Facettes : quelle forme de préparation pour quels résultats ? - Cahiers de Prothèse n° 171 du 01/09/2015
 

Les cahiers de prothèse n° 171 du 01/09/2015

 

Odonto-Restauratrice

F. Heichelbech / J. Krier / O. Etienne  

Résumé

Résumé Les facettes font partie des solutions peu invasives pour les restaurations esthétiques. Le choix de la forme de leur préparation est essentiel car il répond à différentes exigences cliniques. Cet article rapporte un travail de recherche, réalisé en partenariat avec l'Institut national des sciences appliquées de Strasbourg, qui simule numériquement les formes de préparation en s'appuyant sur la méthode des éléments finis. Dans cette étude, 3 incisives centrales préparées par le même opérateur ont été scannées puis modélisées informatiquement. Une facette et un polymère de collage ont complété le modèle pour les transférer dans un logiciel de calcul des éléments finis (Marc®, MSC Software). Celui-ci calcule les contraintes Von Mises que subissent la céramique et le composite de collage lors de l'incision. La spécificité de cette évaluation a consisté à scanner des préparations générées par la main humaine et non construites idéalement par modelage informatique. Ce paramètre a permis d'introduire dans les calculs les imperfections évidentes de la préparation réelle, donc cliniquement plus réaliste que des modèles construits virtuellement. Les résultats tendent à démontrer que la préparation à bord plat (butt margin) présente des avantages esthétiques tout en minimisant les risques de fracture de la céramique observés dans la préparation à retour palatin. Toutefois, la forme de préparation fenestrée reste celle qui engendre le moins de contraintes dans la céramique et qui peut être recommandée lorsque le bord libre de la dent ne doit pas être reconstitué.

Summary

SUMMARY Ceramic veneers: which preparation design? A finite elements model analysis

Laminate veneers are minimally invasive solutions for esthetic rehabilitation. The choice of design preparation is essential because it is strongly depending on clinical parameters. This article is relating an original study, conducted in partnership with the National Institute of Applied Sciences of Strasbourg. Using the finite element method, our study compared various veneer design preparation and their consequences on ceramic and adhesive resin cement layer. Three resin central incisors were prepared by the same operator and were scanned and modeled by computer. Veneer and adhesive resin cement were then designed to complete the model. All the different parts of the model were loaded and studied using a finite elements analysis software (Marc®, MSC Software). Von Mises stresses on both elements during a simulation of incision were calculated. The specificity of this study was to study preparations generated by the human hand. This parameter has introduced in the calculations the obvious imperfections of the hand preparation, clinically more realistic than virtual models built. Our results showed that butt margin preparation design could be indicated in most cases as it offers esthetic of the incisal border with the minimal risk of ceramic failure compared to the incisal overlap preparation design. However, window preparation design has shown the less strains in the ceramic veneers and could be recommended as soon as no esthetic changes of the incisal part of the tooth is needed.

Key words

laminate veneer, finite element method, design preparation

L'odontologie moderne se veut la moins invasive possible et les facettes, éléments prothétiques esthétiques par définition, s'inscrivent dans ce paradigme [1, 2].

Dans ces thérapeutiques pelliculaires, le choix de la forme de préparation est primordial car il répond à des exigences cliniques et permet d'optimiser le résultat esthétique tout en limitant le risque d'échecs comme le décollement de l'artifice prothétique et/ou sa fracture [3, 4]. Au-delà d'un choix clinique empirique, quelques études ont tenté de caractériser les avantages et les inconvénients des différentes options de préparation. Ainsi, en 1998, Pierrisnard et al. [5] décrivaient les différences de résistance mécanique des facettes en fonction de leur forme de préparation dans les colonnes de cette revue sous le titre « Les facettes céramiques collées : conséquences mécaniques de différents types de préparation coronaire », à l'aide de la méthode des éléments finis.

La même thématique a été reprise en 2011 dans The Journal of Prosthetic Dentistry sous le titre « Influence of preparation design and existing condition of tooth structure on load to failure of ceramic laminate veneers » [6].

L'évolution des moyens informatiques a permis de revisiter ce sujet avec les outils tridimensionnels modernes. En effet, les analyses en 2 dimensions publiées par le passé ne sont plus considérées aujourd'hui comme scientifiquement recevables par de nombreuses revues internationales et méritent d'être reprises en 3 dimensions. Ce travail de recherche, mené en partenariat avec l'Institut national des sciences appliquées de Strasbourg, simule numériquement les contraintes mécaniques qui en résultent en fonction des formes de préparation grâce à la méthode des éléments finis en 3 dimensions. Celle-ci calcule les contraintes et les cisaillements que subissent la céramique et le composite de collage lors de la mastication.

Les interprétations des résultats ainsi obtenus restent limitées à une comparaison au sein de l'étude elle-même, tant les paramètres mathématiques restent éloignés de la clinique. Toutefois, dans l'idée de comparer entre elles des formes de préparation, cette méthode trouve sa pleine justification.

Principaux critères de succès des facettes

Collage amélaire : « concept princeps »

Si le traitement par facettes reste fiable, un des critères primordiaux assurant la pérennité de la restauration est le collage amélaire. Les rétentions micromécaniques, l'adhésion chimique aux ions calcium de l'hydroxyapatite et le caractère peu « opérateur-dépendant » sont garants de la meilleure cohésion céramique-colle-dent [7].

Choix de la forme de la préparation

Parmi les autres critères de succès (respect du protocole de collage, choix du polymère de collage et du matériau de restauration, analyse de l'occlusion), le choix de la forme de la préparation est essentiel.

Pour orienter ce choix, les études cliniques in vivo et les études de laboratoire in vitro doivent être rapprochées et comparées. Cependant, la forme de la préparation est difficile à étudier cliniquement car les paramètres changent d'un patient à l'autre et d'une dent à l'autre chez un même patient.

Trois formes de préparation principales sont décrites dans la littérature scientifique [8]. Elles ont fait l'objet de tests mécaniques [9] et sont utilisées dans cette étude (fig. 1) :

– la préparation fenestrée ou window prep (WP) ;

– la préparation à plat, avec réduction du bord libre ou butt margin prep (BM) ;

– la préparation avec retour palatin ou incisal overlap prep (IO).

Méthode des éléments finis

Il n'y a pas de consensus scientifique permettant de prédire le décollement ou la fracture d'une facette en fonction du design de la préparation. Pour tenter d'y répondre, la méthode des éléments finis a été utilisée : cet outil mathématique simule numériquement les contraintes et les déformations qui se créent dans un objet lorsque l'on y exerce une pression. Ces analyses numériques sont largement utilisées dans de nombreux domaines comme l'aéronautique, l'ingénierie civile et la biophysique. Cependant, il est techniquement impossible de calculer les déformations d'un objet complexe. Pour simplifier le calcul numérique, cet objet est subdivisé en plusieurs milliers de sous-parties appelées « éléments finis ». Ces éléments en 3 dimensions peuvent être assimilés à de petites briques aux formes simples qui viendraient remplir l'objet complexe. Ils sont tous reliés entre eux par des nœuds, des arêtes et des faces.

Chacun de ces éléments finis se voit attribuer des propriétés physiques parmi lesquelles :

– le module de Young, ou module d'élasticité. C'est la constante qui lie la contrainte à la déformation tant que le matériau reste élastique, c'est-à-dire qu'il retrouve sa forme initiale après application de la force ;

– le coefficient de Poisson. Il permet de caractériser la contraction de la matière perpendiculairement à la direction de l'effort appliqué.

Matériel et méthode

Préparations

La spécificité de cette étude a consisté à obtenir des préparations générées par la main humaine plutôt que « construites » informatiquement. Pour cela, trois « ivoirines » d'incisives centrales ont été préparées par le même opérateur en suivant un protocole de pénétration contrôlée. Pour rester dans l'épaisseur de l'émail, des rainures ont été réalisées à l'aide d'une fraise à butée d'enfoncement et d'une fraise boule à long col, en plaquant le mandrin contre la face vestibulaire [10, 11]. Ces rainures ont été faites dans le respect de la convexité vestibulaire de la dent (fig. 2).

Les limites cervicales et proximales ont été imprimées ensuite avec la fraise boule à long col. Enfin, ces marquages ont été reliés entre eux avec une fraise à congé tout en conservant les contacts proximaux et en respectant la convexité globale de la face vestibulaire (fig. 3a).

La limite proximale assure la non-visibilité de la restauration en vue latérale. Aussi, une extension gingivo-proximale (dite en toboggan) a été marquée sous le point de contact estimé, en réalisant une concavité avec une fraise orientée à 30-40o par rapport à l'axe de la dent (fig. 3b) [12].

Pour les préparations de forme butt margin et incisal overlap, une réduction du bord libre de 1,5 mm a été préparée ensuite et associée à un retour palatin pour la préparation incisal overlap (fig. 4).

Les finitions ont été réalisées avec une fraise à grains moyens bague rouge. L'angle interne créé entre la face vestibulaire et la réduction du bord libre a été arrondi.

Numérisation des dents préparées

Les ivoirines préparées ont été scannées à l'aide d'un scanner de laboratoire (D700 3D Scanner, 3Shape). Les numérisations ainsi obtenues ont été sauvegardées sous forme de « nuage de points » (fichier .stl) (logiciel DentalManagerTM, 3Shape).

Ces points ont été reliés entre eux puis convertis en surfaces. Cette opération a créé un volume clos qui a permis de le transformer secondairement en solide numérique (logiciel Géomagic Studio 10 GmbH, Allemagne) ((fig. 5a). Une dent intacte a également été scannée puis parfaitement repositionnée sur les dents préparées. La soustraction du volume de la dent préparée par le volume de la dent non préparée a permis de recréer la facette ((fig. 5b).

Modélisation du polymère de collage et de la facette

Un polymère de collage de 100 μm d'épaisseur [13] est venu compléter le modèle. Il a été réalisé en translatant la face vestibulaire de 100 μm.

Le solide de la dent intacte a été repositionné par rapport à la dent préparée. La soustraction des deux solides a recréé la facette qui se repositionne alors sur la colle (fig. 6).

Modélisation de l'émail et de la dentine

Les caractéristiques mécaniques de la dentine étant très éloignées de celles de l'émail, il a fallu recréer l'entité « dentine ». Pour cela, une ivoirine a été préparée pour simuler ce volume.

Celui-ci a été scanné puis transformé en solide. Il a été replacé informatiquement à l'intérieur de la dent (fig. 7a). La soustraction de la dent par le bloc de dentine a permis d'obtenir l'émail (fig. 7b).

Conversion en éléments finis

Chacun des solides a été subdivisé en plusieurs dizaines de milliers d'éléments finis 3D de forme tétraédrique (logiciel Patran 2010 MSC Corp., Allemagne) (fig. 8).

Les modèles mathématiques ainsi créés représentent des centaines de milliers d'éléments finis (tableau I).

Chaque groupe d'éléments finis se caractérise par ses propriétés physiques spécifiques. Pour cela, il a fallu choisir des matériaux représentatifs des usages cliniques habituels. La céramique modélisée était une vitrocéramique à base de disilicate de lithium (IPS e.max Press, Ivoclar Vivadent) et la pâte de collage le Variolink® II (Ivoclar Vivadent).

Les valeurs des modules de Young et des coefficients de Poisson de ces deux matériaux ont été communiquées par la société Ivoclar Vivadent (tableau II).

Application des charges occlusales

Les éléments finis ont ensuite été importés dans un solveur, qui calcule les déformations et les contraintes internes qui naissent à l'intérieur de la dent soumise à une force externe (Marc Mentat 2012 MSC Corp., Allemagne).

L'émail et la dentine ont été fixés dans l'espace à la base de la dent afin d'empêcher tout mouvement à ce niveau lors de la pression occlusale (fig. 9a).

Physiologiquement, le mouvement d'incision se fait par glissement sur toute la face palatine du bout à bout incisif vers la position d'intercuspidie maximale [14].

Sachant que ce contact se fait sur une grande partie de la face palatine durant la mastication, nous avons choisi de placer la force occlusale sur 2 sites :

– le premier à mi-chemin entre le bord libre et la limite palatine du retour palatin (groupe 1) ;

– le second en bout à bout incisif (groupe 2).

Pour que le calcul soit le plus fidèle possible, il est déterminant que l'intensité de la force approche les conditions réelles de mastication. Dans cette étude, la force occlusale a été calibrée à 20N, reprenant les données publiées de différentes études cliniques qui rapportent des valeurs de force masticatoire, sans toutefois être très explicites [15, 16]. Le vecteur a été orienté à 135o par rapport à l'axe de la dent (angle orthognatique interincisif en classe I d'Angle) (fig. 9b) [17].

Résultats

Outre les imperfections évoquées, liées aux préparations réalisées par la main humaine, ces modèles informatiques ne sont pas entièrement fidèles à la réalité :

– la pulpe, la racine, l'os et le ligament alvéolo-dentaire n'ont pas été recréés ;

– la forme de la dentine est approximative ;

– le composite de collage possède une épaisseur uniforme, ce qui est impossible à obtenir in vivo ;

– l'ensemble est fixé à la manière d'une dent ankylosée, sans recréer l'effet de résilience du parodonte.

Il serait donc imprudent d'extrapoler telles quelles les valeurs obtenues en méga-pascals. Cependant, les analyses ont été effectuées dans les mêmes conditions de contraintes, les modèles ne diffèrent que par leur forme de préparation. Il était alors tout à fait envisageable de comparer les modèles entre eux et de les confronter.

Afin d'avoir une meilleure lisibilité des résultats, la céramique et le polymère de collage ont été isolés pour la lecture des cisaillements et des contraintes.

Résistance de la céramique

La rupture de la céramique est de type fragile, c'est-à-dire sans déformation plastique. Elle est très sensible aux contraintes de flexion et de traction. C'est pour cette raison que les contraintes de traction ont été étudiées car ce sont des points de fragilité, à l'inverse des contraintes de compression qui ferment les fractures.

Les zones de couleur grise sont inférieures à 0 et correspondent aux zones de compression, elles ne seront pas étudiées. Sur un même modèle, elles s'opposent aux zones de traction qui sont mises en valeur.

Les zones jaunes correspondaient aux valeurs les plus fortes.

Les zones blanches correspondaient aux valeurs maximales allant au-delà de l'échelle étudiée.

Les résultats, pour les deux sites d'application des forces occlusales (charge) mettaient en évidence (tableaux III et IV) :

– des valeurs de contrainte maximales dans la céramique du modèle incisal overlap pour les deux sites de charge (2,3 et 0,88 MPa). Cette zone se situait sur tout le retour palatin et s'étendait dans l'épaisseur de la céramique ;

– des valeurs de contrainte maximales dans la céramique du modèle butt margin (2,6 MPa) lorsque la charge était appliquée sur la face palatine. Elles se situaient au centre de la limite palatine ;

– de faibles contraintes au niveau du modèle window preparation dans les deux cas de charge (0,45 et 0,04 MPa).

Contraintes dans la pâte de collage

Dans les modèles numériques, le polymère de collage ne possédait qu'un seul élément fini d'épaisseur. Il était donc impossible d'étudier directement les contraintes au sein de la colle. Cependant, il était possible d'analyser les déformations élastiques de cisaillement.

De ces déformations élastiques découlaient les contraintes de cisaillement, ce qui constituait un aperçu de ces dernières, caractérisant des points de fragilité pour le polymère de collage.

La même échelle a été utilisée pour chacun des paramètres étudiés. Les déformations élastiques, sans unité, étaient objectivées par des zones bleues pour les valeurs minimales, proches de 0, et par des zones jaunes correspondant aux valeurs les plus fortes. Enfin, les zones blanches correspondaient aux valeurs maximales allant au-delà de l'échelle étudiée.

Les résultats ont mis en évidence (tableaux V et VI) :

–  des valeurs de cisaillement maximales dans la colle du modèle window preparation (4,5e-4 et 5,4e-4) ;

–  des valeurs de cisaillement minimales pour le modèle incisal overlap (3,4e-4 et 4,1e-4).

Discussion

L'observation de la répartition des contraintes et des cisaillements maximaux a permis d'estimer et de comparer la résistance de la céramique et de la colle en fonction des formes de préparation.

Modèle window preparation

La céramique de ce modèle se caractérise par un très bon comportement mécanique. Des très faibles valeurs de stress sont enregistrées. Par conséquent, c'est celle qui présente le moins de risque de fracture par rapport aux autres préparations.

Cependant, le polymère de collage de cette préparation présente les plus fortes valeurs de cisaillement, situées en regard du congé cervical. Il est possible que ce cisaillement cervical soit une conséquence de l'écrasement du polymère de collage.

Quoi qu'il en soit, l'inconvénient de ce comportement mécanique est que des micro-infiltrations peuvent apparaître dans le composite de collage, pouvant créer à terme des colorations cervicales.

Modèle butt margin

Ce modèle se démarque par des contraintes maximales dans la céramique lorsque la force occlusale est appliquée sur la face palatine (2,6 MPa).

La répartition de ces contraintes se limite à une zone restreinte située en regard de la limite palatine, au niveau de l'angle externe de la préparation. Elle pourrait se traduire cliniquement par des phénomènes d'écaillage.

Enfin, dans ce modèle, les valeurs des déformations élastiques de cisaillement sont modérées par rapport aux autres modèles.

Modèle incisal overlap

Des valeurs maximales de stress sont enregistrées dans la céramique dès lors que la force occlusale se trouve sur le bord libre. Néanmoins, ce modèle présente des valeurs de contrainte proches des valeurs maximales de la préparation butt margin lorsque la face palatine est mise en charge (2,3 MPa contre 2,6 MPa).

La répartition des contraintes est beaucoup plus étendue que pour le modèle butt margin. Les zones d'intensité maximale concernent une grande partie du retour palatin, traversant la totalité de l'épaisseur de la céramique. Il y a donc, selon le modèle mathématique, un risque significatif de fracture de céramique au niveau du retour palatin.

À l'inverse, les valeurs de cisaillement sont les plus basses par rapport aux autres modèles, donc le polymère de collage est celui qui risque le moins de s'altérer dans le temps.

Implications cliniques

Dans les limites des résultats de cette étude, les préparations avec réduction du bord libre semblent induire des stress plus importants dans la céramique lorsqu'elles sont mises en charge.

De même, les résultats identifient des cisaillements plus importants dans le polymère de collage de la préparation fenestré (window prep) par rapport aux autres modèles. La préparation à retour palatin semble être celle qui a le moins de risque de sollicitation de son polymère de collage.

Par conséquent, le choix de la forme de préparation doit mettre en balance la rétention et la résistance de la facette.

Les préparations avec réduction du bord incisif augmentent le risque de fracture de la céramique, mais sont plus rétentrices, et ce d'autant plus qu'un retour palatin est présent.

Inversement, la facette de la préparation fenestrée présente de loin le plus faible risque de fracture, mais son composite de collage risque de se dégrader plus rapidement et peut compromettre la cohésion de la facette.

Il paraît donc judicieux de choisir ses formes de préparation selon la situation clinique.

Les paramètres cliniques à évaluer sont :

– la quantité d'émail présent, garante d'un collage optimal ;

– la nécessité ou non de modifier le bord libre pour des raisons esthétiques ;

– l'étude de l'occlusion et, notamment, des guidages canins qui génèrent des pressions importantes.

Les deux cas cliniques ci-après illustrent ces concepts.

Premier cas

Dans ce premier cas (fig. 10), l'indication de facettes en céramique a été posée pour corriger l'aspect disgracieux du sourire lié aux dents érodées par une acidité exogène. L'analyse esthétique a clairement indiqué la nécessité de restauration esthétique des bords libres des incisives pour les redimensionner dans leur rapport hauteur/largeur. Après l'éviction carieuse et la mise en forme, la proportion de dentine exposée a justifié ici le recours à des formes de préparation à retour palatin (IO). Ce retour compenserait ainsi efficacement la moindre qualité de l'adhésion amélo-dentinaire en y ajoutant une rétention mécanique. Au contraire, les canines préparées plus superficiellement, pourront bénéficier d'un collage optimal et d'un moindre risque de fracture de la céramique grâce à une préparation fenestrée (WP).

Second cas

Dans ce second cas (amélogenèse imparfaite de forme hypoplasique), la restauration globale par facettes en céramique a été retenue afin de minimiser l'intervention sur les tissus dentaires. L'altération congénitale a imposé un respect quasi complet de l'épaisseur d'émail présent, tout en nécessitant un réel changement des formes (fig. 11). Ces deux paramètres ont conditionné le choix de la forme butt margin pour la préparation des facettes. Cette préparation a en effet autorisé le changement des formes et la restauration esthétique des bords libres, tout en minimisant le risque de fracture qu'aurait pu entraîner la préparation d'un retour palatin.

Conclusion

La forme des préparations dentaires pour facettes met en balance les notions de rétention et de résistance. Sur la base de cette étude en éléments finis, les résultats mettent en évidence des zones de fragilité au niveau du bord libre de la céramique lors des préparations avec réduction du bord incisif. À l'inverse, le polymère de collage de la préparation fenestrée présente l'intensité maximale de cisaillement et, donc, un risque d'altération à long terme.

En conclusion, et dans les limites de l'extrapolation des résultats, certaines recommandations cliniques peuvent être avancées :

– la préparation avec un retour palatin (incisal overlap) devrait être réservée à des situations présentant de larges plages de dentine exposée. Ce collage amélo-dentinaire étant moins efficace qu'un collage amélaire exclusif, il peut tirer profit de la rétention mécanique offerte par le retour ;

– lorsque la préparation peut être limitée à l'émail et que le bord libre ne doit pas être modifié, une préparation fenestrée diminuerait le risque de fracture de la céramique ;

– lorsque la préparation est limitée à l'émail et que le bord incisif doit être modifié, la préparation butt margin semble être le meilleur choix.

Frédéric Heichelbech - Docteur en chirurgie dentaire, attaché hospitalier

Faculté dentaire de Strasbourg

Joël Krier - Docteur en sciences, maître de conférences des Universités

Institut national des sciences appliquées de Strasbourg

Olivier Etienne - Docteur en chirurgie dentaire, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier à temps partiel

Faculté dentaire de Strasbourg, dretienne@free.fr

Liens d'intérêts : les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt concernant cet article.

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