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Le duplicata en prothèse complète : indications, réalisations techniques
Le duplicata en prothèse complète : indications, réalisations techniques, un article de Anne-Marie Ferenczi-Troje et Olivier Hüe paru dans le numéro 107 des Cahiers de prothèse en septembre 1999
En raison des difficultés inhérentes à l'élaboration d'une prothèse amovible complète, le praticien peut, pour les résoudre, faire appel à la technique du duplicata. Véritable double d'une restauration prothétique existante, le duplicata est indiqué dans les conditions cliniques suivantes : empreintes de réadaptation chez un patient âgé, mise en condition pré ou post-prothétique, empreinte de réadaptation d'une prothèse immédiate, prothèse de secours. Les quatre procédés de réalisations décrits font appel soit un dispositif original le Duplicator® soit à des techniques classiques de mise en moufle. Ils diffèrent par le temps passé et la qualité obtenue. Le choix d'une technique revient au praticien en fonction des objectifs thérapeutiques auxquels il doit répondre.
Le renouvellement d'une prothèse complète ou la réalisation d'une prothèse amovible immédiate confrontent le praticien aux nombreuses espérances et exigences du patient qu'elles soient biomécaniques, physiologiques, psychologiques et esthétiques [1-2]. Face à ces difficultés, la réponse thérapeutique impose des approches cliniques différentes qui font appel à des solutions techniques particulières auxquelles le « duplicata » contribue de manière importante. Le duplicata est, en effet, un véritable double ou clone de la prothèse. Il correspond à la réplique exacte de l'extrados, de l'intrados et de l'arcade dentaire. Il permet de pallier les exigences esthétiques et psychologiques du patient en ne le privant jamais de sa restauration. Ceci laisse le praticien « libre » de résoudre l'ensemble des difficultés inhérentes aux phases cliniques ou techniques nécessaires au traitement au laboratoire.
Il revient donc au praticien de répondre aux objectifs thérapeutiques définis et de choisir le procédé de réalisation du duplicata le mieux adapté.
La perte des qualités biomécaniques de la prothèse, associée à une conception prothétique erronée et à une esthétique déficiente s'accompagne inévitablement de blessures, de compressions plus ou moins étendues des tissus des surfaces d'appui. Ces altérations entraînent toujours le développement de phénomènes inflammatoires. La « remise en état des tissus », dénommée dès 1964 par J. Lejoyeux, « mise en condition tissulaire » s'impose alors [14]. Elle requiert obligatoirement l'utilisation des résines à prise retardée qui provoque une altération plus ou moins importante, mais toujours irréversible de la prothèse existante. Les conséquences cliniques et juridiques de cette altération sont majeures.
Si pour une raison quelconque (problème de santé, conditions climatiques défavorables, voire grèves des transports), le patient ne peut se rendre à son ou ses rendez-vous, la résine à prise retardée employée (Hydrocast, Fitt, Coe-Confort, etc.) se dégrade, devenant granuleuse et poreuse [15]. Ceci entraîne une augmentation des altérations tissulaires par agressions mécaniques et biochimiques et par une intense contamination bactérienne avec toutes les conséquences que cela entraîne comme, par exemple, les stomatites sous-prothétiques [16-17].
Sur le plan juridique, dans la mesure où le praticien altère la prothèse du patient et n'obtient pas les résultats escomptés, la relation praticien-patient peut être mise à l'épreuve avec des conséquences éventuelles qu'il ne nous appartient pas de développer plus avant.
En fonction de ces remarques, le praticien se doit de réaliser la mise en condition préprothétique avec le duplicata de manière à ne pas altérer la prothèse du patient.
Les séquences opératoires s'établissent ainsi :
La conception totalement erronée de la prothèse existante (plan d'occlusion, esthétique, dimension verticale, etc.) s'oppose à toute mise en condition pré-prothétique [18]. Le praticien est alors conduit à réaliser le traitement de la surface d'appui, dans une phase post-prothétique avec la prothèse nouvellement réalisée. Cette approche doit avoir, au préalable, été expliquée au patient.
Les séquences cliniques s'établissent comme suit :
Pour garnir le premier volet du Duplicator®, cinq doses d'alginate sont préparées selon les indications du fabricant, l'eau étant, si possible, assez froide pour augmenter le temps de gélification et permettre ainsi une spatulation sous-vide (Whip-Mix®, Evident SA) ou par vibrations (R-mix®). L'alginate est déposé de manière à remplir, à ras-bords, le premier volet. À l'aide de la pulpe du doigt, les faces occlusales, embrasures, collets et voûte palatine sont enduits d'alginate pour éviter toute présence de bulles (fig. 2 : L'alginate est appliquée sur les dents et l'extrados).La prothèse est ensuite enfoncée, faces occlusales dirigées vers l'alginate, jusqu'à ce que le matériau affleure les bords prothétiques (fig. 3 : Prothèse enfoncée dans l'alginate). Après gélification, les excédents d'alginate sont éliminés avec une lame coupante (cutter, bistouri), 2 mm sous les bords de la prothèse pour respecter le joint périphérique et jusqu'au ni veau du bord du Duplicator®.
La surface de l'alginate est lubrifiée avec de la vaseline pour prévenir tout futur risque d'adhérence avec l'alginate garnissant le premier volet. Comme préalablement, cinq doses d'alginate sont préparées pour remplir à ras-bords la contrepartie du Duplicator® (fig. 4 : Après isolement de l'alginate avec de la vaseline, la contrepartie est garnie d'alginate). Pour éviter tout manque de matériau, l'intrados de la prothèse est aussi garni d'alginate à la spatule ou au doigt. La boîte est refermée complètement et le système de blocage mis en place (fig. 5 : Duplicator® fermé). Les excédents d'alginate, ayant débordé par les côtés de la boîte, sont éliminés. Après gélification, l'ensemble est ouvert, la prothèse est rendue au patient. Cette manœuvre, exécutée en présence du patient dure 15 minutes environ.
En raison du manque de stabilité dimensionnelle de l'alginate, le duplicata doit être réalisé immédiatement. De la résine chémopolymérisable « dentine » est coulée au niveau des structures dentaires en un temps (fig. 6 : Après retrait de la prothèse, de la résine dentine est coulée au niveau de l'empreinte des dents).Cependant, pour limiter les imprécisions dues aux phénomènes de contraction et distorsions des résines dentine utilisées, il semble préférable de réaliser les dents du duplicata en trois secteurs (deux postérieurs et un antérieur), surtout si les secteurs dentaires ont un volume important. Après polymérisation, les dents sont ébarbées et finies (fig. 7 : Finition des unités dentaires). Dans un deuxième temps, de la résine chémopolymérisable rose est placée au niveau de l'empreinte de la base prothétique puis le Duplicator® est refermé jusqu'à polymérisation (fig. 8 : Après finition des unités dentaires, la résine rose chémopolymérisable est versée sur celles-ci dans l'alginate, avant fermeture du Duplicator®). La prothèse est ensuite terminée (grattage et polissage) (fig. 9 : Duplicata après polymérisation. Et fig. 10 : Duplicata terminé). L'ensemble de cette opération dure environ 1h30 à 1h45 min, phases de polymérisation comprises.
Extrait de l'article Le duplicata en prothèse complète : indications, réalisations techniques paru en septembre 1999, dans le n°107 des Cahiers de prothèse.
Anne-Marie Ferenczi-Troje et Olivier Hüe