Étude et traitements préprothétiques en prothèse amovible complète unimaxillaireStudy and preprosthetic treatments in single denture - Cahiers de Prothèse n° 1 du 01/03/2015
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/03/2015

 

Prothèse totale

Anissa Abdelkoui *   Nadia Merzouk **   Ahmed Abdedine ***   Salwa Berrada ****  


*Unité d'occlusodontie, université Mohammed-V Souissi, faculté de médecine dentaire, Rabat, avenue Allal El Fassi, rue Mohammed Jazouli, Madinat Al Irfane, BP 6212, Rabat-Instituts, Maroc
**Université Mohammed-V Souissi, faculté de médecine dentaire, Rabat, Maroc
***Université Mohammed-V Souissi, faculté de médecine dentaire, Rabat, Maroc
****Université Mohammed-V Souissi, faculté de médecine dentaire, Rabat, Maroc

Résumé

La réhabilitation de l'édentation complète unimaxillaire est un véritable défi en pratique quotidienne de par les difficultés spécifiques à l'édentement complet et les nombreux déséquilibres qui s'installent entre l'arcade dentée et l'arcade édentée. La situation la plus fréquente est représentée par un édentement complet maxillaire et une arcade dentée mandibulaire. L'étude minutieuse du cas ainsi que les préparations préprothétiques sont indispensables pour éviter les nombreux écueils de la prothèse amovible complète unimaxillaire (PACU) et assurer la pérennité de la restauration prothétique. Ces deux étapes ne doivent en aucun cas être négligées. Etayé par un cas clinique, ce travail met en évidence l'intérêt de l'analyse et des préparations préprothétiques dans la réussite de la réhabilitation prothétique par PACU.

Summary

Rehabilitation of complete edentulous arch is a challenge in daily practice, because of the specific difficulties of complete edentulism and many imbalances that occur between toothed and toothless arches. A full edentulous maxillary and full dentulous mandibular arch represents the most common situation. Careful study of the case and the preprosthetic preparations are essential to avoid the many pitfalls of the removable single denture (RSD) and guarantee the sustainability of the prosthetic restoration. These two steps should by no means be neglected. This work proposes, through a clinical case, to highlight the interest of the analysis and preprosthetic preparations in the success of prosthetic rehabilitation in RSD.

Key words

removable complete single denture, preprosthetic study, preprosthetic treatment

La restauration par prothèse amovible complète unimaxillaire (PACU) présente de nombreuses difficultés pour le praticien. Celles-ci découlent des problèmes spécifiques au traitement de l'édentement complet et de ceux inhérents à l'arcade antagoniste, qu'elle soit totalement ou partiellement dentée [1,2]. En pratique quotidienne, la situation la plus fréquemment rencontrée est celle de l'arcade maxillaire édentée opposée à une arcade mandibulaire totalement ou partiellement dentée (dans la région antérieure). Mais d'autres combinaisons sont possibles, l'arcade dentée pouvant être l'arcade maxillaire, totalement ou partiellement dentée de manière symétrique ou asymétrique [3].

Comme pour toute restauration prothétique, l'objectif final est, bien évidemment, l'intégration bio-fonctionnelle, esthétique et psychologique de la future prothèse. Un examen clinique et une étude préprothétique minutieusement menés, suivis de thérapeutiques préprothétiques adaptées à la situation clinique, s'avèrent essentiels avant d'envisager toute restauration définitive.

Le but de cet article est de mettre en exergue l'intérêt de l'étude et des préparations préprothétiques dans la réussite du résultat final et dans la prévention des échecs en PACU.

Collecte des données

Cette étape est indispensable à l'élaboration d'un plan de traitement cohérent. L'interrogatoire, l'examen clinique et les examens complémentaires (bilan d'imagerie, examen des moulages d'étude sur articulateur…) en constituent les principaux éléments. Ainsi, l'ensemble de toutes les informations recueillies à ce stade doit être minutieusement analysé.

Entretien clinique

Lors du premier contact clinique avec le patient, il faut identifier toutes les pathologies dont il souffre et les atteintes subjectives ou ressenties, ainsi que les changements qu'il souhaite après la restauration prothétique. Les antécédents ayant conduit à l'édentation (maladie carieuse, parodontale ou traumatisme) corrélés à l'historique des traitements réalisés donnent déjà au praticien, dès cette étape, une idée sur le degré de motivation du patient.

Observation clinique

Examen exobuccal

Lors de l'examen exobuccal, les éléments suivants doivent être analysés : la forme et la convexité du profil du visage, la classe squelettique apparente, la teinte des téguments, l'équilibre des différents étages de la face, la dimension verticale d'occlusion, le soutien des lèvres, le type du sourire, le rapport de la lèvre avec la crête, l'état des articulations temporo-mandibulaires et des muscles masticateurs et la cinématique mandibulaire. (fig. 1)

Examen endobuccal

L'examen endobuccal doit comprendre l'examen de l'arcade dentée mais aussi des crêtes, des muqueuses, des organes para-prothétiques et de la salive.

Examen de l'arcade dentée

L'hygiène orale doit être évaluée en premier et les dents manquantes répertoriées. Puis toutes les lésions et/ou anomalies (carieuses, parodontales) doivent être identifiées, et ce dans le but de les corriger.

Une attention toute particulière doit être donnée à l'analyse du niveau et de l'orientation du plan d'occlusion. En effet, les caractéristiques de ce plan sont parmi les facteurs les plus importants de la réalisation prothétique [4].

Examen de l'arcade édentée

La qualité des tissus de soutien doit être évaluée. La présence de lésions de la fibromuqueuse, le degré de résorption, l'existence de contre-dépouille unilatérale ou bilatérale, de tori, d'exostose et d'épines osseuses doivent être notés… [5].

Organes para-prothétiques

L'observation des organes para-prothétiques est nécessaire à ce stade et doit comprendre :

– l'examen de la langue : son volume (macroglossie ou microglossie), sa mobilité, l'anatomie de son frein (court ou long, étroit ou large, en éventail) et son insertion (haute ou basse…);

– la présence éventuelle d'une ou de plusieurs ulcérations de la muqueuse;

– l'examen du plancher buccal. Il faudra examiner la qualité, la texture, la souplesse de la muqueuse et observer les ostia des canaux de Wharton.

Salive

La quantité de la salive et sa qualité, plus ou moins fluide, doivent être évaluées, leur retentissement sur l'intégration prothétique n'étant pas négligeable. La salive assure la protection des surfaces muqueuses et intervient dans la rétention prothétique [5].

Analyse des rapports interarcades

Cet examen comprend l'analyse de l'espace prothétique disponible dans les trois plans de l'espace, des axes intercrêtes et de la classe squelettique apparente. (fig. 2)

Analyse critique de la prothèse existante

Quand le patient pris en charge est porteur d'une prothèse dont il n'est pas satisfait sur les plans esthétique et/ou fonctionnel, l'analyse critique de cette prothèse revêt une importance capitale. Elle peut éclairer le praticien sur les raisons de l'échec. Cette prothèse, quand elle peut être modifiée, sera utilisée comme prothèse transitoire. Dans ce cas, il faudra vérifier sa stabilité et revoir les paramètres esthétiques–forme, couleur des dents, montage, état de la résine de base (infiltration, décoloration, porosité…) – et fonctionnels – relation centrée, dimension verticale d'occlusion, plan d'occlusion, occlusion intégralement équilibrée. (fig. 3)

Examens complémentaires

Un examen radiographique doit aussi être envisagé pour évaluer le niveau osseux, la qualité des traitements endodontiques, la présence de poches parodontales, l'existence d'éventuelles dents ou racines résiduelles incluses…

L'analyse des moulages transférés sur articulateur à la dimension verticale d'occlusion correcte et en relation centrée permet d'identifier les problèmes spécifiques à la situation clinique, d'objectiver les modifications à apporter et d'apprécier les caractéristiques du plan d'occlusion : sa situation, son orientation, ainsi que les courbes de compensation indispensables à l'obtention d'un schéma occlusal de type occlusion intégralement équilibrée [2]. (fig. 4)

De nombreuses méthodes sont à la disposition du praticien pour mener à bien cette analyse : les calottes occlusales, la méthode du drapeau de Wadsworth, l'analyse céphalométrique… Des critères anatomiques directs sont le plus souvent employés pour confirmer la situation du plan d'occlusion prédéterminée. Rappelons ici que le plan d'occlusion se situe à la mandibule, antérieurement, légèrement sous le bord de la lèvre inférieure, latéralement, à 1 mm sous le maximum de la convexité de la joue et du plan équatorial de la langue (au repos) et distalement au milieu du trigone [4,6–9].

Cette analyse permet également l'étude de l'espace prothétique disponible et des axes intercrêtes. Sachant que la résorption osseuse augmente toujours le décalage interarcade dans le plan frontal entre l'arcade maxillaire où la résorption est centripète et l'arcade mandibulaire à résorption centrifuge, les dents d'une des arcades étant présentes, les possibilités de montage dans les aires de tolérance postérieures sont limitées. C'est pourquoi un montage directeur idéal répondant aux exigences du schéma occlusal d'une prothèse amovible complète (relation centrée en position de référence, béance antérieure en occlusion d'intercuspidie maximale, contacts équilibrants en latéralité ainsi qu'en propulsion) doit impérativement être réalisé au laboratoire. Pour ce faire, des adaptations de l'arcade antagoniste soit par soustraction (meulages occlusaux, coronoplasties, extractions), soit par addition (dentisterie restauratrice, prothèse fixée, prothèse amovible partielle) doivent être réalisées [4].

Le sens clinique, l'analyse des données du bilan clinique et du montage sur articulateur vont dicter la réussite du projet prothétique. C'est à ce prix que le succès de la restauration par prothèse amovible complète unimaxillaire est obtenu.

Thérapeutiques préprothétiques

À l'exception des situations d'urgence, après avoir établi un diagnostic bien précis et élaboré un plan de traitement issu d'une décision thérapeutique approuvée par le patient, les thérapeutiques préprothétiques peuvent débuter. Elles font appel aux différentes disciplines odontologiques telles la chirurgie orthognatique, l'orthodontie, l'occlusodontie, la parodontologie, l'implantologie, la prothèse fixée et la prothèse amovible transitoire dont l'implication doit concourir harmonieusement à l'élaboration d'un lit prothétique adéquat.

Ces thérapeutiques, en fonction de la situation clinique, peuvent comprendre les étapes de mise en condition psychique, tissulaire, neuro-musculo-articulaire, de la chirurgie préprothétique, des aménagements du plan d'occlusion, la gestion de l'esthétique et enfin des aménagements dentaires spécifiques aux éléments d'un châssis métallique.

Mise en condition psychique

La mise en condition psychique doit occuper la première place dans l'approche clinique du patient. Afin de faciliter l'intégration psychique de la future prothèse, le praticien doit instaurer un climat de confiance avec le patient, discuter avec lui des différentes possibilités thérapeutiques, de leurs avantages et de leurs limites, faire ressortir ses souhaits, lui expliquer les différentes étapes de traitement, d'où l'importance d'un plan de traitement bien pensé et bien présenté [10].

Mise en condition tissulaire

En présence de lésions de la fibromuqueuse ou face à des organes périprothétiques ayant diminué l'espace potentiel réservé à la prothèse, une mise en condition tissulaire, plus ou moins longue, s'impose. (fig. 5)

Dans le premier cas, elle contribue au moulage des tissus dans leur état le plus physiologique. Dans le second cas, elle permet d'aménager l'espace prothétique disponible et donc de mieux l'exploiter dans l'amélioration de l'équilibre de la prothèse amovible complète. Toutefois, cette mise en condition tissulaire doit répondre à certains critères pour être efficace : le rétablissement d'une dimension verticale d'occlusion correcte, la réalisation d'une occlusion intégralement équilibrée, une base prothétique suffisamment étendue pour soutenir le matériau de mise en condition tissulaire. Les résines plastiques à prise retardée utilisées dans ce type de traitement ont pour but d'assurer une répartition harmonieuse des charges occlusales, de permettre la guérison des tissus lésés et d'obtenir une extension maximale des surfaces d'appui secondaires [10–13].

Mise en condition neuro-musculo-articulaire

Face à un patient souffrant de désordres temporo-mandibulaires, s'il est illusoire de tenter de modifier ou de rétablir l'intégrité des structures articulaires, il n'en est pas de même pour les muscles de l'appareil manducateur. Le rétablissement de l'équilibre, de la symétrie des contractions et de la longueur des fibres musculaires demeure une exigence clinique. Ce rétablissement dépend de la restauration de la dimension verticale d'occlusion, de l'espace libre d'inocclusion, de la précision de l'occlusion, autant de paramètres que le praticien doit contrôler afin de rétablir l'homéostasie des structures neuro-musculo-articulaires, et ce moyennant une prothèse transitoire et des exercices de rééducation neuro-musculo-articulaires [10]. (fig. 6)

Chirurgie préprothétique

En présence d'éléments anatomiques défavorables, aussi bien osseux (tori mandibulaires et/ou maxillaires, spicules osseuses cicatricielles, exostoses) que muqueux (crêtes flottantes, éléphantiasis…), la chirurgie est indiquée [5]. En effet, ces facteurs négatifs créent des difficultés de tous ordres : manque de place pour les structures postiches, impossibilité de créer un équilibre biomécanique satisfaisant, douleurs, inconfort, etc. Dans ce contexte, il est nécessaire de corriger ou même supprimer ces facteurs de risque d'un échec thérapeutique, grâce à une intervention chirurgicale préprothétique adaptée. La maîtrise des indications et contre-indications de ces techniques relève des responsabilités du praticien :

– au niveau osseux, il peut s'agir de régularisation de crêtes, d'élimination d'exostoses, de tori, d'épines irritatives, de chirurgie orthognathique…;

– au niveau des tissus mous, il peut s'agir de frénectomie, de réduction des crêtes flottantes, de suppression des replis muqueux, d'approfondissement vestibulaire ou lingual… [14].

Aménagement du plan d'occlusion

L'arcade antagoniste présente souvent de profondes perturbations par suite de l'édentation non compensée. Le succès clinique passe impérativement par la correction de cette arcade par tous les moyens thérapeutiques actuels : soustractifs et additifs, du plus simple (obturation) au plus sophistiqué. Afin d'optimiser l'équilibre prothétique et, par là-même, de maintenir l'intégrité des surfaces d'appui ostéomuqueuses, il convient de gérer l'occlusion avec rigueur. En fonction de la situation clinique, il peut s'agir d'extraction des dents (mobiles ou égressées), d'améloplasties soustractives, de coronoplastie, de correction des versions (orthodontie…), d'approche additive (amalgame, composite, onlays, couronnes…) [4,14].

Gestion esthétique

Le succès de la restauration prothétique n'est optimal qu'à condition que le sourire recréé prothétiquement coïncide aussi fidèlement que possible avec l'image des lèvres et des dents enregistrée par le patient au niveau de son cerveau. C'est pourquoi le choix et le montage des dents antérieures doivent être établis en commun et en présence de la personne la plus influente de son entourage. Si le patient est porteur d'une prothèse jugée inesthétique, la prothèse transitoire contribue ainsi à résoudre avec succès tous les problèmes esthétiques. Elle permet aux proches les plus influents de formuler des critiques, sans porter atteinte au prestige de l'opérateur. L'intégration des éléments prothétiques dans l'esthétique du visage contribue à l'amélioration du bien-être du patient [10].

Aménagements dentaires spécifiques aux éléments du châssis métallique

Lorsque l'arcade opposée à l'édentement complet unimaxillaire est partiellement édentée et destinée à recevoir une prothèse amovible partielle métallique, l'aménagement des appuis dento-parodontaux implique différents types de réalisations : les surfaces occlusales sur lesquelles les taquets prennent appui, les surfaces de guidage permettant une insertion plus facile de la prothèse sans traumatiser les dents supports, la création de zones de retrait aux dépens de l'émail lorsqu'elles sont insuffisantes.

Toutes ces thérapeutiques préprothétiques ne sauraient être minimisées car elles contribuent de manière décisive à la préservation de l'intégrité des tissus supports, à l'équilibre prothétique ainsi qu'à l'intégration esthétique et fonctionnelle de la prothèse.

Présentation du cas clinique

Un patient totalement édenté au maxillaire, âgé de 52 ans, en bon état de santé général, est venu consulter pour une restauration esthétique et fonctionnelle.

Lors de l'interrogatoire, le patient a exprimé le souhait de renouveler sa prothèse complète maxillaire jugée encombrante et inesthétique.

Examen exobuccal

En l'absence de la prothèse totale unimaxillaire, le patient présentait un bon soutien labial et une dimension verticale légèrement diminuée.

En présence de l'ancienne prothèse en bouche, on a noté une dimension verticale d'occlusion surévaluée et un soutien labial trop exagéré ayant pour conséquence une apparence et un sourire disgracieux. (fig. 7)

Les trajectoires des mouvements mandibulaires s'effectuaient sans ressauts ni déviation avec une amplitude normale. Il n'existait pas de pathologie articulaire et neuromusculaire associée.

Examen endobuccal

Cet examen a montré (fig. 8) :

– une hygiène bucco-dentaire moyenne;

– une arcade maxillaire totalement édentée avec (fig. 9) :

• une crête maxillaire haute et large, recouverte d'une fibromuqueuse ferme et adhérente. Sa partie antérieure en contre-dépouille assurait à elle seule le soutien de la lèvre supérieure,

• une hypertrophie du torus palatin;

– une arcade mandibulaire totalement dentée avec absence uniquement de 36, 47 et 48 (fig. 10).

Examen radiographique

L'examen radiographique (fig. 11) a mis en évidence une base osseuse maxillaire peu résorbée et une densité osseuse importante. Toutes les dents étaient pulpées excepté 36, avec un traitement endodontique imparfait et un volumineux amalgame.

Étude préprothétique

Le transfert des moulages d'étude sur articulateur par le biais de la maquette d'occlusion (fig. 12) a permis d'objectiver :

– un rapport de classe I squelettique;

– un espace prothétique disponible insuffisant, ce qui a conduit à l'indication d'une plastie de crête et, ainsi, à quantifier l'exérèse osseuse au niveau de la crête maxillaire. Cette dernière devait être compatible avec un soutien labial harmonieux et autorisant la mise en place de la fausse gencive.

L'évaluation de la courbe de compensation par la technique du drapeau a objectivé une égression des dents postérieures mandibulaires. Pour le tracé de l'arc antérieur, la pointe sèche du compas a été placée sur le bord libre de l'incisive centrale mandibulaire après estimation esthétique de l'orientation frontale du plan d'occlusion et du niveau adéquat du bord libre de l'incisive centrale mandibulaire (fig. 13).

Réalisation de la prothèse transitoire

Véritable test clinique et « patron » de la réalisation définitive, la prothèse transitoire permet :

– de guider la cicatrisation en remodelant les contours des sites chirurgicaux grâce à une mise en condition tissulaire;

– d'assurer le maintien de l'intégrité ostéomuqueuse des surfaces d'appui par une sustentation optimale, une rétention et une stabilité de la base;

– d'évaluer les déterminants de l'occlusion, de la dimension verticale d'occlusion, du plan d'occlusion, de la relation centrée, des fonctions de mastication et de phonation et de l'esthétique;

– de préparer psychologiquement le patient au futur volume prothétique et à son nouvel aspect esthétique.

La difficulté a été de concevoir une prothèse complète unimaxillaire fonctionnelle et acceptable esthétiquement sans possibilité d'essai clinique.

En l'absence de toute référence clinique, le recours à d'autres supports matériels (fig. 14) pour le transfert des données esthétiques et occlusales s'est avéré nécessaire.

Ainsi, une maquette d'occlusion, dont la partie antérieure a été supprimée pour avoir un soutien labial convenable, a été réalisée. Après avoir déterminé la situation du plan d'occlusion antérieur selon des critères esthétique et phonétique, une clé vestibulaire a été façonnée avant la correction du moulage. Cette dernière a servi au montage des dents antérieures en conservant ces paramètres.

Conformément à l'étude préprothétique, et après réalisation du montage directeur (fig. 15), les modifications simulées sur le moulage mandibulaire par meulage sélectif du plâtre, ont été reportées dans la cavité buccale (fig. 16).

Phase chirurgicale

La chirurgie préprothétique ne doit pas être mutilante et doit avoir pour objectif la préservation tissulaire (fig. 17).

Dans ce cas, la résection osseuse a été dirigée par un guide chirurgical, réplique exacte de la prothèse avec présence uniquement des dents cuspidées. Après anesthésie locale, une incision avec décharge a été pratiquée. Le lambeau a été décollé, suivi d'une plastie osseuse et muqueuse. Le guide chirurgical a permis de reporter en bouche les corrections faites sur le moulage. Puis les sutures ont été réalisées et la prothèse insérée. Des conseils de port et d'hygiène ont été prodigués.

Phase de temporisation

La prothèse transitoire avec support en résine à prise retardée a été mise en place pour favoriser l'organisation des trabéculations osseuses et la réadaptation tissulaire et pour guider ainsi la cicatrisation. Durant cette phase, le conditionneur tissulaire a été régulièrement renouvelé.

Réalisation de la prothèse complète d'usage

Après 3 mois de cicatrisation, une empreinte tertiaire à été réalisée avec du Permlastic Light® et une réfection de base a été faite (fig. 18).

La prothèse complète d'usage (fig. 19), reproduction fidèle de la prothèse transitoire dont les paramètres esthétiques et fonctionnels ont été testés et validés, a été mise en bouche.

Le patient a ainsi retrouvé un profil harmonieux (fig. 20) et un sourire répondant à ses attentes (fig. 21).

Conclusion

La prothèse complète unimaxillaire est sans aucun doute la prothèse la plus susceptible de mettre en péril la rétention et la stabilité prothétique et, par là même, l'intégrité tissulaire des surfaces d'appui.

C'est pourquoi une étude préprothétique minutieuse, une préparation rigoureuse du terrain et une conception méthodique d'un schéma occlusal directeur de la future prothèse amovible sont indispensables à la réussite de la thérapeutique prothétique unimaxillaire.

Rappelons ici l'importance de la maintenance, nécessité absolue dans ce type de restauration prothétique.

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