La e-santé, du concept à la réalité… - Clinic n° 11 du 01/12/2014
 

Clinic n° 11 du 01/12/2014

 

@ VOTRE SANTÉ…

Internet

Philippe DE JAEGHER  

ph.de-jaegher@orange.fr

Les ordiphones, par l’étendue des fonctions offertes, sont devenus des objets omniprésents dans notre vie quotidienne. Simples outils, accessoires de mode ou véritables fétiches, ils n’ont pas fini de modifier nos comportements. Voici qu’ils s’intéressent à notre santé et, pourquoi pas, à notre vie.

La démocratisation des ordiphones et le caractère éminemment personnel de ces ustensiles rendaient le projet tentant. Pourquoi, en plus d’être connecté avec le monde entier, ne le serions-nous pas avec nous-même ? C’est ainsi que simultanément, les grands acteurs du domaine proposent d’intégrer à leurs produits des fonctions de collecte, d’analyse et de restitution de données relatives à notre santé. L’objectif annoncé est de nous aider à prendre des décisions en conséquence. Healthkit d’Apple (1), mais aussi Google Fit et Microsoft Health (2) font désormais partie des fonctionnalités de base des ordiphones. Certes, il existait déjà nombre d’applications liées à la santé et au bien-être. Mais elles ne communiquaient pas entre elles. Les systèmes présentés aujourd’hui espèrent accueillir l’ensemble des produits connectés liés à la santé. Chaque fabricant propose déjà une première génération de capteurs. Il s’agit de bracelets, comme le Microsoft Band et le futur Simband de Samsung, ou de montres comme l’iWatch d’Apple. Le domaine de la santé bucco-dentaire est aussi concerné. Oral-B entend motiver et guider les utilisateurs de la brosse à dents SmartSeries grâce à une connexion bluetooth (3).

Pour l’instant, la plupart des fonctions disponibles mesurent le rythme cardiaque, l’activité journalière ou bien sportive en comptant mouvements et nombre de pas effectués. Cela relève plutôt de l’hygiène de vie mais des applications plus médicales se profilent déjà. Ainsi, la surveillance de la glycémie ou de la qualité du sommeil se place sur un tout autre registre. Il s’agit de pouvoir alerter le porteur du dispositif sur un risque qui peut s’avérer vital. Se pose alors la question de la qualité et de la fiabilité des produits proposés. Il existe déjà des dispositifs médicaux autonomes pour le suivi de la glycémie. Ils peuvent être pris en charge par l’Assurance maladie, ils font l’objet d’une certification et d’un suivi par les agences nationales de santé. Certains peuvent être connectés à un ordinateur, mais il ne s’agit que d’un moyen annexe de lecture et de traitement des données, l’appareil de mesure restant autonome. Ces dispositifs pourront-ils être bientôt reliés à un ordiphone ?

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a récemment évoqué les problèmes soulevés par ces nouveaux objets connectés (4). Cet intérêt pour la mesure du soi soulève des inquiétudes sur l’utilisation des données collectées. Une étude récente avait montré que les applications mobiles communiquaient généreusement les informations sur leurs utilisateurs (5). Rien d’étonnant à cela : dans le modèle économique de l’Internet, les données personnelles sont une monnaie d’échange exigée en contrepartie de la gratuité d’un service. Gratuité toute relative car la publicité facturée, par exemple, par Google à ses clients est finalement payée par les consommateurs. Or, le marché de la santé est colossal : 18 % du produit intérieur brut (PIB) lui est consacré aux États-Unis et près de 12 % en France. Il ne faudra pas vous étonner si, un jour, votre assureur vous fait cadeau d’un magnifique bracelet connecté.

MA SÉLECTION

(1) Apple Healthkit : www.apple.com/fr/ios/whats-new/health/

(2) Microsoft Health : www.microsoft.com/microsoft-health/en-us

(3) Oral-B Smartseries : www.oralb.fr/fr-FR/brosses-a-dents-electriques-oral-b-smartseries

(4) CNIL - Le corps, nouvel objet connecté : www.cnil.fr/fileadmin/ documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdf

(5) CNIL - INRIA Enquête 2013 : www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/voyage-au-coeur-des-smartphones-et-des-applications-mobiles-avec-la-cnil-et-inria/