Montage des dents en prothèse amovible complète : du conventionnel à l’atypique - Cahiers de Prothèse n° 161 du 01/03/2013
 

Les cahiers de prothèse n° 161 du 01/03/2013

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Pierre le Bars*   Latifa Merdes**  


*MCU, PH
Département de prothèse
UFR d’odontologie
Université de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
44042 Nantes cedex 1
**Maître de conférences de classe
A’ en prothèse dentaire

Service de prothèse
Département de chirurgie dentaire
Faculté de médecine
Université Badji-Mokhtar-Annaba
BP 12
23000 Annaba, Algérie

Résumé

Le montage idéal des dents en prothèse amovible complète doit aboutir au confort fonctionnel ainsi qu’à un résultat esthétique acceptable pour le patient. Le chirurgien-dentiste effectue un choix entre : des dents anatomiques et non anatomiques ; une occlusion balancée équilibrée versus une occlusion monoplane ou lingualée. Dans cet article, est exposé le traitement de trois personnes totalement édentées, respectivement en classe I, II et III squelettique d’Ackerman. Les particularités de ces trois montages sont détaillées. Ensuite est présenté un cas atypique de prothèse maxillo-faciale d’un patient, selon une occlusion balancée utilisant des dents non anatomiques, conformément au concept de Sears. Plusieurs indications cliniques correspondant à ce concept sont présentées. L’utilisation des dents non anatomiques est justifiée par les avantages suivants : faciliter les montages dans les cas de relations intermaxillaires atypiques sur un articulateur semi-adaptable ; traiter un espace prothétique réduit ; permettre de maintenir la stabilisation occlusale en prothèse amovible complète.

Summary

The arrangement teeth in complete dentures : from conventional to atypical situation

The ideal teeth arrangement in complete denture should lead to functional comfort and esthetic as primary needs of the patient. The dental surgeon makes a choice between (1) anatomic and non anatomic (cuspless) teeth, (2) a bilateral balanced occlusion scheme versus monoplane or lingualized occlusion scheme. In this article, we present the treatment of three edentulous patients respectively in class I, II and III skeletal relationship of Ackerman. Particularities of these three arrangements teeth are detailed. We carry on our work by the exposure of atypical maxillofacial prosthodontic case in edentulous patient with bilateral balanced occlusion scheme using cuspless teeth as Sears concept. Many clinical indications of this concept are presented. Advantages of choosing non anatomic teeth are : facility of the arrangement teeth in atypical intermaxillary relationships on semi-adjustable articulator, in case of a reduced intermaxillary space, to allow an easier stabilization of complete denture occlusion.

Key words

artificial tooth, prosthetic teeth, complete denture, dental occlusion, edentulous patients

La confection d’une prothèse amovible complète résulte d’une collaboration étroite entre le chirurgien-dentiste et le prothésiste de laboratoire. Ce dernier réalise, en fonction des éléments fournis par le praticien et des moyens à sa disposition, le montage des dents sur un articulateur. Actuellement, l’informatique tend à se substituer progressivement aux méthodes classiques pour la réalisation d’un appareil complet bimaxillaire, sans cependant y parvenir complètement pour le moment [1-4]. En matière de logiciel de conception, des progrès au niveau des empreintes et de la fabrication, notamment des surfaces occlusales des dents, sont encore nécessaires [5].

Quels que soient les moyens à notre disposition, la complémentarité entre ces deux spécialistes doit être parfaite et devient une nécessité pour atteindre des objectifs préalablement définis (fonctionnels, esthétiques et de confort).

Rappelons six des principaux objectifs à atteindre :

– rétablir la hauteur de l’étage inférieur du visage en établissant la dimension verticale d’occlusion en harmonie avec la classe squelettique du patient ;

– resituer le niveau du plan occlusal en recherchant la stabilité des prothèses, afin d’obtenir une meilleure efficacité fonctionnelle [6] ;

– tenir compte de la pente condylienne, voire de l’angle de Bennett dans certaines situations [7] ;

– rechercher la position de la mandibule la plus confortable possible par rapport à la base du crâne (centrage, calage et guidage) afin de respecter l’équilibre prothétique ;

– choisir [8] et positionner les dents prothétiques à vocations esthétique et fonctionnelle (mastication, déglutition, phonétique) avec le souci du bien-être du patient ;

– préserver et donc respecter l’intégrité des tissus de soutien des prothèses.

Les techniques de montage des dents, en prothèse amovible complète, ont pour but de rechercher l’équilibre durant la fonction [9]. Ainsi, les différents schémas occlusaux les plus répandus, que ce soit l’occlusion intégralement équilibrée – généralisée (Gysi et Hanau), non généralisée (Ackerman), avec impact lingual « occlusion lingualée » (Gysi, 1927) – ou l’occlusion monoplan, répondent aux mêmes exigences. La mastication engendre des mouvements déflecteurs. La neutralisation de ces forces durant les mouvements de diduction nécessite de répartir les pressions des deux côtés à la fois (travaillant et équilibrant) sur les faces occlusales des molaires et des prémolaires. En propulsion aussi, les forces doivent se répartir sur le plus de facettes possibles des dents des deux arcades. Quelle que soit la situation (centrée ou excentrée), la composante de ces forces doit idéalement être située perpendiculairement aux surfaces osseuses. Une adaptation fine de la morphologie occlusale à la physiologie du patient par des meulages constitue une étape essentielle pour obtenir une occlusion précise et adaptée à la biomécanique manducatrice individuelle de chaque patient [10, 11].

Les montages sont tributaires du rapport mandibulo-maxillaire. Celui-ci recouvre trois catégories, abordées étape après étape par le biais du cas de trois patientes édentées, en se référant à la classification d’Ackerman [12], respectivement en neutroclusion, distoclusion et mésioclusion (fig. 1, et ).

La première étape, après les empreintes, est réalisée par le prothésiste de laboratoire. Elle consiste à confectionner des maquettes d’occlusion à partir de moulages issus d’empreintes anatomo-fonctionnelles [13]. Des repères sont tracés sur le plâtre : ils permettent de confectionner ces maquettes d’une façon bien codifiée. Ce sont des références internes buccales :

– la forme des arcades dans le plan horizontal, qui oriente le choix de la forme des dents. Concernant les molaires et les prémolaires, on opte généralement pour des dents cuspidées (fig. 2 et ) ;

– la papille palatine rétro-incisive, qui permet de situer la position du point interincisif de 6 à 8 mm en avant et les pointes canines latéralement (fig. 3) ;

– la zone d’équilibre d’Ackerman pour les incisives et les canines entre le fond du vestibule et le sommet de la crête antérieure (fig. 4) ;

– la ligne faîtière des crêtes, en respectant l’aire de Pound selon un quadrilatère décrit par Pound [14] ou, plus récemment, adaptée par Hüe en un triangle rétromolaire dont le sommet est situé au niveau de la face mésiale de la canine mandibulaire et les deux points de la base sont l’un vestibulaire et l’autre lingual [15].

Les bourrelets d’occlusion sont conçus en respectant les différents repères préalablement tracés (fig. 5 et 6).

Le plan d’occlusion au niveau antérieur se règle en fonction de critères anatomiques et esthétiques, puis des tests phonétiques valident dès ce stade les premiers réglages en bouche (fig. 7).

Au niveau des molaires et des prémolaires, le plan d’occlusion peut être légèrement remonté pour une classe III d’Ackerman ou bien descendu pour une classe II, au niveau postérieur, au profit de la surface d’appui la moins favorable, dans la limite permise par le montage.

La deuxième étape consiste à observer le visage du patient avec les maquettes d’occlusion réglées en bouche. Cinq références sont à considérer :

– le réglage de la dimension verticale d’occlusion [16] ;

– le centrage de la mandibule/maxillaire (ligne médiane ophrion-gnathion) [17] ;

– le niveau de la ligne interlabiale par rapport aux bords libres de la maquette maxillaire (de 1 à 3 mm en dessous en fonction du type morphologique, 2 mm au-dessus pour la maquette mandibulaire) (fig. 8, et ) ;

– le soutien des lèvres et des joues par les parties vestibulaires des maquettes d’occlusion ;

– la position du bord libre de la maquette maxillaire parallèle au dessin de la lèvre inférieure pendant le sourire ainsi qu’à la ligne bipupillaire.

Chacune de ces trois situations peut se distinguer par sa référence spatiale. Le montage des dents postérieures se réfère, dans les trois plans de l’espace, à des repères anatomiques et des plans guides qu’il faut rappeler.

Dans le plan sagittal, le plan d’occlusion est positionné parallèlement au plan de Camper. Il suit la courbe sagittale de compensation de Spee. Mais il est également tributaire :

• du type de relation squelettique qui existe entre :

– le trigone rétromolaire et la tubérosité,

– les crêtes au niveau des molaires maxillaires et mandibulaires ;

• de la situation de la langue ;

• de la forme de la crête mandibulaire.

Dans le plan frontal, le positionnement des molaires et des prémolaires obéit à plusieurs règles :

– le rapport intercrêtes conditionne la situation du plan d’occlusion. Généralement, il se situe à mi-distance des deux crêtes. Mais il peut être déplacé légèrement au profit de l’arcade présentant la surface de stabilisation la moins favorable, selon Sears ;

– l’espace du couloir dentaire de stabilité est limité par l’aire de Pound [15]. Au maxillaire du côté vestibulaire, il détermine la limite imposée à la face vestibulaire des molaires qui ne doit pas dépasser l’aplomb du fond du ­vestibule. À la mandibule, la limite imposée à la face linguale des molai­res se situe à l’aplomb de la ligne oblique interne ou de la ligne de Pound, plus facilement localisable cliniquement ;

– la langue repose dans le berceau lingual que constitue la prothèse mandibulaire. La moitié supérieure de la partie antérieure de la langue se situe au-dessus des surfaces occlusales des dents mandibulaires [18]. L’équateur de la langue est situé sous le plan d’occlusion des dents mandibulaires [19]. L’objectif est d’utiliser la langue pour stabiliser la prothèse mandibulaire [18, 19] (fig. 9).

Dans le plan horizontal, le plan d’occlusion est positionné en respectant :

– le rapport interarcades ;

– la zone de stabilité située au point d’entrecroisement des crêtes pour les classes I et II. Pour la classe III, il n’existe pas d’entrecroisement [15].

Pour faciliter le respect de l’espace prothétique et permettre le montage des dents prothétiques, l’utilisation d’un articulateur demeure indispensable [7]. Selon Sears, cette recommandation est évidente quand on utilise des dents cuspidées afin d’éviter les traumatismes des crêtes. Son paramétrage précis nécessite :

– d’enregistrer la position du maxillaire par rapport à la base du crâne grâce à un arc facial, puis la position de la mandibule en relation centrée (axe charnière) et donc, de ce fait, par rapport aux articulations temporo-mandibulaires (fig. 10 et ) ;

– pour plus de précision, d’enregistrer la trajectoire de la pente condylienne au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire (Quick Axis®) (fig. 10).

Ainsi, le positionnement des moulages maxillaire et mandibulaire sur un articulateur permet de visionner le rapport intercrêtes afin de respecter les contraintes du montage et de mesurer les marges de manœuvre possibles pour positionner les dents (fig. 11, et ) [20].

La position de la base des incisives mandibulaires est strictement comprise dans la zone de stabilité située entre la ligne faîtière de la crête et la verticale à l’aplomb du fond du vestibule inférieur. Des tests phonétiques [2122-23], à ce stade permettent de valider le montage des dents antérieures : la prononciation de la consonne M vérifie le contact passif des lèvres, la prononciation des explosives P et B vérifie le contact actif avec forte contraction des lèvres. La prononciation des fricatives F et V permet d’apprécier le contact des incisives maxillaires avec la lèvre inférieure. La prononciation du S et du CH, d’une part, définit la position à donner aux incisives mandibulaires d’après Pound et, d’autre part, permet le contrôle de l’espace libre inter­occlusal de Thomson (fig. 12, et ) [23].

Le plan d’occlusion en postérieur peut être remonté ou abaissé au profit de la prothèse la plus instable (surface d’appui réduite/antagoniste), tout en respectant les limites physiologiques du montage en prothèse complète (si possible, éviter le montage croisé). L’inversé d’articulé présente des inconvénients, engendrant des problèmes esthétiques et un risque de pincement des joues. Pour le cas de la classe II, une légère descente du plan d’occlusion est envisageable en postérieur, une barre de conjonction mandibulaire augmente la stabilité prothétique (fig. 13). Pour la classe III, le plan d’occlusion est déplacé afin de favoriser la stabilisation de la prothèse maxillaire ; celle-ci en effet bénéficie d’un polygone de stabilisation moins favorable qu’à la mandibule [23, 24].

Le plan d’occlusion est également dépendant de la typologie squelettique verticale. Ainsi, en fonction de l’anatomie de la mandibule, deux situations extrêmes sont à envisager :

– le sujet dit hyperdivergent, présentant une branche montante courte, un angle goniaque ouvert, un plan d’occlusion incliné vers l’avant et en bas et une courbe de Spee plate à grand rayon, supérieur à 90 mm ;

– le sujet dit hypodivergent, présentant une branche montante haute, un angle goniaque fermé, un plan d’occlusion horizontal et une courbe de Spee marquée avec un petit rayon inférieur à 70 mm [25].

Entre ces deux extrêmes, toutes les situations intermédiaires sont à appréhender.

Quelles que soient la classe et la typologie squelettique, le résultat clinique doit toujours allier esthétique et fonctions (fig. 14, et ).

L’exploitation des implants (fig. 15, et ) augmente la stabilisation de la prothèse mandibulaire, et facilite le montage des incisives mandibulaires pour réduire le surplomb « overjet » [26-27].

Cependant, selon le rapport de la Haute Autorité de santé de 2006, « les solutions implanto-portées ne peuvent pas être toujours envisagées pour des raisons médicales, biologiques, topographiques ou économiques » [28]. Ces difficultés ont été rapportées dans les travaux de Salinas en 2009 [29].

Montages des dents non cuspidées en prothèse amovible complète

Le montage proposé par Sears est différent des montages conventionnels [30-31] : il propose l’utilisation de dents sans cuspides (fig. 16), encore appelées non anatomiques ou planes. Originellement, ce montage est prévu pour s’adapter aux situations cliniques rendant difficile, voire impossible, le retour à une relation centrée fiable. Il convient particulièrement pour les cas suivants :

– des surfaces d’appui déficientes avec des muqueuses fragiles et des greffes de peau intrabuccales (fig. 17) ;

– des surfaces d’appui absentes (pertes de substance des maxillaires et de la mandibule) (fig. 18) ;

– une pente condylienne proche de zéro (guide incisif plat) ;

– une articulation temporo-mandibulaire inopérante (recherche d’un calage afin de stabiliser la mandibule, interruption de la mandibule) ;

– un trismus (espace prothétique réduit) (fig. 19) ;

– une hémi-mandibulectomie, dont les conséquences pour l’appareillage des patients entraînent souvent un décalage de la mandibule dans les trois plans de l’espace par rapport au maxillaire (fig. 20).

Le florilège de cas cliniques existant pour la prothèse maxillo-faciale justifie l’utilisation du concept mis au point par Sears. La notion de relation centrée pour ces situations cliniques n’existant pas, la recherche d’une situation de confort et d’une efficacité fonctionnelle constitue le but à atteindre. À cela s’ajoute l’objectif d’améliorer la stabilité des prothèses afin d’obtenir une protection tissulaire.

Trois raisons en prothèse maxillo-faciale rendent évidente l’utilisation de dents à la morphologie occlusale plane :

– la disparition ou la défection d’une surface ostéo-muqueuse maxillaire et/ou mandibulaire, qui oblige à envisager, en l’absence d’appui efficient, une conception mécanique qui soit stable, confortable, efficace et préservant les tissus résiduels ;

– l’occlusion à vide, qui doit être transmise, prioritairement, verticalement aux tissus de soutien résiduels. Malheureusement et fréquemment, si les surfaces d’appui postérieures sont défaillantes, la mastication s’exerce en propulsion et/ou latéralement. Dans ces circonstances, un plan d’occlusion plat permet de répartir uniformément la charge, protégeant les tissus déjà fragilisés, d’où la nécessité de contrôler régulièrement cette occlusion au risque de voir apparaître rapidement des lésions tissulaires. Dans ces conditions, l’occlusion intégralement équilibrée s’impose [32-35]. Mais en présence de pertes de substance importantes ou de défaillances physiologiques des articulations temporo-mandibulaires, le retour à une relation centrée fiable est illusoire. Une position mandibulaire à stabilisation essentiellement musculaire s’impose. La difficulté réside dans l’absence de reproductibilité du fait de l’instabilité de différentes positions mandibulaires possibles. Malgré cela, ce concept de référence musculaire procure une stabilité prothétique et une protection tissulaire acceptables, ce qui correspond tout à fait aux objectifs initialement fixés ;

– les contacts du côté travaillant. L’importance de la surface occlusale de ce côté nécessite la recherche d’un compromis entre une aire trop importante, avec le risque d’être traumatogène, ou trop réduite, ce qui diminue l’efficacité de la mastication.

Trois raisons justifient l’emploi de dents non cuspidées :

– minimiser les forces déflectrices horizontales, source de traumatismes ;

– faciliter l’équilibre en position excentrée ;

– présenter malgré tout des surfaces d’écrasement suffisantes.

Plusieurs aménagements sont possibles au niveau des dents prothétiques (fig. 21) :

– la largeur vestibulo-linguale doit permettre un contact avec les joues et la langue ;

– la surface occlusale doit être réduite par rapport à celle des dents naturelles ;

– la réduction doit préserver la moitié linguale des dents afin d’obtenir l’action stabilisatrice par centrage des pressions à l’intérieur des crêtes (polygone de stabilisation).

Il faut signaler qu’en plus de ces aménagements dentaires, dès le stade des empreintes, l’exploitation d’une empreinte piézographique (fig. 22), par modelage des surfaces polies, ne peut qu’améliorer la stabilisation de la future prothèse [3637-38].

Les unités occlusales incisives sont réglées de la même façon que les autres montages. Cependant, quatre caractéristiques les différencient :

– ces unités sont hors fonction durant l’occlusion centrée et les mouvements de diduction ;

– le guidage incisif est aussi plat que possible ;

– le surplomb horizontal est marqué (de 4 à 12 mm) pour faciliter la stabilisation des bases ;

– ces unités sont fonctionnelles uniquement durant les mouvements de propulsion de la mandibule.

Le montage de Sears (tableau I) présente l’avantage, par rapport aux montages traditionnels avec dents cuspidées, de conserver un centrage des forces masticatrices dans la zone de stabilité d’entrecroisement des crêtes, même lorsqu’il y a modification ou absence des structures osseuses sous-jacentes, ce qui est fréquent en prothèse maxillo-faciale. Cependant, une révision régulière des bases prothétiques est d’autant plus nécessaire que les surfaces d’appui sont défail­lantes. Certains auteurs choisissent une occlusion monoplan à défaut d’une occlusion bilatéralement équilibrée, lorsqu’elle est difficile à concevoir [29].

Situation courante en prothèse maxillo-faciale

Le cas clinique présenté ici est celui d’un patient irradié présentant des muqueuses fragiles, avec hémi-mandibulectomie droite et greffe de peau ainsi qu’une chirurgie d’exérèse du voile et du plancher de la bouche (fig. 23242526 à 27).

Conclusion

La connaissance des principes fondamentaux du montage des dents en prothèse amovible complète demeure indispensable aussi bien pour le chirurgien-dentiste que pour le prothésiste de laboratoire. Elle relève le plus souvent d’un protocole méthodologique bien codifié mais elle revêt une acuité particulière en ce qui concerne les montages atypiques. En effet, la collaboration entre les deux thérapeutes doit être d’autant plus étroite que la difficulté à surmonter est de prime abord déroutante et, donc, délicate à appréhender.

Les références dans ce domaine constituent des standards et servent de modèles mais elles ne peuvent en aucune manière être appliquées systématiquement quelle que soit la situation clinique. Dans ce registre, la conception et la fabrication assistées par ordinateur, qui sont un ensemble de techniques et d’outils permettant de simplifier et d’automatiser les réalisations répétitives des prothèses amovibles complètes, ne peuvent pas, pour le moment, rivaliser en précision avec les techniques traditionnelles.

Au quotidien, devant une situation clinique concrète, il convient de s’adapter pour répondre à une difficulté particulière. Les sollicitations esthétiques du patient, le respect de la physiologie pour l’accomplissement des fonctions comme la mastication, la déglutition et la phonation nécessitent de se conformer aux circonstances. Le standard au quotidien dans notre discipline est assujetti à des improvisations et à des compromis tributaires également des desiderata des patients.

Face aux « denturologues » et aux instances officielles qui tendent à banaliser l’activité prothétique, il faut savoir relever le défi. Ainsi, la spécificité de notre profession sera mise en valeur et reconnue au travers de l’aptitude du praticien à s’adapter à toutes les situations, des plus simples aux plus complexes, au service des patients.

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