L'utilisation de polymères renforcés avec des fibres pour la confection de bridges doit encore être considérée comme expérimentale. Revue de littérature. - Cahiers de Prothèse n° 133 du 01/03/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 133 du 01/03/2006

 

Synthèses

Éric Robbiani  

Pourquoi ?

Lorsque se pose le problème du remplacement d'une ou plusieurs dents, le choix du moyen est toujours délicat. Le bridge traditionnel est souvent considéré par le praticien et le patient comme la solution de choix. Les autres solutions sont les prothèses amovibles avec leurs inconvénients en termes de confort et de contraintes sur les dents supports ou la prothèse sur implants qui est parfois refusée par les patients à cause de la chirurgie et du coût du...


Pourquoi ?

Lorsque se pose le problème du remplacement d'une ou plusieurs dents, le choix du moyen est toujours délicat. Le bridge traditionnel est souvent considéré par le praticien et le patient comme la solution de choix. Les autres solutions sont les prothèses amovibles avec leurs inconvénients en termes de confort et de contraintes sur les dents supports ou la prothèse sur implants qui est parfois refusée par les patients à cause de la chirurgie et du coût du traitement. Les bridges collés sont parfois indiqués. Chaque technique présente des avantages et des inconvénients et représente un coût biologique pour les tissus résiduels à court ou moyen terme. Aujourd'hui, le développement de la recherche sur les biomatériaux a conduit à la mise sur le marché de nombreuses solutions alternatives. La plupart utilisent des résines composites renforcées avec des fibres. Ces polymères renforcés de fibres (PRF) présentent de bonnes qualités physico-mécaniques in vitro. L'objectif de cette étude est de rechercher tous les PRF commercialisés comme des alternatives aux bridges traditionnels et d'analyser de façon critique les essais cliniques qui servent d'argumentaire à leur promotion.

Comment ?

Dans un premier temps, tous les PRF commercialisés et leur fabricant ont été répertoriés. Une recherche Medline a été réalisée pour rechercher toutes les publications parues après 1990 et utilisant différents mots-clés. Tous les résumés ont été lus pour rechercher des noms de produits. Les auteurs ont aussi assisté à différents congrès internationaux (Cologne, Sydney, New Dehli 2003 et 2004) et recherché d'autres PRF. Ensuite, la documentation clinique des produits trouvés a été recherchée et les fabricants interrogés. Tous les documents promotionnels ont été examinés à la recherche de références d'études cliniques. Enfin, toutes les études trouvées ont été lues et analysées par les auteurs et un niveau de qualité attribué. Pour la catégorie A : plusieurs études cliniques de bonne qualité existent.

Pour la catégorie B : moins de 2 études correctes existent, mais d'autres cas cliniques ont été publiés.

Pour la catégorie C : aucune étude clinique n'a été publiée pour valider l'utilisation de ce produit.

Et alors ?

Différentes solutions technologiques ont été retenues par les fabricants de PRF. Onze marques différentes ont été identifiées. On retrouve principalement des fibres de verre (n = 6 produits), des fibres de polyéthylène (n = 3), des fibres de Kevlar (n = 1) ou de polyalkane (n = 1). Elles sont surtout unidirectionnelles (n = 6) ou tressées (n = 3).

Un seul produit fait partie de la catégorie A. Il s'agit de Vectris/Targis qui a été décrit dans 6 études cliniques. Les études les plus longues et incluant le plus de patients montrent des taux de survie après 2,5 ou 3 ans de 55 à 72 % et ne permettent pas de recommander l'utilisation de ce matériau pour un traitement permanent.

Dans la catégorie B ont été classés Fiberspan NSI, Ribbond, Fibrekor/Sculpture, Splint-it et Stick/Sticknet/Everstick. Ces produits sont décrits dans des cas cliniques ou au moins une étude de cohorte. La période de suivi est toujours courte.

Pour la catégorie C, les rapports sont inexistants ou inconsistants pour Connect fibers, DVA fibers, Fiber-splint, Fibreflex et GlasSpan.

La preuve scientifique pour promouvoir l'utilisation de bridges de PRF comme alternative aux bridges conventionnels est faible et repose sur un très faible nombre d'études de basse qualité et sur une période trop courte. Même si ces bridges « fibrés » présentent un bon rapport coût/bénéfice, ils doivent être considérés comme provisoires tant que des études plus rigoureuses et sur du plus long terme ne seront pas disponibles.

À retenir :

Récemment sont apparues sur le marché des résines polymères renforcées par des fibres pour la réalisation de bridges de faible portée avec ancrage périphérique ou sous forme d'inlay. Ces restaurations sont présentées par les fabricants comme devant remplacer les options traditionnelles. Cette étude vérifie, par l'intermédiaire d'une recherche bibliographique entre 1990 et 2004, la pertinence des études cliniques, lorsqu'elles existent, qui étayent l'utilisation de ces matériaux. Sur les 11 produits identifiés, seul Vectris/Targis (Ivoclar-Vivadent) présente plusieurs études cliniques. Cependant, ces études ne permettent pas de justifier l'utilisation de ce produit comme alternative à long terme aux bridges traditionnels. Les taux de survie varient de 55 à 72 % à 3 ans. Des études plus nombreuses, mieux conduites et sur une période plus longue sont indispensables avant l'utilisation de ces produits dans une optique de long terme.