Entretien : « La ministre nous ignore »
 
Jérémy Glomet :

Jérémy Glomet : "Le mouvement s'amplifie"

28/02/2017

« La ministre nous ignore »

Entretien

À quelques jours de la grande mobilisation du 3 mars organisée avec les trois syndicats représentatifs et les internes en odontologie, Jérémy Glomet, président de l’UNECD, fait le point pour Clinic sur le mouvement des étudiants.

En grève depuis le 13 janvier, les étudiants ont multiplié les opérations coup de poing à Paris, Rennes, Nantes, Brest, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Nancy, Strasbourg, Lyon et dans bien d’autres villes : caisses primaires d’assurance maladie envahies, voire murées par des parpaings dressés devant l’entrée, opérations escargot, sit-in devant des monuments, blocages de rocades, de ronds-points et même de périphériques, déploiement de banderoles, y compris sur la cathédrale de Strasbourg, mais aussi opérations de prévention, diffusion sur internet de vidéos expliquant les raisons de la grève…

Quel bilan faites vous des actions étudiantes après 7 semaines de grève ?

La part des étudiants grévistes reste extrêmement élevée, entre 85% et 100% selon les facs. Ils mènent de nombreuses actions, très diverses. Mais la ministre nous ignore. Et des étudiants commencent à devenir incontrôlables ; ne sachant plus quoi faire pour être entendus, ils se lancent dans des actions un peu inconsidérées. Ils prennent de plus en plus de risques. À Nancy, quelques uns se sont mis en danger en allant taguer sur l’autoroute en pleine nuit !

Comment la grève est elle perçue dans les centres de soins ?

Il y a eu des pressions pour que les étudiants reprennent le travail dans certains CHU. Malgré tout, le mouvement se poursuit et même s’amplifie. À Rennes, le centre de soins a été bloqué. Les étudiants ne laissent passer que les urgences réelles, renvoyant les autres cas chez les praticiens alentours ou aux urgences classiques. Paris 7 a aussi bloqué sa faculté.

Quels contacts avez-vous eu jusqu’à présent ?

Au début du mouvement, nous avons rencontré un conseiller de Mme Touraine, Emmanuel Bagourd, ainsi que le directeur de l’Assurance maladie, Nicolas Revel. Après la manifestation du 27 janvier, nous avons aussi vu Nicolas Péjus, qui est aujourd’hui directeur de cabinet de la ministre. Nous dialoguons avec des maires et des députés. La semaine dernière nous étions avec Alain Milon, président de la commission des affaires sociales du Sénat qui avait voté contre l’amendement au PLFSS sur le règlement arbitral parce qu’il est « anti démocratique ». L’arbitre Bertrand Fragonard nous a reçus il y a quelques jours

La campagne présidentielle est-elle un moment propice pour le mouvement ?

Très propice. Cette campagne nous permet de voir plus loin que le règlement arbitral. Nous prenons des contacts avec les présidentiables pour voir ce qui pourrait changer. Nous rencontrons l’équipe de santé de François Fillon le 28 février et Nicolas Dupont-Aignan début mars. Nous verrons aussi les autres candidats pour échanger sur les programmes de santé.
L’écho de notre mouvement dans les média et auprès de l’opinion publique nous permet de faire entrer la santé bucco-dentaire dans la campagne présidentielle.

Pensez vous que le message commence à passer dans l’opinion publique ?

Oui, les gens commencent à se rendre compte de l’intérêt du mouvement et à voir les limites de la promesse démagogique de la ministre quand on leur explique que la mise en place de plafonds ne va pas vraiment faire baisser le reste à charge ; que la sécurité sociale n’a jamais revu ses tarifs ; et surtout, que l’on risque d’arriver à un modèle de type low cost. Quand on prend le cas de Dentexia qui a mutilé plus de 2000 patients et coûté plusieurs millions d’euros de réparation à l’État, les gens comprennent ! Ils se rendent compte que nous ne sommes pas dans une démarche de rentabilité à notre profit mais plutôt dans une démarche de qualité de soins que nous voulons pour tous nos patients.

Plusieurs candidats ont présenté leur programme pour la santé à l’invitation de la Mutualité le 21 mars. Quelle est votre réaction ?

L’unanimité des candidats en faveur de la prévention nous donne de bons espoirs sur ce thème pour le prochain quinquennat. Dans le domaine dentaire, trois candidats se sont prononcés, avec chacun leurs nuances. Emmanuel Macron a parlé d’une mise en concurrence au niveau des mutuelles et des chirurgiens-dentistes pour faire baisser le reste à charge. Sur la partie mutuelle, nous pensons que cela permettra d’avoir une meilleure visibilité. En revanche, la mise en concurrence des chirurgiens-dentistes nous crispe. Si c’est pour rendre les devis encore plus transparents qu’ils ne le sont actuellement, par exemple en donnant la provenance de la couronne, on peut en discuter… Mais si cela va plus loin, nous ne sommes pas d’accord car la santé n’est pas un commerce. Nicolas Dupont-Aignan veut un important réinvestissement sur la santé bucco-dentaire pour réduire le reste à charge tout en améliorant la prise en charge par la sécurité sociale. Mais où trouvera-t-il le financement pour faire progresser l’Ondam comme il l’annonce ? François Fillon a encore parlé de petit et de grand risque avec un nouvel organisme qui les distinguera. Nous craignons alors que le dentaire ne soit plus pris en charge par la sécurité sociale mais seulement par les mutuelles. Nous ne le voulons pas car nous sommes défavorables aux réseaux de soins.
Nous sommes donc très partagés sur ces programmes, même si des choses intéressantes ont été dites.

Qu’attendez vous de la manifestation du 3 mars ?

Comme nous le faisons depuis le début du mouvement, nous voulons interpeller les politiques mais aussi surtout faire changer les mentalités, faite comprendre à l’opinion l’intérêt de notre mouvement.

*Plusieurs candidats à l'élection présidentielle sont venus présenter leur programme santé et protection sociale lors du rendez-vous Place de la Santé initié par la Mutualité Française, le 21 février à Paris.

Anne-Chantal de Divonne


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