Communication digitale en odontologie : rigoureusement indispensable ! - Cahiers de Prothèse n° 173 du 01/03/2016
 

Les cahiers de prothèse n° 173 du 01/03/2016

 

Communication

R. Noharet / M. Clément  

Résumé

RÉSUMÉ La photographie est un outil incontournable aujourd'hui dans notre discipline odontologique. Il s'agit d'un élément capital pour la communication et ce, vers différentes personnes : le patient, le technicien de laboratoire mais aussi l'ensemble des intervenants du traitement. Il s'agit donc d'utiliser cet outil a bon escient avec le bon matériel. L'aspect protocole et matériel (les indispensables mais aussi les outils complémentaires) sont évoqués dans cet article afin que chaque clinicien puisse en réaliser une mise œuvre aisée de cela au sein de son activité quotidienne.

Summary

SUMMARY Digital communication in odontology, strictly essential!

The photography is an major tool today in our odontological discipline. It is an essential element for the communication and it is true towards various people: patients, dental technicians but also all the participants of the treatment. It is thus a question of using this tool has good knowledge with the good equipment. The protocol and equipment (the essential but also the additional tools too) will be explained in this article to be able to realize photographies easily in daily activity.

Key words

photography, communication, material

La photographie fait aujourd'hui partie de notre quotidien de façon prégnante. En effet, depuis l'arrivée des téléphones portables de type smartphone (équipés de lentilles photographiques), la prise de clichés peut être instantanée et il n'est plus utile de s'encombrer d'un appareil photographique de gros volume. Dans ce cadre, l'intérêt n'est pas centré sur la qualité du cliché mais sur sa réalisation immédiate, rapide et facile : la révolution numérique a engendré l'apparition de ces dispositifs dont nous disposons constamment à portée de main. Ces images peuvent être aussitôt exploitées sur réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Pinterest, etc.) pour mettre en valeur ou informer sur une situation géographique, temporelle, relationnelle ou artistique.

Cette profusion d'images ne peut qu'être bénéfique pour la communauté odontologique. En effet, le domaine photographique est de plus en plus accessible au quidam donc, plus spécifiquement, le domaine photographique de l'odontologie le devient tout autant. L'évolution de la technologie au sein des smartphones permet une plus grande accessibilité à des fonctions avancées des capteurs photographiques. Plus le nombre de smartphones vendus augmente, plus les capteurs sont distribués en grand nombre, donc plus leur coût diminue. Cette tendance est également accompagnée par une succession d'évolutions rendant les outils de plus en plus performants. Il est vraisemblable que l'empreinte optique suive aussi de près l'évolution de ce type de capteurs.

En odontologie, la photographie se doit d'être présente de façon permanente car elle revêt un rôle indispensable, notamment dans la communication.

Les différentes étapes de la transmission des données en odontologie seront abordées lors de la première partie de cet article. Enfin, après une compréhension précise des objectifs de cette communication et des spécificités de la photographie en odontologie, une seconde partie abordant les matériels et protocoles sera présentée dans le souci d'une intégration aisée au sein de l'activité dentaire quotidienne. Il s'agit bien d'optimiser le travail journalier.

Communication en odontologie

L'étymologie du mot communication vient du latin communicare, qui signifie « mettre en commun, faire part de, partager », dérivé de communis, commun. Donc, la communication est l'action de communiquer, de transmettre des informations ou des connaissances à quelqu'un ou de les mettre en commun s'il y a échange (par exemple, le dialogue). Les moyens de communication sont divers : parole, geste, image, etc.

En odontologie, la partie verbale est évidemment prépondérante mais nul doute que la partie image soit tout aussi pertinente. Cette dernière va permettre de mieux communiquer non seulement avec le patient mais aussi avec le technicien de laboratoire et avec l'ensemble de l'équipe thérapeutique.

Photographies et communication auprès du patient

Les patients sont confrontés à un gros obstacle lors des explications verbales du praticien. En effet, leur état de santé dentaire peut nécessiter une quantité de soins variables mais, devant les explications, ils sont souvent démunis. Les traitements sont des actes techniques et il est parfois difficile de leur faire comprendre la thérapeutique qui doit être engagée au moyen d'un discours simple mais non simpliste. Un propos trop réducteur risque de banaliser les actes thérapeutiques et de dévaloriser les compétences du praticien : le bilan serait contre-productif pour l'acceptation du plan de traitement. Toutefois, la compréhension parfaite des explications données est indispensable pour une bonne acceptation des thérapeutiques à venir et pour une bonne collaboration.

De fait, l'appel à des images apparaît tout à fait pertinent pour l'explication des thérapeutiques potentiellement à disposition et pour la bonne perception du résultat futur. Ces images permettront aussi de finaliser les traitements et de faire un retour en arrière sur le chemin thérapeutique parcouru : cela remet en perspective le temps écoulé et les efforts consentis aussi bien pour le patient que pour le clinicien.

Illustrations des thérapeutiques possibles, exemple des traitements mini-invasifs

Il est pertinent d'utiliser comme exemples des cas cliniques de patients déjà traités pour faire comprendre la thérapeutique envisagée pour le nouveau patient, en prenant les précautions d'usage. Il conviendra de choisir des situations cliniques similaires et pédagogiques, même s'il est évident qu'elles ne peuvent se superposer précisément à celle du patient ciblé. Ces illustrations « typiques » de type éclaircissement dentaire (fig. 1 et 2), traitement d'une fracture d'angle (fig. 3 et 4) ou pose de facettes en céramique (fig. 5 et 6) peuvent servir de base d'explication à la thérapeutique en devenir pour le patient. Pour chacun des trois cas cliniques, le patient est ainsi sensibilisé à l'aspect mini-invasif et conservateur du traitement, par rapport à des propositions plus classiques mais plus délabrantes de préparations coronaires périphériques..

Illustrations des thérapeutiques possibles pour une restauration globale : exemple du Digital Smile Design®

Lors des traitements de grande étendue, il est également intéressant de présenter les moyens thérapeutiques à disposition, par exemple des facettes confectionnées par le prothésiste et qui seront collées sur les dents spécifiquement préparées. Mais cela reste parcellaire et il est encore plus parlant de mettre en perspective le traitement final. Cette prévisualisation est possible grâce à des outils comme le Digital Smile Design® [1, 2].

Le Digital Smile Design® a été créé par Christian Coachman, à la fois prothésiste et dentiste, originaire du Brésil [2]. Sa réflexion sur ce système a commencé après des interrogations relatives au diagnostic initial de situations cliniques. Il est certain que toutes les équipes, quel que soit leur degré d'expérience, ont été confrontées à des problématiques liées à la communication entre le laboratoire et la clinique pour l'établissement d'un plan de traitement. L'objectif du Digital Smile Design® est donc de fournir une aide en établissant un protocole pour la réflexion et la création d'un projet prothétique.

La création virtuelle du sourire est un protocole conceptuel, polyvalent, basé sur une analyse des patients dans leurs dimensions faciales et dentaires. Cette analyse passe par une série prédéterminée de photographies numériques de qualité mais aussi de vidéos permettant, entre autres, de capturer des images fixes plus naturelles que les photographies. L'analyse de ces documents met en évidence les relations entre les dents, la gencive, les lèvres mais aussi la position de ces dernières dans le sourire, le visage et sa dynamique qui permet d'exprimer des émotions. Le protocole est précis : quatre photographies sont indispensables (deux vues frontales du visage du patient, une vue occlusale de l'arcade, une vue « à 12 heures » du patient). Ensuite, les étapes sont clairement identifiées : il s'agit de positionner le patient dans le cadre établi avec différents outils afin de pouvoir procéder à une analyse progressive des différentes caractéristiques du sourire. Sur ces photographies, des éléments tels que les lignes du sourire, la relation gingivale et les dents sont reportés et apparaissent précisément, ce qui permet une réflexion globale pour la restauration du sourire du patient. Les proportions dentaires peuvent également être appréciées, donc améliorées.

En suivant le protocole et avec à l'aide d'objets de calibration, des mesures sont réalisées, elles permettent une collaboration étroite avec le technicien de laboratoire pour une exécution raisonnée du projet prédéterminé. Il apparaît évident que cette présentation claire et compréhensible facilite aussi la communication avec le patient : le Digital Smile Design® sert à illustrer les problématiques présentes et les solutions qu'on peut leur apporter. En effet, il est toujours difficile d'expliquer les pathologies existantes à un patient : la visualisation photographique est une aide déterminante pour cela. Il apparaît plus approprié d'utiliser les propres photographies du patient plutôt que celles d'autres personnes dans des situations cliniques similaires, car l'identification est évidemment plus précise et permet une meilleure compréhension par le patient, donc une meilleure acceptation des thérapeutiques proposées. Il est par ailleurs très intéressant de percevoir comment le patient comprend la complexité des techniques odontologiques mises en œuvre pour son traitement.

Le cas clinique suivant illustre l'intérêt pédagogique du Digital Smile Design® pour les patients, dans le cadre d'une future restauration antérieure implanto-portée. Une patiente s'est présentée à la consultation après un traumatisme antérieur sur un terrain parodontal très affaibli (fig. 7 et 8). Un assainissement parodontal a été réalisé en premier lieu. Le traitement nécessaire était l'extraction de toutes les dents maxillaires avec, simultanément, l'implantation et la mise en fonction immédiate. Le traitement mandibulaire s'est résumé à une thérapeutique d'assainissement parodontal. La patiente a compris le traitement proposé mais a souhaité voir une représentation du résultat final afin d'être rassurée, car elle était consciente de son problème parodontal avancé et a retardé l'échéance du traitement par appréhension du résultat esthétique. Des montages virtuels grâce à l'analyse Digital Smile Design® l'ont pleinement rassurée (fig. 9).

Le descriptif clinique suivant illustre l'intérêt de l'utilisation du Digital Smile Design® pour une restauration antérieure par facettes. Une patiente s'est présentée à la consultation avec des doléances esthétiques relatives à son sourire qu'elle considérait inesthétique à cause de dents « de petite taille et pointues » (fig. 10 et 11). Bien que désireuse d'un traitement, une prévisualisation a permis de montrer une première approche du visuel final du sourire traité (fig. 12).

Ainsi, l'utilisation quotidienne du Digital Smile Design® est non seulement un outil indéniable dans l'optimisation des traitements (analyse, diagnostic, réalisation) mais il permet aussi d'anticiper le résultat du traitement, étape psychologiquement rassurante pour les patients.

Photographie et communication auprès du prothésiste

Les fiches de laboratoire restent un moyen fiable de communiquer avec le technicien de laboratoire. Toutefois, ce n'est plus actuellement suffisant car les informations nécessaires à la réalisation d'une prothèse ne peuvent être issues uniquement d'une communication écrite. La communication visuelle, digitale, semble déterminante pour compléter au maximum les données pertinentes à transmettre.

Les informations capitales et minimales à transmettre en termes de réalisation prothétique sont non seulement la couleur des dents actuelles et à venir (ainsi que les lignes de références définies par Chiche et Pinault [3], qui permettent de faire coïncider le plan sagittal médian et le milieu interincisif), mais aussi la ligne bipupillaire avec le plan incisif. Le respect de ces deux cohérences permet de rétablir l'harmonie du sourire en créant un équilibre visuel et non stressant.

Concernant le choix de la couleur, il est pertinent que le prothésiste reçoive une photographie endobuccale associant les dents et la pige de teintier (dent avec sa tige support) qui se rapproche le plus du choix du praticien. Les informations doivent être complètes, à savoir la masse du teintier, sa référence et les dents concernées. Il est déterminant de bien contrôler le résultat à chaque prise de vue, tant pour le cadrage et le centrage que pour la réflexion de la lumière sur le teintier. Il convient d'être vigilant sur ce dernier point car une réflexion lumineuse excessive du teintier ne permettra qu'une transmission partielle des informations. Par ailleurs, la pige de teinte doit être positionnée sur le même plan frontal que les dents, avec un fond noir si possible (fig. 13).

Pour transmettre les lignes de référence, un portrait est nécessaire : la photographie doit cadrer l'ensemble du visage, le patient doit sourire avec les yeux ouverts. De plus, il est important que l'objectif de l'appareil photographique soit perpendiculaire au visage du patient pour enregistrer les informations correctes relatives au parallélisme et à la perpendicularité (fig. 14). La transmission de ces deux lignes est aussi simplifiée par l'utilisation d'outils tels que le Ditramax® [4] ou le One Bite® (Bisico).

Photographies et communication auprès de l'équipe thérapeutique

Les photographies sont également nécessaires pour améliorer la précision des échanges entre les différents praticiens acteurs du traitement du patient. Un protocole photographique précis est systématisé pour enregistrer l'ensemble des éléments cliniques. Cela permet de réfléchir à des plans de traitement en dehors de la présence du patient mais aussi de suivre le traitement au fur et à mesure des interventions de chaque praticien. Cela est particulièrement pertinent dans le cadre d'un plan de traitement global et complexe.

Matériel nécessaire et protocoles de réalisation

Lorsque la photographie est abordée en odontologie, deux questions fondamentales se retrouvent au centre du débat, à savoir quel matériel et quel protocole de réalisation utiliser. La suite de cet article se propose de répondre à ces questions de manière pragmatique et aussi complète que possible. Il existe différents « niveaux » d'exigence photographique que l'on peut intégrer dans la pratique clinique. Ces niveaux sont déterminés non seulement par la précision exigée par le praticien mais aussi par son tropisme vers la prise de clichés photographiques au sens large.

Il semble que le point clé de compréhension de la photographie, et tout particulièrement en odontologie, soit la lumière. En effet, sans lumière, il n'est pas possible de distinguer une scène photographiée, quel que soit le type de photographie réalisée. En odontologie, il est essentiel d'apporter la lumière au niveau de la cavité buccale pour avoir une image de bonne qualité [5]. Plusieurs dispositifs aident le clinicien pour cela.

Matériel nécessaire

La photographie dentaire numérique nécessite l'usage d'un matériel adapté car la lumière doit être apportée dans une zone spécifique pour réaliser une prise de vue de qualité d'une scène de petite taille.

Outil « idéal »

L'outil « idéal » est composé de trois éléments : le boîtier, l'objectif et le flash.

Les appareils photographiques numériques les mieux adaptés à la photographie dentaire sont les boîtiers reflex DSLR (digital single lens reflex camera). En effet, ils offrent, d'une part, un réglage manuel des variables de prise de vue et, d'autre part, la mise en œuvre d'un objectif approprié et d'un flash externe programmable, paramètres nécessaires à la macrophotographie dentaire [6]. Les boîtiers reflex d'entrée et de milieu de gamme sont adaptés à la photographie dentaire. Ceux munis de la fonction vidéo offrent une option intéressante pour potentialiser la communication.

Aussi est-il nécessaire de disposer d'un véritable objectif spécifique pour la macrophotographie, couplé au boîtier reflex (objectif macro 100 mm environ, variable selon les marques).

Comme cela a été dit précédemment, la lumière est le facteur qui influence le plus le résultat d'une photographie. Le flash est un outil permettant d'obtenir une quantité de lumière homogène suffisante pour mettre en évidence les détails. De ce fait, les prises de vues intrabuccales en odontologie sont réalisées à l'aide d'un flash spécifique à la macrophotographie et adapté à l'objectif. Les flashs macro émettent une lumière blanche permettant une reproduction fidèle des couleurs. Pour les reflex, différents types de flashs macro sont commercialisés. En photographie dentaire, le flash annulaire est recommandé pour photographier les dents postérieures et les zones difficiles d'accès : il délivre une quantité de lumière suffisante et bien diffuse. Ce type de flash a toutefois tendance à « écraser » l'image et atténue forcément les reliefs observables. Pour cela, les flashs bilatéraux dissociés permettent de donner du relief à l'image. Ils sont vraiment adaptés aux prises de vue des secteurs antérieurs, mais ils permettent également la réalisation de photographies de qualité des secteurs postérieurs. Avec ce type de flashs, le prothésiste perçoit plus nettement les détails des incisives tels que les états de surface, qui jouent un rôle prépondérant dans la transmission et la diffusion de la lumière.

Outils complémentaires indispensables

La réalisation de photographies intrabuccales nécessite la connaissance des méthodes de prises de vue selon différentes incidences. Toutefois, certains outils complémentaires vont faciliter la mise en œuvre de ces protocoles.

Écarteurs

Il existe deux versions d'écarteurs : les écarteurs bilatéraux autonomes et les écarteurs monobras latéraux (fig. 15). Les deux types ont pour objectif d'écarter les tissus mous lors de la réalisation de clichés à incidence frontale et de permettre ainsi à la lumière de pénétrer dans la cavité pour l'obtention d'un éclairage correct de l'ensemble de la cavité buccale.

En plus des clichés des zones antérieures, les écarteurs monobras latéraux ont pour avantage d'être utilisables aussi lors de la réalisation de clichés latéraux. Les écarteurs bilatéraux ont pour avantage de pas nécessiter d'aide supplémentaire lors de la réalisation de clichés antérieurs.

Miroirs

Dans le cas de prises de vue à incidence occlusale, des miroirs occlusaux sont indispensables. Aucune prise de vue d'une arcade intégrale en vue occlusale n'est possible sans eux. Pour photographier l'arcade maxillaire en vue occlusale, le miroir est plaqué contre les dents mandibulaires et le photographe, placé derrière le patient, tient l'objectif perpendiculairement au miroir. Pour l'arcade mandibulaire, le photographe est placé face au patient. Le miroir prend appui contre les dents mandibulaires les plus distales en repoussant la langue et se relève jusqu'aux incisives maxillaires. Les écarteurs monobras peuvent être associés au miroir lors de la réalisation de ces prises de vue.

Pour les incidences latérales, des miroirs latéraux peuvent être utilisés mais ils ne sont pas obligatoires. Lorsqu'ils sont utilisés, ils maintiennent également à distance les tissus mous en regard des dents à photographier, alors que du côté controlatéral, un écarteur monobras joue le même rôle (fig. 16).

Outils complémentaires

Il existe des dispositifs non obligatoires pour la réalisation des clichés en odontologie mais qui apportent quelques avantages dans la transmission des informations.

Contrasteurs

Le contrasteur est un fond noir et mat destiné à être placé entre les dents et les tissus mous de l'arrière-plan, permettant ainsi de révéler la translucidité des tissus dentaires, ou à masquer les tissus périphériques (fig. 17). Une vue frontale des dents avec un fond noir à l'arrière-plan apporte au prothésiste une réelle aide dans la lecture des différentes masses composant la dent à reproduire (fig. 18). Un contrasteur occlusal permet de masquer le nez et les tissus mous lors de photographies de l'arcade maxillaire en vue occlusale.

Les contrasteurs sont préconisés en revêtement souple : le contact est beaucoup plus agréable pour le patient, contrairement au métal dont il aura du mal à supporter le contact avec ses dents. De plus, ils doivent être flexibles pour faciliter leur utilisation.

Réchauffeur de miroir

La buée en photographie est un problème spécifique en odontologie. En effet, lors de la mise en place du miroir en bouche, la variation de température entre celui-ci et la cavité buccale a tendance le faire se recouvrir de buée. Celle-ci empêche toute mise au point et nuit à la prise de vue. Pour éviter cet inconvénient, une flamme (torche à gaz) peut être utilisée en amont pour réchauffer le miroir par balayage de surface et éviter le différentiel thermique. Un dispositif tel que le PM-Demister® (Bisico) permet aussi d'éviter la formation de buée. Il s'agit d'un ensemble de miroirs se fixant sur un manche muni d'un éclairage LED incorporé et d'un système de ventilation qui garde le miroir net.

Filtre polarisant

Le filtre polarisant se fixe sur l'objectif. Son rôle est d'arrêter ou de laisser passer les rayons lumineux selon leur orientation. À l'aide de ce filtre et en effectuant des réglages du boîtier (augmentation du contraste, diminution de l'exposition), les reflets de la lumière peuvent être éliminés. L'utilité du filtre polarisant en photographie dentaire est l'obtention d'images avec plus de détails. Sur les prises de vues intrabuccales, l'émail est comme masqué, permettant de mieux visualiser la couleur, la structure et les caractérisations internes des dents (fig. 19). La dent pourra alors être reproduite avec plus de précision et de naturel. Le filtre polarisant est adapté au diamètre de l'objectif et vient se fixer devant la lentille frontale. Le filtre polarisant Polar Eyes® vient se fixer de façon magnétique au flash macro.

Outils de substitution

D'autres outils sont aujourd'hui proposés en photographie intra-orale. Un accessoire spécifique a été mis au point pour faciliter la prise de clichés intrabuccaux à partir d'un téléphone portable de type smartphone, en développement exponentiel. Cet objet, mis au point par le groupe Smile Line (http://www.smileline.ch) est la Smile Lite® à laquelle est associée la Smile Capture®.

La Smile Lite® est une source de lumière LED à 5 500oK de forme rectangulaire. Elle produit un éclairage naturel et neutre correspondant à la lumière du jour. Elle est adaptée à de nombreux smartphones (iPhone d'Apple, Galaxy de Samsung) grâce à l'adaptateur Smile Connect®. Après calibrage, la Smile Lite® connectée au smartphone permet la prise de clichés photographiques intrabuccaux satisfaisants grâce à la lumière qu'elle délivre (fig. 20).

Au dispositif Smile Lite® peut être associé un filtre polarisant qui annihile la réflexion de la lumière. Ce filtre permet l'obtention de clichés avec une meilleure visualisation de la profondeur et des transparences, une meilleure évaluation de la couleur et de la luminosité ainsi qu'une mise en évidence des moindres détails et caractérisations.

Les accessoires Smile Lite® et Smile Capture® sont donc des outils de simplification de la procédure de communication digitale car les clichés obtenus peuvent être rapidement traités et transmis numériquement au laboratoire et/ou au patient via un smartphone.

Réglages

Photographie extra-buccale

Tout d'abord, pour les photographies du visage, le patient s'installe debout, le dos à une distance de 20 cm d'un fond de couleur neutre. Le praticien se place à la même hauteur que le visage du patient, à une distance d'environ 2 m, éloignement suffisant pour cadrer tout le visage. La photographie sera préférentiellement prise dans le sens de la hauteur, le boîtier muni d'un objectif de 100 mm est incliné à 90o à la même hauteur que le visage du patient. Le visage du patient est droit, les yeux sont ouverts et regardent la lentille frontale de l'objectif. Le patient doit être éclairé de façon homogène par une source lumineuse intense. Le mode priorité diaphragme est sélectionné. L'ouverture du diaphragme se situe entre 3 et 9, offrant une quantité de lumière suffisante. La vitesse d'exposition doit être courte (1/100 seconde) afin d'éviter le flou dû aux mouvements, et la sensibilité faible (ISO 100 à 200) afin d'éviter le bruit électronique.

Photographie intrabuccale

En photographie intrabuccale, la vitesse d'exposition doit être supérieure à 1/125 seconde afin de limiter le flou cinétique. La plage de sensibilité conseillée est ici comprise entre ISO 100 et 800 pour éviter la montée en bruit qui pourrait détériorer la qualité de l'image. L'ouverture conseillée doit être faible, aux alentours de f/28, afin d'augmenter la profondeur de champ et de garantir la netteté de tout le cliché.

Pour la photographie du sourire, les réglages du boîtier ne changent pas. La prise de vue s'effectue de préférence au fauteuil afin de stabiliser la tête du patient et de faciliter la mise au point. Il est capital d'être vigilant sur la position de la tête du patient lors de la prise de clichés extra-buccaux. Le plan sagittal médian du visage doit être strictement vertical afin de ne pas tromper la perception optique du sourire.

Pour une simplification de la procédure entre les clichés extra-buccaux et intrabuccaux, le mode de prise de vue avec réglage du boîtier A ou Av peut être utilisé. Ce mode semi-automatique donne une priorité au diaphragme, c'est-à-dire qu'il est possible de sélectionner l'ouverture. Dans le cas d'une faible ouverture, une grande profondeur de champ est garantie et une vitesse d'exposition rapide est automatiquement déterminée par le flash qui adapte son intensité.

Protocole de prises de vue photographiques

Dans le cadre de l'analyse esthétique, des photographies extra-buccales et intrabuccales sont réalisées. Afin d'obtenir un bilan photographique complet et d'intégrer les notions de symétrie, de sourire gingival, de ligne du sourire, d'occlusion, etc., Paris et Faucher [7] proposent un protocole de 12 vues constantes et reproductibles qui apportent un maximum d'informations.

À ces 12 vues indispensables peuvent s'en ajouter d'autres pour compléter l'analyse esthétique en apportant des informations supplémentaires.

Les prises de vue à privilégier dans le cadre d'une analyse esthétique, les accessoires pour les réaliser et leur intérêt dans le diagnostic esthétique sont répertoriés dans les tableaux I à III qui synthétisent l'ensemble des éléments fournis en termes de protocole, matériel et réglages [5], où chaque type de prise de vue est illustré par une photographie issue de l'analyse esthétique d'une patiente.

Vidéo

La vidéo est un outil supplémentaire permettant d'observer en mouvement les paramètres répertoriés ci-dessus. La dynamique des tissus mous du visage et de la sphère orale joue un rôle important dans l'approche esthétique. Cette dynamique fonctionnelle lors du sourire et de l'articulation de la parole est à prendre en considération, en plus des fonctions orales (mastication, déglutition, etc.). La photographie du visage trouve ces limites dans son caractère statique. Or, il est important de considérer que les patients ne sont pas figés. La vidéo restitue le reflet de leur dynamique donc de leur personnalité, en donnant de riches informations sur les mimiques du visage. Des copies d'écran de cette vidéo peuvent être effectuées lors du visionnage de la vidéo pour fixer un sourire bien plus naturel que celui du patient lors d'une prise de vue photographique, ou la pose est toujours plus figée.

Pour la réalisation d'une vidéo, il est possible d'utiliser le même boîtier reflex que pour la photographie. Celui-ci est de préférence positionné sur un trépied qui permet d'éviter ses mouvements et oscillations, donc ceux de l'image également. Le patient est assis, le dos droit, tête haute face à la caméra.

Les enregistrements vidéo pourront être composés de différentes séquences :

– discussion classique pendant laquelle le jeu musculaire des lèvres s'exprime et permet une visibilité naturelle des tissus dentaires et gingivaux ;

– sourires ou rire naturels, situations capitales pour visualiser la ligne du sourire ;

– prononciation de certaines consonnes (m, f, s...) pour étudier la phonation pendant laquelle des erreurs de prononciation peuvent être décelées.

Conclusion

La photographie en odontologie est évidemment indispensable actuellement car elle est le fondement d'une communication moderne, précise et efficace avec les patients, les prothésistes et les autres praticiens de l'équipe soignante, comme cet article le décrit. La communication est à la base de l'établissement du projet prothétique et doit, à ce titre, faire partie intégrante de l'activité quotidienne du clinicien : les smartphones (équipement minimal) doivent permettre à l'ensemble des confrères non initiés de franchir le pas de la communication digitale.

Renaud Noharet - MCU-PH, docteur en chirurgie dentaire, ancien interne en odontologie

Exercice libéral (Lyon)

Marie Clément - Docteur en chirurgie dentaire, ancienne AHU, attachée d'enseignement (faculté d'odontologie de Lyon), attachée des hôpitaux de Lyon, Service de prothèse, Pôle esthétique

Exercice libéral (Lyon)

Liens d'intérêts : les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

  • 1 Noharet R, Clément M, Gaillard C, Coachman C. Analyse diagnostique d'un traitement esthétique : Digital Smile Design®. Inf Dent 2015;97:1-5.
  • 2 Coachman C, Calamita M. Digital Smile Design : a tool for treatment planning and communication in esthetic dentistry. Quintessence Dent Technol 2012;35:103-111.
  • 3 Chiche G, Pinault A. Esthetics of anterior fixed prosthodontics. Chicago : Quintessence Books, 1994.
  • 4 Margossian P, Laborde G, Koubi S, Couderc G, Maille G, Botti S et al. Communication des données esthétiques faciales au laboratoire : le système Ditramax®. Real Clin 2010;21:149-155.
  • 5 Feyeux P. Élaboration d'un projet prothétique en vue d'une réhabilitation antérieure : la communication digitale. Thèse d'exercice : Odontologie. Lyon : Université Lyon 1, 2015.
  • 6 Fradeani M. Réhabilitation esthétique en prothèse fixée. Volume 1 : Analyse esthétique, une approche systématique du traitement prothétique. Paris : Quintessence International, 2006.
  • 7 Paris JC, Faucher AJ. Le guide esthétique, comment réussir le sourire de vos patients. Paris : Quintessence International, 2003.