Communauté ou séparation ? - Clinic n° 09 du 01/10/2010
 

Clinic n° 09 du 01/10/2010

 

FAMILLE

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

Union libre, PACS, contrat de mariage, EIRL… Autant de statuts qu’il faut connaître lorsque le professionnel indépendant commence sa carrière. Aide à la réflexion.

S’il est une considération sur laquelle les jeunes couples n’attendent pas de conseil, c’est celle qui relève du choix entre union libre (on n’aime pas concubinage) et liens conjugaux, fussent-ils réduits au statut PACS.

Notre propos consistera simplement à évoquer l’essentiel des caractéristiques des contrats de mariage, qu’il s’agisse de la communauté ou de la séparation pour les époux mariés, ou du PACS pour ceux qui ne veulent pas franchir le pas de la tradition.

Bien que le législateur ait instauré récemment un statut d’entrepreneur qui permet de mettre à l’abri des créanciers certains actifs patrimoniaux, dont la résidence principale, pour le jeune praticien libéral, le choix du contrat conjugal est déterminé par deux accidents fâcheux de la vie : le décès et le divorce. On comprend qu’à l’heure où on est déterminé à bâtir une famille, cette éventualité soit difficile à intégrer. D’autant qu’elle relèvera, pour l’essentiel, de considérations bassement matérielles, fiscales, patrimoniales et successorales.

L’union libre constitue souvent une situation d’attente et elle ne se formalise que par l’intitulé du bail ou de l’acte d’achat du logement. Deux compagnons, dans ce cas, ce seront deux déclarations de revenus individuelles et deux patrimoines distincts avec, le cas échéant, une SCI commune pour acquérir le logement et des assurances (décès, vie…) pour garantir la sécurité matérielle en cas de décès de l’un d’eux.

Le mariage, en revanche, instaure une tout autre situation et il sera bienvenu d’avoir réfléchi préalablement au contrat. Certes, on peut en changer à sa convenance, pour autant que les deux époux se soient accordés et qu’ils soient mariés depuis plus de 2 ans. Autant mener cette réflexion avant le mariage, tant par souci d’économie de frais ultérieurs que pour s’exonérer d’un débat interne au couple, pas toujours serein.

Il existe deux formes de contrat traditionnel : la communauté et la séparation.

Le régime de communauté dite réduite aux acquêts est celui qui s’applique lorsqu’aucun contrat de mariage n’a été conclu chez le notaire. Tous les actifs (les acquêts) constitués par les époux, dont le cabinet dentaire pour un chirurgien-dentiste, appartiennent pour moitié à chacun des époux. En revanche, tous les avoirs reçus par donation ou héritage, voire acquis avant le mariage, restent individuels. Ce sont les biens propres.

On comprend l’importance, dans ce cadre conjugal, de conserver la traçabilité de l’affectation des capitaux personnels. L’origine du financement de travaux dans l’appartement, l’achat de certains biens, un placement en assurance-vie doivent pouvoir être suivis au fil des ans et souvent des décennies. Ce régime de communauté instaure donc une indivision entre les époux.

À l’inverse, le régime de la séparation de biens permet d’individualiser le patrimoine de chacun des époux, ce qui n’exclut pas des investissements communs, comme dans la résidence principale ou dans certains biens immobiliers.

Que le régime soit de communauté ou de séparation, les époux, parce qu’ils sont mariés et vivent ensemble, sont solidaires de toutes les dettes fiscales et sociales. En revanche, en régime de séparation, les dettes autres que fiscales du foyer fiscal sont individuelles, ce qui explique la justification de ce régime dans un couple où l’un au moins est entrepreneur.

La communauté connaît un autre contrat, celui de la communauté universelle, permettant la transmission à bon compte fiscal de la totalité du patrimoine au seul conjoint survivant. Il n’a pas d’indication pour un jeune couple et en a moins que par le passé pour ses aînés. En revanche, le régime de participation aux acquêts, autre régime, est la combinaison du régime de séparation et du régime de communauté. Il associe les époux à leur enrichissement au moment du dénouement mais fonctionne comme un régime de séparation jusqu’à cette échéance. Il a son indication pour certains couples de libéraux.

Au-delà du symbole, le mariage permet d’assurer la sécurité matérielle des époux. Protection sociale (réversion de retraite, ayant droit…), protection financière (devenir matériel des époux) et successorale puisque le conjoint (quel que soit le type de contrat) est héritier au même titre que les enfants avec, en outre, une totale exonération de droits de succession.

Le PACS, quant à lui, se distingue désormais (depuis 2007) du mariage par le fait qu’à défaut de convention entre partenaires, il s’analyse comme un contrat de séparation. Cette spécificité a un effet sur l’affectation du patrimoine en cas de décès ou de rupture du PACS. Les droits sociaux et la fiscalité sont conformes à ceux des époux mariés.

Mon conseil

Matthieu GROSSELIN, gestion de patrimoine, cabinet EGA

Dans un ménage où l’un au moins des époux exerce une profession indépendante, la vraie alternative est union libre ou mariage. Et dans ce dernier cas, nous n’hésitons pas à préconiser un régime séparatiste. Le vrai souci pour un chirurgien-dentiste n’est pas la saisie de ses biens du fait de créanciers – le récent statut EIRL lui apporte peu – mais celui du divorce. Il est préférable d’avoir mis en amont le fusible contractuel et ensuite, au cours de la vie active, de procéder à des affectations de patrimoine au profit du conjoint pour tendre vers un équilibre – pas une égalité – qui satisfasse la conception qu’ont la plupart des époux du mariage.

Le droit permet de donner un titre de propriété immobilier à un conjoint qui n’a pas de ressources propres, en l’exprimant dans l’acte d’acquisition chez le notaire ou dans les statuts d’une SCI. Les donations entre époux sont encouragées par le fisc et peuvent s’opérer tous les 6 ans pour des montants significatifs sans frais (jusqu’à 80 000 €). En cas de décès, l’époux survivant est dorénavant bien traité puisqu’héritier, prioritaire sur les enfants, dans les options d’affectation des actifs à son profit.

En outre, l’assurance-vie constitue en permanence la variable d’ajustement par la désignation du bénéficiaire. Ce véhicule aura l’avantage de façonner une prévoyance que l’on peut aménager au fil des ans alors que, dorénavant, les donations entre époux ne sont plus révocables.

On l’aura compris, pas de conjoint dans une SELARL, sauf s’il est praticien en exercice.