Innovation : comment se lancer ?
 
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07/12/2021

Innovation : comment se lancer ?

Lors du congrès de l’ADF, qui avait lieu du 23 au 27 novembre à Paris, Isabelle PRÊCHEUR, PU-PH à la faculté de chirurgie dentaire et au CHU de Nice, a partagé de nombreux conseils issus de son expérience personnelle, à ceux et celles qui veulent se lancer dans une démarche d’innovation.

COMMENT CONSTRUIRE SON PROJET D’INNOVATION ?

Il y a trois grands points qui peuvent être bloquants. D’abord, il faut savoir ce qu’est un brevet. « C’est une réponse technique à un problème technique : c’est un produit, un procédé, un logiciel, mais pas une idée », insiste le Pr Prêcheur. Pour en savoir plus, elle recommande le site de l’INPI pour lire des brevets ou le site de l’office européen des brevets (OEB). « Même pour votre thèse, il peut être pertinent de lire et citer des brevets », encourage-t-elle.

Le second point bloquant, c’est comment trouver une idée brevetable. « Il faut chercher des brevets sur le sujet qui vous intéresse, mais aussi aller sur le terrain, observer les comportements, demander aux patients et aux autres professionnels (aides-soignants, ambulanciers), aux familles ou aux aidants ».

Enfin, il faut se renseigner sur les autorisations pour le chercheur. « Vous avez le droit de vous lancer tout seul si vous n’êtes plus salarié de l’université ou de l’hôpital. En revanche, un chercheur isolé n’est pas crédible pour un industriel », met en garde Isabelle Prêcheur. Par ailleurs, « un brevet ne doit avoir fait l’objet d’aucune communication, ni orale, ni écrite. Si vous avez une idée, vous devez apprendre à vous taire », préconise-t-elle.

CRÉER UN LABORATOIRE DE RECHERCHE

De son côté, elle a voulu mettre au point un test de dépistage de la sécheresse buccale, à l’aide d’un biscuit sans sucre et sans arôme pour ne pas déclencher de sécrétion salivaire. « Nous avons fait fabriquer un prototype par le boulanger du quartier et avons validé notre test de dépistage. Il nous fallait ensuite trouver un industriel pour préparer le produit, mais on nous a rétorqué qu’il n’y avait pas de marché », raconte-t-elle.

Elle réalise alors un complément nutritionnel solide, qui peut être mangé quel que soit l’état dentaire, pour les malades dénutris, lassés de manger mou et mixé. « Le pâtissier-chef de l’hôpital nous a fait des biscuits. A ce stade, nous avons créé un laboratoire de recherche. Nous avions besoin d’autres compétences et de financements ». Le laboratoire (Micoralis EA 7354) se donne alors pour objectif de trouver un traitement contre la sécheresse buccale. « A ce moment-là, il faut trouver de l’argent. Et pour en demander, il y a 4 mots magiques : « e-quelque chose », personnes âgées, création d’emplois locaux et développement durable », développe le Pr Prêcheur.

Le laboratoire a découvert que des extraits d’une plante, le Solidago, inhibaient la conversion levure-filaments de Candida albicans et avaient un effet anti-biofilm. « Mais il avait un goût trop tannique pour en faire un bain de bouche. Nous avons alors fait un essai de précipitation à la protéine de lait et nous avons obtenu un goût correct. Nous sommes alors retourné voir l’industriel qui nous a demandé de faire une étude de marché », poursuit-elle. Pour cela, il faut aller sur le terrain faire du benchmarking et répondre aux questions : quel produit ? Quel client final, quel prescripteur ? Qui paye ? Quels circuits de distribution ?

TRAVAILLER AVEC DES EXPERTS JURIDIQUES

« Nous avons demandé l’aide d’un expert de l’industrie pharmaceutique pour faire l’étude de marché et pour trouver les 3 ou 4 partenaires industriels », souligne la praticienne. « Il faut toujours travailler avec des experts juridiques », recommande-t-elle.

L’étape suivante peut être la création d’une startup (Solidages), qui nécessite une convention de collaboration de recherche avec le laboratoire. « Il faut bien choisir ses associés. Moins on est, mieux c’est. Il vaut mieux prendre des sous-traitants plutôt que des associés », estime-t-elle. Si on est fonctionnaire, il faut demander une autorisation au ministère de tutelle.

Ensuite, plusieurs solutions existent pour diriger la structure : soit vous avez 100 % des parts et vous dirigez la startup (mais vous serez 2 ans sans salaire) ; soit vous avez moins de 49 % des parts et il faut trouver un directeur. Dans ce cas vous conservez votre salaire et vous êtes autorisé à consacrer 20 % de votre temps à la startup. « C’est alors le moment de trouver un bureau, un nom, un logo, etc. », détaille le Pr Prêcheur. Il faut également trouver des financements, soit sous forme de subventions, ou de prêt, ou en effectuant une levée de fonds.

Enfin, il faut vendre les produits et là « c’est un autre métier ! », prévient-elle. Il est aussi possible de faire un dossier de remboursement Sécurité sociale, mais aussi de trouver d’autres indications ou produits avec le même brevet. « Attention, car en santé il faut au moins 10 ans pour développer un nouveau produit », conclut-elle.

Anne-Gaëlle Moulun


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