L’examen clinique en prothèse complète ou comment influer sur le « succès prothétique » - Clinic n° 07 du 01/07/2015
 

Clinic n° 07 du 01/07/2015

 

PROTHÈSE COMPLÈTE

Alexandre Itic*   Adeline Braud**   Stéphane Escure***   Marie-Violaine Berteretche****  


*Assistant hospitalo-universitaire
**Université Paris Diderot-Paris 7
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
***Maître de conférences des Universités,
praticien hospitalier
****Université Paris Diderot-Paris 7
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
*****Maître de conférences des Universités,
praticien hospitalier
******Université Paris Diderot-Paris 7
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
*******Professeur des Universités,
praticien hospitalier
********Université Paris Diderot-Paris 7
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris

Si l’essor de l’implantologie a réduit le champ d’application de la prothèse adjointe, il ne permet pas de traiter l’ensemble des situations cliniques auxquelles le chirurgien-dentiste peut être confronté. La prothèse adjointe conserve ainsi de nombreuses indications mais, dès l’examen clinique initial, certaines particularités anatomiques peuvent compromettre le succès du traitement si elles ne sont pas dépistées.

En prothèse complète, comme dans toute restauration prothétique, l’examen clinique occupe une place déterminante dans la conduite du traitement ainsi que, indirectement, dans le succès et la pérennité de la restauration prothétique. L’objectif de cet article est de mettre en évidence les éléments défavorables à la réussite de la thérapeutique, facteurs qui, eux-mêmes, vont influer sur la conduite des différentes étapes de la réalisation prothétique.

La composante « psychologique » est, bien entendu, un élément à ne pas négliger ; la personnalité du patient, le rôle de son entourage et la relation praticien-patient vont interférer et, pour certains auteurs, être déterminants pour le succès ou l’échec du traitement. L’analyse des motifs de la consultation, des « reproches » vis-à-vis des anciennes prothèses et des attentes par rapport au futur traitement est par ailleurs essentielle. Les attentes irréalistes doivent d’emblée être contrôlées ; les espérances inconsidérées du patient peuvent amener à ne pas refaire l’ancienne prothèse répondant aux critères académiques de la prothèse complète et n’étant pas à l’origine de lésions au niveau de la cavité buccale.

Sur le plan général, différentes affections peuvent interférer lors de la réalisation prothétique, gêner le maintien d’une bonne hygiène de la cavité buccale et des prothèses, être responsables d’un inconfort relatif au port de prothèses complètes. Ces affections (neurologiques, articulaires, ophtalmiques…?), associées aux effets secondaires de la pharmacopée (la prise de nombreux médicaments entraîne une réduction de la sécrétion salivaire), devront être identifiées lors du questionnaire médical rempli par le patient, ce dernier étant alors informé de ces conséquences vis-à-vis du traitement prothétique.

La salive est plus particulièrement un élément déterminant :

• sa présence est indispensable à l’interface muco-prothétique, elle contribue aux phénomènes d’adhésion et donc à la rétention prothétique ;

• elle est essentielle dans le maintien de l’hygiène ;

• elle contribue au confort du patient en réalisant une interface entre l’intrados prothétique et la muqueuse.

L’absence de salive ou une hyposialie peut être détectée par le passage du doigt sur la muqueuse, révélant une sensation d’adhérence ; a contrario, l’étirement du film salivaire entre deux doigts signe une salive muqueuse de bonne qualité.

Sur le plan biomécanique, la conception d’une prothèse complète obéit à la triade de Housset : sustentation, stabilisation, rétention. L’examen clinique locorégional et, plus encore, les caractéristiques anatomo-physiologiques des structures endobuccales permettent, dès le rendez-vous initial, de mettre en évidence les facteurs qui influeront positivement ou négativement sur l’établissement d’une prothèse complète stable et rétentive, tout en assurant la pérennité des surfaces d’appui de la prothèse et le rétablissement de l’ensemble des fonctions physiologiques.

Examen clinique locorégional

Les tissus mous périphériques, les muscles masticateurs, les muscles faciaux et les orbiculaires des lèvres participent de façon directe ou indirecte à la rétention prothétique. Le tonus musculaire, les extérocepteurs à la face interne des joues et des lèvres, qui contribuent à la stabilité prothétique, « s’appuient » sur les surfaces polies stabilisatrices prothétiques.

Lors de l’examen clinique, chez des patients présentant une tonicité musculaire très marquée ainsi que des lèvres courtes et très toniques, une attention particulière devra être portée aux empreintes et, plus particulièrement, au positionnement du bourrelet (préfigurant la position future des dents prothétiques) sur le porte-empreinte individuel pour éviter toute interférence générant instabilité et perte de la rétention prothétique (fig. 1 et 2). Le profil de la future prothèse doit en effet être en harmonie avec les organes paraprothétiques. De même, chez des patients très âgés, dont la puissance musculaire est réduite, la situation n’est pas très favorable et les extrados prothétiques devront respecter l’équilibre musculaire tout en compensant les phénomènes de résorption osseuse et en assurant un soutien des tissus périphériques.

Examen clinique endobuccal

Muqueuse buccale

Pour assurer une sustentation optimale lors de la réalisation d’une prothèse complète, « l’exploitation? » d’une surface d’appui maximale doit être prise en compte. L’adaptation tissulaire aux charges appliquées intervient alors de façon « physiologique  ».

Cependant, un certain nombre d’anomalies et d’altérations de la muqueuse buccale au niveau des surfaces édentées peuvent se développer : hyperplasies, crêtes flottantes, chéilites angulaires. Il est alors impératif d’identifier leur étiologie et de définir la conduite à tenir vis-à-vis d’elles, qu’il s’agisse d’un renouvellement de la prothèse ou d’un suivi prothétique…

Hyperplasies muqueuses

Description et origine

Les hyperplasies muqueuses se développent communément chez les patients porteurs d’une prothèse adjointe inadaptée. Elles se situent entre les crêtes édentées et la ligne de réflexion muqueuse. La muqueuse est érythémateuse et présente des replis qui peuvent être inflammatoires et ulcérés, cette hyperplasie muqueuse est simple ou multiple (on parle communément de lésions en « feuillet de livre »). La taille des lésions peut varier de petites hyperplasies localisées de moins de 1 cm jusqu’à des lésions massives englobant le vestibule sur toute sa longueur (fig. 3).

Ces lésions sont le résultat d’un traumatisme chronique par les bords d’une prothèse instable ou inadaptée en relation avec une résorption de la surface d’appui, par des bords prothétiques trop fins et/ou en surextension. Des facteurs supplémentaires, tels une hygiène orale et prothétique insuffisante, l’âge et/ou le port continu des prothèses, favorisent leur développement et l’apparition d’une infection par Candida albicans.

Conséquences

La présence de ces hyperplasies muqueuses engendre pour les patients inconfort et, le plus fréquemment, douleurs. Sur le plan prothétique, elles correspondent le plus souvent à un défaut du joint périphérique à leur niveau et, donc, à une perte de rétention. La réalisation d’une nouvelle prothèse ne peut être envisagée sans l’involution de ces lésions.

Comment les gérer ?

Généralement le retrait des prothèses défectueuses, voire leur correction, permet l’involution de ces hyperplasies, ce qui permet de réaliser de nouvelles prothèses correctement adaptées. L’application d’une thérapie antifongique topique peut améliorer la situation. Dans les cas avancés, une approche chirurgicale peut être envisagée avec la réalisation de nouvelles prothèses.

Crêtes flottantes

Description et origine

Les crêtes flottantes peuvent être définies comme des zones muqueuses mobiles, car peu adhérentes au plan osseux profond. Elles seraient dues au développement hyperplasique de tissus fibreux remplaçant l’os alvéolaire résorbé. C’est la nature des tissus sous-jacents qui évolue et non le volume de la crête. Elles sont plus ou moins localisées, fréquemment retrouvées au maxillaire dans le secteur incisivo-canin (voire prémolaire-prémolaire) dans les cas de prothèse unimaxillaire avec présence du bloc incisivo-canin mandibulaire. Leur prévalence serait de 24 % au maxillaire et de 5 % à la mandibule (fig. 4).

Conséquences

La présence des crêtes flottante engendre une instabilité prothétique conduisant à un déplacement de la prothèse, donc, de manière indirecte, à une diminution de rétention prothétique. Lors de la mastication plus particulièrement, les forces masticatoires entraînent le déplacement de ce tissu mobile sous la prothèse ce qui engendre une rupture du joint périphérique et une perte plus ou moins totale de la rétention.

Comment les gérer ?

Deux attitudes thérapeutiques peuvent être adoptées vis-à-vis des crêtes flottantes :

• soit une approche chirurgicale, avec suppression complète de ces tissus non adhérents au plan osseux. L’avantage de l’élimination des tissus flottants est de « retrouver » une surface d’appui recouverte de tissu adhérent qui favorise la stabilité prothétique. Cependant, cela entraîne également une réduction de la hauteur de la crête qui participe positivement à l’établissement du joint périphérique. Par conséquent, l’élimination d’une crête flottante peut avoir un impact négatif sur les qualités biomécaniques de la future prothèse lorsque la résorption osseuse est majeure, car elle aboutit à l’émergence d’une surface maxillaire plane avec des possibilités très limitées d’établir un joint périphérique. Une crête flottante est parfois préférable à plus du tout de crête ;

• soit une attitude « conservatrice », dont les conséquences sont une très grande rigueur non seulement lors de la réalisation technique des empreintes mais aussi lors de la gestion de l’occlusion.

Conséquences sur la prise d’empreintes

Les empreintes primaires et secondaires devront toujours, quelle que soit la technique utilisée, être réalisées à l’aide de matériaux d’empreinte non compressifs.

L’empreinte primaire devrait être réalisée préférentiellement au plâtre, sinon à l’aide d’un alginate fluide pour lequel le dosage de l’eau pourra être surévalué, et en utilisant un porte-empreinte perforé. Au stade de l’empreinte secondaire, le porte-empreinte individuel sera ouvert en regard de la crête flottante et, après enregistrement des tissus adhérents de la surface d’appui édentée, un matériau fluide non compressif sera injecté au niveau de la crête flottante en prenant garde à ne pas déplacer les tissus mous.

Conséquences sur l’occlusion

Le schéma occlusal est inchangé, l’occlusion est bilatéralement équilibrée et, lors de l’insertion prothétique, une attention particulière devra être portée à l’équilibration occlusale.

Chéilites angulaires

Description et origine

Ces lésions, appelées également perlèche, affectent la commissure labiale. Elles apparaissent comme un érythème à l’angle de la cavité orale, intéressant simultanément les tissus cutanés et muqueux. Des plicatures apparaissent qui, avec le temps, peuvent saigner et former des croûtes en séchant. Elles sont le plus souvent d’origine infectieuse (levures, staphylocoques, streptocoques…) mais plusieurs facteurs étiologiques peuvent interagir et le port de prothèse adjointe est un facteur les favorisant (prévalence entre 8 à 30 % chez les porteurs de prothèse). En effet, une dimension verticale sous-évaluée est à l’origine de plicatures au niveau des commissures labiales ainsi qu’un montage des dents prothétiques erroné (dents placées trop lingualement) et un défaut des extrados prothétiques n’assurant pas le soutien nécessaire des joues et des lèvres. Une avitaminose, avec déficience en vitamine B, ou une simple anémie avec un déficit plasmatique en fer sont aussi des facteurs de prédisposition à ne pas négliger.

Conséquences

La présence de perlèche est inconfortable et douloureuse pour le patient, rendant l’insertion de la prothèse délicate. La réalisation d’une nouvelle prothèse à une dimension verticale satisfaisante, en respectant le couloir prothétique lors du montage des dents, ainsi que le modelage des extrados pour rétablir le soutien des tissus mous participe à la résolution de ces lésions. Cependant, la limitation de l’ouverture buccale liée aux douleurs au niveau des commissures impose de traiter préalablement ces lésions.

Comment les gérer ?

Deux attitudes thérapeutiques peuvent être adoptées :

• hygiène renforcée de la cavité buccale et des prothèses existantes :

– des conseils doivent être prodigués au patient avec prescription de bains de bouche à la chlorhexidine après brossage des muqueuses et de la langue à l’aide d’une brosse à dents souple,

– brossage de la prothèse après chaque repas (brosse pour prothèse), passage dans un bain de bouche à la chlorhexidine pendant 15 minutes et port discontinu de la prothèse avec retrait pendant la nuit ;

• traitement antifongique. Stomatite prothétique et chéilites angulaires sont fréquemment associées, un traitement antifongique agissant sur les candidoses peut être indiqué (amphotéricine B ou nystatine, par exemple) en association à une hygiène rigoureuse de la cavité buccale et de la prothèse.

Insertions musculaires atypiques

Description et origine

L’examen clinique endobuccal doit permettre de juger le niveau et la mobilité des insertions musculaires et ligamentaires périphériques à la surface d’appui prothétique ainsi que les limites de leurs déplacements.

Les insertions musculaires sont généralement ponctuelles et l’enveloppe de leurs mouvements dessine un triangle dont la base est apicale à la crête alvéolaire. L’insertion est parfois étendue sur la crête : on parle d’insertion en nappe (fig. 5). Certains muscles, tel le buccinateur, peuvent avoir des insertions atypiques sur les crêtes osseuses, généralement immédiatement en avant de la tubérosité. Des insertion atypiques peuvent aussi être d’origine post-chirurgicale (fig. 6).

Il faut mobiliser les joues de manière à tendre ces insertions musculaires pour pouvoir les visualiser.

Conséquences

Lors des mouvements masticatoires et lors de la phonation, les insertions musculaires et ligamentaires vont déplacer la ligne de réflexion muqueuse à la limite entre la gencive libre et la gencive attachée. Cela peut entraîner un déplacement de la prothèse et une perte du joint périphérique si ces insertions ne sont pas correctement enregistrées lors de l’empreinte secondaire. En effet, l’obtention d’une surface d’appui prothétique maximale (pour favoriser la sustentation) ne doit pas se faire aux dépens de la rétention prothétique. L’empreinte secondaire, avec un enregistrement précis du joint périphérique, reste la garante de cette rétention directe.

Comment les enregistrer ?

Pour enregistrer l’enveloppe du mouvement des différentes insertions périphériques, la réalisation d’une empreinte secondaire à l’aide d’un porte-?empreinte individuel est indispensable. Les matériaux adaptés à l’enregistrement de ce joint peuvent être soit des matériaux thermoplastiques visqueux mais peu compressifs, tels la pâte de Kerr®, soit des polyéthers comme la Permadyne® (3M).

Tissus osseux

Comme l’examen de la muqueuse buccale, l’examen du tissu osseux doit être envisagé lors de l’examen clinique ; son volume (degré de résorption) et la présence d’éléments particuliers pouvant interférer avec le traitement et/ou le succès du traitement retiendront l’attention.

Exostoses osseuses

Description et origine

Le terme d’exostose décrit des « protubérances » osseuses localisées, non pathologiques. Leur étiologie serait multifactorielle, incluant des facteurs génétiques, environnementaux, voire parafonctionnels. Deux des exostoses des plus communes sont les tori palatins et mandibulaires.

Le torus palatin est une exostose qui se développe au niveau de la suture palatine intermaxillaire. Il peut se limiter à une proéminence médiane localisée ou s’étendre le long de la suture palatine allant jusqu’à interférer avec la région du voile du palais. De même, dans sa forme, il peut être plat, en fuseau, nodulaire, voire multilobulé (fig. 7).

Les tori mandibulaires sont des exostoses que l’on retrouve sur la face linguale du corps de la mandibule, généralement en regard de l’apex de canines ou des prémolaires et de façon bilatérale (fig. 8). Leur apparition semblerait être corrélée à l’existence de parafonctions (« hyperfonction » masticatoire) associées à la forme de la mandibule.

Conséquences

L’incidence d’un torus palatin sur les qualités biomécaniques de la prothèse complète est corrélée à la fois à sa taille, à sa localisation mais aussi à la gestion de cette exostose lors de la réalisation prothétique. Il peut être à l’origine d’une instabilité prothétique : la prothèse « bascule » autour du torus si une surpression existait lors de l’empreinte secondaire (compression avec le porte-empreinte individuel ou avec le matériau d’empreinte par exemple). La présence d’un torus très étendu (forme « gigantesque ») peut interférer sur l’étendue de la surface d’appui édentée exploitable et interférer négativement sur la sustentation prothétique. Enfin, si la position du torus interfère avec la ligne de vibration antérieure du voile du palais, il empêche l’établissement du joint postérieur et, par conséquent, l’étanchéité du joint périphérique ; la rétention prothétique est compromise.

Comme pour le torus palatin, le volume et la situation même des tori déterminent l’impact éventuel de ces structures sur la restauration prothétique. Recouverts d’une muqueuse fine, ils ne tolèrent aucune compression. En effet, toute compression entraînerait des lésions muqueuses et des douleurs souvent insupportables pour le patient. Les tori devront être englobés par la prothèse qui sera déchargée en regard de ces structures.

Comment les gérer ?

Approche non chirurgicale

Dans la majorité des cas, l’approche sera non chirurgicale. Au stade des empreintes, aucun contact ne doit exister entre le porte-empreinte du commerce, puis le porte-empreinte individuel, qui sera déchargé en regard d’un torus. De même, il est espacé en regard des tori mandibulaires, le bord du porte-empreinte devant alors aller au-delà des tori. Lors de l’empreinte, le matériau utilisé devra être suffisamment fluide pour éviter toute compression. Lors de l’insertion prothétique, il conviendra de vérifier à l’aide de matériau révélateur (Fitt Checker GC, par exemple) l’absence de contact avec l’intrados prothétique. En revanche, concernant les tori palatins, toute décharge arbitraire au laboratoire à l’aide de préforme est à proscrire, leur positionnement ne pouvant être en adéquation avec les limites du torus.

Approche chirurgicale

Si, par contre, le volume ou la morphologie de ces exostoses ne permet pas d’assurer, lors de la restauration prothétique, sustentation, stabilisation et rétention, une exérèse chirurgicale est envisagée (fig. 9).

Résorption alvéolaire extrême et/ou asymétrique

Description et origine

La résorption osseuse est un phénomène physiologique, continu, chronique mais aussi cumulatif. Ainsi, les facteurs biomécaniques ont un rôle prédominant dans le développement de situations de résorption majeure. En effet, des surcharges occlusales non contrôlées, un défaut d’équilibration occlusale ou des anciennes prothèses inadaptées conduisent à une résorption extrême des crêtes édentées. Cette résorption, dans les cas d’édentement complet unimaxillaire au maxillaire associée à un édentement de classe I de Kennedy mandibulaire, peut entraîner une résorption extrême intéressant spécifiquement la zone antérieure maxillaire : on parle communément du syndrome de Kelly (fig. 10 et 11). La préservation de quelques dents isolées et le port d’une prothèse subtotale peuvent également aboutir, lors de l’extraction de ces dernières dents, à une résorption totalement asymétrique avec une zone peu résorbée correspondant à la situation des dernières dents extraites (fig. 12).

Conséquences

Plus le degré de résorption des crêtes édentées est important et plus l’obtention d’une rétention prothétique directe par l’établissement d’un joint périphérique est délicate. Le rôle des organes paraprothétiques et des extrados prothétiques devient alors essentiel pour générer une stabilisation optimale de la prothèse et entraîner ainsi une rétention dite indirecte.

Face à des résorptions asymétriques, la stabilité prothétique peut être mise en jeu si des surpressions s’établissent sur ces zones de moindre résorption (conséquences et prise en charge similaires à celle d’un torus palatin).

Comment les gérer ?

Les situations de résorption avancée, aussi complexes soient-elles, n’appellent pas une prise en charge très particulière en prothèse complète conventionnelle. La gestion des empreintes reste le point clé :

• obtention d’une empreinte primaire enregistrant la surface de sustentation maximale ;

• réalisation d’une empreinte secondaire où l’enregistrement du jeu fonctionnel des insertions périphériques et des organes paraprothétiques est fondamental.

Il est également essentiel de ne pas oublier que l’occlusion participe aussi, dans ces cas et de façon majeure, au rétablissement des fonctions masticatoires. La situation du plan d’occlusion est en particulier fondamentale ; la place de l’équilibration occlusale le jour de l’insertion prothétique est aussi déterminante.

Au-delà, l’apport de l’implantologie et la réalisation de prothèse complète à complément de rétention implantaire ne doivent en aucun cas être oubliés et proposés au patient dès le premier rendez-vous.

Conclusion

L’examen clinique en prothèse adjointe complète doit permettre, dès le premier rendez-vous, d’établir un pronostic vis-à-vis du traitement qui va être engagé. Il permet également d’orienter vers le choix de techniques et de matériaux les plus favorables selon la situation clinique. Enfin et surtout, c’est à ce moment-là qu’il faut informer le patient des difficultés éventuelles du traitement et du pronostic attendu.

Lectures conseillées

Budtz-Jorgensen E. Oral mucosal lesions associated with the wearing of removable denture. J Oral Pathol 1981;10:65-80.

Chaytor DV. Diagnosis and treatment planning for edentulous and nearly edentulous people. In : Zarb GA, Bolender C, Eckert S, Jacob R, Fenton A Mericke-Stern R (eds). Prosthodontic treatment for edentulous patients. Chicago: Mosby, 1997.

Hüe O, Bertertche MV. Prothèse complète : réalité clinique, solutions thérapeutiques. Paris : Quintessence international, 2003.

Jainkittivong A, Langlais J. Buccal and palatal exostoses : prevalence and concurrence with tori. Oral Surg Oral Pathol Oral Endod 2000;90:48-53.