Interview de V. Pouysségur pour l'ouvrage "Odontologie gériatrique Optimiser la prise en charge au cabinet dentaire 2e édition"
 
Interview de V. Pouysségur pour l'ouvrage

23/09/2010

Interview de V. Pouysségur pour l'ouvrage "Odontologie gériatrique Optimiser la prise en charge au cabinet dentaire 2e édition"

CdP : Depuis la première édition d’Odontologie gériatrique, en 2001, le vieillissement de la population française s’accentue bien qu’en partie compensé par l’un des meilleurs taux de natalité en Europe. L’odonto-gériatrie a-t-elle connu parallèlement une évolution permettant d’affronter cette situation ?
En effet, depuis plus de 10 ans l’odontologie gériatrique est enseignée dans le cursus des études odontologiques et depuis quelques années apparaissent des chirurgiens-dentistes de plus en plus « gérodonto-conscients ». L’odontologie gériatrique s’inscrit pleinement dans les plans nationaux, « Nutrition Santé », « Anti-douleur », « Solidarité-grand âge », « Bien vieillir »… priorités de santé publique actuelles.
C’est une réalité insuffisante mais de plus en plus prégnante dans les services hospitaliers de gériatrie où les soignants de tous ordres s’alarment d’une santé bucco-dentaire très déficiente pour la plupart des personnes âgées. Elle s’exporte également dans les maisons de retraite où toute une population en perte d’autonomie est exclue de soins dentaires ; ce qui pourrait relever aujourd’hui d’une forme de « maltraitance » !

CdP : Dans votre avant-propos, vous soulignez que « l’allongement de la durée de vie des dents progresse moins vite que celle des hommes »… constat qui donne la mesure du drame vécu par une partie croissante de la population. Dans quel esprit doit-on aborder cette situation de plus en plus préoccupante ?
Pour la première fois de son histoire, la France est un pays vieux, avec les plus de 60 ans plus nombreux que les moins de 20 ans, ce qui atteste de la qualité de vie et de soins dans notre pays. Cependant, force est de constater que la santé buccale des personnes âgées n’est pas le reflet de ce gain de vie en bonne santé car près de 20 % d’entre eux ont perdu les dents de tout un maxillaire et l’hygiène buccale, souvent déficiente, est presque toujours insuffisante.
L’avancée en âge se caractérise par l’apparition de pathologies générales qui menacent de plus en plus le pronostic vital de la personne, reléguant au second plan les pathologies bucco-dentaires moins prioritaires. L’idée que l’on ne meurt pas directement de perdre ses dents a pendant très longtemps fait partie des croyances populaires ; pourtant, aujourd’hui, la santé bucco-dentaire est reconnue comme indicateur de santé générale et des corrélations sont parfaitement établies entre les pathologies de la bouche et du reste du corps, une bouche saine étant nécessaire pour bien vieillir.

CdP : Le grand âge est synonyme de dégénérescence physiologique, sensorielle, cognitive, motrice, ce qui nécessairement influe sur les conditions de soins. Quels peuvent être les risques médicaux encourus du fait d’un « déclin sensoriel » du patient ?
Le déclin sensoriel qui caractérise l’avancée en âge peut se traduire directement par une difficulté d’assurer une hygiène buccale efficace (vision et dextérité manuelle affaiblies), mais également par une mauvaise observance des prescriptions et un risque de iatrogénie médicamenteuse pour cette population polymédiquée. L’isolement, comme issue fréquente de ce déclin, prive les gens de soins nécessaires. Le délabrement de la bouche prive directement la personne de son outil d’alimentation prioritaire et menace rapidement le pronostic vital des personnes âgées vulnérables (malnutrition, dénutrition).

CdP : Au-delà de la fonctionnalité, se pose la question de l’esthétique et de l’auto-estime. Cette dimension n’est-elle pas encore plus importante que pour les autres tranches d’âges ?
L’apparence jeune est un dictat incontournable (repris par le concept de la santé) de nos sociétés pour répondre au rêve de vivre de plus en plus longtemps sans vieillir ! Et le visage avec un sourire, possible, sain, aligné et blanc est le fleuron de notre lutte anti-âge acharnée. En effet, la bouche est un marqueur identitaire très fort, qui stigmatise la vieillesse et la menace de mort à travers son délabrement extrême. Les exigences esthétiques ne cessent donc de croître dans cette population, et bien plus pour vivre que pour manger !
Les personnes âgées édentées et résignées savent combien on peut vivre sans dent… mais mourir aux derniers plaisirs de vivre !
La réhabilitation buccale esthétique et fonctionnelle est aujourd’hui prioritaire pour un vieillissement social et psychologique réussi.

 


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