Nettoyage des espaces interdentaires dans la parodontite chronique - Clinic n° 11 du 01/11/2017
 

Clinic n° 11 du 01/11/2017

 

HYGIÈNE DENTAIRE

Witold JURCZYNSKI*   Barbara RYBA**   Monika BRZÓSKA***  


*PhD, Department of Preventive and
Dental Hygiene
UJCM, Cracovie (Pologne)
**Department of Integrated Dentistry
UJCM
Cracovie (Pologne)
***Interne
Dental Clinic of the Ministry of Internal
Affairs and Administration
Cracovie (Pologne)

Le maintien d’une bonne hygiène buccale n’est pas envisageable sans un nettoyage soigneux des espaces interdentaires. Il a été montré que l’infection due à la bactérie Porphyromonas gingivalis non seulement est responsable de la perte des dents et de l’esthétique réduite, mais qu’elle augmente également le risque de développer une maladie cardiovasculaire, un diabète de type II ou une hypertension. Cet article présente une étude comparative entre l’efficacité des brossettes interdentaires Inava Trio compact et du fil dentaire Inava Dentofil.

La réduction de l’inflammation chez les patients souffrant de parodontite chronique devrait être une priorité non seulement en raison de leur volonté d’entretenir correctement leurs dents et d’améliorer leur esthétique mais aussi pour des raisons de santé générale. Il a été en effet démontré que l’infection due à Porphyromonas gingivalis augmentait le risque de développer une maladie cardio-vasculaire [1], un diabète de type 2 [2] ou une hypertension [3]. Il ne faut pas non plus oublier que les traitements professionnels améliorant la santé parodontale des patients souffrant de troubles parodontaux n’ont des effets positifs qu’à condition d’être associés à un entretien rigoureux de l’hygiène buccale [4]. De nombreuses études ont démontré que la plaque s’accumulait le plus souvent sur les surfaces proximales des dents [5]. Les brosses à dents classiques sont bien adaptées au nettoyage des surfaces vestibulaires, linguales, palatines et occlusales, mais elles ne sont pas en mesure d’enlever toute la plaque des espaces interdentaires [6]. On estime que l’utilisation d’une seule brosse à dents réduit jusqu’à 60 % du biofilm [7]. Les micro-organismes se trouvant dans la plaque contribuent dans une large mesure à la formation et à l’aggravation du processus inflammatoire du parodonte [8]. Plus l’accumulation de plaque dure, plus l’inflammation, qui commence après son « dépôt » pendant 5 à 7 jours, est grave. En revanche, l’inflammation se réduit progressivement en cas d’amélioration de l’hygiène bucco-dentaire [9].

Chez les patients atteints de parodontite chronique, le maintien de la propreté des espaces interdentaires est nécessaire afin de limiter la maladie et de prévenir sa réapparition. Par ailleurs, une réduction significative du parodonte, notamment la destruction des papilles interdentaires (fig. 1), rend difficiles les manœuvres d’hygiène. Compte tenu de la variété des formes anatomiques des espaces interdentaires, des dents et de l’habileté manuelle des patients, la méthode de nettoyage des espaces interdentaires doit être adaptée individuellement. Les produits proposés sur le marché étant nombreux  –les plus connus étant le fil dentaire et les brossettes interdentaires –, les patients ne savent pas toujours quelle méthode de brossage choisir et comment évaluer son efficacité. Il est donc important de se demander si l’utilisation de fil dentaire et de brossettes interdentaires affecte la réduction du biofilm et de l’inflammation des gencives dans un groupe de patients atteints de parodontite chronique et, si oui, quelle est la méthode la plus efficace pour parvenir à cette double réduction.

Matériel et méthode

Le groupe d’étude a compris 28 sujets choisis au hasard parmi les personnes venant pour la première fois à la consultation en ambulatoire du département universitaire dentaire (le seul processus de sélection a duré 3 mois). Ils n’avaient jamais utilisé de fil dentaire ou de brossettes interdentaires. L’étude a inclus des patients droitiers souffrant de parodontite chronique sévère ou modérée, dont la valeur initiale de l’indice de plaque proximale (API, approximal plaque index) était supérieure à 35 % et celle de l’indice de saignement des papilles (PBI, papillae bleeding index) était supérieure à 10 %, et qui présentaient au moins 12 espaces interdentaires d’une largeur permettant le passage des brossettes. Les patients étaient non fumeurs, en bon état de santé générale et ne prenaient aucun médicament. Il s’agissait de 53 % de femmes et de 47 % d’hommes, âgés de 30 à 51 ans (moyenne d’âge égale à 42 ans).

L’étude se fondait sur la méthode split-mouth en simple aveugle. Pour chaque patient, un quadrant maxillaire et un quadrant mandibulaire ont été attribués au hasard en vue du nettoyage à l’aide d’une brossette interdentaire Inava Trio Compact après le brossage des dents du soir. Les deux autres quadrants étaient à nettoyer à l’aide du fil dentaire Inava.

L’étude s’est composée de cinq visites, dont une visite initiale et quatre visites de suivi qui ont eu lieu toutes les deux semaines. À chaque visite, outre une instruction à l’hygiène dispensée aux patients lors de la première, les indices API et PBI ont été mesurés dans chaque quadrant.

La visite initiale comprenait également un détartrage supra-gingival et sous-gingival. L’instruction à l’hygiène a inclus l’apprentissage de la technique de brossage des dents et de l’utilisation des brossettes interdentaires et du fil dentaire. Les patients ont reçu un kit de brossettes interdentaires Inava Trio Compact adaptées à la taille de leurs espaces interdentaires. Il leur a également été recommandé d’utiliser le fil dentaire non ciré Inava. L’instruction orale a été complétée par une démonstration sur un modèle du maxillaire et de la mandibule des manœuvres à effectuer. La méthode de Stillman modifiée a été recommandée : la brosse à dents est placée sur la gencive à un angle de 45°, ses poils étant dirigés vers les racines des dents. Elle est ensuite déplacée avec un mouvement transversal vibrant qui permet de masser les gencives et de nettoyer la surface des dents, à l’exception des surfaces masticatoires qui subissent un mouvement frottant. Cette méthode est particulièrement adaptée aux personnes ayant des gencives phénotypiquement minces et des récessions [10].

Le fil dentaire, quant à lui, doit être guidé à travers le point de contact avec un mouvement de va-et-vient, puis on le déplace de haut en bas afin de nettoyer les surfaces proximales des dents avec lesquelles il doit être en contact étroit. Il doit avoir une longueur de 40 à 50 cm et chaque espace interdentaire doit être nettoyé à l’aide d’un nouveau segment de fil exempt de plaque dentaire [11].

Les patients ont appris à donner une forme semi-circulaire à la brossette sur un de leurs doigts afin qu’elle s’ajuste à l’espace interdentaire avant de l’appliquer à partir du vestibule, la partie convexe étant tournée vers les gencives. Le nettoyage d’un espace interdentaire a été réalisé sur la base d’un mouvement « vestibule-cavité buccale proprement dite-vestibule ». Tout autre mouvement a été déconseillé en raison de la possibilité d’un traumatisme du parodonte [12]. Les patients se sont entraînés à ces techniques devant un miroir et en présence de leur instructeur.

Pendant toute la durée de l’étude, les patients se sont brossé les dents deux fois par jour (le matin et le soir) pendant 2 minutes en utilisant une brosse à dents manuelle de dureté moyenne et du dentifrice fluoré. Ils devaient brosser les espaces interdentaires dans les quadrants indiqués et utiliser le fil pour les autres quadrants après le brossage du soir. Il leur a expressément été demandé de n’utiliser aucun autre procédé ou produit d’hygiène buccale (produits de rinçage, jet dentaire, etc.).

Lors des visites de suivi, outre les mesures des indices API et PBI, les instructions d’hygiène ont été répétées (sans présentation sur des modèles) et les patients ont été incités à utiliser les outils recommandés.

L’étude reposait sur la mesure de deux indices. L’API [13] est fondé sur le principe du « tout ou rien » et évalue la présence de la plaque dans les espaces interdentaires. Il est calculé comme le rapport (en pourcentage) entre l’espace avec plaque et tous les espaces examinés. La présence de la plaque a été vérifiée à l’aide de la sonde parodontale mise au point par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le PBI [14] est évalué après un déplacement délicat de la sonde parodontale de la base de la papille vers son sommet. C’est le rapport espaces qui saignent/tous les espaces examinés. Le saignement a été observé après le contrôle de tout le quadrant, donc après environ 20 secondes de sondage. Les résultats des mesures ont été enregistrés sur des fiches spécialement conçues à cet effet.

Résultats

L’analyse de variance a été utilisée pour comparer les résultats, avec p < 0,001 pour niveau de signification statistique.

Les résultats obtenus (fig. 2) indiquent que chacune des méthodes a conduit à une réduction significative de l’API par rapport à sa valeur initiale : dans les espaces nettoyés à l’aide du fil dentaire, elle a été de 52 % (p < 0,001) entre la première et la quatrième visite. De meilleurs résultats ont été obtenus avec l’utilisation des brossettes interdentaires puisque la diminution de l’API par rapport à sa valeur initiale a été de 70 % (p < 0,001).

Une interaction significative entre la technique de nettoyage et les visites ultérieures a également été observée. La réduction de l’API entre la première et la deuxième visite a été significativement plus élevée en cas d’utilisation d’une brossette  –environ 50 % (p = 0,001) – que de fil dentaire – environ 27 % (p = 0,001). Lors des visites suivantes, les différences de réduction de l’API entre le fil et la brossette ont été comparables mais de meilleurs résultats cliniques (d’environ 18 %) ont été obtenus avec l’utilisation de la brossette interdentaire (p < 0,001).

La mesure de l’API au cours de la dernière visite a été de 30 % dans les espaces nettoyés à l’aide du fil dentaire et de 9 % dans ceux nettoyés à l’aide de la brossette (p < 0,001).

Une répartition semblable des résultats a été obtenue pour la mesure du PBI (fig. 3). L’évolution des valeurs de cet indice a été similaire à celle de l’API.

Les deux méthodes ont réduit la valeur du PBI au bout de quatre visites. La réduction du PBI dans les espaces nettoyés à l’aide du fil entre la première et la quatrième visite a été de 36 % (p < 0,001) et, dans ceux nettoyés à l’aide de la brossette, de 55 % par rapport à la valeur initiale de référence (p < 0,001).

Une interaction significative entre la technique de nettoyage et les visites ultérieures a là aussi été observée. La réduction du PBI entre la première et la deuxième visite a été significativement plus importante en cas d’utilisation de la brossette  –environ 38 % (p < 0,001) – que de fil dentaire–  environ 19 % (p < 0,001). Lors des visites suivantes, les différences de réduction du PBI entre le fil et la brossette ont été comparables. La mesure du PBI au cours de la dernière visite a été de 25 % dans les espaces nettoyés à l’aide du fil dentaire et de 5 % dans ceux nettoyés à l’aide de la brossette (p < 0,001).

Discussion

L’hygiène interdentaire est importante non seulement en parodontologie mais aussi dans d’autres domaines de la dentisterie. Dans la littérature polonaise et anglaise, rares sont les publications qui comparent l’efficacité du fil dentaire et des brossettes interdentaires dans le nettoyage des surfaces proximales des dents [15]. Ces études comparent des « outils » permettant de maintenir l’hygiène des espaces interdentaires et prouvent qu’ils contribuent à une réduction significative du biofilm. Il y est souligné qu’ils devraient compléter le brossage quotidien des dents, en particulier chez les patients atteints d’affections parodontales [15]. Les études qui comparent l’efficacité des différentes méthodes d’hygiène ont démontré que la plus grande réduction de plaque a été atteinte dans les espaces interdentaires nettoyés à l’aide d’un brossage classique associé à des brossettes interdentaires [16]. Les études comparant directement les brossettes interdentaires Inava Trio Compact et le fil dentaire ont également démontré la supériorité des brossettes sur le fil [6, 17, 18] pour une raison simple : les premières sont plus faciles à utiliser que le second [19]. Passer le fil dentaire à travers le point de contact se fait souvent avec une force excessive qui provoque des lésions de la papille interdentaire [20]. Les publications traitent davantage de l’action traumatique du fil dentaire que des brossettes interdentaires [19-23].

Il faut toutefois noter qu’en médecine, il n’y a pas d’aurea mediocritas et que même les meilleures méthodes ont leurs limites. Par conséquent, les outils permettant de maintenir l’hygiène des espaces interdentaires doivent être choisis en fonction des caractéristiques individuelles du patient.

Conclusion

Chez les patients atteints de parodontite chronique, tant les brossettes interdentaires Inava Trio Compact que le fil dentaire ont démontré une efficacité statistiquement significative dans le nettoyage des espaces interdentaires. Les deux méthodes ont réduit la quantité de biofilm et l’inflammation des gencives. Toutefois, la méthode la plus efficace et la plus rapide dans la réduction de ces deux paramètres a été l’utilisation des brossettes.

Il convient également de souligner la différence dans la réduction des paramètres API et PBI. Dans le groupe d’étude donné, les deux méthodes ont réduit efficacement après la quatrième visite l’API à des valeurs proches du niveau optimal, à savoir celui en dessous de 25 à 30 %. Cependant, le niveau optimal du PBI (en dessous de 10 %) a été atteint dans les espaces nettoyés à l’aide de la brossette interdentaire. Par conséquent, le chirurgien-dentiste qui veut choisir la meilleure méthode de nettoyage des espaces interdentaires pour les patients souffrant de parodontite chronique devrait tenir compte de la plus grande efficacité des brossettes interdentaires citées dans cet article.

Bibliographie

  • [1] Chi H, Messas E, Levine RA, Graves DT, Salomon Amar S. Interleukin-1 receptor signaling mediates atherosclerosis associated with bacterial exposure and/or a high-fat diet in a murine apolipoprotein E heterozygote model. Pharmacotherapeutic implications. Circulation 2004;110:678-1685.
  • [2] Nishimura F Taniguchi A, Yamaguchi-Morimoto M, Soga Y, Iwamoto Y, Kokeguchi S et al. Periodontal infection and dyslipidemia in type 2 diabetics: association with increased HMG-CoA reductase expression. Horm Metab Res 2006;38:530-535.
  • [3] Desvarieux M, Demmer RT, Jacobs DR Jr, Rundek T, Boden-Albala B, Sacco RL et al. Periodontal bacteria and hypertension: the oral infections and vascular disease epidemiology study (INVEST). J Hypertens 2010;8:1413-1421.
  • [4] Lovdal A, Arno A, Schei O, Waerhaug J. Combined effect of subgingival scaling and controlled oral hygiene on the incidence of gingivitis. Acta Odontol Scand 1961;19:537-555.
  • [5] Hugoson A, Koch G. Oral health in 1 000 individuals aged 3-70 years in the community of Jönköping, Sweden. A review. Swed Dent J 1979;3:69-87.
  • [6] Christou V, Timmerman MF, Van der Velden U, Van der Weijden FA. Comparison of different approaches of interdental oral hygiene: interdental brushes versus dental floss. J Periodontol 1998;69:759-764.
  • [7] Janczuk Z, Banach J, Wegorska D. Wplyw oczyszczania przestrzeni miedzyzebowych na stan przyzebia. Czas Stomat 1988;41:453-457.
  • [8] Hellwig E. Ätiologie entzündlicher Parodontopathien in Einführung in die Zahnerhaltung. Munich : Auflage Urban & Fischer Verlag, 2003.
  • [9] Müller HP. Epidemiologie, Aktiologie, Diagnostik, Prophylaxe und Therapie parodontale Erkankungen Parodontologie in Checkliste Parodontologie. Stuttgart: Thieme-Verlag, 2001.
  • [10] Anderson P, Pendleton A. Prevention in the dental assistant. Albany: Delmar, 2001.
  • [11] Banach J, Dembowska E, Górska R, Janczuk Z, Konopka T, Szymanska J et al. Profilaktyka domowa. In: Z. Janczuk (ed). Praktyczna periodontologia kliniczna. Varsovie: Wydawnictwo Kwintesencja, 2004:121-126.
  • [12] Jackson MA, Kellett M, Worthington HV, Clerehugh V. Comparison of Interdental cleaning methods: a randomized controlled trial. J Periodontol 2006;77:1421-1429.
  • [13] Lange D. Die gezielte Vorbehandlung vo der systematischen Parodontalbehandlung. Zaharztl. Welt/Reform 1975;38:366-368.
  • [14] Kettler W. Wskazniki stanu przyzebia. Red. Wydania polskiego. In: Potoczek S (ed). Parodontologia. Wroclaw: Urban and Partner, 1995:45-56.
  • [15] Slot D, Dörfer CE, Van der Weijden GA. The efficacy of interdental brushes on plaque and parameters of periodontal inflammation: a systematic review. Int J Dent Hygiene 2008;6:253-264.
  • [16] Rasines G. The use of interdental brushes along with toothbrushing removes most plaque. Evid Based Dent 2009;10:74.
  • [17] Bergenholtz A, Olsson A. Efficacy of plaque removal using interdental brushes and waxed dental floss. Scand J Dent Res 1984;92:198-203.
  • [18] Kiger R, Nylund K, Feller RP. A comparison of proximal plaque removal using floss and interdental brushes. J Clin Periodontol 1991;18:681-684.
  • [19] Abrams H, Kopczyk R. Gingival sequela from a retained piece of dental floss. J Am Dent Assoc 1983;106:57-58.
  • [20] Rawlinson A. Case report. Labial cervical abrasion caused by misuse of dental floss. Dent Health 1987;26:3-4.
  • [21] Lakind L. Recurrent dental floss laceration. Report of case. Temple Dent Rev 1975;46:18-19.
  • [22] Goldman L. Dental floss as a factor in the development of perleche. Arch Dermatol 1979;115:108.
  • [23] Freeman S, Stephens R. Cheilitis: analysis of 75 cases referred to a contact dermatitis clinic. Am J Contact Dermat 1999;10:198-200.