« Nous innovons avec une équipe de 10 ingénieurs français contre 40 chez certains concurrents internationaux » - Implant n° 4 du 01/11/2016
 

Implant n° 4 du 01/11/2016

 

IMPLANT

Très attendu, le scanner couleur intra-oral Condor et son système de stéréophotogramétrie à focale variable spécifique est enfin disponible sur le marché. Christophe Sireix, prothésiste dentaire spécialiste de la conception et de la fabrication numérique dentaire, directeur du développement numérique, expose à Olivier Fromentin les réalisations et projets de Biotech Dental, société innovante 100 % française.

Pouvez-vous nous présenter la société Biotech Dental et les implants que vous fabriquez ?

Basée à Salons-de-Provence (13), Biotech Dental, société appartenant au groupe privé Upper-Side (Philippe Veran et Bruno Thévenet), est sur le marché depuis 30 ans. D'après nos chiffres, elle est en tête des ventes d'implants en France. Nous exportons vers l'Italie, le Portugal, l'Espagne, le Maroc, Taïwan, le Vietnam, la Russie, la Hongrie, la Bulgarie, l'Angleterre et bien d'autres pays.

L'implant Kontact® est le produit phare de la société. Il bénéficie d'une connectique conique avec un trilobe antirotationnel permettant une stabilisation parfaite de l'assemblage. Son état de surface est sablé/mordancé et il se pose 1 mm en infra-crestal. Il existe actuellement dans des diamètres allant de 3 mm à 5,4 mm.

Nous présenterons au congrès de l'ADF 2016 un complément de cet implant présentant un profil adouci recommandé dans le cas d'os reconstitué par exemple.

Par ailleurs, nous commercialisons un implant accessible par internet, le Weego.fr. Conçu à partir du constat scientifique élaboré au cours des 30 dernières années en implantologie, il regroupe toutes les qualités essentielles, en rationalisant les références et les coûts.

Sur le plan des composants prothétiques, avez-vous des spécificités ?

Nos piliers standard présentent une morphologie transgingivale déjà adaptée, notamment à la hauteur gingivale. Ainsi, il existe une correspondance entre la hauteur des vis de cicatrisation et celle des piliers.

Nos piliers anatomiques sont réalisés soit en total usinage, en partant d'une barre ou d'une galette dans lesquels on va usiner en monobloc la pièce, soit, de plus en plus, nous fabriquons le pilier en microfusion sur poudre titane, puis en reprise, nous ré-usinons les connectiques implantaires pour garantir la précision de la production de nos composants prothétiques.

Par ailleurs, nous proposons une gamme de TiBase en 5 hauteurs différentes pour la plateforme et 2 hauteurs pour le fût de collage des pièces en zircone réalisées par CFAO.

Est-ce préférable à un pilier « prémill » avec une connectique déjà usinée qui est modifié par fraisage uniquement au niveau de la partie gingivale et coronaire ?

C'est une bonne solution mais c'est très long. Dans la machine d'impression, on va pouvoir imprimer dans la nuit une cinquantaine de piliers à la fois. Si l'on utilise des « prémill », il faudra à peu près 30 minutes par pilier donc c'est beaucoup plus long.

En matière d'empreinte optique, nous avons développé des scan bodies spécifiques pour l'acquisition intra-orale en termes de couleur et d'état de surface permettant d'enregistrer facilement et avec précision la situation implantaire. Une bibliothèque spécifique permet d'entrer dans trois des logiciels les plus utilisés en matière de CAO dentaire (3 Shape, Dental Wings et Exocad) et de situer un analogue implantaire numérique au sein du modèle virtuel avant de modéliser le pilier unitaire souhaité.

Ces scan bodies ont été « qualifiés » pour l'implant Kontact® et nous sommes en train de les déployer pour d'autres marques implantaires.

Quid de l'empreinte optique intrabuccale pour prothèse supra implantaire plurale ?

C'est également possible, la seule contrainte par rapport à notre implant Kontact® réside dans la nécessité de placer un pilier intermédiaire type pilier conique puisque l'on a une connectique intra-implantaire non compatible avec des fabrications multiples. Sur les piliers coniques, il est donc possible de réaliser l'acquisition intra-orale à l'aide de scan bodies spécifiques de ces piliers afin de réaliser une empreinte pour prothèse plurale transvissée par exemple.

La réalisation d'une armature de grande étendue scellée sur des piliers anatomiques nécessite-t-elle une nouvelle acquisition intra-orale après essayage des piliers ou est-il possible de faire réaliser l'ensemble sur la première acquisition ?

Il est possible de faire les deux, mais le mieux est de refaire une empreinte en bouche car l'usinage à partir d'un fichier STL se traduit souvent par de petites différences par rapport à la conception virtuelle liées à la complexité des formes tant de la pièce que de l'outil utilisé.

Il est possible également de placer les piliers usinés sur un modèle imprimé en résine et scanner l'ensemble au laboratoire pour réaliser l'armature.

Condor permet une précision de 30 microns sur des semi-arcades et environ 100 microns sur une arcade complète

Donc selon vous, s'il faut essayer cliniquement les piliers et faire une nouvelle empreinte optique intrabuccale, c'est pour valider l'usinage des piliers plutôt que pour compenser une éventuelle imprécision du modèle imprimé équipé d'analogues implantaires ?

Exactement ! Et également pour vérifier le bon positionnement de la limite cervicale sur les piliers anatomiques réalisés.

Quelles sont les caractéristiques de votre scanner Condor disponible sur le marché depuis peu ?

Il s'agit d'un scanner issu d'un concept français, fabriqué par des ingénieurs français, à côté de Narbonne. Dans la pièce à main, il n'y a pas d'électronique compliquée, juste les boutons qui commandent la prise de vue et deux lentilles qui sont l'équivalent de ce que l'on a sur nos téléphones portables équipés d'une prise de vue photographique. Derrière ces lentilles, il y a un seulement un petit boîtier qui va transmettre l'information au logiciel. Il n'y a pas d'informatique embarquée dans la pièce à main et donc, elle est très légère et facile à manipuler.

Par ailleurs, son prix est abordable pour un scanner couleur sans poudrage, 25 000 € pour l'ensemble du système, avec mise à jour automatique gratuite au fil des évolutions du logiciel. Le scanner est 100 % ouvert, au format de sortie STL non crypté, ou au format PLY (Fichier numérique couleur).

En revanche, obligation de déposer ces fichiers STL sur un serveur spécifique afin de garantir le transfert sécurisé des données, mais il n'y a aucun droit de « clic », aucun paiement pour récupérer ces données (pour le praticien et le prothésiste).

Quelles difficultés ont retardé la présentation de votre scanner Condor sur le marché ?

La difficulté principale réside dans le développement d'un système d'acquisition fiable à partir de zéro avec seulement 10 ingénieurs par rapport à d'autres firmes où 40 ingénieurs développent un système d'empreinte optique. Nos moyens sont plus limités et notre système est très dépendant de l'informatique pour traiter rapidement les données acquises. Le matériel informatique initial de notre système n'était pas assez puissant au vu des performances actuelles des autres scanners du marché. Il a fallu trouver du matériel informatique plus puissant, adapté pour des calculs rapides, et cela a demandé du temps.

En quoi consiste le principe de la stéréophotogramétrie à focale variable spécifique de votre scanner ?

C'est un procédé de prise de vue stéréoscopique qui permet l'enregistrement de points sur un capteur CCD pour reconstituer une surface, contrairement aux autres scanners qui projettent un rayonnement dont la réflexion est enregistrée en utilisant un principe de calcul généralement par triangulation. Dans Condor, ce sont ces points qui nous donnent l'information qu'on va transformer en fichier STL.

En termes de précision et d'exactitude, ceci permet d'obtenir 30 microns de précision sur des semi-arcades et environ 100 microns sur une arcade complète. Nous travaillons encore pour améliorer la précision après acquisition sur arcades complètes.

Concernant la concurrence, nous avons effectué des essais de différents scanners disponibles sur le marché et elles montrent généralement des différences d'environ 100 microns sur une arcade complète.

Quelles sont vos perspectives d'évolution en matière de flux numérique ?

Concernant les guides chirurgicaux et la planification implantaire, nous avons beaucoup travaillé avec le logiciel Co Diagnostic de Dental Wings avec beaucoup de succès, mais le logiciel coûte cher et, dès extraction d'un fichier, vous avez un coût supplémentaire. Nous développons une solution avec une firme française afin qu'un logiciel accessible sur le cloud permette cette planification et la réalisation d'un fichier nécessaire à l'impression 3D du guide. Seul l'accès lors de l'utilisation sera payant sous forme d'un droit de péage pour la CAO.

Ces guides seront imprimés soit au cabinet, soit dans un centre de production. La problématique réside dans la « qualification » au sens mécanique du terme, de la machine adaptée au matériau afin de contrôler la qualité du guide produit et sa biocompatibilité. Nous utilisons actuellement un polymère qualifié de classe 1-A qui peut rester 30 minutes en bouche. C'est un produit qui doit être traité de façon spécifique au niveau de la photopolymérisation terminale dans une enceinte dédiée, à l'aide d'une lampe dont le spectre lumineux adapté garanti un taux de conversion d'environ 98 %. C'est l'utilisation de ce type de matériel qui permet de garantir la biocompatibilité du matériau utilisé pour confectionner ces guides.

Nous développons également de nombreux projets en rapport avec la microfusion laser, reprise par usinage afin de produire des suprastructures prothétiques implantaires directement dans des blocs ou des barres.

Beaucoup de firmes font des armatures en alliage de titane ou en cobalt chrome. Nous travaillons sur le positionnement des dents, le positionnement de la gencive pour pouvoir proposer aux laboratoires des prothèses semi-finies où ils auront juste à maquiller et à finir les prothèses.

Propos recueillis par
Olivier Fromentin et Flore Henry