Implant à la rencontre du Dr Marcel Le Gall
 
Marcel Le Gall s'entretient avec Implant

20/06/2017

Implant à la rencontre
du Dr Marcel Le Gall

30 ans de pratique en implantologie

Le Dr Michel Metz est allé, pour la revue Implant, à la rencontre du Dr Marcel Le Gall, praticien expérimenté, auteur de nombreuses publications autour notamment de l'occlusion ou des rapports entre l'architecture implantaire ou l'environnement osseux. Extraits.

Avec le recul, quel regard portez-vous sur l’implantologie ? Quelles sont vos certitudes ou vos doutes sur l’implantologie contemporaine concernant les domaines chirurgicaux ou prothétiques ?

Depuis l’introduction de l’implantologie ostéo-intégrée, de nombreuses modifications cliniques et/ou des techniques additionnelles ont progressivement permis d’étendre les indications initiales, qui étaient très restrictives. Plus de 30 ans après, il est intéressant d’analyser celles qui se sont révélées pertinentes et celles qui n’ont pu être retenues, et de porter un jugement sur les évolutions de l’implantologie contemporaine avec les doutes et les certitudes que donne le recul.

Six points me paraissent très importants.

Les matériaux implantables. (…) L’amélioration des caractéristiques physiques du titane (grades 2, 3, 4 et 5) a progressivement permis de lever ces restrictions.
Les techniques de greffe et de régénération osseuse. Les techniques et les procédures de chirurgie muco-gingivale mises au point en parodontologie ont trouvé un domaine d’application particulièrement favorable en implantologie. (…)

Les techniques de greffe et de régénération osseuse. L’évolution chirurgicale en implantologie me semble présenter deux facettes : tout d’abord, une simplification des procédures dans les cas favorables présentant un volume osseux suffisant et bien situé. L’évolution des formes des implants a permis de réduire l’étape de pose à un seul temps chirurgical avec réalisation d’une prothèse immédiate. Nos premiers résultats sur 233 cas de prothèse immédiate unitaire (dont 103 directement après extraction) ont été publiés en 2006 (Le Gall M.G., Le Gall N. 2006), avec un taux de succès de 98,7 %. Ensuite et parallèlement, le recours à des chirurgies spécialisées (régénération osseuse guidée, greffes d’augmentation osseuse, élévation de sinus…) a permis d’augmenter considérablement le nombre d’indications implantaires. Les progrès de l’imagerie 3D, de la chirurgie guidée et des matériaux de greffe assurent une meilleure maîtrise des protocoles et l’exploitation optimale des volumes osseux disponibles.

La forme générale du corps de l’implant, ou macrostructure. L’introduction de l’implantologie ostéo-intégrée a été assortie de multiples restrictions et précautions. (…) C’est la comparaison avec les formes des vis utilisées par l’industrie en fonction de la densité et de la résistance des matériaux qui a permis de comprendre la cause des échecs de la prothèse immédiate. Il est apparu que le principe même de la mise en charge immédiate n’était pas à mettre en cause dans les échecs de prothèse immédiate unitaire, car c’est la parfaite immobilité et la stabilité primaire qui permettent au processus d’ostéo-intégration de se réaliser.
Lorsque la forme et les dimensions de l’implant sont bien adaptées à la qualité de l’os support, la stabilité et l’immobilité primaire sont obtenues immédiatement et la prothèse unitaire avec mise en charge est possible, pour autant que seules des forces de stimulation douces soient appliquées les premières semaines pour permettre et accélérer l’adaptation osseuse péri-implantaire.

La connexion prothétique. La tête hexagonale qui facilitait l’insertion et le vissage des premiers implants a également été copiée de l’industrie, mais sa hauteur limitée à 0,7 mm est insuffisante pour assurer une connexion rigide et étanche entre l’implant et son pilier prothétique, avec la présence d’un hiatus (microgap) dont la septicité et les exsudats infectieux faisaient perdre systématiquement 2 ou 3 spires de hauteur osseuse la première année.
J’ai posé mes premiers implants fin 1987, des implants vis en titane usiné, de 3,5, puis 3,8 mm de diamètre, avec des piliers massifs vissés sans indexation. Ces piliers se dévissaient à peu près tous, avec apparition de mucosites, de péri-implantites et de fractures. La solution a été l’application sur le spires d’un produit anti-desserrement d’écrou (Céka-Bond®), similaire au frein-filet de l’industrie. Ce procédé a été utilisé tant que la résistance et l’étanchéité des connexions n’ont pas été fiabilisées

L’état de surface du corps et du col de l’implant ou microstructure, le profil d’émergence. Il n’y avait pas de traitement de surface sur le corps des premiers implants. L’interface avec l’os se faisait directement sur la surface en titane présentant de petites rayures d’usinage (et non polie comme un miroir). L’adhérence de l’os à cette surface se faisait correctement (mais plus lentement), sans risque de péri-implantite car la rétention de plaque dentaire était réduite et l’hygiène aisée.
Divers traitements de surface ont progressivement été proposés, avec pour objectif d’améliorer et/ou d’accélérer l’intégration osseuse des implants. Il en a résulté des états de surface allant d’une rugosité très faible à des surfaces extrêmement rugueuses et très poreuses. Dans ces dernières situations, la décontamination est impossible en cas d’infection, avec un risque très élevé de perte de l’implant. C’est pourquoi les états de surface poreux et très rugueux ont très vite été abandonnés. (...) Les techniques implantaires de transvissage prothétique, les formes d’émergence compliquées de certains implants et leur état de surface rugueux seraient impossibles sur les dents naturelles car, sur ces dents, le descellement accidentel d’une couronne se traduit invariablement par l’apparition de gingivite périphérique et le développement rapide de caries sur la dent porteuse (…).

Le concept occlusal à retenir sur les prothèses implantaires. Le nombre important de fractures observées sur les premiers implants incitait à la prudence sur le volume des restaurations et le choix du schéma occlusal prothétique. Fallait-il qu’ils soient :
− en protection canine ou en mastication réelle ;
− avec des faces occlusales réduites ou aplaties ou avec un volume normal ?
Nous n’avions pas la réponse définitive, mais une des premières publications de 1994 montrait déjà que le schéma en protection canine pouvait laisser des malocclusions pendant la mastication sur les faces occlusales postérieures (Le Gall et al., 1994). Quelles pouvaient en être les conséquences sur l’os péri-implantaire ? La question était encore sans réponse car il était impossible de dire si la perte osseuse crestale était d’origine occlusale ou liée à la forme de l’implant, ou si elle était la conséquence de la contamination permanente de l’espace péri-implantaire par les germes et les toxines issus du hiatus avec le pilier ou la prothèse vissée.(...)

Comment voyez-vous l’implantologie de demain ?

Je vois l’implantologie conserver ses acquis et évoluer vers diverses techniques d’aide à la pose et aux réalisations prothétiques. L’imagerie dynamique 3D les a rendues possibles et, en l’associant d’emblée aux techniques de CFAO, elle permettra de continuer l’évolution vers la simplification. Il est déjà possible :
− d’établir le projet prothétique et d’anticiper si nécessaire le volume osseux à rétablir ;
− de réaliser le guide chirurgical ou d’utiliser des dispositifs d’aide à la pose directe des implants, dans la position et l’orientation prothétique optimales, avec facilité et précision ;
− de réaliser la restauration presque jusqu’à l’équilibration fonctionnelle optimale. Les objectifs implantaires et prothétiques déjà définis comme un rêve dans deux articles de 1992 (Saadoun et Le Gall) et 1996 (Le Gall) sont atteints aisément dans la réalité quotidienne.

Orianne Hurstel, d'après les propos recueillis par Michel Metz


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