L'orthodontie préprothétique - Cahiers de Prothèse n° 175 du 01/09/2016
 

Les cahiers de prothèse n° 175 du 01/09/2016

 

Du côté des internes

C. Bauer   O. Laviole  

Plan de la réponse

– Introduction

– Objectifs de l'orthodontie préprothétique

• Faciliter la réalisation technique de la restauration prothétique

• Optimiser l'environnement parodontal

• Optimiser la fonction occlusale

• Optimiser le rendu esthétique

– Analyse clinique et diagnostic

– Planification du traitement

• Phases préprothétiques autres que...


Résumé

Présentation

Dans cette rubrique seront abordées les notions fondamentales qui fondent la pratique clinique de l'odontologie prothétique et de ses rapports avec les autres disciplines. Ces notions s'adressent notamment aux étudiants préparant le concours de l'internat en odontologie mais aussi aux internes en fonction et aux praticiens libéraux. Ils retrouveront l'essentiel de la pratique sous forme de questions/réponses rédigées de manière synthétique et efficace, dans une forme essentiellement pédagogique. Des éléments complémentaires apparaissent sous forme de tableaux synthétiques et une bibliographie utile du type « lectures conseillées » est ajoutée.

Apprendre à observer la clinique, à l'analyser, puis à classer et à organiser ses connaissances et ses idées sont des étapes capitales et essentielles au service de la réalisation d'un plan de traitement cohérent qui s'inscrira dans la pérennité.

Résumé

Items d'internat en rapport avec cet article

141. L'occlusion et les rapports dento-dentaires pathogènes

143. Objectifs thérapeutiques en prothèse

145. Facteurs biomécaniques et conceptions prothétiques

146. Esthétique et prothèses

Plan de la réponse

– Introduction

– Objectifs de l'orthodontie préprothétique

• Faciliter la réalisation technique de la restauration prothétique

• Optimiser l'environnement parodontal

• Optimiser la fonction occlusale

• Optimiser le rendu esthétique

– Analyse clinique et diagnostic

– Planification du traitement

• Phases préprothétiques autres que l'ODF

• Phases orthodontiques

• Phase de contention

• Phases prothétiques

– Cas particulier de l'interrelation orthodontie-implantologie

– Conclusion

Les reconstitutions prothétiques obéissent à des critères anatomiques et mécaniques très précis tels que l'existence d'un espace prothétique suffisant en largeur et en hauteur, le parallélisme des axes dentaires adjacents à l'édentement, la répartition satisfaisante des espaces prothétiques sur l'arcade, une occlusion stable avec absence de prématurités en position statique et d'interférences en dynamique, etc.

Or, dans la plupart des cas cliniques, l'ensemble de ces critères n'est pas toujours réuni initialement. La réalisation d'un traitement orthodontique en tant que phase préprothétique permet d'éviter de nombreux compromis grâce aux déplacements dentaires réalisés. En effet, un repositionnement dentaire préalable permet de faciliter et d'élargir les possibilités thérapeutiques.

L'intérêt de cet article est de cibler les objectifs et les indications de l'orthodontie préprothétique et de détailler l'organisation d'un plan de traitement pluridisciplinaire type où l'importance de la coordination entre les différents intervenants est primordiale.

Objectifs

Les objectifs d'un traitement d'orthopédie dento-faciale (ODF) préprothétique peuvent être divers. Ils sont définis en accord avec les différents intervenants et sont en relation directe avec les objectifs du plan de traitement global.

Les traitements orthodontiques préprothétiques peuvent notamment avoir pour objectifs :

– de faciliter la réalisation technique de la restauration prothétique ;

– d'optimiser :

• l'environnement parodontal,

• la fonction occlusale,

• le rendu esthétique ;

– de garantir la pérennité de la restauration grâce au respect des objectifs précédents.

Faciliter la réalisation technique de la réhabilitation prothétique

Les reconstitutions prothétiques obéissent à des critères anatomiques et mécaniques très précis. Si ces critères ne sont pas respectés, la qualité et la pérennité de la restauration finale ne pourront pas être assurées. Or, dans certains cas, la situation clinique rend complexe le respect de ces critères et des modifications préalables de l'environnement sont souvent nécessaires avant de commencer le traitement prothétique.

L'orthodontie préprothétique peut alors participer à l'obtention de ces critères en permettant notamment :

– l'aménagement d'un espace prothétique suffisant, dans le sens mésio-distal et vertical, car en cas d'édentement, on observe souvent des mouvements dentaires compensatoires des dents adjacentes qui doivent être corrigés orthodontiquement : redressement d'axe des dents versées dans l'édentement (fig. 1 et 2), ingression des dents antagonistes égressées... (fig. 3 et 4) ;

– l'obtention d'un alignement dentaire approprié et d'une continuité entre les crêtes marginales des dents résiduelles qui, outre son intérêt esthétique évident, va permettre au chirurgien-dentiste de réaliser des préparations coronaires a minima et favoriser la conservation de la vitalité de certaines dents. En effet, la mise en œuvre d'une préparation coronaire sur une dent en rotation ou en chevauchement avec ses dents adjacentes augmente la quantité tissulaire à éliminer et va donc à l'encontre des principes actuels de conservation tissulaire ;

– l'obtention d'un parallélisme des axes dentaires déterminant l'axe d'insertion de la prothèse (fixe ou amovible) et assurant une répartition optimale des contraintes occlusales en les redirigeant le long du grand axe de la dent. Cela confère aux dents une meilleure résistance à la flexion du pontique en cas de restauration par bridge. Dans les cas de restauration implantaire, le parallélisme des axes radiculaires est essentiel pour la pose de l'implant sans risque pour les dents adjacentes ;

– la répartition équilibrée des piliers de prothèse par distalisation ou mésialisation d'une dent pour permettre de réduire la longueur du pontique d'un bridge ou transformer un édentement terminal en édentement encastré pour améliorer la sustentation et la stabilité d'une prothèse amovible.

Optimiser l'environnement parodontal

Toute force appliquée sur une dent provoque un étirement et/ou une compression de ses fibres desmodontales qui va être à l'origine de changements cellulaires locaux et d'un remodelage parodontal adaptatif. Il est donc possible, en induisant un mouvement dentaire orthodontique, d'obtenir un remaniement prévisible du parodonte.

Dans le cadre des aménagements préprothétiques, cette interrelation orthodontie-parodontie est principalement utilisée pour :

– l'amélioration de l'hygiène bucco-dentaire par correction des encombrements. Bien que les études récentes ne s'accordent pas sur l'impact de l'alignement dentaire sur les saignements et l'inflammation gingivale, la correction des encombrements dentaires permet toutefois de faciliter les méthodes d'hygiène, ce qui constitue un critère de longévité pour les restaurations prothétiques ;

– le rétablissement d'un espace biologique correct par extrusion orthodontique. Dans certains cas (fracture coronaire infra-osseuse, carie sous-gingivale...), il est impossible de réaliser des contours prothétiques sans violer l'espace biologique de la dent concernée. L'extrusion orthodontique est une solution de remplacement non chirurgicale à l'élongation coronaire fondée sur une égression orthodontique rapide à l'aide de forces importantes et discontinues, associée à une fibrotomie supra-crestale préalable (fig. 5 et 6). Dans ce cas de figure, la dent s'égresse « sans » être suivie par ses tissus environnants et permet de dégager la limite prothétique en respectant l'espace biologique (fig. 7 à 9) ;

Complément 1
Traction orthodontique versus élongation coronaire

Les indications de l'élongation coronaire reposent sur :

– des facteurs dentaires (valeur des tissus dentaires résiduels, nécessité de reprise de soins endodontiques, longueur radiculaire, anatomie radiculaire à risque ou pas) ;

– des facteurs parodontaux (hauteur et qualité de la gencive attachée, présence de poche parodontale, hauteur entre tissus dentaires et sommet de la crête osseuse) ;

– des facteurs prothétiques (situation et type de limite de la préparation, hauteur de la couronne clinique, nécessité d'un ancrage radiculaire) ;

– des facteurs esthétiques (harmonie de la ligne des collets, type de sourire).

Les inconvénients de l'élongation coronaire sont :

– la nécessité d'un acte chirurgical ;

– le risque parodontal lié au modelage osseux ;

– le problème du réalignement des collets (dans le secteur esthétique) nécessitant le plus souvent une réintervention chirurgicale au niveau des tissus mous.

La traction orthodontique nécessite :

– une longueur radiculaire suffisante ;

– un diamètre radiculaire compatible avec la future émergence prothétique ;

– la possibilité d'un ancrage sur les dents voisines suffisant pour contrer leur mobilisation.

– l'aménagement tissulaire des sites implantaires par extraction orthodontique dont le principe est de réaliser une égression orthodontique forcée de la dent condamnée jusqu'aux confins de son alvéole afin d'obtenir son comblement osseux progressif et le développement des tissus mous adjacents. Le résultat est donc une augmentation des tissus environnants dans les trois dimensions de l'espace afin de favoriser un placement idéal de l'implant. Sa grande fiabilité en fait une technique de choix d'aménagement pré-implantaire mais, malgré les avantages qu'elle présente, les limites et la méthode de mise en œuvre de cette technique sont encore mal définies.

Optimiser la fonction occlusale

L'orthodontie préprothétique doit permettre d'obtenir une occlusion statique et dynamique harmonieuse et équilibrée dans le cadre de la restauration prothétique prévue. Ses objectifs occlusaux sont, notamment :

– une occlusion d'intercuspidation maximale le plus stable possible et capable d'assurer ses fonctions de calage et de centrage mandibulaire de façon physiologique en s'adaptant aux structures dento-squelettiques du patient ;

– un nivellement du plan d'occlusion respectant les courbes de Spee et de Wilson pour permettre l'intégration des restaurations prothétiques dans un schéma occlusal favorable ;

– un guidage antérieur efficace et respectant les déterminants postérieurs fixes. L'orthodontie y participe notamment par la modification des versions incisives et la correction du surplomb et du recouvrement ;

– un calage postérieur efficace et une dimension verticale d'occlusion adaptée au schéma facial du patient ;

– une stabilité occlusale dans le temps qui pourra être obtenue par des contacts harmonieusement répartis, sans interférence ni prématurité et à l'aide d'une continuité d'arcade qui limitera les déplacements secondaires.

Le traitement des malocclusions ou malpositions existantes, d'origine traumatique, pathologique ou par absence/non-suivi d'un traitement orthodontique en temps voulu, doit être planifié pour limiter les compromis prothétiques.

Optimiser le rendu esthétique

Le rendu esthétique peut être optimisé :

– grâce à l'alignement dentaire, permettant d'obtenir une esthétique satisfaisante du sourire ;

– par action sur le parodonte, comme décrit précédemment, pour assurer un nivellement des collets gingivaux et ainsi fournir aux restaurations prothétiques un environnement gingival harmonieux avec les dents adjacentes.

Cette optimisation peut aussi permettre :

– la correction d'un sourire gingival par ingression des incisives maxillaires, ou un traitement ortho-chirurgical selon l'importance et l'étiologie de l'exposition gingivale, afin de permettre une meilleure intégration esthétique des prothèses ;

– la fermeture ou ouverture d'espaces dans le cas d'agénésies selon l'option thérapeutique choisie.

Analyse clinique et diagnostic

Comme dans tout traitement, prothétique ou non, il n'y a pas de thérapeutique possible sans diagnostic et il n'y a pas de diagnostic sans examen clinique. Cet examen clinique, mené en première intention par l'omnipraticien, doit mettre en évidence toutes les difficultés cliniques et techniques jalonnant la réalisation du traitement global, et ce toutes disciplines odontologiques confondues. Il requiert donc rigueur et compétence et comporte :

– une évaluation des attentes et des besoins du patient afin de déterminer les limites thérapeutiques éventuelles ;

– un examen clinique complet, exobuccal et endobuccal ;

– des examens radiologiques complémentaires (radiographies rétroalvéolaires, orthopantomogramme, téléradiographies, scanner, IRM selon les cas) ;

– des moulages d'étude, un montage diagnostique en articulateur (l'analyse occlusale préprothétique met en évidence les problèmes et indique les moyens de traitement adaptés) ;

– un wax-up prospectif et/ou un set-up orthodontique (fig. 10 et 11), indispensable(s) dans les plans de traitement complexes pour faciliter la coordination entre praticiens et pour servir de support de communication entre les différents intervenants et avec le patient.

Planification du traitement

Dans tout traitement pluridisciplinaire, la synchronisation de ses phases est impérative et une planification rigoureuse de chaque étape permet d'optimiser la durée de ce traitement, souvent long.

Phases préprothétiques autres que l'ODF

La stabilisation de la situation clinique fait partie des prérequis indispensables avant la mise en place d'un traitement combinant ODF et prothèse.

Une préparation initiale précédant le traitement orthodontique est souvent nécessaire pour permettre :

– l'élimination de tout foyer infectieux (prise en charge parodontale, avulsion des dents condamnée, traitement des lésions carieuses et endodontiques...) ;

– la restauration des dents délabrées futures porteuses de brackets (reconstitution par matériaux à phase d'insertion plastique, couronnes provisoires...).

Il est indispensable que le terrain soit préalablement assaini avant de commencer le traitement orthodontique. À ce stade, il est encore possible de revenir sur l'option thérapeutique choisie si le résultat de la phase initiale est défavorable (hygiène non satisfaisante, maladie parodontale non stabilisée, fonction articulaire pathologique).

Phases orthodontiques

Le traitement d'orthodontie à proprement parler sera fonction des objectifs établis lors de l'élaboration de la maquette définitive. Ces objectifs doivent être en accord avec les besoins de traitement en orthodontie et en prothèse du patient et doivent être discutés en parfaite collaboration en cas de compromis. Ainsi, les traitements orthodontiques préprothétiques peuvent être des traitements globaux ou partiels et il est possible de réaliser une prise en charge totale ou sectorielle d'une ou des deux arcades selon les besoins en traitement du patient.

Un bilan orthodontique complet comprenant des photos, des moulages et des radiographies (orthopantomogramme, téléradiographie de profil et/ou de face...) est réalisé avant de commencer le traitement pour que l'orthodontiste puisse déterminer quelles seront les stratégies thérapeutiques à adopter et à mettre en œuvre pour pouvoir atteindre les objectifs fixés.

Les moyens thérapeutiques sont divers en fonction du résultat attendu et de l'ancrage possible sur l'arcade :

– boutons collés, chaînettes élastomériques, fils tressés lorsque de nombreuses dents sont présentes et que le mouvement concerne surtout le sens mésio-distal ;

– plaques amovibles avec ressort ou bandeau vestibulaire pour vestibuler ou lingualer une ou plusieurs dents (antérieures principalement) ;

– gouttières d'alignement plus ou moins complexes selon l'importance du déplacement à réaliser ;

– traitement multibagues ;

– traitement avec ancrage implantaire.

À la fin de cette phase, une évaluation post-orthodontique doit être réalisée pour permettre de vérifier l'adéquation du repositionnement des dents avec le schéma prothétique prévu initialement.

Phase de contention

Il est établi que chaque mouvement orthodontique est sujet à la récidive en raison de l'étirement des fibres desmodontales qui, une fois le mouvement terminé, cherchent à ramener les dents dans leur position d'origine. Pour limiter le risque de récidive après un mouvement, il est donc nécessaire de laisser au parodonte le temps de se réorganiser en assurant une contention des dents déplacées dans leur nouvelle position le temps de ce renouvellement.

Il semble qu'après dépose du dispositif actif, le mouvement de récidive soit maximal durant les deux premières heures, très important durant les cinq heures suivantes, puis décroissant progressivement pour se stabiliser à un taux plus faible ; il est donc indispensable que la contention soit mise en place immédiatement après le débaguage.

Le choix du type de contention après un traitement orthodontique doit être individualisé et adapté à chaque patient. Dans le cas des traitements préprothétiques, il est important de distinguer la contention orthodontique, qui concerne le maintien de la correction des malocclusions initiales du patient (encombrement, surplomb, recouvrement...), de la contention préprothétique qui a, quant à elle, pour objectif de maintenir l'espace prothétique aménagé et le parallélisme des axes dentaires (fig. 12 et 13).

Complément 2
Comment choisir la contention orthodontique ? Quand la mettre en œuvre ?

Le choix de la contention va dépendre de plusieurs paramètres tels que :

– l'âge du patient (enfant/adolescent ou adulte) ;

– le type de restauration prothétique envisagée (prothèse fixée, prothèse amovible, implants) ;

– le type d'édentement (unitaire ou multiple) ;

– le délai de réalisation de la prothèse définitive (immédiat ou différé).

Mais pour pouvoir assurer ces deux objectifs, il est préférable de favoriser au maximum les contentions rigides et fixes lorsque c'est possible.

Les grandes lignes des différents raisonnements concernant les contentions préprothétiques envisageables sont résumées dans les figures 12 et 13.

Phases prothétiques

Ces dernières phases de traitement sont du ressort du chirurgien-dentiste qui devra réaliser la prothèse répondant aux objectifs fixés initialement et aux attentes du patient. Les différentes étapes du plan de traitement dépendront du type de restauration prothétique prévue ou souhaitée (prothèse partielle amovible, prothèse fixe unitaire, prothèse implantaire...) et de l'importance des interventions préprothétiques nécessaires.

Dans certains cas, les phases prothétiques et orthodontiques peuvent se chevaucher. Par exemple, la pose d'un implant peut être réalisée durant les phases de finition orthodontique pour gagner du temps et limiter le risque de récidive post-orthodontique en réduisant le délai entre le débaguage et la pose de la couronne définitive (fig. 14 et 15).

Cas particulier de l'interrelation orthodontie-implantologie

La collaboration entre les implantologistes et les orthodontistes est de plus en plus fréquente en raison des avantages indéniables que s'apportent entre elles ces deux disciplines. D'un côté, l'orthodontie permet d'aménager l'espace nécessaire à la pose d'un implant dans des conditions idéales, mais le contrôle de l'ancrage constitue parfois un point limitatif aux mouvements pouvant être réalisés ; tandis que de l'autre, les implants ostéo-intégrés se comportent comme des dents ankylosées qui peuvent servir de renfort d'ancrage aux mouvements orthodontiques à réaliser.

Ainsi, selon les objectifs de traitement et les besoins d'ancrage, la pose de l'implant peut intervenir avant, pendant ou après le traitement orthodontique. Cependant, les inconvénients que peut présenter la pose précoce d'un implant justifient une coopération encore plus étroite entre les différents intervenants et nécessite une planification précise de la situation finale attendue (fig. 16).

Pose de l'implant préorthodontique

Lorsqu'un implant est posé avant la réalisation d'un traitement orthodontique, il revêt un intérêt double :

– un intérêt orthodontique. Comme cela a été expliqué précédemment, l'implant se comporte comme une dent ankylosée et peut servir d'élément d'ancrage pour les différents mouvements orthodontiques. Les indications de la pose précoce d'un implant sont à peu de chose près les mêmes que celles de l'emploi des mini-vis. Il constitue un renfort d'ancrage souvent nécessaire pour corriger des dysharmonies dento-maxillaires en l'absence de dents postérieures, pour redresser, ingresser ou mésialer des dents postérieures, pour rétracter un bloc incisivo-canin... ;

– un intérêt prothétique. L'implant assurera une reconstitution prothétique fixe et stable.

La pose de l'implant avant la réalisation d'un traitement orthodontique doit permettre l'application des forces nécessaires au traitement mais aussi pouvoir servir la restauration prothétique qui aura lieu dans un second temps. La pose anticipée d'un implant doit donc faire appel à une réflexion globale sur le traitement de la part des praticiens tant en ce qui concerne l'ancrage orthodontique que la restauration prothétique secondaire car, une fois l'implant mis en place, il ne pourra plus être déplacé. Sa pose doit donc être conforme aux objectifs finals de la restauration, quel que soit le moment du traitement où elle a lieu.

Pour pouvoir atteindre les objectifs fixés, il est impératif de réaliser un set-up orthodontique et un wax-up prothétique en début de traitement pour avoir une prévisualisation globale du traitement dont découlera le guide chirurgical implantaire, nécessaire à la pose des implants dans la position choisie.

Pose de l'implant perorthodontique

Cette situation répond aux mêmes impératifs que la précédente. Le choix d'une pose perorthodontique de l'implant est souvent lié à l'impossibilité de le mettre en place en début de traitement en raison de malpositions dentaires existantes (encombrement, axes radiculaires convergents, égression des dents antagonistes...).

Pose de l'implant postorthodontique

Dans ce cas de figure, l'implant est posé une fois le traitement orthodontique achevé. Il s'agit de la situation la plus fréquente où les implants sont uniquement utilisés en remplacement de la prothèse conventionnelle.

L'orthodontie préprothétique a, quant à elle, un rôle important pour garantir un positionnement tridimensionnel idéal de l'implant en assurant :

– un espace mésio-distal suffisant avec au moins 1,5 mm de part et d'autre de l'implant ;

– un parallélisme des axes radiculaires des dents adjacentes ;

– un profil d'émergence correct de l'implant par rapport aux dents adjacentes ;

– un éventuel aménagement des tissus environnant par le biais d'une extraction orthodontique.

Illustration clinique de la collaboration orthodontie-implantologie

Mme C., patiente sans pathologie générale, âgée d'une cinquantaine d'années, consulte pour le remplacement de ses molaires absentes en secteur 3. Elle est déjà porteuse d'une prothèse implantaire unitaire en place de 23 et souhaite une solution prothétique fixe (fig. 17).

L'examen intrabuccal montre une vestibulo-position très marquée de 34 et un contexte occlusal perturbé (fig. 18 et 19).

La décision d'associer, dans un plan de traitement global, orthodontie-implantologie et prothèse est prise et la mise en place d'un implant en place de 36 va permettre à l'orthodontiste d'effectuer les déplacements dentaires souhaités en prenant appui sur une couronne provisoire implanto-portée (fig. 20). Il a été nécessaire d'attendre l'ostéo-intégration de l'implant avant le commencement du traitement orthodontique. La couronne en 36 et les autres coiffes nécessaires sont réalisées dans le dernier temps thérapeutique avant les phases de maintenance (fig. 21 à 24).

Conclusion

Les traitements orthodontiques préprothétiques s'adressent essentiellement aux adultes et, plus rarement, aux enfants. Ils s'intègrent dans une vision thérapeutique globale et pluridisciplinaire où la parodontologie, l'odontologie conservatrice et endodontique, l'occlusodontie, la prothèse et l'implantologie sont intimement liées. L'orthodontie doit s'intégrer dans un traitement pluridisciplinaire et ne doit pas être perçue comme un degré de complexité supplémentaire mais, plutôt, comme un moyen de simplification et de stabilité du traitement. De nombreuses restaurations prothétiques sont dépendantes de l'acceptation d'un traitement orthodontique par le patient.

Lectures conseillées

  • Acharya V, Victor D. Orthodontic management of patients undergoing prosthetic rehabilitation. J Calif Dent Assoc 2015;43:185-191.
  • Asef K. Implants and orthodontics for the general practitioner: a case report describing multidisciplinary treatment. J Can Dent Assoc 2006;72:907-911.
  • Celenza F. Implant interactions with orthodontics. J Evid Based Dent Pract 2012;12 (suppl.):192-201.
  • Comut A, Acharya V, Jahangiri L. Use of forced eruption to enhance a pontic site in the anterior maxilla. J Prosthet Dent 2012 ;108:273-278.
  • Costi A. Préparation orthodontique à l'implantologie. Encycl Med Chir Med Buc 2015:28-670-F-10.
  • Kaku M, Kojima S, Sumi H, Koseki H, Abedini S, Motokawa M et al. Gummy smile and facial profile correction using miniscrew anchorage. Angle Orthod 2012;82:170-177.
  • Korayem M, Flores-Mir C, Nassar U, Olfert K. Implant site development by orthodontic extrusion. A systematic review. Angle Orthod 2008;78:752-760.
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  • Rozencweig S, Muller C. Central incisor and individualizing treatment of the smile due to orthodontics. Orthod Fr 2012;83:97-116.
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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Cynthia Bauer - Interne ODF

CHU de Bordeaux, Unité de médecine bucco-dentaire Pellegrin

Odile Laviole - MCU-PH

UFR d'odontologie de Bordeaux

Unité de médecine bucco-dentaire Xavier Arnozan