Érosion dentaire et réhabilitation globale - Cahiers de Prothèse n° 159 du 01/09/2012
 

Les cahiers de prothèse n° 159 du 01/09/2012

 

PLAN DE TRAITEMENT

Thomas Belangeon*   Matthieu Fabris**   Catherine Millet***  


*Ancien interne
**Faculté d’odontologie de Lyon – Université
Claude-Bernard Lyon 1

Service d’odontologie des hospices civils de Lyon
6-8, place Depéret
69007 Lyon
***AHU
****Faculté d’odontologie de Lyon – Université
Claude-Bernard Lyon 1

Service d’odontologie des hospices civils de Lyon
6-8, place Depéret
69007 Lyon
*****PU-PH, responsable du Département prothèses
******Faculté d’odontologie de Lyon – Université
Claude-Bernard Lyon 1

Service d’odontologie des hospices civils de Lyon
6-8, place Depéret
69007 Lyon

Résumé

La prise en charge de patients présentant des lésions érosives d’origine extrinsèque devient de plus en plus fréquente. Elle peut s’envisager de deux manières complémentaires : par les techniques adhésives (inlay, onlay, facettes) ou par la prothèse fixée « tout céramique » ou à armature métallique. Le choix entre ces deux approches est fonction de l’âge du patient et de l’importance de la restauration. S’il est nécessaire de reconstruire le guide antérieur et ou de modifier la dimension verticale d’occlusion, la prothèse fixée semble prioritaire. En revanche, si la perte de substance n’a pas affecté ces deux paramètres, les techniques adhésives seront privilégiées. Le coût biologique du traitement sera alors meilleur car la perte supplémentaire de tissu générée par les exigences de préparation est minime.

Summary

Global rehabilitation of erosive dentition

This article is about the multidisciplinary management of a patient who presents dental erosion with an extrinsic acidic source. This situation becomes more and more common. Two complementary approaches are available : adhesives techniques (inlay, onlay, veneer) or all ceramic and ceramo-metallic prosthesis. The choice between these twice approaches will be linked to the age of the patient and to the rehabilitation’s importance. If it’s necessary to rebuild the anterior guide and or to change VDO, we will give priority to the fixed prosthesis. However, if the loss of substance has not affected these parameters, adhesives techniques will be favoured. The biological coast will be better because the supplementary loss of dental tissue by imperative of preparation is minor.

Key words

dental erosion, all-ceramic crown, acid eating habits, anterior guide, zirconia

Introduction

La diminution de la prévalence de la carie dentaire dans les pays développés est indéniable. Pour autant, les tissus durs de la dent peuvent être dégradés par d’autres processus n’impliquant pas de micro-organismes. En effet, l’usure dentaire est le résultat de trois mécanismes : l’abrasion (usure résultant de la friction de matériaux exogènes contre les surfaces dentaires), l’attrition (usure occlusale produite par des contacts dentaires sans interposition alimentaire) et l’érosion (dissolution des tissus durs par des substances acides). Un autre processus, l’abfraction, qui génère les lésions cervicales non carieuses (anciennement les mylolyses) pourrait potentialiser l’usure par abrasion et/ou par érosion. De nombreuses études cliniques et expérimentales montrent que ces mécanismes d’usure agissent rarement seuls mais plutôt en interaction [1].

L’érosion dentaire, décrite comme une usure chimique, est le résultat de l’action d’acides extrinsèques (boissons gazeuses ou énergétiques, fruits, bonbons acides) [2] et/ou d’acides intrinsèques (acidité gastrique, vomissements) [3 à 6] sur une surface dentaire dépourvue de plaque. Quand l’agression acide est active pendant un temps suffisamment long, un défaut cliniquement visible apparaît [7]. L’effet de ces substances acides dépend de leur type et de leur pH mais aussi d’autres facteurs (facteurs de risque) qui viennent limiter ou amplifier le phénomène de déminéralisation. C’est l’interaction entre les facteurs étiologiques et les facteurs de risque (chimiques, biologiques, comportementaux) qui permet le développement d’usure dentaire par érosion [8].

Le but de cet article est de décrire un cas clinique d’érosion nécessitant une restauration esthétique et fonctionnelle en proposant les différentes options thérapeutiques envisageables et en distinguant temps par temps les séquences cliniques pour la solution retenue.

Présentation du cas

Anamnèse

Un patient âgé de 65 ans est venu consulter pour une gêne esthétique. Lors de la première consultation, il se plaignait de l’usure et du changement de teinte de ses dents et souhaitait un traitement pour stopper cette usure et restaurer l’esthétique dentaire. En début de traitement, il ne signalait aucune pathologie générale, ni prise de médicaments, ni allergie. Il ne consommait pas de tabac. Il nous a précisé qu’il mangeait 3 citrons par jour depuis de nombreuses années avec un mode de consommation méthodique et toujours identique : il coupait 1 citron en 4 et croquait chaque partie en fin de repas, avant d’aller se brosser les dents… Précisons que ce patient ne présentait pas de reflux gastro-œsophagien.

Examens cliniques

Examen exobuccal

L’examen exobuccal n’a pas révélé de perte de dimension verticale ni de dissymétrie faciale (fig. 1). Le patient présentait une typologie faciale carbonique. Les dents du groupe incisivo-canin maxillaire étaient peu visibles au repos. Le sourire était non gingival même en cas de sourire forcé. La palpation n’a décelé aucune douleur musculaire ou articulaire. En revanche, le patient présentait une forte tonicité des muscles masticateurs mais sans contractures. L’examen articulaire n’avait mis en évidence aucun signe de craquement ou de claquement des articulations temporo-mandibulaires (ATM). Les trajets d’ouverture et de fermeture mandibulaire étaient rectilignes et sans déviation.

Examen endobuccal

L’hygiène bucco-dentaire était très satisfaisante sans présence de tartre supragingival.

Examen parodontal

Le biotype parodontal était épais et sans inflammation (fig. 2). L’indice de Löe et Silness était de 0, confirmant une excellente hygiène bucco-dentaire. L’examen parodontal n’avait montré aucune mobilité dentaire au-delà de la mobilité physiologique. Le sondage n’avait révélé aucune poche parodontale ni aucun saignement. Il convient de noter qu’en cours de traitement, le patient avait déclaré la maladie de Lyme qui avait été difficile à diagnostiquer. Il présentait alors une légère thrombopénie (80 000 plaquettes par millimètre cube) responsable de saignements spontanés du sulcus. Cela s’explique par une perturbation de la crase sanguine et ne peut être apparenté à des signes objectifs d’atteintes parodontales.

Examen dentaire

Sur l’arcade maxillaire :

– toutes les dents étaient présentes sauf 16. Cet édentement unitaire était compensé par un bridge de 4 éléments sur les dents piliers 14, 15 et 17. Les dents 15 et 17 étaient vitales et 14 était dépulpée ;

– des couronnes coulées restauraient 25, 27 et 28 dépulpées. Les dents 26 et 18 comportaient un onlay métallique ;

– dans le secteur antérieur, on notait un diastème interdentaire important entre 11 et 12 ainsi qu’entre 22 et 23. On observait également une perte de substance vestibulaire, palatine et occlusale au niveau des dents 11, 21, 22, 23 et 24 (fig. 3). La perte de substance était plus importante sur les faces palatines que sur les faces vestibulaires. Cet état ne correspondait pas à la situation la plus typique d’une érosion d’origine extrinsèque. En effet, les érosions palatines et occlusales sont souvent associées aux étiologies intrinsèques alors que celles des faces vestibulaires ont des étiologies plutôt extrinsèques [9, 10]. D’anciennes restaurations délabrées étaient présentes sur les faces palatines.

Sur l’arcade mandibulaire :

– toutes les dents étaient présentes ;

– 37, 45, 46 et 47, dépulpées, étaient couronnées ;

– 36 et 48 présentaient un onlay métallique et 38 était restaurée par un amalgame ;

– 41 était dépulpée et présentait une dyschromie ;

– plusieurs soins restaurateurs étaient présents au niveau de 41, 42, 43, 33 et 34 ;

– on retrouvait des lésions érosives des bords libres des incisives et des cuspides des canines et prémolaires mandibulaires dont l’importance progressait de l’arrière vers l’avant (fig. 4).

Calcul du BEWE (Basic Erosive Wear Examination)

Le système d’évaluation BEWE, simple et partiel, permet d’estimer la gravité de l’érosion et guide le praticien dans la prise en charge [11]. Il évalue les lésions sur toutes les dents et sur toutes les surfaces dentaires. Toutes les dents d’un sextant, à l’exclusion des dents de sagesse, sont examinées, mais seule la surface avec la plus mauvaise valeur (la plus élevée) du sextant est enregistrée. On attribue alors un score de 0 à 4 à cette surface. La somme des valeurs des 6 sextants donne la valeur BEWE totale.

Les critères pour la classification selon le BEWE sont les suivants :

– valeur 0, aucune érosion ;

– valeur 1, début de disparition du relief de surface ;

– valeur 2, lésion nette, destruction des tissus durs impliquant moins de 50 % de la surface ;

– valeur 3, lésion nette, destruction des tissus durs impliquant plus de 50 % de la surface.

Aux valeurs 2 et 3, la dentine est souvent impliquée.

Dans le cas clinique présenté (tab. I), la valeur du BEWE était de 9/11, ce qui correspondait au niveau medium. Signalons que le BEWE aurait pu être plus sévère si les secteurs postérieurs, couronnés pour des raisons autres que carieuses d’après le patient, avaient été pris en compte dans le calcul.

Examen radiographique

L’orthopantomogramme n’avait révélé aucune image péri-apicale ni atteinte parodontale (fig. 5). On constatait une perte de tissu dentaire importante du secteur antérieur maxillaire.

Examen occlusal

L’examen clinique de l’occlusion a été complété par le transfert sur articulateur de moulages d’étude. L’examen interarcade en occlusion statique avait montré un bout à bout incisif (et même une inocclusion entre 11 et 41, 42) et une dimension verticale d’occlusion (DVO) correcte. La configuration des bords incisifs avait créé une courbe inversée confirmant la perte de substance dentaire [12]. L’analyse occlusale dynamique avait confirmé l’absence de guidage antérieur incisif. En latéralité, on notait une fonction groupe à droite comme à gauche.

Diagnostic

La collecte des données issues de l’anamnèse, de l’observation clinique et des examens complémentaires avait accrédité le diagnostic d’une usure dentaire par érosion d’origine extrinsèque. Le diagnostic étiologique était lié à une consommation excessive de citrons. En effet, l’acide citrique libéré en bouche a une double action sur les surfaces dentaires : il permet une dissolution de surface des tissus dentaires et possède une activité de chélateur de calcium qui amplifie son action [13 à 15].

Objectif de traitement

Le but principal du traitement était de supprimer toutes les habitudes alimentaires responsables de la perte de tissus dentaires et de reconstruire un guide antérieur compatible avec la fonction et l’esthétique.

Selon Bartlett et al. [11], les patients présentant un BEWE compris entre 9 et 13 doivent recevoir des conseils sur l’alimentation ainsi que sur les ­habitudes d’hygiène et faire l’objet d’une identification de leur facteur ­étiologique. Par ailleurs, une fluoration pour augmenter la résistance des surfaces dentaires est proposée et, idéalement, les restaurations prothétiques et/ou adhésives sont à éviter. Cependant, dans les cas où la DVO est conservée avec atteinte du guide antérieur, des reconstructions partielles ou totales des arcades sont proposées par plusieurs auteurs [16 à 19].

Solutions thérapeutiques

Dans tous les cas, la thérapeutique initiale consiste à modifier les habitudes alimentaires du patient (suppression de tout aliment acide). Des bains de bouches protecteurs ont été prescrits (Elmex® protection érosion) afin de renforcer l’émail des dents atteintes. Les informations sur la technique de brossage et sur le matériel à proscrire (brosse à dents à poils durs) ont été rappelées au patient.

Un traitement orthodontique préprothétique avait été proposé pour corriger les malpositions, les rotations et les axes dentaires. Cette solution avait pour but d’améliorer la répartition des piliers dentaire au sein de l’arcade, de recréer des points de contact interdentaires afin de protéger le parodonte proximal, de faire coïncider au mieux les axes dentaires avec les axes prothétiques, de favoriser l’esthétique finale et d’améliorer la répartition des forces occlusales.

Après la phase initiale, différentes solutions thérapeutiques étaient envisageables.

À l’arcade maxillaire

La solution n° 1 consistait en la réfection des secteurs postérieurs par une prothèse fixée céramo-métallique et la réalisation de restaurations antérieures adhésives a minima comme le proposent Vailati et Belser [20].

Ses avantages étaient :

– l’économie tissulaire de la restauration ;

– l’esthétique.

Elle avait deux inconvénients :

– c’est une technique récente présentant peu de recul clinique ;

– il existait une contrainte mécanique importante liée à la reconstruction du guide antérieur.

La solution n° 2 consistait en la réfection des secteurs postérieurs par une prothèse fixée céramo-métallique et la réalisation de couronnes céramo-céramiques à infrastructure zircone de 13 à 25.

Ses avantages résidaient dans :

– la résistance mécanique de la restauration ;

– le recul clinique de la prothèse fixée tout céramique et céramo-métallique ;

– l’esthétique

Son inconvénient était constitué par le coût « biologique » de la restauration, plus important que dans la solution précédente.

À l’arcade mandibulaire

La problématique était identique puisqu’il fallait recréer le guide antérieur et compenser la perte tissulaire du bloc incisif mandibulaire.

La solution n° 1 consistait en la réalisation de restaurations adhésives a minima au niveau des bords occlusaux de 42 à 32.

Elle présentait comme avantages :

– une économie tissulaire de la restauration ;

– l’esthétique.

Ses inconvénients étaient constitués par :

– le fait que c’est une technique récente présentant peu de recul clinique ;

– la contrainte mécanique importante liée à la reconstruction du guide antérieur.

La solution n° 2 proposait la réalisation de couronnes céramo-céramiques de 42 à 32.

Elle avait pour avantages :

– la résistance mécanique de la restauration ;

– un recul clinique de la prothèse fixée tout céramique ;

– l’esthétique ;

– l’absence d’alliage métallique.

Son inconvénient était constitué par le coût « biologique » de la restauration, plus important que dans la solution précédente.

Décision thérapeutique

Après avoir exposé au patient les différentes solutions envisageables, un temps de réflexion lui a été laissé pour obtenir son consentement éclairé. Conscient des possibilités thérapeutiques et de son âge, il a refusé catégoriquement la préparation orthodontique préprothétique.

Il a retenu la solution des couronnes céramo-métalliques (CCM) et métalliques pour les secteurs postérieurs maxillaires associées à des couronnes céramo-céramiques (CCC) à infrastructure zircone pour les secteurs antérieurs maxillaire et mandibulaire.

Séquence de traitement

Phase initiale

La phase initiale a comporté quatre étapes :

– confection d’un wax-up pour simuler le projet esthétique et évaluer le guide antérieur ainsi recréé ;

– réalisation d’éléments provisoires dans les secteurs antérieurs de 13 à 23 et de 32 à 42. En effet, en l’absence de perte de DVO, le calage postérieur a été conservé pour ne pas modifier l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) (fig. 6 et ) ;

– dépose des anciennes couronnes postérieures maxillaires à l’aide de fraises transmétal et d’instruments spécifiques (WAMkey® n° 1 et 2). Des préparations supragingivales ont été réalisées et les prothèses provisoires postérieures confectionnées (résine Unifast®, GC) en deux temps : d’abord dans le secteur 1 puis dans le secteur 2 pour préserver l’OIM (fig. 7 et ) ;

– réglages esthétiques finalisés. À noter que le patient souhaitait dans l’immédiat conserver ses diastèmes interdentaires.

Phase de temporisation et de réévaluation

Après un port de 6 mois des couronnes provisoires, le guide antérieur recréé a semblé fonctionnel. Aucun descellement n’a été observé pendant cette période. Une réévaluation des différents piliers prothétiques a mis en évidence une fracture corono-radiculaire verticale de 14 (fig. 8). Le plan de traitement a été modifié pour cette dent, à savoir son avulsion et la mise en place immédiate d’un implant.

Extraction de 14 et chirurgie implantaire

Étant donné l’absence de foyer infectieux sur 14, le protocole d’extraction-implantation immédiate a été retenu. Cet acte a été exécuté sans lambeau (flapless) pour respecter au mieux les tissus parodontaux. La chirurgie a consisté en la réalisation de l’avulsion la plus atraumatique possible de 14 (fig. 9) puis du forage jusqu’au diamètre 4.3 pour une longueur de 13 mm (fig. 10 et ). L’implant a été mis en place au couple de 45 Ncm. Un comblement vestibulaire a été réalisé (fig.10) à l’aide de poudre d’os allogénique (TBF®). Le défaut muqueux vestibulaire a été compensé par la réalisation, dans le même temps chirurgical, d’une greffe de conjonctif semi-enfoui permettant, à court terme, de maintenir en place le matériau de comblement et, à long terme, de créer un environnement muqueux péri-implantaire favorable à la restauration prothétique. Le tissu conjonctif a été prélevé en regard du pontique de 16 (fig. 10 et ). Un orthopantomogramme a permis de contrôler la situation postopératoire (fig. 11).

Prothèse d’usage des secteurs postérieurs maxillaires

Comme cela a été précisé dans le plan de traitement, il a été jugé préférable de stabiliser les secteurs postérieurs maxillaires avant de reconstruire durablement le guide antérieur. Dans ce cas, il était en effet important de ne pas perdre l’OIM ni la DVO qui n’avait pas été affectée. Une empreinte des préparations a été réalisée à l’aide d’un polyvinylsiloxane (Elite®, Zhermack) selon la technique du double mélange. Le moulage maxillaire a été transféré sur articulateur à l’aide d’un arc facial. Le rapport mandibulo-maxillaire a été enregistré à l’aide de deux cales en résine (Pattern Resin®, GC) confectionnées en deux temps, après dépose du bridge provisoire du côté droit d’abord puis du côté gauche, en maintenant en bouche la cale droite. Les cales, rebasées en bouche avec un ciment provisoire (TempBond®, Kerr), ont ainsi autorisé le montage du moulage mandibulaire sur l’articulateur. Le prothésiste a réalisé les ­armatures métalliques ­définitives des couronnes solidarisées sur 26 (CCM), 27 et 28 (couronnes ­coulées) et du bridge de 15 à 17 (CCM sur 15/16 et couronne coulée sur 17). Des indices d’occlusion ont permis de contrôler et de valider la ­relation mandibulo-maxillaire lors de l’essai clinique des armatures Après choix de la couleur, la ­prothèse d’usage a été terminée (fig. 12, et ), essayée et enfin scellée à l’aide d’un ciment verre ionomère.

Prothèse d’usage des secteurs antérieurs maxillaire et mandibulaire

Une fois le calage postérieur restauré de façon durable, la prothèse d’usage des secteurs antérieurs maxillaire et mandibulaire a été entreprise. Elle s’est faite en deux temps, avec, dans une première séquence, la réalisation de 8 CCC à infrastructure zircone de 13 à 25 (fig. 13, 13, 13, 13, 13 et 13) et de 1 CCC à infrastructure zircone sur pilier implantaire Procera® zircone en place de 14 (fig. 14, et ). Dans un second temps, une fois la prothèse maxillaire scellée définitivement, la prothèse d’usage mandibulaire constituée de 4 CCC de 32 à 42 a été confectionnée. Préalablement, il a été procédé à la reprise du traitement endodontique de 31 suivie de la reconstitution corono-radiculaire de celle-ci à l’aide d’un tenon fibré collé (

fig. 15). L’ensemble des couronnes a été scellé à l’aide d’un ciment verre ionomère (fig. 16 et ).

Contrôle et maintenance

Une gouttière de protection occlusale a été confectionnée à la mandibule pour un port nocturne. Lors des contrôles cliniques et radiologiques réalisés au bout de 6 mois et de 1 an, le patient a témoigné de sa satisfaction du résultat sur les plans esthétique et fonctionnel (fig. 17).

Discussion

Dans les sociétés industrialisées, les lésions érosives d’origine extrinsèque sont devenues très importantes en raison de la consommation croissante de boissons acides [21, 22, 23]. Dans l’étude de Lussi et Schaffner [24], les individus qui présentent le plus haut niveau d’érosion sont ceux qui consomment 4 fois par jour ou plus des aliments acides. Les personnes excessivement soucieuses de leur santé consomment davantage de jus de fruits (pour leurs propriétés nutritives) que les autres et possèdent de bonnes (voire de trop bonnes) habitudes d’hygiène orale. Cette hygiène de vie favorable peut paradoxalement exposer le patient à des lésions érosives. Leur apparition est en effet favorisée par l’attaque acide des jus de fruits et par un brossage fréquent à l’aide de dentifrices abrasifs. Pour prévenir l’érosion dentaire, le brossage des dents est déconseillé immédiatement avant et après la consommation d’un aliment acide [8]. La consommation de drogues de synthèse et l’abus d’alcool sont d’autres facteurs comportementaux susceptibles de favoriser l’érosion. Les facteurs comportementaux sont aussi à l’origine d’érosions par présence d’acides d’origine intrinsèque (vomissements récurrents ou régurgitations acides chroniques).

Conclusion

La réalisation de couronnes « tout céramique » chez des patients présentant des atteintes érosives importantes reste une solution fiable. Cependant, des patients de plus en plus jeunes présentent des lésions érosives d’origine intrinsèque et extrinsèque. De nouvelles approches fondées sur la dentisterie adhésive permettront de limiter le coût biologique des restaurations et de ralentir le taux de remplacement des dents concernées. Un contrôle régulier pourra permettre de dépister une nouvelle exposition acide et de limiter l’atteinte des surfaces dentaires.

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