Exercice en cabinet dentaire et SARS-CoV-2 Practice in office dental and SARSCoV-2 - JPIO n° 3 du 01/09/2020
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/09/2020

 

Article

Michel SIXOU1 / Carole LECONTE2  

1. Professeur des Universités en Santé publique
Université Paul Sabatier (UT3), CHU Toulouse
Faculté de chirurgie dentaire, Toulouse2. Chirurgien Dentiste, exercice libéral, Paris

Résumé

Résumé

La crise sanitaire Covid-19 a mis à l'arrêt tous les cabinets dentaires pendant plus de deux mois. La circulation dans la population mondiale d'un nouveau virus aéro-contaminant, le SARS-CoV-2, a remis en question toute la chaîne d'hygiène du cabinet dentaire qui avait été codifiée et mise en place pour répondre à des maladies à transmission par le sang ou la salive (sida, hépatites...). Cet article a pour objectif de proposer aux praticiens un nouveau paradigme prenant en compte la présence du Covid-19 dans le cadre de l'hygiène au cabinet dentaire. En raison des spécificités des soins réalisés par les chirurgiens-dentistes et des modes de transmission du SARS-CoV-2, notre profession fait partie des plus à risque d'exposition aux virus. Le changement de nos pratiques habituelles est une nécessité pour continuer à assurer des soins à nos patients en garantissant une double sécurité des soignants et des soignés.

Summary

ABSTRACT

The Covid-19 health crisis has shut down all practices dental for more than two months. Traffic in the world population of a new aerocontaminant virus, SARS-CoV-2, questioned the entire health chain born of the dental office that had been codified and implemented place to respond to diseases transmitted by the blood or saliva (AIDS, hepatitis...). The purpose of this article is to offer practitioners a new paradigm taking into account the presence of Covid-19 in the context hygiene in the dental office. Due to the specifics care provided by dental surgeons and modes transmission of SARS-CoV-2, our profession is part most at risk of exposure to viruses. The change of our usual practices is a necessity to continue to providing care to our patients by ensuring double safety of caregivers and carereceivers.

Key words

Health crisis, Covid-19, SARS-CoV-2, hygiene, air contaminant, dental office, new paradigm.

Introduction

Le mot hygiène vient du grec hugieinon qui signifie santé. L'hygiène peut se définir comme un ensemble de principes et de pratiques qui visent à préserver la santé et l'intégrité des fonctions de l'organisme. L'histoire de l'hygiène a longtemps été associée à l'histoire et à la maîtrise de l'eau, élément essentiel à tout nettoyage d'instruments ou de corps. La première grande révolution a été la découverte des micro-organismes et leur rôle dans les maladies par Robert Koch et Louis Pasteur. L'hygiène est alors devenue une véritable discipline scientifique.

Les conséquences de ces avancées sont le premier paradigme de l'hygiène en cabinet dentaire qui était caractérisé par la notion de propreté. Cette période a duré de 1945 à 1985. La pratique dentaire était un art qui intégrait une part importante d'aléatoire mais associait quelques principes d'hygiène proches de ceux de la chirurgie de cette même période (traitement des instruments thermorésistants à l'eau bouillante ou au Poupinel, utilisation occasionnelle des écrans).

Le deuxième paradigme est la conséquence d'une épidémie qui a démarré en 1981 et fait à ce jour plus de 25 millions de morts : le sida. Tous les cabinets médicaux, les blocs opératoires et les cabinets dentaires ont élevé et codifié leurs mesures d'hygiène et d'asepsie. Une chaîne d'action a permis d'obtenir un état stable de l'instrumentation qui est dit stérile à la suite de la séquence : décontamination, nettoyage, stérilisation (autoclave) et ensachage. Une gestuelle dite asepsie permet de ne pas apporter de contamination sur le site opératoire. L'utilisation d'écrans pour toute intervention en bouche (masques chirurgicaux et gants à usage unique) a été systématisée. L'utilisation du matériel à usage unique et la gestion des déchets médicaux ont été mises en place. Toutes ces mesures se sont imposées progressivement en cabinet dentaire entre 1980 et 2000 sous la pression de l'apparition de différentes maladies (les hépatites, le sida, la maladie de Creutzfeldt-Jakob). Ces maladies mettaient en avant la transmission d'éléments pathogènes par le sang ou la salive.

L'année du troisième paradigme est 2020. La pandémie de Covid-19 à coronavirus met les professionnels de santé face à un virus aéro-contaminant, le SARS-CoV-2, qui remet en question toutes les procédures d'hygiène et d'asepsie utilisées jusque-là. Tout en utilisant l'expérience accumulée au cours des précédentes crises sanitaires, il est urgent et essentiel de redéfinir les nouveaux contours de l'hygiène et l'asepsie en intégrant la problématique complexe de l'air et de l'aéro-contamination en cabinet dentaire. Cette évolution est d'autant plus urgente que nous savons, aujourd'hui, que nous sommes sous la menace récurrente de virus émergents zoonotiques comme les Coronaviridae (SRAS, MERS, Covid-19) ou Orthomyxoviridae (grippes) (Traoré O, 2008).

Risques spécifiques liés aux soins

Pour quelles raisons cette profession est-elle à risque ?

L'activité de soins dans la cavité buccale a des particularités dont il est important d'avoir clairement pris la mesure. La cavité buccale héberge le plus riche écosystème de micro-organismes du corps humain tant sur un plan quantitatif que qualitatif (fig. 1 à 3). Ce microbiote baigne dans deux fluides : la salive et le fluide gingival. La cavité buccale et le naso-pharynx sont également une zone de passage de flux d'air inspiratoires et expiratoires importants et variables selon les efforts physiques réalisés. Un milligramme de plaque dentaire contient environ 100 millions de bactéries ; 1 ml de salive mixte en contient 750 millions (fig. 1 à 3).

Les deux principales pathologies buccales sont des maladies infectieuses (maladies carieuses et maladies parodontales) que le chirurgien-dentiste devra prendre en charge. L'activité du chirurgien-dentiste consiste donc principalement à traiter des maladies infectieuses tout en étant focalisé sur la zone anatomique la plus riche et complexe en micro-organismes.

De nombreuses procédures de soins vont faire intervenir des dispositifs générateurs d'aérosols puissants (fig. 4), de façon répétitive et prolongée (spray de l'instrumentation dynamique, soufflette air/eau, insert à ultrasons, aéropolisseur...). Ces pratiques auront pour effet de surcharger l'air de la salle de soins en particules septiques en suspension dont une partie se déposera sur toutes les surfaces (meubles, sols, appareillages), une autre restera en suspension dans l'air et une autre se diluera dans toutes les pièces du cabinet ou sera rejetée dans l'environnement extérieur par les VMC, climatisation ou extraction des aspirations (fig. 5).

Le modèle économique de nombreux cabinets est fondé sur une rotation des patients assez importante sur une journée (15 à 25 patients). La fréquence et le rythme des rendez-vous constituent un facteur additionnel important du niveau de contamination du cabinet.

Les positions de travail des praticiens les placent en général entre 20 et 40 centimètres de la cavité buccale et des fosses nasales des patients. Les praticiens accumulent donc des éléments à risque dans leur pratique quotidienne (fig. 6).

Le virus est-il présent dans l'environnement buccal ?

Le virus SARS-CoV-2 a plusieurs récepteurs spécifiques de fixation sur la cellule hôte. Le plus documenté et représentatif de l'interaction virus-cellule hôte est le récepteur cellulaire ACE2 de l'angiotensine 2. La distribution tissulaire de ce récepteur permet d'identifier les cibles du virus et ses effets cytopathogènes. L'endothélium pulmonaire riche en récepteurs ACE2 explique la principale complication de cette infection : la pneumonie. Les glandes salivaires principales sont également richement dotées en récepteur ACE2 : parotides, sub-linguales et sous-mandibulaires (Xu et al., 2020). Cependant, une équipe chinoise a démontré que les glandes salivaires accessoires contenaient une densité de récepteurs supérieure à celle des poumons (To et al., 2020 ; Xu et al., 2020). Les glandes salivaires libèrent donc des virus SARS-CoV-2 par l'intermédiaire de la salive que nous retrouvons dans la cavité buccale et que nous aérosolisons par nos actes techniques dans l'air du cabinet.

La production de salive journalière est variable, entre 300 et 1500 ml/jour, et celle de fluide gingival est évaluée entre 0,5 et 2,4 ml/jour. La présence du virus dans le fluide gingival est aujourd'hui inconnue mais l'origine sérique du fluide gingival laisse penser que le virus peut s'y retrouver également.

Le virus est-il présent dans le sang ?

Le récepteur cellulaire ACE2 est présent sur l'endothélium vasculaire. Le virus se fixe donc dans ces cellules et peut y proliférer. Cette localisation explique en partie les phénomènes de coagulation intravasculaire décrits dans un certain nombre de décès en réanimation. Le virus est donc de façon naturelle présent dans le sang circulant. Il n'y a pas de publications confirmant que la forme circulante du virus est contaminante en cas de contact avec le sang d'un sujet infecté. Cependant, nous devons avoir une attitude prudente en cabinet en considérant que le sang peut être contaminant.

Pouvons-nous nous protéger totalement du SARS-CoV-2 ?

De plus en plus de publications confirment que le SARS-CoV-2 est un virus aéro-contaminant (Kim et al., 2020 ; Richard et al., 2020). En termes de mise en place de mesures d'hygiène, les agents pathogènes aéro-contaminants représentent la situation la plus difficile à contrôler sur un plan technique. La gestion de l'air constitue donc l'élément central du nouveau défi posé par la crise sanitaire liée à la Covid-19. Il n'est pas raisonnable de penser que nous pouvons créer en cabinet une salle de soins étanche au SARS-CoV-2 ou que nos mesures le détruiront totalement. Notre objectif est davantage de contrôler la charge virale pour s'assurer qu'elle sera la moins contaminante possible et réduire ainsi le risque infectieux à un niveau excessivement bas.

Pourquoi réduire la charge virale dans nos cabinets ?

Une équipe chinoise a démontré sur des cas sévères de Covid-19 ce que nous connaissions déjà à propos de la grippe : la relation entre la gravité de la situation clinique et la charge virale. Leurs travaux suggèrent que la charge virale de SARS-CoV-2 est un marqueur intéressant de gravité clinique et un facteur pronostique (Liu et al., 2020).

Nos connaissances sur d'autres épidémies comme la grippe et ces résultats nous conduisent à considérer la charge virale comme un paramètre essentiel dans la stratégie de contrôle de la transmission de la Covid-19 au cabinet dentaire. L'ensemble de nos mesures aura pour objectif de réduire la charge virale.

Faut-il considérer nos patients comme sains ou porteurs du Covid-19 ?

Il est aujourd'hui clairement démontré dans la pandémie Covid-19 que 15 à 30 % de personnes porteuses asymptomatiques du SARS-CoV-2 transmettent le virus aux personnes proches d'elles (Al-Tawfiq, 2020 ; Pan et al., 2020). Les tests moléculaires ne sont pas adaptés à cette situation. Les tests sérologiques ont une sensibilité médiocre à l'origine de nombreux faux négatifs. L'attitude la plus raisonnable est donc de considérer chaque patient comme potentiellement porteur de SARS-CoV-2.

Certains patients, appelés des superspreaders, sont capables de contaminer en un même lieu, en fonction de conditions locales favorisantes, des dizaines de personnes (Frieden et al., 2020).

Des mesures d'hygiène et d'asepsie en cabinet dentaire doivent être mises en place en considérant chaque patient comme potentiellement porteur du SARS-CoV-2. La régulation préalable aux soins aura donc pour objectif d'identifier et de contrôler les patients présentant potentiellement les plus fortes charges virales.

Le Sars-CoV-2 survit-il sur les surfaces inertes ? Reste-t-il infectieux ?

Plusieurs études ont étudié la survie du virus SARS-CoV responsable du SRAS sur différents supports inertes (coton, laine, plastique, papier, carton, métal) (van Doremalen, 2020). Une seule étude évalue la survie de SARS-CoV-2 sur milieux inertes. Il survit jusqu'à 4 jours sur le plastique et sur le métal, 2 heures sur le carton et 4 heures sur le cuivre (fig. 7). Le traitement des surfaces reste fortement d'actualité avec ce nouveau virus qui est cependant sensible à de nos nombreux agents antiviraux physiques et chimiques.

Tous ces éléments placent notre profession comme une des plus exposée au SARS-CoV-2 (fig. 6) et démontrent la nécessité absolue de prendre en compte les nouvelles informations concernant l'épidémie de Covid-19 tout en s'assurant de l'efficacité des anciennes mesures avant de les renforcer.

Les écrans (EPI équipements de protection individuels)

Les équipements de protection individuels constituent une barrière essentielle dans la maîtrise des contaminations au cabinet dentaire. La crise sanitaire actuelle nous fait totalement revoir et modifier notre utilisation de ces dispositifs. Ceci nous impose de réapprendre certains gestes dans un contexte plus contraint.

Les différentes catégories de masques

Masques en tissu

Ils sont totalement inadaptés à un usage professionnel. Nous ne les développerons pas étant donné la diversité qui les caractérise et leur inadaptation à nos pratiques.

Masques professionnels

Masques FPP

Ils sont désignés dans la norme européenne EN 149 par le terme « pièce faciale filtrante » ou FFP (Filtering Face Piece). Un masque FFP est un appareil de protection respiratoire (norme NF EN 149). Il est destiné à protéger celui qui le porte contre l'inhalation à la fois de gouttelettes et de particules en suspension dans l'air. Le port de ce type de masque est plus contraignant (inconfort thermique, résistance respiratoire) que celui d'un masque chirurgical. Il existe trois catégories de masques FFP, selon leur efficacité qui est estimée en fonction de l'efficacité du filtre et de la fuite au visage. La norme FFP va donc évaluer l'efficacité du masque selon deux paramètres : la qualité de filtration et la fuite d'air. Ainsi, on distingue :

– les masques FFP1 filtrant au moins 80 % des aérosols de taille moyenne 0,6 μm (fuite totale vers l'intérieur < 22 %) ;

– les masques FFP2 filtrant au moins 94 % des aérosols de taille moyenne 0,6 μm (fuite totale vers l'intérieur < 8 %) ;

– les masques FFP3 filtrant au moins 99 % des aérosols de taille moyenne 0,6 μm (fuite totale vers l'intérieur < 2 %).

Trois types de formes de masques existent : plis, coquille et bec de canard.

Attention aux masques FFP2 de BTP qui sont équipés d'une valve pour faciliter l'expiration. Ceci limite la fatigue et les maux de tête de celui qui le porte, ce qui est capital dans le cadre de travaux physiques où l'objectif n'est que de filtrer ce que l'on inspire. Cependant, l'expiration provoque une ouverture directe de la valve et l'air sortant est alors non filtré et donc potentiellement contaminant. Ces masques ne protègent donc pas le patient et les personnes autour et constituent un risque sanitaire Covid-19 majeur. Ces masques sont donc interdits pour un usage médical (fig. 8).

Les masques FFP2 ont des limites. Même si leur étanchéité sur les côtés est discutable, ils sont très ajustés. Cette efficacité contre le pourcentage de faible fuite et la haute filtration rend la respiration plus difficile, fatigante et moins efficace. Ainsi, ils tiennent plus chaud, limitent l'évacuation du CO2 et diminuent votre apport en O2. Les personnes portant des masques FFP2 longtemps vont subir une fatigue accentuée, sentir leur concentration éventuellement altérée et seront sujets à des maux de tête.

Donc, si vous n'avez pas de FFP2 médical (donc sans valve), mettez un masque chirurgical et un écran. Un masque FFP retiré ne doit pas être réutilisé. La durée de port doit être conforme à la notice d'utilisation. Dans tous les cas, elle sera inférieure à 8 heures sur une seule journée.

Masques chirurgicaux de soins (Jefferson et al., 2009)

La méta-analyse de Jefferson et al. rapporte que l'efficacité des masques chirurgicaux face à la protection du SRAS est de 68 % contre 91 % pour les FFP2. Les masques chirurgicaux permettent d'éviter les projections de gouttelettes de salive ou de sécrétions respiratoires des voies aériennes supérieures lors de l'expiration du soignant vers le patient. Ils protègent donc le soignant des projections émises par le patient (barrière pour les gouttelettes). Mais ils ne sont pas efficaces pour protéger des aérosols. Ils sont destinés à éviter la projection vers l'entourage des gouttelettes émises par celui qui porte le masque.

Un masque chirurgical est un dispositif médical (norme EN 14683). Il est conçu pour un usage unique. Il doit être changé dès qu'il devient humide et au moins toutes les 4 heures.

Masques à visière

Les masques standards ne protègent pas les muqueuses conjonctivales. Il est donc nécessaire de les coupler à un écran ou des lunettes. Pour une ergonomie simplifiée, dans certaines circonstances, il est possible d'utiliser un masque à visière, mais la protection reste inférieure à celle d'un masque associé à un écran. En effet, seul l'écran va protéger de l'aérosol direct qui va humidifier et altérer les qualités de filtration des masques.

Lunettes, masque optique ou visière-écran (fig. 9)

Selon le type d'acte, générateur ou non d'aérosol, le personnel va être amené à choisir entre un niveau de protection croissant. Ne pas porter de protection ophtalmique est inconcevable. Le minimum de protection consistera à porter des lunettes de protection profilées. Elles sont légères, très transparentes, couvrantes et apportent un bon compromis sécurité/confort pour les actes simples sans aérosol. En présence d'un aérosol, il faudra porter un masque optique ou un écran (fig. 5).

Le masque optique est assez léger, se fait presque oublier, ne présente aucun reflet et reste bien étanche en périphérie. Il est incompatible avec les lunettes de vue et ne protège pas la peau. Dans le cas des aérosols marqués, seul un écran facial permet de protéger des projections l'intégralité de la face, en empêchant d'humidifier le masque, ce qui augmente sa durée de vie. Les visières ou écrans faciaux ne sont pas des équipements de protection respiratoire mais des équipements de protection des yeux et du visage (fig. 10). Ils répondent à la norme EN 166 « Protection individuelle de l'œil ». En milieu de soins, les écrans faciaux ne doivent pas être utilisés seuls, mais en complément d'une protection respiratoire. Ces écrans protègent tout le visage et ont l'avantage de pouvoir être retirés en minimisant le risque de toucher le visage.

Calot, sur-blouse et sur-chausses

La nouvelle problématique que pose la crise sanitaire Covid-19 est la gestion de l'air en raison des caractéristiques de transmission du SARS-CoV-2 qui est un aéro-contaminant. Cette caractéristique impose une tenue de travail plus adaptée et plus stricte car nous évoluons dans un espace contaminé (fig. 11). Nous devenons donc nous-même des vecteurs de transmission. Les cheveux sont donc à couvrir par un calot ou une charlotte et les chaussures par des sur-chausses.

Procédure spécifique à mettre en place

Procédure classique

Asepsie

L'asepsie est un concept ayant pour origine les travaux de Louis Pasteur qui ont démontré la présence de micro-organismes dans l'environnement (poussières, surfaces, air). C'est une méthode préventive qui a pour objectif d'empêcher tout apport exogène de micro-organismes par une série de mesures. Cette pratique s'est substituée à l'antisepsie qui est une opération au résultat momentané permettant d'éliminer les micro-organismes au niveau des tissus biologiques par application d'un antiseptique.

Dans les cabinets de chirurgie-dentaire, toutes les mesures d'hygiène sont confondues et appelées asepsie. Elles regroupent une série de précautions et de procédures d'hygiène qui peuvent être résumées jusqu'à la crise sanitaire du Covid-19 comme suit.

Avant le soin

– Questionnaire médical pour chaque patient.

– Vaccination de l'équipe médicale.

– Formation des personnels (praticiens et assistantes).

– Traitement des prothèses.

– Aération des salles de soins 1 à 2 fois par jour.

– Purge des équipements le matin.

Pendant le soin

– Lavage des mains.

– Tenue de travail spécifique.

– Port d'un masque chirurgical, de gants et de lunettes de protection.

– Utilisation systématique de la digue en endodontie.

– Travail à quatre mains et avec aspiration chirurgicale.

Après le soin

– Matériel à usage unique jeté.

– Nettoyage de la zone de soins.

– Pré-désinfection des instruments thermorésistants, nettoyage, séchage, ensachage, stérilisation en autoclave et stockage (fig. 12).

– Gestion des déchets contaminés (DASRI) et élimination par une société spécialisée.

– Contrôle régulier des autoclaves par l'APAVE et des tests biologiques.

– Traitement des empreintes.

– Nettoyage du système d'aspiration et tubulures.

Procédure spécifique à la crise Covid-19

Rassurer et préparer l'équipe médicale

Les épidémies ont toujours provoqué des comportements irrationnels liés à la peur. La crise sanitaire du Covid-19 a atteint une intensité dramatique en raison de son extension à l'échelle mondiale, des mesures sans précédent prises par le plus grand nombre de gouvernements, de la gestion anxiogène de l'information par les médias et des rôles d'amplification joués par les réseaux sociaux. La première phase importante est d'écouter les personnels de l'équipe de soins et de les rassurer. Dans chaque équipe, il est important d'identifier un sachant ou un pilote, un responsable, un guide. Dans la plupart des cabinets, il s'agira d'un praticien ou d'un d'entre eux pour les cabinets de groupe. Cette personne référente aura suivi des formations adaptées et préparé des éléments de langage pour rassurer les membres de l'équipe en s'appuyant sur les connaissances actuelles sur l'épidémie, son mode de transmission, sa dangerosité et les moyens de contrôle adaptés.

Cette phase passe par 4 étapes :

– expliquer la situation ;

– comprendre les éléments de réponse ;

– agir pour contrôler le risque ;

– contrôler la qualité de la réponse.

Préparation du cabinet

La reprise d'activité après une crise nécessite l'organisation d'une réunion d'équipe avant tout accueil de patients (cabinet fermé). Ce principe de réunions peut être ritualisé en les organisant de façon régulière en fonction des besoins du cabinet (réunion mensuelle par exemple).

– Il est important que chacun puisse exprimer librement ses peurs, même les plus surprenantes.

– La personne référente (le sachant) présentera la situation avec un objectif principal de dédramatisation de la crise et en s'appuyant sur des guides, référentiels, sociétés scientifiques.

– Les pratiques d'hygiène et la chaîne de stérilisation seront réévaluées et contrôlées.

– Le rythme de travail sera discuté avec pour objectif de réduire le flux de patient par jour.

– Les locaux seront réorganisés dans le but de maintenir une distance de sécurité et pour éviter les contacts physiques entre les patients. Les objets non essentiels seront retirés des locaux d'accueil des patients (revues, décorations, jeux pour enfant...).

– Des tests sérologiques pourront être proposés aux membres de l'équipe si cette approche semble pouvoir les rassurer. Ces tests pourront être faits régulièrement pour suivre le statut sérologique de l'équipe (tous les 3 mois).

Gestion du carnet de rendez-vous

Organiser le planning des praticiens va constituer un défi qu'il ne faut pas sous-estimer ni bâcler. En effet, la réussite de la sortie de crise et la pérennité du cabinet sur les plans sanitaire, humain et financier vont en dépendre directement.

Le carnet de rendez-vous du cabinet est le reflet du mode de vie de l'équipe de soins et du praticien. Une réflexion préalable générale du praticien sur ses priorités, choix, vie privée, passions et arbitrages est indispensable avant la mise en place du carnet de rendez-vous électronique. Ces choix préalables permettront de définir le rythme de travail et de rationaliser l'exercice.

L'objectif principal lié à l'adaptation à la crise sanitaire Covid-19 est de réduire le flux des patients et d'optimiser l'activité avec des séances plus longues.

La réduction du nombre de patients par jour et celle de personnes présentes dans le cabinet au même instant sont deux objectifs principaux. Les noms des patients devront figurer dans le carnet de rendez-vous pour gérer d'éventuels cas contacts avec des patients en phase de transmission du SARS-CoV-2.

La réflexion et l'organisation des séances doivent permettre de maintenir un bon équilibre économique compatible avec l'objectif ci-dessus.

Le contact téléphonique préalable ou, mieux, la télérégulation sont des bons outils de filtrage pour optimiser l'organisation du planning de soins.

Rassurer le patient

Le retour des patients dans les cabinets dentaires après le traumatisme de la crise Covid-19 peut être difficile pour une partie du public. La très forte baisse de fréquentation des services d'urgences hospitalières pendant la période de confinement liée à la Covid-19 a parfaitement démontré le comportement de peur irrationnel de la population.

L'attitude à avoir avec nos patients sera proche de celle utilisée avec l'équipe médicale. Dans un premier temps, il faudra laisser le patient exprimer ses peurs, ses inquiétudes. Dans un deuxième temps, en apparaissant comme un sachant, il faudra relativiser et dédramatiser la gravité de la crise avec des éléments de langage adaptés.

Dans un troisième temps, il faudra lister les mesures de prévention mises en œuvre et valoriser les plus représentatives, symboliques ou spectaculaires.

Protection du patient

Chaque patient devra avoir reçu des consignes avant le rendez-vous expliquant en détails la nouvelle procédure mise en place. Le patient sera accueilli juste avant l'heure du rendez-vous. Le patient évitera dans la mesure du possible les accompagnants. Le port du masque sera vérifié de même que sa propreté et sa bonne utilisation. Il sera changé si nécessaire. Du gel hydro-alcoolique sera proposé au patient à son arrivée. Il devra se laver les mains consciencieusement pendant au minimum 20 secondes.

La prise de température est un sujet polémique ne faisant pas partie des recommandations du Conseil National de l'Ordre. Cependant, cet acte non invasif et rapide peut avoir un impact psychologique positif dans la prise en charge post-crise du patient. Les consignes envoyées aux patients auront précisé d'arriver avec le minimum d'affaires. Les habits et sacs pourront être mis dans une boîte plastique avec couvercle qui sera décontaminée entre chaque patient. Le patient ne gardera sur lui que la carte vitale et un moyen de règlement. Le nom du patient devra clairement figurer dans le planning pour assurer une traçabilité en cas de patients contaminants dans le cabinet pour pouvoir remonter aux cas contacts. Le circuit des patients devra, dans la mesure du possible, éviter le croisement des patients entrants et sortants.

Un bain de bouche sera systématiquement proposé au patient. Mais quels sont les arguments qui justifient cette pratique ? Quelle molécule active utiliser ? À quelle dose ?

Chez les personnes contaminées, l'excrétion du virus pharyngé est très élevée au cours de la première semaine de symptômes, avec un pic à 7,11 × 108 copies d'ARN par prélèvement de gorge au quatrième jour. La charge virale salivaire est très variable d'un patient à l'autre (Wolfel et al., 2020).

Contrairement à nos habitudes d'utiliser la chlorhexidine qui ne tache pas et présente un goût agréable, cette molécule sera à proscrire au profit de la povidone iodée. En effet, Eggers a montré en 2018 que 15 secondes de povidone iodée à 0,23 % (Bétadine® 10 % verte diluée au 1/4) inactivait le SARS-Cov ou le MERS-Cov in vitro, alors que de nombreuses études ont démontré l'inefficacité de la chlorhexidine sur ces familles de virus même après 60 minutes de temps de contact (Eggers et al., 2015 ; Geller et al., 2010).

L'utilisation du peroxyde d'hydrogène est plus délicate car, si son efficacité a été démontrée lors d'une application de une minute, il lui faut une formulation stabilisée dite accélérée. Nous ne le recommanderons donc qu'en cas d'allergie à la povidone iodée. Dans ce cas précis, Kampf et al. utilisent le peroxyde d'hydrogène (H2O2) à 0,5 % pendant une minute (Kampf et al., 2020).

La réalisation de bains de bouche juste avant le soin va diminuer la charge virale présente, mais pour combien de temps ? La production de virus et de salive est continue. Le bain de bouche initial va diminuer la charge mais pour un délai que nous ne maîtrisons pas. Dans une approche rationnelle de réduction des risques, le bon sens nous incite à son usage, mais en rappelant que sa réalisation ne protègera pas.

Le patient sera équipé des équipements de protection individuels suivants : charlotte, sur-blouse ou tablier. Le masque sera retiré juste avant de démarrer l'examen ou le soin.

En résumé.

– Information aux patients.

– Questionnaire (résultats tests).

– Prise de température.

– Éloignement et gestion des effets personnels.

– Lavage des mains et gel hydro-alcoolique.

– Bain de bouche à la Bétadine®.

– EPI (charlotte, masque visiteur, sur-blouse).

Protection de l'équipe médicale (FFP2)

Le premier élément essentiel est l'information qualitative par « le sachant », par des formations spécifiques qui permettent la connaissance. Cette connaissance est acquise grâce à la mise en pratique commune par l'équipe de soins du cabinet.

Tous les membres de l'équipe doivent être à jour de leurs vaccinations sans oublier la grippe chaque année.

Le lavage des mains doit être réalisé avec un savon doux pour préserver la qualité de protection de l'épiderme sain.

Les écrans seront un point particulièrement sensible dans le cadre de cette crise sanitaire en raison du mode de transmission du SARS-CoV-2 par des gouttelettes de taille supérieure à 5 microns et un rayon d'action par la toux ou la simple parole d'au moins 2,5 mètres et beaucoup plus par les aérosols produits par nos équipements (gouttelettes inférieures à 5 microns) (Stadnytskyi et al., 2020). Le virus SARS-CoV-2 est un aéro-contaminant qui justifie à ce titre la mise en place de mesures barrières renforcées. Ce mode de transmission associé à nos pratiques est à l'origine d'une contamination potentielle de toutes les surfaces de la salle de soins (fig. 13).

Une étude récente de De Kai démontre que le fait de porter un masque adapté est une mesure de protection efficace. Elle semble même plus efficace que le confinement (De Kai, 2020). Les masques constituent donc l'équipement de protection individuel (EPI) principal. Cependant, leurs caractéristiques sont très différentes d'un type à l'autre et leurs utilisations ne sont pas interchangeables (fig. 8).

Analyse de la chaîne d'hygiène et d'asepsie

La chaîne de traitement des instruments thermorésistants et thermosensibles a été parfaitement codifiée par les différentes instances professionnelles et par la Haute Autorité de Santé pour l'ensemble des professions médicales (Recommandations professionnelles de la HAS, juin 2007, Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical ; DGS, juillet 2006, Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie). Elles restent aujourd'hui parfaitement adaptées dans la gestion de la crise sanitaire. Il est important de la réévaluer, de tester ou de faire tester les différents dispositifs utilisés (autoclave, thermo-désinfecteurs, bac à ultrasons, système de nettoyage et désinfection de l'instrumentation dynamique).

Le principe de base du traitement de l'instrumentation thermorésistante est une chaîne d'actions qui conduira, si elle est convenablement exécutée, à l'obtention d'un état de stérilité stable dans le temps : pré-désinfection, nettoyage, séchage, ensachage, stérilisation en autoclave (fig. 12).

Gestion de l'air

Un des points les plus sensibles de la crise sanitaire Covid-19 est la gestion de l'air. L'aération des locaux entre chaque patient pendant 15 minutes pour des actes ayant générés des aérosols est l'une des recommandations du Conseil National de l'Ordre (Guide des soignants, version 1, 5 mai 2020). Et il est évident que, dans la mesure du possible, cette recommandation est une règle à suivre. Cependant, de nombreux cabinets ont des salles de soins ou de chirurgie sans fenêtres et les conditions extérieures de météorologie vont forcément limiter ce protocole (canicule, froid, vent, pluie...). Il est donc essentiel de connaître, d'optimiser ou d'installer des moyens de gestion de l'air complémentaires et efficaces. L'aéro-décontamination peut faire appel à différentes technologies présentant chacune ses avantages et ses inconvénients : traitement chimique de l'air par spray, filtration, traitement physique par rayonnement ultra-violet.

Traitement chimique de l'air et des surfaces par spray

Il est très performant mais peu compatible avec les contraintes d'un cabinet dentaire en raison de la durée du cycle de une heure. La toxicité des produits utilisés interdit une présence humaine dans le volume traité pendant la durée du cycle. Ce type de produit semble plus adapté aux usages hospitaliers. Dans cette gamme de produits, les références sont : MedProDefense qui propose Nocospray® associé à la solution Nocolyse® ou Aerosept® associé à Anios DVA HPH...

Traitement physique de l'air par ultra-violet

Il utilise une longueur d'onde spécifique de 254 nm dans la gamme des UV-C qui crée des dommages importants dans les cellules au niveau du matériel nucléique (ADN ou ARN). Cette interaction permet la destruction des micro-organismes par destruction du matériel génétique. Le SARS-CoV-2 est fortement sensible à ce type d'irradiation (Kowalski, 2020). Ce principe impose de nombreuses contraintes : une installation par un spécialiste, une utilisation sans personne dans la pièce car les UV sont toxiques, une action de surface car les UV ne sont pas pénétrants, une dégradation de l'aspect de surface de nombreux matériaux synthétiques (skaï, plastiques...). Toutes ces limitations rendent complexe et délicate leur utilisation au quotidien.

Système de filtration et de décontamination de l'air

La filtration de l'air pour répondre à un risque microbiologique viral est complexe en raison de la taille d'un virus qui est le plus petit élément biologique infectieux. Cette filtration impose des filtres HEPA répondant au minimum à la norme H13 et idéalement H14. Ces filtres ont une porosité de 0,3 micron alors que le virus à une taille de l'ordre de 0,1 micron. Toutefois, le virus n'est jamais seul en suspension dans l'air mais associé à un support « micro-goutelette » qui peut être arrêté par ce type de filtre. Les filtres accumulent donc les micro-organismes en se colmatant et en se contaminant. Il est donc important qu'ils soient couplés à une technologie de décontamination et qu'ils soient changés régulièrement. La technologie de décontamination utilisée le plus fréquemment est l'irradiation avec des UV-C. Le contact de l'air avec les tubes UV provoque l'apparition de radicaux oxygénés très oxydants qui détruisent les micro-organismes et peuvent avoir une action irritante sur les muqueuses respiratoires s'ils sont libérés dans le cabinet en présence de personnes (fig. 14). L'aération reste donc importante pour réduire leur concentration. Les polluants odorants seront souvent éliminés par des filtres charbon. Le problème de toxicité des radicaux oxygénés a été réglé par une autre technologie : la photocatalyse. La photocatalyse permet d'oxyder les micro-organismes et les radicaux produits. Cette approche évite d'additionner les couches de filtres. Tant qu'il n'y a pas de poussière, elle est auto-régénérante. Un filtre charbon en entrée associé à la photocatalyse permet un maximum d'efficacité sur le traitement de l'air avec une réduction de la maintenance. La qualité du traitement de l'air a un impact direct sur le niveau de contamination des surfaces qui est également fortement réduit.

Quelques exemples de dispositifs utilisant le principe de photocatalyse :

– Oxymore® Himalaya (IDR Pure) (fig. 16) ;

– Abiotec® (Airocide) ;

– Beewair® (BW 60L).

Quelques exemples de dispositif utilisant le principe de filtration HEPA et/ou les UV-C :

– Euromate® ;

– Airvia® (fig. 14) ;

– Sterilair Pro® (fig. 15) ;

– Dyson®.

Ventilations mécaniques contrôlées (VMC), ventilations mécaniques par insufflation (VMI) ou double flux et climatisations

Depuis 1982, tous les immeubles neufs ou rénovés disposent d'une ventilation mécanique contrôlée qui permet de renouveler l'air intérieur. Elles doivent renouveler l'air d'une pièce de vie 3 fois par heure et dans les salles de bain, toilettes, buanderie, 10 fois par heure en position forcée. Ces dispositifs sont donc essentiels en cabinet dentaire mais il faut veiller à leur nettoyage et à leur révision. Le renouvellement de l'air conseillé en cabinet dentaire est de 10 à 15 fois par heure.

Les climatisations dites professionnelles disposent de filtres, d'un réglage de puissance automatique et d'une gestion des condensats qui les rendent compatibles avec les critères d'hygiène d'un cabinet dentaire. Le choix du modèle et la régularité de l'entretien sont les contraintes obligatoires de leur utilisation en cabinet.

Gestion des surfaces

Le virus-SARS-CoV-2 est un virus enveloppé. Cette structure contient des phospholipides très sensibles aux détergents et aux tensio-actifs. Une fois cette structure perturbée, le virus n'est plus en situation de survivre, de se transmettre et encore moins de trouver une situation favorable à sa réplication. Les produits classiquement recommandés pour le traitement des surfaces sont parfaitement adaptés contre le SARS-CoV-2. Unit, scialytique, cordons, tuyaux, plan de travail, boutons, télécommandes, poignées doivent être essuyés avec un détergent-désinfectant correspondant à la norme NF EN 14476 en laissant un temps d'action de 5 minutes. L'effet d'aérosolarisation concerne la totalité de la salle de soins à traiter entre chaque patient. Le fonctionnement en check-list peut aider à fiabiliser les procédures.

Gestion de l'eau (IGN, Calbénium)

Des traces de SARS-CoV-2 ont été retrouvées dans les eaux usées. Par contre, l'eau de distribution des réseaux de ville est restée préservée pour l'instant grâce aux traitements par des oxydants comme le chlore. Il est important de conserver cette qualité dans l'eau de nos units, sachant que la formation de biofilm dans les tubulures de nos installations est difficile à maîtriser. La seule approche efficace est de traiter l'eau et de la maintenir germicide en lui associant de faibles quantités de molécules actives comme des dérivés chlorés (chloramines, acide hypochloreux, eau oxygénée) compatibles avec l'utilisation en bouche. La situation actuelle remet sur le devant de la scène l'utilisation de décontaminants directement dans l'eau des units.

Entre chaque patient, il ne faut pas oublier de purger puis de changer tous les instruments rotatifs. Il est nécessaire d'avoir une rigueur accrue pour les dispositifs qui ne sont pas démontables.

Plusieurs dispositifs sont commercialisés :

– Planmeca (ActiveAqua qui produit de l'acide hypochloreux par électrolyse) ;

– Kavo (Oxygenal 6 qui traite par de l'eau oxygénée) ;

– Airel IGN (Calbenium® qui contient des dérivés chlorés et un chélateur rendant l'aérosol désinfectant).

Gestion des déchets

Il existe trois catégories de déchets dans le cadre des activités de soins : les DAOM, les DASRI et les DASR.

Les déchets assimilables aux ordures ménagères (DAOM) sont éliminés quotidiennement par la filière des ordures ménagères (papier d'emballage, essuie-mains, serviettes non souillées...).

Les déchets de soins à risque infectieux (DASRI) devront être stockés dans un conteneur avant enlèvement. Le transport vers une borne de collecte nécessitera un sur-emballage. Ces déchets regroupent tous les dispositifs souillés par le sang ou la salive, les dents extraites (aiguilles d'anesthésie, carpules, lames de bistouris, aiguilles de sutures, fraises usagées...).

Les équipements de protection individuels souillés ou mouillés sont éliminés avec les DASRI. Les autres déchets peuvent être gérés dans la filière des déchets ménagers du cabinet (DAOM).

Les déchets d'activité de soins à risque (DASR) sont principalement représentés par les déchets d'amalgames et répondent à une réglementation spécifique (arrêté du 30 mars 1998).

Responsabilités civiles et pénales face à la crise sanitaire Covid-19

Dans une période de crise sanitaire (peur irrationnelle) et économique, les risques de plaintes des patients et de personnels sont fortement augmentés. Il est donc très important d'être irréprochable. C'est une double responsabilité civile et pénale. Nous devons assumer les actes, fautes et conséquences.

Un patient pourrait déposer une plainte pour mise en danger de la vie d'autrui (223-1 code pénal > 1 an de prison, 15 000 euros d'amende). Même si ce risque reste faible, il est bien réel et présent.

L'article R. 4127-204 Code de santé publique rappelle que praticiens et personnels soignants doivent prendre toutes les dispositions pour éviter la transmission de quelque pathologie que ce soit. Les praticiens sont également, selon le code du travail, responsables de leurs salariés. Si un salarié commet une faute, c'est l'employeur qui, selon l'article 1242 du code civil, est fautif vis-à-vis des tiers. De plus, envers nos salariés, les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail définissent que les praticiens doivent prendre toutes les mesures pour protéger leur santé physique et mentale.

Ainsi, il est impératif de tenir compte du contexte de crise sanitaire Covid-19 pour réouvrir nos cabinets :

– mettre en place les bonnes pratiques ;

– adapter la structure et les équipements mobiliers et EPI ;

– informer et former le personnel ;

– utiliser tous les moyens nécessaires.

Un document contenant les nouvelles mesures de sécurité, qui peut être collaboratif, ainsi que les procédures du cabinet doivent être mis en place et affichés au cabinet. Il est aussi important de suivre les évolutions des recommandations.

Conclusion

La crise sanitaire du Covid-19 nous expose pour la première fois à un virus aéro-contaminant. Ce nouveau coronavirus fortement présent dans la population mondiale combine des voies de contamination multiples : directe ou indirecte par contact, par gouttelettes, par aérosol et par voie aérienne (fig. 17). Cette situation inédite nous oblige à une prise de conscience d'une situation complexe et à l'adaptation, voire au changement de nos pratiques habituelles pour continuer à assurer des soins à nos patients en garantissant une double sécurité des soignants et des soignés.

Ces changements rapides, brutaux, indispensables permettent de définir le troisième paradigme des mesures d'hygiène en médecine bucco-dentaire qui garantit la sécurité de nos procédures face à cette crise sanitaire et face à de probables futures crises à coronavirus que nous annoncent de nombreux épidémiologistes, infectiologues et virologues.

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