édentés. L'analyse par régression logistique a montré une relation statistiquement significative avec les pertes dentaires liées à la maladie parodontale. L'analyse par chaîne de Markov montre que la fumée et le tartre sont associés à l'initiation de la maladie parodontale et que le tartre, la plaque et la gingivite étaient associés à la perte d'attache et à la progression jusqu'à une pathologie terminale. Une perte d'attache moyenne < 1,81 mm à l'âge de 30 ans présentait les meilleures sensitivité et spécificité (0,71) pour inclure les sujets dans la population ayant au moins 20 dents à l'âge de 60 ans.

Conclusion

Les résultats mettent en évidence l'importance du traitement précoce de la parodontite et de l'arrêt de la fumée chez les patients de moins de 30 ans. De plus, ils montrent que l'élimination du tartre, le contrôle de plaque et le contrôle de la gingivite sont essentiels pour prévenir la progression de la maladie, la progression de la perte d'attache jusqu'à la perte de la dent.

Commentaires

Cet article restera l'une des références de base de notre exercice, montrant l'évolution de la maladie en l'absence de toute hygiène dentaire et de tout traitement adéquat. Il est notable de constater que, bien que 4 individus examinés n'aient perdu aucune dent, tous finissent par développer une maladie parodontale qui amène la grande majorité d'entre eux à la perte de dents. Il reste encore à définir le rôle de l'alimentation et celui de la prédisposition génétique à cette dégradation mais il semble improbable qu'une étude similaire puisse être envisagée dans le futur, notamment au vu des aspects éthiques totalement négligés dans cette opération.

Jean-Nicolas Hasson (Mulhouse)