Comment protéger son conjoint ? - Clinic n° 01 du 01/01/2010
 

Clinic n° 01 du 01/01/2010

 

PRÉVOYANCE

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

contact@grosselin-ega.fr

L'exercice libéral incite le chirurgien-dentiste à être marié sous un régime de séparation de biens qui peut accroître les difficultés de son conjoint en cas de décès. Quelles sont les précautions élémentaires ? Réponses.

La période de sa vie pendant laquelle le chirurgien-dentiste libéral ne possède rien est courte. Dès qu'il contracte son premier emprunt, il détient un patrimoine qui se verrait dégagé de sa dette s'il venait à décéder. L'emprunt, assorti de son assurance décès, est donc un moyen de protéger son conjoint, pour autant que l'actif (la valeur du bien financé) soit supérieur au passif qu'est le capital restant dû. Malheureusement, cela est rarement le cas du fait conjugué des difficultés à céder un cabinet et du coût des aménagements des locaux spécifiques à un cabinet dentaire. Bref, seul l'immobilier classique, celui qui peut trouver un preneur qui n'est pas nécessairement chirurgien-dentiste, constitue une richesse susceptible d'apporter un oxygène matériel au conjoint survivant.

En pratique, un chirurgien-dentiste qui entre dans la vie libérale reste en déficit patrimonial pendant plusieurs années. Il est donc impératif d'assurer la protection financière de son conjoint par la souscription d'une assurance décès dont le capital assuré sera adapté aux besoins, ceux-ci pouvant être durables.

Ainsi, pour disposer de 2 000 ? par mois en consommant son capital dont le rendement est de 3 % (attention à l'inflation !) et pendant 15 ans, il faut que l'assurance ait servi 300 000 ? de capital. Quand on mesure la modicité de la pension de réversion du régime de retraite obligatoire, on retiendra que ce montant ne constitue pas l'incompressible d'un jeune couple mais aussi celui de nombre de ménages en fin de carrière.

Pour mesurer son besoin de couverture, il faut connaître les attributions légales du patrimoine du défunt à son conjoint marié au titre de la succession. En présence d'au moins un enfant, le conjoint peut choisir entre un quart en pleine propriété ou la totalité en usufruit, ce choix étant réduit à la première proposition si l'enfant du défunt n'est pas celui du conjoint. Cette attribution s'accroît significativement s'il y a eu, chez le notaire, signature d'une donation dite au dernier vivant. Sa formalisation est peu coûteuse et révocable.

Assurance décès et donation au dernier vivant constituent les démarches de base. L'épargne financière sera capitalisée dans le cadre de l'assurance vie, dont la clause bénéficiaire des contrats sera libellée au profit du conjoint, celui-ci n'étant attributaire que de l'usufruit, dans le cadre d'une convention de quasi-usufruit permettant de consommer tout le capital si les enfants sont grands.

Nombre de praticiens veulent associer leur conjoint, épouse le plus souvent, à l'enrichissement du ménage en le titrant chez le notaire lors d'un achat immobilier. La résidence principale peut être acquise par les deux époux, y compris si un seul supporte la charge de remboursement de l'emprunt.

Le deuxième achat de base du chirurgien-dentiste est habituellement son local professionnel. Chacun sait que le cadre juridique de la SCI est adapté et comme une société ne peut être créée par une seule personne, le conjoint permet, d'une part, de constituer la société et, d'autre part, de profiter d'un enrichissement individuel. Mais il faut être prudent dans la démarche et mesurer les incidences sur l'avenir, en particulier si un jour il y a lieu de céder des parts à un associé dans le cabinet. Une convention prévoyant la vente en priorité des parts de l'époux n'exerçant pas représente une sécurité. Cette opération le dotera d'un capital « décorrélé » du cabinet dentaire, capital qui sera habituellement placé sur un contrat d'assurance-vie qu'on aura eu la sagesse d'ouvrir, ne serait-ce que pour prendre date, longtemps auparavant.

Assurance décès, mariage (ou PACS), donation au dernier vivant, assurance vie, immobilier et Madelin ?

Le régime Madelin participe naturellement à l'organisation prévoyante d'un praticien. Tout comme l'assurance vie, destinée à compléter ses ressources après la cessation d'activité, il constitue un outil de protection du conjoint en cas de décès prématuré. Au regard des besoins estimés (l'estimation ne peut être qu'individuelle), on accroîtra le niveau des cotisations en l'absence de patrimoine ou de perspective d'héritage et inversement, dans le cas contraire. À l'heure du dénouement, lorsqu'il s'agit de choisir le pourcentage de réversion, la décision est, là aussi, individuelle : de 0 à 200 %.

Mon conseil

Matthieu GROSSELIN, conseil en gestion de patrimoine - cabinet EGA

Lorsque le conjoint interrompt ou renonce à sa propre carrière, en particulier pour élever ses enfants, l'époux chirurgien-dentiste recourt habituellement à deux moyens ayant pour objet d'assurer un capital à son conjoint en cas de son décès.

Le partage (pas nécessairement égalitaire) des parts de la SCI qui acquiert les murs du cabinet dentaire, donc à la création, constitue une démarche habile à la condition, pour le praticien, de conserver la maîtrise de la jouissance de ses locaux. Il sera donc seul gérant de la société afin de ne pas remettre en cause le renouvellement du bail s'il y avait un jour conflit au sein du couple. Il faut aussi exprimer l'engagement du conjoint de céder ses parts s'il y a cession d'une fraction du cabinet à un futur associé.

La donation au conjoint en cours de vie (et non au décès) est d'usage plus récent, du fait d'incitations fiscales, puisque les donations entre époux sont exonérées de droits à hauteur de 80 000 ¤ environ tous les 6 ans. S'il est vrai que cette démarche est parfois déterminée par l'objectif de doter son conjoint pour mieux transmettre ensuite aux enfants, l'opération transfère du patrimoine au conjoint (ou au partenaire d'un PACS). Il faut savoir que, depuis la réforme du divorce en 2004, les donations consenties entre époux ne sont plus révocables. Donner c'est donner.

Après le départ de mon associé, je me retrouve seul dans notre SCM. L'Ordre me demande de la dissoudre...

Vous avez tout intérêt à la conserver car elle pourrait vous être utile un jour. Seul « un tiers qui y a intérêt » peut exiger sa dissolution. Certains ordres départementaux soutiennent que la dissolution est nécessitée par l'extinction de l'objet social qui consiste à faciliter l'exercice de ses membres par la mise en commun de moyens. La Cour de cassation a jugé, le 15 septembre 2009, qu'une SCM qui ne comporte plus qu'un seul associé peut toujours exercer son activité.

Vous avez exprimé votre préoccupation sur l'avenir de certains fonds en euros de contrats en assurance vie (Clinic, avril 2009). Qu'en est-il ?

Il faudra attendre fin janvier pour voir clair dans la déferlante des communiqués relatifs aux taux 2009. Les pouvoirs publics sont déterminés à sanctionner les distributions trop généreuses ou les taux garantis excessifs puisque ceux-ci sont plafonnés par la loi. Pour se faire une opinion sur le fonds en euros de ses contrats, il faut s'astreindre à étudier la nature de ses actifs et le montant de ses réserves.

J'aide financièrement mes parents âgés. Puis-je bénéficier de déductions fiscales ?

Les dépenses que vous réglez pour le compte de vos parents sont déductibles de votre revenu imposable, pour autant que vous ne déduisiez pas une pension. Vous devez conserver les justificatifs de ces frais réels qui doivent être considérés comme indispensables : loyer, maison de retraite, EDF... Si vous payez vous-même le salaire de l'employée de maison travaillant au domicile de vos parents, vous pouvez bénéficier de l'exonération d'impôt pour emplois familiaux.