« Le cerveau fait 4 à 6 erreurs par heure »
 
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04/03/2022

« Le cerveau fait 4 à 6 erreurs par heure »

Le 25 mars prochain à Toulouse aura lieu un colloque sur le soignant face à l’erreur, organisé par l’association Facteurs humains en santé. Son vice-président, le Dr Franck Renouard se penche pour CLINIC sur l’erreur dans la pratique quotidienne du chirurgien-dentiste et sur les moyens d’en éviter les conséquences.

CLINIC : QU’EST-CE QUE L’ERREUR ET COMMENT SE DIFFÉRENCIE-T-ELLE DE LA FAUTE ?

Dr Franck Renouard : La définition de l’erreur, c’est lorsque vous avez une différence entre l’intention et le résultat.Vous voulez bien faire, mais cela ne se passe pas comme vous l’aviez prévu. Par exemple, vous avez un patient chez qui vous ne devez pas mettre d’adrénaline, vous le savez, mais le jour de l’intervention, vous êtes distrait, vous prenez l’ampoule avec adrénaline et vous injectez.

L’erreur est différente de la faute qui, elle, est due à la négligence. Par exemple : « le patient a une infection mais je m’en moque, je fais quand même le soin ».

On passe notre temps à faire des erreurs, mais c’est banal. Notre cerveau fait 4 à 6 erreurs par heure. Souvent on ne la note même pas car elle n’a aucune conséquence. La raison de l’erreur en médecine est la même qui fait qu’on sort de sa voiture en oubliant d’éteindre ses phares ! Le problème, c’est que nos erreurs peuvent avoir des conséquences, par exemple quand on injecte un mauvais produit. Au cabinet dentaire, le risque n’est pas tant de tuer les gens, mais plutôt de pouvoir les blesser ou d’avoir des problèmes d’organisation.

QUEL EST L’IMPACT DU STRESS SUR LA SURVENUE D’ERREURS ?

Le stress est l’un des gros pourvoyeurs d’erreurs. C’est une réaction physiologique normale développée pour se protéger en cas de danger. L’inconvénient, c’est qu’il court-circuite le cerveau préfrontal, qui n’est pas nécessaire dans cette situation. Lorsqu’on est soumis au stress, on n’a pas de contrôle de notre activité : on agit par routine, mais cela n’est pas forcément approprié. La réaction peut être adaptée si vous avez de l’expérience ou si vous avez fait de la simulation. Il y a des moyens de diminuer la stressabilité, avec des exercices sur soi-même, comme de la respiration ou de la sophrologie par exemple. Il est aussi possible de jouer sur les facteurs de stress (communication inefficace dans l'équipe, pression temporelle, matériel manquant, etc.). On peut contrôler certains de ces stresseurs pour réduire le stress.

QUELS SONT LES MOYENS D’ÉVITER LES ERREURS OU D’EN ÉVITER LES CONSÉQUENCES ?

La première chose à faire est d’accepter son erreur et l’erreur des gens autour de soi. Il faut notamment éviter que l’assistante qui a fait une erreur la cache.

La deuxième, c’est l’utilisation de check-list. Ça paraît tout bête, mais c’est un verrou de sécurité. Cela prend quelques secondes pour vérifier que tout est bien là : le bon patient, qui a bien pris sa médication, qui a son dossier médical bien rempli, etc. 

La troisième chose, c’est le « cockpit stérile » : quand vous travaillez, vous ne devez pas être dérangé. En effet, le cerveau ne peut pas gérer deux choses en même temps. En aviation, la règle du cockpit stérile c’est : en dessous de 10 000 pieds vous n’avez pas le droit de faire autre chose que la tâche à exécuter. Si l’assistante vient nous dire en plein milieu d’un soin que le patient suivant est en retard, on se déconnecte de l’action en cours. Et quand on revient au soin, on peut avoir des « troubles de la mémoire source » et penser avoir fait un acte alors qu’on ne l’a pas fait. Ces troubles sont liés à l’interruption de tâche. Une étude dans un centre hospitalier en Angleterre a permis de montrer une diminution de 42 % de l’erreur procédurale en mettant en place le cockpit stérile.

Par ailleurs, chez les dentistes, nous avons du travail à faire sur l’identification des menaces, c’est-à-dire une personne, une activité, un environnement ou une situation qui potentialise le risque d’erreur. Il faut alors se mettre en alerte par exemple si vous soignez quelqu’un de votre famille, ou si vous avez une assistante débutante ou malade.

Enfin, le briefing-débriefing est aussi une bonne habitude à avoir pour limiter les erreurs : le matin, vous prenez 5 minutes, debout, pour analyser la journée et signaler, par exemple, qu’un patient est allergique au latex. Ainsi, c’est vous qui dirigez et pas la journée qui vous pilote. Cela met les gens en confiance et permet la communication. Enfin, le débriefing en fin de journée permet de revenir sur ce qui s’est bien passé et sur les choses à améliorer. Il faut être dans la communication positive et pas dans la critique. Toutes ces notions devraient être intégrées dans les formations.

Colloque Le soignant face à l’erreur, organisé par l’association Facteurs humains en santé

Pour aller plus loin :

*podcast sur l’erreur 

*conférence vidéo 

Propos recueillis par Anne-Gaëlle Moulun

Les dernières réactions

  • 14/03/2022 à 12:25
    sourire
    alerter
    Il n' est jamais, jamais, jamais fait mention du laboratoire de prothèse dentaire à qui le cabinet impose journellement des stress qui perturbent dangereusement l' obligation de résultat auquel il doit répondre, le patient est par contre toujours victime de cet état de fait !!.


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