Éviter les rendez-vous manqués ! - Clinic n° 04 du 01/04/2009
 

Clinic n° 04 du 01/04/2009

 

RÉPONSE D'EXPERT

Edmond BINHAS  

> Notre expertLe docteur Edmond Binhas, chirurgien-dentiste, est le fondateur du groupe Edmond Binhas, spécialisé dans l'organisation, la gestion et la communication des cabinets dentaires.

Les rendez-vous manqués ou décommandés au dernier moment sont la bête noire de tous les cabinets. Le bilan est parfois lourd lorsqu'on commence à les comptabiliser et à mesurer l'ampleur du phénomène. C'est une source de contrariété particulièrement frustrante. On s'énerve et on résiste difficilement à l'envie d'étrangler le patient « irresponsable et impoli » qui nous fait perdre de précieuses minutes, nous fait prendre du retard et complique la mise en oeuvre de son traitement. Que faire pour éviter les rendez-vous manqués ? Comment les gérer et, surtout, comment éviter les récidives ?

Quels sont le poids et l'impact des rendez-vous manqués ?

Dans les cabinets, le taux de rendez-vous manqués et d'annulation tourne autour de 5 %. En 20 ans, c'est l'équivalent d'une année entière de travail perdu. Au quotidien, c'est une source d'énervement permanent, surtout quand on entend parfois son assistante au téléphone dire à ces mêmes patients qui ont raté leur rendez-vous : « Ce n'est pas grave ! ». Cette attitude est totalement incohérente vis-à-vis de la productivité du cabinet, de l'équilibre de votre journée de travail et, en fin de compte, de votre sérénité. La question n'est pas ici de savoir comment « punir » ces patients pour avoir manqué leur rendez-vous mais, surtout, comment se prémunir contre les rendez-vous manqués. Comme toujours, le traitement préventif est meilleur que le traitement curatif.

Est-ce suffisant de marquer la mention « En cas d'empêchement, merci de nous prévenir 24 heures à l'avance » sur les cartons de rendez-vous ?

À mes yeux, la prévention des rendez-vous manqués commence beaucoup plus tôt dans la relation avec le patient, dès le premier appel téléphonique ou dès la salle de soins. Une fois le projet de traitement accepté par votre patient, insistez auprès de lui pour que le prochain rendez-vous soit fixé à un moment où il sera certain de venir. Soulignez l'importance du traitement préconisé et le possible retard que pourrait occasionner un rendez-vous manqué. Il s'agit pour vous (ou, mieux encore, pour votre assistante) de valoriser votre temps de travail . Ainsi, il n'existe pas de petits rendez-vous : « La prochaine fois ne sera qu'une petite séance de détartrage. » Cette formulation est totalement déconseillée car elle minimise l'importance de ce rendez-vous. En effet, elle éduque véritablement le patient à le rater. Au contraire, tout rendez-vous, même le plus court, doit être valorisé si vous souhaitez voir votre patient ce jour-là : « Cette séance sera importante pour finaliser votre traitement. »

L'assistante, quant à elle, doit ensuite compléter les informations données par le praticien. Ces explications doivent renforcer la valeur de votre temps de travail et augmenter la probabilité que le patient suive son traitement à l'heure prévue. Chaque rendez-vous manqué engendre des temps morts, moins de productivité et des frais incompressibles. Une politique d'annulation de 24 heures à l'avance n'enraye pas vraiment le problème des rendez-vous manqués. Instituez donc une politique d'annulation de 48 heures à l'avance. Si vous vous contentez d'inscrire une mention du type : « En cas d'annulation, merci de nous prévenir 24 heures à l'avance » sur vos cartons de rendez-vous, vous pouvez être certain que les résultats ne suivront pas.

Préférez le protocole suivant :

• privilégiez un carton de rendez-vous personnalisé plutôt que publicitaires qui ne met pas en valeur votre cabinet. Pensez que, glissé dans le portefeuille du patient, c'est la carte de visite du cabinet ;

• inscrivez l'heure sur le carton de rendez-vous ;

• ne le remettez pas tout de suite au patient ;

pointez sur ce carton le jour et l'heure de ce rendez-vous afin de vous assurer que le patient l'a lu ;

• rappelez-lui que pour assurer des soins de qualité, il est très important qu'il vienne à ce rendez-vous ;

• demandez-lui de prévenir le cabinet au moins 48 heures à l'avance si, pour une raison quelconque, il doit changer son rendez-vous. Sachez qu'il n'appellera pas 48 heures avant mais plutôt 24 heures. Si la mention est : « Prévenir 24 heures avant », il ne vous appellera qu'à l'heure même du rendez-vous !

En faisant cela, soulignez en rouge la mention « Prévenir 48 heures à l'avance ». Si vous en avez la possibilité, faites écrire le rendez-vous par le patient lui-même (mémoire visuelle et kinesthésique). Les patients ont maintenant entendu le chirurgien-dentiste et l'assistante qui ont tour à tour, chacun à sa façon, renforcé l'importance de respecter les rendez-vous donnés. Cela s'appelle « éduquer » vos patients et c'est cette éducation qui fera la différence.

Que faut-il penser de la méthode qui consiste à rappeler tous les patients la veille pour leur confirmer leur rendez-vous. N'est-ce pas racoleur ?

Effectivement, on voit cette tendance se développer dans les cabinets. À mes yeux, il ne faut pas confondre « service » et « esclavage ». Évidemment, cette démarche part d'une bonne intention de la part de l'assistante/secrétaire (ou de son praticien) et permet de réduire le nombre de rendez-vous manqués. Mais elle engendre un système pervers qui conduit à une déresponsabilisation du patient et à une situation où les rôles s'inversent. Je m'explique.

C'est tout d'abord un système très chronophage pour les assistantes/secrétaires, et ce d'autant que plus il y a de patients par jour, plus il faut passer d'appels. Ensuite, il faut pouvoir joindre les patients, ce qui n'est pas toujours facile malgré la multiplication des téléphones portables. Peut-on faire confiance au répondeur ? Les assistantes/secrétaires qui, je pense, ne me contrediront pas, se retrouvent dans une situation d'angoisse et de stress si elles n'ont pas pu joindre certains patients. Viendront-ils ou pas ? Le doute persiste... jusqu'à l'heure fatidique du rendez-vous. Pire encore, et j'en ai été témoin, elles s'entendent dire que le patient n'est pas venu parce qu'elles ne l'avaient pas appelé ! N'est-ce pas le monde à l'envers ? Et pourtant, nous sommes nous-mêmes responsables du problème, nous engendrons ce comportement par cette confirmation systématique dont le patient a pris l'habitude et qui le déresponsabilise complètement vis-à-vis de ses rendez-vous. L'équipe est prise en otage, on bascule dans l'esclavage, on subit.

C'est la raison pour laquelle, dans notre méthode, nous sommes globalement « contre » la confirmation des rendez-vous. Ou du moins, elle doit rester exceptionnelle pour rendre service à un patient ou si les délais de rendez-vous sont importants (plus d'un mois et demi), pour des rendez-vous de maintenance ou après la période de vacances estivale par exemple.

Ne projetez pas vos peurs car bien souvent il arrive ce que l'on croit. Donnez-vous simplement les moyens de convenir avec le patient d'un rendez-vous approprié où vous aurez su valoriser ce créneau, et votre patient sera ponctuel, sauf évidemment en cas de force majeure !

Malgré toutes ces informations, mon patient ne se présente pas à l'heure de son rendez-vous. Que dois-je faire ?

Si le patient n'est pas là à l'heure convenue de son rendez-vous, nous préconisons, dans la méthode qui est la nôtre, de lui téléphoner 10 minutes après l'heure prévue de son rendez-vous. Pourquoi 10 minutes ? Eh bien, plus vous attendez et plus vous subissez : vous attendez peut-être un patient qui ne viendra jamais ou qui se présentera le lendemain à la même heure par suite d'une erreur de rendez-vous. Et ce n'est plus un patient qu'il faudra gérer mais deux et, de surcroît, en direct ! Plus vous attendez et plus il vous sera difficile de rendre cohérent votre argumentaire de relance.

Aussi, il s'agit d'un rappel amical, orchestré par l'assistante/secrétaire, et la plupart du temps, le patient s'excuse platement quand on arrive à le contacter. De plus, il récidive plus rarement car il a été mis en face de son comportement. Vous aurez pris soin de souligner que sa conduite a posé un problème car le praticien a dû refuser des patients ce jour-là par exemple. La première fois, laissez une chance au distrait, vous pouvez lui proposer un autre rendez-vous assez proche.

En cas de récidive, il ne faut surtout pas lui proposer un rendez-vous rapide, mais le reporter à une date lointaine, en indiquant que c'est justement pour cela qu'il est important d'être ponctuel ou de prévenir assez tôt. Au fur et à mesure des rendez-vous manqués, éloignez les futurs rendez-vous. Le cas échéant, on peut rappeler au récalcitrant que certains cabinets font payer les rendez-vous manqués. Il est généralement efficace de prévenir le patient qu'en cas de rendez-vous manqués répétés, il peut, pour cette raison, se voir opposer un refus de prise de rendez-vous. Certains cabinets ne tolèrent pas plus d'un rendez-vous manqué, d'autres, plus nombreux, vont jusqu'à deux. En tout état de cause, il n'est pas acceptable de conserver dans votre clientèle un patient qui a raté, sans vous prévenir, deux ou trois rendez-vous. À vous de déterminer le nombre de rendez-vous ratés acceptables.

Quelles sont, en conclusion, les pistes de travail pour limiter les rendez-vous manqués ?

On peut énumérer 10 points essentiels.

1. Évitez de programmer plusieurs rendez-vous d'avance, bien souvent source de rendez-vous manqués.

2. Faites prendre conscience à vos patients de la valeur de votre temps.

3. Attention au vocabulaire utilisé lors de la prise de rendez-vous (pas de « petits » rendez-vous).

4. Formez votre secrétaire/assistante pour qu'elle n'ait pas une approche mécanique de l'agenda et qu'elle fasse preuve d'une autorité positive à l'égard des patients tout en restant à leur écoute.

5. Remettez toujours au patient un carton de rendez-vous (mémoire visuelle et kinesthésique) ou, par téléphone, veillez à reformuler en fin de conversation la date et l'heure du rendez-vous.

6. Insistez auprès des patients sur le fait qu'en cas d'empêchement, ils doivent vous prévenir au moins 48 heures à l'avance.

7. Informez le patient qu'un rendez-vous manqué allonge la durée du traitement et peut nuire à sa qualité, le respect de l'horaire étant une condition de la qualité des soins qui lui sont prodigués.

8. Créez une liste d'attente de rendez-vous susceptibles d'être rapprochés pour pallier efficacement les annulations tardives.

9. Établissez un nombre maximal de rendez-vous manqués, non excusés, tolérables pour le cabinet, seuil au-dessus duquel il est opportun de mettre un terme à la poursuite du traitement chez le patient.

10. Enfin, souvenez-vous qu'il est facile de remplir un cabinet avec des patients qui ne viennent pas.

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