L’art du lancer - Clinic n° 01 du 01/01/2011
 

Clinic n° 01 du 01/01/2011

 

GÉRER

PASSIONS

Catherine FAYE  

Rigueur, exigence et concentration : trois principes que Maurice Morenas applique aussi bien à l’art de la dentisterie qu’au lancer de boules. À Clermont-Ferrand, ce professeur d’université et responsable de l’enseignement du CES (certificat d’enseignement supérieur) de biomatériaux dentaires de l’UFR d’odontologie est aussi un expert du sport-boules lyonnaises. Une discipline sportive de haut niveau qui requiert une action à la fois très physique et mentale. Rien à voir avec un moment de détente sous les platanes…

Qu’est-ce que le sport-boules ?

Il s’agit d’un lancer de précision en mouvement. Que l’on pointe ou que l’on tire,on se déplace sur le terrain. C’est très organisé et il faut une grande rigueur. La partie se déroule sur un terrain délimité de 27,50 m de long et de 2,5 à 4 m de large. Le principe du jeu est simple : chaque équipe doit envoyer un maximum de boules plus près du but que ne le sont celles de l’équipe adverse. Il y a aujourd’hui 65 000 licenciés de boule lyonnaise.Mais ce n’est pas encore une discipline olympique.

Rien à voir avec la pétanque ?

La pétanque procède de la stratégie de déstabilisation de l’adversaire par la parole, avec souvent une notion d’argent. Et puis, le jeu se pratique sur un terrain plus court : le joueur lance sa boule sans élan, les pieds joints, à partir d’un cercle tracé au sol.

Quand avez-vous commencé à jouer ?

Lorsque j’avais 10 ans,on jouait à la pétanque sur une place du quartier où habitaient mes parents. C’est à 14 ans que je suis passé aux choses sérieuses et j’ai eu ma première licence : première cotisation, premières compétitions…

Ce sport existe-t-il depuis longtemps ?

Il y a beaucoup de sports avec un objet rond. Mais le jeu de boules prend racine des millénaires avant l’ère chrétienne : en Grèce,en Italie, en Égypte et même en Chine. Il a été introduit en France par des marins phéniciens et a trouvé sa terre d’élection au XIXe siècle dans le Lyonnais.

Y joue-t-on exclusivement en France ?

Non. Par ailleurs, les Chinoises sont les meilleures en compétition mondiale et ce sport est enseigné dans deux universités chinoises. Ils ont certainement une meilleure préparation et une grande exigence au moment de la sélection des joueurs.

Que symbolise pour vous la sphère ?

Quelque chose de très difficile à maîtriser et qui oblige à réfléchir. Par exemple,en sport-boules,plus le terrain est régulier et plus c’est difficile.

Y a-t-il un geste spécifique pour jouer ?

Pour être dans le meilleur équilibre de lancer,on projette sa jambe d’appui du côté du bras lancé : il s’agit d’un mouvement qui va l’amble, comme en équitation. C’est un geste qui intéresse les éducateurs sportifs car il s’agit d’un geste de coordination avec latéralisation et notion d’équilibre.

Hormis la pratique, quelle est votre implication dans ce sport ?

Je suis président de la section du Stade Clermontois,l’un des clubsphares de la région. Après avoir quitté la fonction de doyen de la faculté, nous avons mis en place un module optionnel libre diplômant pour les étudiants en licence et en master des universités de Clermont-Ferrand. J’en suis toujours responsable pédagogique. Il y avait 65 heures par an d’enseignement sur le sport-boules lyonnaises, sanctionnées par un écrit. Nous avons aussi créé un centre local d’éducation et de formation pour les jeunes.

Quelles sont les qualités requises pour cette discipline ?

L’entraînement spécifique est digne de celui des coureurs de demi-fond. La capacité d’adaptation au terrain doit être optimale, avec une très bonne coordination. Ce sport demande beaucoup de technique,d’endurance et d’influx nerveux. Il y a beaucoup de stratégies et de tactiques. Alors qu’elle est réglementairement limitées, une partie peut durer plus de 3h, quand une partie de pétanque dure entre 30 et 40 minutes. Enfin, une compétition peut parfois commencer à 7 h du matin et se terminer à minuit.

Est-ce un sport typiquement masculin ?

Il a tendance à se féminiser avec 8 % de licences nationales féminines et environ 12 % en Auvergne. Il y a une jeune fille de 16 ans qui fait des performances exceptionnelles et qui pourra bientôt rivaliser avec les meilleures joueuses mondiales.

Quel sportif est un modèle pour vous ?

L’ancien skieur, triple champion olympique et coureur automobile, Jean-Claude Killy,qui est devenu par la suite membre du CIO (Comité international olympique). J’apprécie son côté savoyard, pondéré et sa vraie classe. Il s’est investi et a essayé de redonner au sport ce que le sport lui avait donné.

Est-il important de pratiquer un sport ?

Oui, car on se remet en cause en permanence. Même si on est excellent, on peut toujours vivre un échec et il arrive que les meilleurs perdent. C’est une manière de reprendre pied sur terre. La pratique d’un sport favorise l’échange et le respect entre les personnes.

Avez-vous un mentor ?

René Dubos,peut-être. J’ai découvert l’existence de cet agronome, biologiste et écologue français il y a une dizaine d’années. C’est peut-être l’un des premiers écologistes. Il est à l’origine de la création du Programme des Nations unies pour l’environnement. J’aime certaines de ses formules, comme : « Une société qui accepte la dictature des experts est une société malade. » Au fond, ce qui est important c’est de savoir analyser et de réfléchir.

Une devise ?

Une parole donnée est une parole donnée.

Pour plus de renseignements : www.ffsb.fr

Quelles répercussions au quotidien ?

J’essaie d’avoir le moins de retentissements possibles de mon investissement sportif et associatif sur ma pratique professionnelle. Je suis passionné par mon exercice, par l’enseignement universitaire et par la recherche. C’est entre autres pour cela que j’ai été obligé de lâcher la compétition. Il faut parfois faire des choix… mais cela me manque énormément car ce sport me permet de me vider la tête !