Désertification médicale des campagnes et NGAP : les limites outrepassées - Clinic n° 04 du 01/04/2011
 

Clinic n° 04 du 01/04/2011

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

Les professions médicales ont un problème de démographie. La raison en est simple et connue de tous : depuis trente ans, les hauts fonctionnaires responsables de notre système de santé ont décidé de réduire le déficit de la Sécurité sociale en réduisant l’offre de soins. Cette politique, assumée par tous les incompétents qui nous ont gouvernés ou qui nous gouvernent depuis toutes ces années, confondant dépenses de santé et dépenses d’Assurance maladie,...


Les professions médicales ont un problème de démographie. La raison en est simple et connue de tous : depuis trente ans, les hauts fonctionnaires responsables de notre système de santé ont décidé de réduire le déficit de la Sécurité sociale en réduisant l’offre de soins. Cette politique, assumée par tous les incompétents qui nous ont gouvernés ou qui nous gouvernent depuis toutes ces années, confondant dépenses de santé et dépenses d’Assurance maladie, nous conduit dans le mur. En effet, en l’absence de politique dirigiste ou incitative visant à répartir le peu de praticiens disponibles en fonction des populations résidentes, de nombreuses régions de ce qui était notre beau pays se trouvent sous-médicalisées, voire plus médicalisées du tout. Nous sommes alors en droit de nous demander pourquoi les jeunes praticiens préfèrent s’installer dans des régions où il y a déjà pléthore et où leurs revenus seront dilués par le nombre des confrères, plutôt que dans des régions où leur clientèle est assurée dès leur installation.

En dehors d’une pseudo « qualité de vie » normalisée autour de grands centres surpeuplés mais proches de la mer et pas trop éloignés de la montagne, trois raisons essentielles se superposent pour arriver à cet état de fait.

Pour les médecins, la perspective d’une vie consacrée exclusivement au travail tout en étant en permanence débordés et agressés par des patients impatients, le tout ayant pour résultat de reverser cinquante-deux pour cent de leurs gains à un État vorace, ne les enchante guère.

Pour l’ensemble des professions médicales, leur féminisation massive entraîne une défiance compréhensible de ces dames à l’encontre de zones dans lesquelles l’école la plus proche est à une demi-heure de route et le collège à une heure. Sans parler des activités d’épanouissement de nos chers petits, souvent limitées et désuètes, et de l’Internet, préhistorique.

Pour ce qui concerne nos jeunes confrères, en revanche, l’abondance de patients et certaines méthodes d’organisation pourraient faire miroiter des chiffres d’affaires et des bénéfices exceptionnels. Cependant, la réalité comptable des cabinets dentaires rattrape alors la théorie : dans des régions sans industrie, sans tourisme, survivant uniquement d’une agriculture sinistrée et de retraités indigents, les patients de ces cabinets ne peuvent pas payer pour les soins hors nomenclature et les ententes directes imposées par l’article 4127-233 du code de la santé publique ([…] prodiguera à ses patients des soins conformes aux données acquises de la science […]). Le praticien, condamné à ne faire pratiquement que des soins remboursés, ne PEUT pas survivre financièrement. Personne ne peut travailler dans ces conditions. Le système de compensation inique imposé par la Sécurité sociale depuis des décennies atteint là ses limites les plus ignobles, quand des régions entières ne peuvent plus se faire soigner les dents…