Empreinte des tissus mous en prothèse implanto-portée - Cahiers de Prothèse n° 162 du 01/06/2013
 

Les cahiers de prothèse n° 162 du 01/06/2013

 

Implantologie

Keyvan Davarpanah*   Georgy Demurashvili**   Serge Szmukler-Moncler***  


*Ancien interne des
Hôpitaux de Paris, attaché au Département de
prothèse, université Paris Descartes

HUPNVS AP-HP Bretonneau
23, rue Joseph-de-Maistre
75018 Paris
**Assistant associé,
université Paris Descartes

HUPNVS AP-HP Charles-Foix
7, avenue de la République
94200 Ivry-sur-Seine
***Docteur en
chirurgie-dentaire, ex-professeur associé
Département de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale,
hôpital Pitié-Salpêtrière, université Pierre et
Marie Curie (Paris 6)
Professeur ac, département des Sciences
odontostomatologiques, université de Cagliari,
DU d’Hypnose médicale,
attestation MEOPA

Résumé

Pour que le prothésiste puisse réaliser au laboratoire une restauration implanto-portée esthétique, l’information concernant la position implantaire ainsi que les tissus mous doit lui parvenir le plus fidèlement possible. Cette transmission s’effectue à l’aide d’une empreinte. Le but de cet article est de détailler les différents types d’empreintes effectuées au cours d’un traitement implantaire. L’empreinte peut être effectuée : 1) immédiatement après la chirurgie afin de fabriquer la prothèse provisoire. Dans ce cas, un enregistrement détaillé des tissus mous œdémaciés est superflu, c’est la position précise des implants qui importe 2) après la maturation des tissus mous afin de fabriquer la prothèse d’usage. Dans ce cas, un enregistrement précis de la morphologie des tissus mous est indispensable. Ces différentes étapes sont illustrées à travers le cas clinique d’une couronne unitaire implanto-portée dans le secteur antérieur du maxillaire.

Summary

Soft tissue recording according to implant-supported prosthesis

To achieve a cosmetic implant-supported prosthesis, the laboratory must receive precise information related to the implant position and the soft tissue morphology. Taking an impression aims at that. The aim of this paper is to describe the various impression occurrences that lead to delivery of a final prosthesis. An impression is performed 1) immediately after implant placement in order to prepare the temporary prosthesis. In this case, a precise recording of implant position is more relevant that getting information about the swelling soft tissues 2) after maturation of the soft tissues in order to prepare the final prosthesis. In this case, a precise recording of the soft tissue morphology is mandatory. A clinical case involving the rehabilitation of a single crown in the esthetic area illustrates the various impression steps and their relevance toward prosthesis preparation.

Key words

impression, temporary prosthesis, final prosthesis, impression coping, customized tray

De nos jours, la demande du patient qui souscrit à une restauration implantaire est élevée. Il exige du praticien un travail de qualité.

Ce sont les exigences prothétiques qui guident la chirurgie implantaire et la réussite esthétique à long terme de la thérapeutique dépend essentiellement de la bonne santé des tissus mous péri-implantaires. Ces exigences s’appliquent plus particulièrement aux édentements unitaires ou partiels du secteur antérieur esthétique, car le profil d’émergence de la réalisation prothétique doit être similaire à celui des dents naturelles adjacentes. En revanche, chez le patient totalement édenté ou en présence d’un édentement de grande étendue, la quantité et la qualité des tissus mous participent au succès implantaire à long terme. Cependant, ils n’influencent que très rarement le résultat esthétique immédiat et son maintien dans le temps.

Après la mise en place des implants, la phase prothétique débute par l’étape de la prise d’empreinte. Cette dernière consiste à enregistrer la position des implants, leur situation par rapport aux dents adjacentes ainsi que l’anatomie des tissus mous péri-implantaires. Le strict enregistrement de la position des implants est assez bien codifié. Les techniques qui y mènent diffèrent selon le nombre d’implants, leur position et leur orientation [1, 2, 3, 4]. Cependant, un enregistrement précis et sans défaut de l’anatomie des tissus mous peut être délicat. Un mauvais enregistrement peut aboutir à une prothèse mal adaptée, déficiente esthétiquement et/ou non fonctionnelle.

Lorsque la situation clinique implique le secteur esthétique, les tissus mous doivent être souvent façonnés par une étape de prothèse implanto-portée provisoire. Les protocoles de mise en charge immédiate constituent une réponse idéale à cette question car ils permettent une cicatrisation des tissus mous au contact de la prothèse d’attente, parallèlement à la cicatrisation osseuse. Encore faut-il que les conditions de mise en charge immédiate soient réunies.

Deux situations déterminent l’importance de l’enregistrement des tissus mous en prothèse implanto-portée :

– la mise en place d’une prothèse d’attente. L’empreinte de positionnement des implants a généralement lieu dans le cadre d’un protocole de mise en charge immédiate. La pose de la prothèse implanto-portée a lieu dans les 24 à 72 heures qui suivent l’intervention. Les tissus mous fraîchement opérés sont guidés par la prothèse pendant leur cicatrisation. Une précision du relief de l’empreinte n’est pas requise pour cet enregistrement car l’empreinte remise au prothésiste fournit un modèle qui doit inspirer mais non déterminer la mise en forme du profil d’émergence des couronnes implanto-portées. Si le profil créé est néfaste pour les tissus, une récession tissulaire peut survenir et aboutir à un échec esthétique ;

– la mise en place d’une prothèse d’usage. L’empreinte de positionnement des implants est destinée à la réalisation de la prothèse d’usage. Elle est effectuée après une cicatrisation complète des tissus. Dans ce cas, l’empreinte doit fidèlement reproduire la forme des tissus, son relief doit être impeccable car le profil d’émergence est déterminé par le modèle coulé en plâtre [5, 6, 7, 8].

Le but de cet article est d’exposer les techniques d’enregistrement des tissus mous en prothèse implanto-portée. Il est nécessaire de différencier les situations cliniques où la précision de l’enregistrement des tissus mous est capitale et celles où elle joue un rôle secondaire. On distinguera donc l’empreinte destinée à la réalisation d’une prothèse d’attente de celle réalisée après maturation tissulaire, en vue de la fabrication d’une prothèse d’usage.

Enregistrement des tissus mous pour la réalisation d’une prothèse provisoire

Lorsque la première phase prothétique est immédiatement postérieure à la chirurgie, deux types de situations cliniques sont à distinguer : celle de l’édentement unitaire d’une part et celle de l’édentement plural d’autre part. Cependant, la problématique de l’enregistrement des tissus mous ne se pose que lorsque l’édentement intéresse le secteur antérieur esthétique.

Édentement partiel

Dans le secteur esthétique, lorsque l’édentement intéresse plus d’une seule dent, un intermédiaire de bridge est souvent requis. Un enregistrement conforme des tissus mous est alors essentiel car la situation apico-coronaire des tissus mous est appelée à déterminer la forme de l’intermédiaire de bridge.

La solidarisation des transferts (fig. 1) précède l’empreinte classique aux élastomères en un temps et deux viscosités [5] (fig. 1). Le modèle issu de cette empreinte permet au prothésiste de fabriquer un bridge implanto-porté dont le profil d’émergence des couronnes doit être identique à celui des dents naturelles afin de garantir un résultat esthétique satisfaisant [9] (fig. 1).

Édentement unitaire

La prise en charge de l’édentement unitaire au niveau du secteur antérieur est un traitement à visée esthétique. Quel que soit le protocole, une temporisation est obligatoire pour ne pas abandonner le patient dans une situation d’édenté. La chirurgie implantaire peut être réalisée en un ou deux temps et la temporisation est faite à l’aide d’une prothèse amovible, d’un bridge collé ou parfois d’une couronne d’attente implanto-portée. Cette dernière technique possède l’avantage de procurer au patient, 24 heures au plus tard après l’intervention, une prothèse fixée unitaire qui permet une cicatrisation guidée des tissus mous.

Le protocole de mise en situation esthétique immédiate d’une prothèse sur implants comporte trois phases distinctes étalées dans le temps :

– la chirurgie implantaire suivie de l’empreinte de positionnement implantaire (fig. 2) pour la réalisation de la couronne provisoire (fig. 3) ;

– la mise en place de la couronne provisoire dans les 24 à 72 heures après l’intervention (fig. 3) ;

– l’empreinte pour la couronne d’usage (fig. 4) suivie de sa pose (fig. 6).

Les critères anatomiques requis pour la fabrication d’une couronne provisoire lors d’une mise en temporisation immédiate sont les suivants :

– un profil d’émergence en sous-contour avec le maintien de l’espace pour la cicatrisation des tissus mous ;

– des points de contact soutenus dont la position apico-coronaire peut influer sur l’étendue de la future papille [10, 11] ;

– conservation obligatoire de la couronne en sous-occlusion car elle n’est pas mise en charge fonctionnellement. On parle alors de mise en situation esthétique immédiate et non de mise en charge immédiate.

Enregistrement des tissus après maturation tissulaire

L’enregistrement des tissus mous est capital après la cicatrisation. Elle permet au prothésiste d’obtenir un modèle de travail proche de la réalité. La fabrication d’une prothèse d’usage esthétique et fonctionnelle permet au patient de maintenir une hygiène correcte et la persistance de la santé implantaire à long terme.

Les étapes d’empreinte et de réalisation de la prothèse d’usage sont décrites et illustrées par la suite des étapes cliniques du cas présenté plus haut.

L’empreinte de positionnement implantaire pour la réalisation de la couronne d’usage est effectuée 4 à 6 mois après la cicatrisation complète des tissus (fig. 4). En effet, même si la cicatrisation des tissus mous est achevée 8 semaines après l’intervention chirurgicale, il convient de patienter durant le délai nécessaire à l’ostéo-intégration implantaire. Ce délai est propre à chaque situation clinique et doit être respecté avant la fabrication de la prothèse d’usage.

L’empreinte comporte deux exigences distinctes : la première est la reproduction précise de la position des implants par rapport aux dents ; la seconde est l’enregistrement fidèle de l’anatomie des tissus mous façonnés par le profil d’émergence de la couronne provisoire (fig. 4). La difficulté de cette empreinte réside dans l’affaissement immédiat des tissus mous, consécutif à la dépose de la couronne provisoire. Lorsque cette dernière est retirée, il est donc indispensable de maintenir la forme des tissus mous durant un temps inférieur à 30 secondes (fig. 5). Cela est obtenu par la mise en place d’un composite fluide dont la polymérisation photo-induite peut être instantanée (fig. 5b). Le transfert d’empreinte est alors personnalisé (fig. 5).

Un transfert d’empreinte personnalisé peut aussi être fabriqué en dehors de la cavité buccale en reproduisant le profil d’émergence de la couronne provisoire [2, 5, 7, 8, 9, 12]. Cela augmente la quantité de travail mais permet de s’assurer qu’aucun affaissement tissulaire ne s’est produit avant la réalisation de l’empreinte.

La couronne provisoire transvissée peut aussi servir de transfert d’empreinte personnalisé [9]. Il faut toutefois pouvoir traiter l’empreinte pour la fabrication du modèle de travail dans un délai court afin de remettre en bouche la couronne provisoire. Durant ce délai, les tissus mous sont maintenus en place à l’aide d’un pilier de cicatrisation adapté à l’anatomie des tissus péri-implantaires à l’aide d’un silicone fluide à prise rapide.

L’empreinte de positionnement implantaire est traitée au laboratoire de prothèses afin d’obtenir un modèle destiné à la fabrication de la prothèse d’usage (fig. 6). La réalisation d’une fausse gencive prothétique précède la coulée du plâtre. Cette fausse gencive en silicone de couleur rose peut être remplacée par une fausse gencive en cire (fig. 6) qui est démontable en deux parties, vestibulaire et linguale. Cela permet au prothésiste d’apprécier le profil d’émergence (fig. 6d) et l’adaptation de la couronne sur le pilier.

Elle dépend du type d’édentement et de sa localisation. L’enregistrement n’est pas le même dans le cadre d’un édentement unitaire ou plural et les éléments à prendre en compte seront différents dans le secteur antérieur esthétique ou postérieur fonctionnel.

Conclusion

Le succès esthétique en prothèse implanto-portée dépend pour beaucoup de la maîtrise de l’enregistrement des tissus mous réalisé avec minutie. Elle fait partie intégrante de l’étape de l’empreinte de positionnement implantaire. Elle permet la conception d’une restauration prothétique esthétique et fonctionnelle qui constitue le fondement de la pérennité de l’implant, de sa prothèse et des tissus mous péri-implantaires.

bibliographie

  • 1 Degorce T. L’empreinte en prothèse fixe implantaire. Stratégie prothétique 2002;2:191-219.
  • 2 Degorce T. Empreintes implantaires et empreintes de prothèse fixée, quelles différences ? Stratégie prothétique 2005;5:41-47.
  • 3 Clavel E, Penaud J, Schouver J, Clave JF. De l’empreinte au modèle de travail en prothèse supra-implantaire. Stratégie prothétique 2011;11:27-36.
  • 4 Jakubowicz-Kohen B. Les techniques d’empreintes spécifiques aux cas complexes en prothèse sur implant. Titane 2012;7:105-116.
  • 5 Polack MA. Simple method of fabricating an impression coping to reproduce peri-implant gingiva on the master cast. J Prosthet Dent 2002;88:221-223.
  • 6 Alani A, Corson M. Soft tissue manipulation for single implant restorations. Br Dent J 2011;211:411-416.
  • 7 Tsai BY. A method for obtaining peri-implant soft-tissue contours by using screw-retained provisional restorations as impression copings: a clinical report. J Oral Implantol 2011;37:605-609.
  • 8 Spyropoulou PE, Razzoog M, Sierraalta M. Restoring implants in the esthetic zone after sculpting and capturing the periimplant tissues in rest position: a clinical report. J Prosthet Dent 2009;102:345-347.
  • 9 Davarpanah M, Szmukler-Moncler S, Rajzbaum P, Davarpanah K, Demurashvili G. Manuel d’implantologie clinique. Rueil-Malmaison : CdP, 2012.
  • 10 Tarnow DP, Magner AW, Fletcher P. The effect of the distance from the contact point to the crest of bone on the presence or absence of the interproximal dental papilla. J Periodontol 1992;63:995-996.
  • 11 Elian N, Bloom M, Dard M, Cho SC, Trushkowsky RD, Tarnow D. Effect of interimplant distance (2 and 3 mm) on the height of interimplant bone crest: a histomorphometric evaluation. J Perio­dontol. 2011;82:1749-1756.
  • 12 Schoenbaum TR, Han TJ. Direct custom implant impression copings for the preservation of the pontic receptor site architecture. J Prosthet Dent 2012;107:203-206.