La santé a un coût ! - Cahiers de Prothèse n° 126 du 01/06/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 126 du 01/06/2004

 

Éditorial

Éric robbiani  

Rédacteur en chef

Notre ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, a annoncé le 17 mai une série de mesures qu'il juge nécessaire pour résorber le « déficit » de l'assurance maladie.

Selon lui, « il s'agit de soigner mieux en dépensant moins » .

Comment ne pas être d'accord avec l'idée de soigner mieux ?

Comment ne pas être d'accord pour dépenser moins ?

Mais peut-on raisonnablement envisager de faire les deux simultanément ?

Les...


Notre ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, a annoncé le 17 mai une série de mesures qu'il juge nécessaire pour résorber le « déficit » de l'assurance maladie.

Selon lui, « il s'agit de soigner mieux en dépensant moins » .

Comment ne pas être d'accord avec l'idée de soigner mieux ?

Comment ne pas être d'accord pour dépenser moins ?

Mais peut-on raisonnablement envisager de faire les deux simultanément ?

Les dépenses de santé en 2003 ont représenté 101,4 milliards d'euros soit une hausse de 6,3 % par rapport à 2002. Elles correspondent en France à 9,6 % du PIB contre 10,6 % en Allemagne et 13,9 % aux États-Unis.

Les soins et biens médicaux ont coûté en 2002 la somme de 2 220 € par habitant, avec 44,7 % pour l'hôpital, 26,7 % pour les honoraires et 21 % pour les médicaments.

Monsieur Douste-Blazy prône la responsabilisation de tous les acteurs du système de soins.

Pour les professionnels de santé, l'objectif de meilleures pratiques médicales est fixé. La valorisation du rôle du médecin traitant est sûrement une bonne chose, même si le nomadisme médical ne représente pas un impact financier majeur. L'évaluation des pratiques et la formation continue sont de nature à améliorer la qualité des soins. Le dossier médical partagé, en revanche, me semble davantage sujet à débat. En effet, s'il permet théoriquement de diminuer les doubles prescriptions, sa mise en place n'est pas sans poser certaines difficultés techniques et soulève plusieurs interrogations quant à la préservation du secret médical.

Les laboratoires pharmaceutiques seront mis à contribution. Ramenée de 15 à 10 ans la durée des brevets devrait favoriser le développement des génériques, certes moins chers, mais que va devenir la recherche pharmaceutique dont on sait qu'elle nécessite des moyens considérables ?

Les économies sur la gestion des caisses sont souhaitées. Que peut-on en attendre réellement ? La carte Vitale sera modifiée pour un coût de 200 à 500 millions d'euros. Pour quels bénéfices réels ?

La responsabilisation des patients se concrétiserait par une contribution de 1 € par feuille de soins, l'augmentation du forfait journalier hospitalier, des sanctions pour les congés maladie abusifs, l'augmentation de la CSG. Un sondage récent montre que seulement 47 % des Français accepte cette charge de 1 €.

La carte Vitale, le tiers-payant et les accords de mutuelles ou d'assureurs font que de moins en moins de gens ont conscience du coût de la santé. La santé est un droit, certes, mais oublier qu'elle a un coût pour l'individu ou pour la société est une partie du problème actuel. L'évolution de la société, des structures familiales, l'allongement de la durée de la vie, la relation à la maladie et à la mort sont autant de facteurs qui contribuent à une consommation médicale plus élevée. En 1960, la consommation de médicaments représentait 3,5 % du PIB. Elle représentait 9,1 % en 2002. On constate aussi que 5 % des assurés représentent 51 % des dépenses et touchent 60 % des remboursements. Mais est-il possible de procéder autrement ? L'allongement de l'espérance de vie implique la prise en charge des personnes âgées ou très âgées dépendantes. Certaines pathologies (cancer, Sida…) nécessitent l'utilisation de traitements de plus en plus onéreux.

La responsabilisation des acteurs du système de soins est utile, mais elle ne résoudra pas un problème qui est bien plus large. Nous parlons en effet de « déficit », mais ce terme se rapporte à un budget voté par l'Assemblée nationale. Il faudrait débattre de ce que la nation souhaite consacrer à sa santé. Que l'on dise clairement que la santé a un coût. Ensuite, il faudra faire des choix :

- soit conserver un budget constant et donc diminuer des prestations, car la « responsabilisation des acteurs » a des limites comptables ;

- soit prendre en charge les frais liés à l'augmentation des « besoins » et alors redistribuer les crédits d'autres ministères.

Il ne sera pas possible de faire plus longtemps l'économie de ce débat.