Philippe Laperche défie l’océan en solitaire - Clinic n° 10 du 01/11/2010
 

Clinic n° 10 du 01/11/2010

 

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PASSIONS

Fanny GRÉGOIRE  

Amateur, mais dilettante en rien, Philippe Laperche est parti de Saint-Malo le 31 octobre pour la Route du Rhum. Chirurgien-dentiste à Auray, il s’est préparé à fond depuis un an. Un challenge personnel à 41 ans, fruit d’une passion partagée en famille – son épouse et leurs deux fils – et… au cabinet.

Pourquoi se lancer dans une telle aventure ?

Après dix ans de course, en équipage et en solitaire – au début des années 1990, j’ai fait quatre fois la course du Figaro – suivis d’une dizaine d’années où je me suis totalement investi dans mon activité professionnelle et ma vie de famille, j’ai ressenti l’envie de me lancer ce défi.

D’où vient le nom du bateau ?

Avec mon épouse, nous avons acheté un trimaran dans une catégorie mixte, encore accessible, qui s’appelait Gamin (Multi 50). Nous lui avons donné un nom fédérateur « La mer révèle nos sens », qui exprime les valeurs de respect du milieu marin, auquel pourraient se rattacher nos principaux sponsors, Yslab, entreprise de biotechnologie marine, Soliance, fabricant de cosmétiques, et IPP Pharma.

Comment vous est venu le goût de la voile ?

C’est mon père qui m’a initié au bateau, enfant, sur les lacs proches de Nancy où j’ai vécu jusqu’à quatorze ans avant d’habiter Nantes. Pendant les vacances d’été, chez mes grands-parents à Royan, j’ai suivi l’école de voile, suis devenu moniteur… Puis j’ai eu la chance d’embarquer en tant qu’équipier sur des superbes bateaux, notamment avec Laurent Bourgnon sur le trimaran Primagaz.

Et celui de la compétition ?

(Rires) Je crois qu’il est dans ma nature. C’est une forme d’exigence poussée à l’extrême pour un objectif à atteindre, sur un bateau en mer comme au fauteuil avec un plan de traitement délicat.

Quels autres points communs entre le marin et le chirurgien-dentiste ?

L’intérêt pour la mécanique, les bons matériaux et leur biocompatibilité ! Les problèmes de corrosion que l’on rencontre en mer ne sont pas si différents des problèmes d’oxydation que l’on rencontre en bouche. Dans les deux cas, il s’agit d’un milieu aqueux salin. J’ajouterai, d’une façon plus générale, que la course en solitaire demande une grande rigueur et que cette seconde activité s’avère tout aussi exigeante en termes d’investissement personnel que la première.

Avez-vous privilégié un métier qui vous permet de naviguer ?

J’ai un esprit scientifique et j’ai toujours été attiré par la mécanique, la technologie et tout ce qui demande de s’intéresser au détail, ce qui m’a permis d’envisager la dentisterie. Ma rencontre avec Marc Raffray, chirurgien-dentiste à Nantes, avec qui j’ai gagné les championnats de France et de Bretagne de Requin, n’est peut-être pas non plus étrangère à mon choix.

La médecine dentaire est aussi une passion ?

De nature, je suis un passionné et ce que je fais, j’aime le faire à fond. Installé d’abord en zone rurale, en plein centre de la Bretagne, je me suis totalement investi professionnellement. Afin de pouvoir faire face à toutes les situations en cabinet, je me suis perfectionné à Paris V en anatomie, chirurgie et implantologie. J’ai beaucoup appris auprès de Jean-François Gaudy, de Bernard Cannas, Luc Gillot (Sapo Implants) et Thierry Gorce (Sapo Clinique), avant d’encadrer à mon tour les travaux pratiques.

Qu’est-ce qui vous permet de courir serein ?

Le soutien de mes partenaires et l’appui de mon associé. Pierre Puig, directeur d’IPP Pharma – société avec laquelle je travaille depuis 6 ans – m’a encouragé dans mon projet et a toujours été présent professionnellement, depuis le début. Bertrand Pilard, mon associé, Françoise et Élodie mes assistantes, ont fait preuve de toute la compréhension et de toute la souplesse possibles. Au cours de ces dix dernières années, j’ai mis en place des protocoles de soin avec une grande rigueur. Mon équipe les a parfaitement intégrés ainsi que ma collaboratrice, Marie Civel, très performante, qui se donne à fond dans tout ce qu’elle entreprend.

Ne craignez-vous pas la pression, très forte dans cette course ?

Non, car je ne suis pas professionnel.S’engager à donner une information chaque jour sur Internet n’est pas une vraie contrainte. Je me mets tout seul la pression. Avec un bateau qui a remporté deux fois la route du Rhum mais qui a aujourd’hui dix-neuf ans, je me suis fixé d’arriver entre la 5e et la 8e place. Un objectif raisonnable. Avant tout, je veux bien gérer ma route, faire une belle course.

Sous le signe de la diversité

Depuis 1978, de Saint-Malo à Pointe-à-Pitre, la Route du Rhum – La Banque Postale s’effectue en solitaire. Elle a lieu tous les quatre ans et rassemble sur le même parcours monocoques, multicoques, petits coursiers et géants des mers, skippeurs professionnels et amateurs. Cette 9e édition enregistre une participation record avec plus de 80 bateaux dans cinq catégories.