La xérostomie : rôle du chirurgien-dentiste dans le dépistage et la prise en charge - Clinic n° 11 du 01/12/2010
 

Clinic n° 11 du 01/12/2010

 

PATHOLOGIE BUCCALE

Jean-Christophe FRICAIN  

Professeur des universités
Praticien hospitalier
Pôle odontologie et santé
buccale
CHU Bordeaux
Université Victor-Ségalen
Bordeaux 2
16-20, cours de la Marne
33082 Bordeaux cedex

Une hyposialie doit être recherchée quand un patient consulte pour xérostomie. Les trois causes principales de l’hyposialie sont : médicamenteuse (anticholinergiques et sympathomimétiques), irradiation cervico-faciale, immunitaire (syndrome de Gougerot-Sjogrën, hépatite virale). L’hyposialie peut être mise en évidence par un test au morceau de sucre. Le traitement de l’hyposialie repose sur les substituts salivaires et les sialogogues. Des produits d’hygiène bucco-dentaire spécifiques doivent être prescrits.

La xérostomie subjective ou objective est fréquente. Le chirurgien-dentiste devra être capable de différencier ces deux entités [1-2]. Il devra aussi déterminer l’étiologie de la xérostomie afin d’adapter la conduite à tenir.

Lorsqu’un patient consulte pour une xérostomie, le chirurgien-dentiste doit, dans un premier temps, rechercher une hyposialie et, dans un deuxième temps, déterminer la cause de celle-ci.

La mise en évidence de l’hyposialie repose sur l’interrogatoire et les examens clinique et paraclinique [345-6]. L’anamnèse cherche à mettre en évidence une sensation de sécheresse supérieure à 3 mois responsable d’une modification des attitudes de la vie courante. Les principales questions que l’on va poser au patient sont : êtes-vous obligé de boire fréquemment pour vous aider à avaler les aliments secs (biscottes, crackers) ? Emportez-vous avec vous de l’eau ou de la salive artificielle ? Êtes-vous obligé de vous humecter la bouche la nuit ? Est-ce que vos muqueuses sont collées, notamment au réveil ? Avez-vous une sensation de sécheresse buccale en mangeant ou en respirant ?

L’inspection de la cavité buccale pourra révéler une atrophie tissulaire particulièrement marquée au niveau de la langue qui prendra un aspect lobulé (fig. 1) dans les xérostomies chroniques sévères. Une chéilite exfoliative est aussi fréquemment observée, de même que la présence de perlèches du fait de la fragilité tissulaire liée à l’atrophie et à l’absence d’humidification du bord vermillon (fig. 1). Les caries dentaires seront assez nombreuses et préférentiellement localisées au collet des dents (fig. 2). Souvent, le miroir utilisé pour réaliser l’examen clinique colle aux tissus. La palpation des glandes sous-maxillaires et parotide ne permettra pas d’observer un jet salivaire à l’ostium du canal de Sténon ou Warthon.

L’hyposialie devra être confirmée par des examens complémentaires. La scintigraphie est un examen fonctionnel qui permet de mesurer le débit salivaire des glandes principales. Cependant, son coût limite son utilisation.

Des tests visant à mesurer le flux salivaire en faisant cracher le patient dans un récipient gradué ou en pesant des cotons placés dans la bouche sont parfois utilisés mais ils sont relativement lourds à mettre en œuvre en pratique courante. Nous utilisons systématiquement le test du sucre (fig. 3) qui consiste à placer un sucre n° 4 sous la langue et à regarder s’il a fondu au bout de 3 minutes [7]. La confrontation de l’ensemble de ces données permettra de poser le diagnostic de xérostomie liée ou non à une hyposialie.

Lorsque l’hyposialie n’a pas été objectivée, la xérostomie est le plus souvent liée à une respiration buccale. On peut alors proposer au patient de dormir avec un masque en papier et d’avoir un substitut salivaire à son chevet.

Lorsque l’hyposialie a été objectivée, le chirurgien-dentiste devra rechercher l’étiologie. Le plus souvent, il s’agira d’une cause médicamenteuse [8] (médicament anticholinergique ou sympathomimétique). En l’absence de cause médicamenteuse, il faudra rechercher une irradiation cervico-faciale [9]. En l’absence de ces deux facteurs, une étiologie dysimmunitaire devra être suspectée. Il faudra rechercher en priorité un syndrome de Gougerot-Sjögren ; cependant une hépatite virale C, une maladie du greffon contre l’hôte et une sarcoïdose peuvent être à l’origine d’une hyposialie [10]. Le patient pourra être adressé à un service hospitalier d’odontologie où seront prescrits les examens biologiques et où sera réalisée une biopsie des glandes salivaires accessoires. Il est important de poser le diagnostic de syndrome de Sjögren car sa découverte impose une surveillance régulière, notamment en raison du risque accru de lymphome. Enfin, en l’absence de toutes les causes précédemment citées, il faudra éliminer les causes plus rares d’hyposialie telles que le diabète.

Le traitement de l’hyposialie dépend en réalité peu de l’étiologie car il est souvent difficile d’arrêter les médicaments anticholinergiques ou sympathomimétiques ou de les remplacer par d’autres. Dans le cas de l’irradiation cervico-faciale, les nouvelles techniques d’irradiation volumétriques à modulation d’intensité diminuent la dosimétrie des glandes salivaires principales et limite la xérostomie [9]. Dans le syndrome de Sjögren, la destruction des glandes salivaires est irréversible.

En l’absence d’un véritable traitement préventif ou curatif, le traitement est essentiellement substitutif [6]. Il repose sur l’application de topiques (spray, gel) qui se substituent à la salive déficiente. Ces traitements peuvent être complétés par un sialagogue dont le plus efficace utilisable en France est le chlorhydrate de pilocarpine mais dont le coût et les effets secondaires limitent l’utilisation systématique au cabinet dentaire.

Enfin, le traitement de l’hyposialie doit prendre en compte les complications. La réalisation de gouttières porte-fluor doit être systématique pour éviter l’apparition des caries dentaires. Des soins d’hygiène avec des produits non agressifs pour les muqueuses sensibles doivent être préconisés.

Bibliographie

  • 1. Fricain JC. La xérostomie : des conséquences qui altèrent la qualité de vie des patients. Clinic 2010;31:544-545.
  • 2. Nederfors T. Xerostomia and hyposalivation. Adv Dent Res 2000;14:48-56.
  • 3. Eveson JW. Xerostomia Periodontol 2000 2008;48:85-91.
  • 4. Turner MD. Dry mouth and its effects on the oral health of elderly people. J Am Dent Assoc 2007;138(suppl.);15S-20S.
  • 5. Diaz-Arnold AM. The impact of saliva on patient care : a literature review. J Prosthet Dent 2002;88:337-343.
  • 6. Napenas JJ. Diagnosis and treatment of xerostomia (dry mouth). Odontology 2009;97:76-83.
  • 7. Vaillant L. Xérostomies. In : Dermatologie buccale. Paris : Doin, 1977:177-183.
  • 8. Scully C. Drug effects on salivary glands : dry mouth. Oral Diseases 2003;9:165-176.
  • 9. Chao KS, Deasy JO, Markman J, Haynie J, Perez CA, Purdy JA et al. A prospective study of salivary function sparing in patients with head and neck cancers receiving intensity-modulated or three dimentional radiation therapy : initial results. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001;49:907-916.
  • 10. Fox PC. Autoimmune diseases and Sjögren’s syndrome : an autoimmune exocrinopathy. Ann N Y Acad Sci 2007;1098:15-21.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. Le diagnostic positif de l’hyposialie repose sur :

a. Un test au morceau de sucre.

b. Un examen IRM des glandes salivaires.

c. Une sialographie.

d. Une tomodensitométrie.

2. Lorsque le diagnostic d’hyposialie a été posé, vous devez rechercher :

a. Une cause médicamenteuse.

b. Un syndrome de Gougerot-Sjögren.

c. Une irradiation secondaire à un cancer du sein.

d. Une irradiation cervico-faciale.

3. Le traitement de l’hyposialie repose sur :

a. Le traitement de la cause.

b. La prescription de sialogogues.

c. La prescription de substituts salivaires.

d. La prescription de produits d’hygiène bucco-dentaires spécifiques.

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